Dire, ne pas dire

Courrier des internautes

Arnaud V. (Saint-Martin Lalande)

Le 2 mars 2023

Courrier des internautes

Bonjour,

Pourquoi le nom Pyrénées est-il un féminin ?

Arnaud V. (Saint-Martin Lalande)

L’Académie répond :

Monsieur,

Dans les langues régionales voisines de cette chaîne de montagnes, le nom est un masculin : o Pireneu / os Perinés en aragonais, els Pirineus / el Pirineu en catalan, los Pirineos / el Pirineo en espagnol, et los Pirenèus en gascon. Toutes ces formes sont issues des syntagmes latins Pyraneus mons et Puranei montes, « la montagne (ou les monts) des Pyrénées » ou saltus Pyraneus, « le défilé, les gorges des Pyrénées » dans lesquels on trouve les noms masculins mons et saltus. Par la suite Pyraneus a été substantivé en gardant le genre du nom qu’il qualifiait, ce qui explique le genre masculin des formes citées plus haut.

En français, le nom féminin Pyrénées est une forme savante empruntée du grec et non dérivée du latin. Or, en grec, Purênaia était un neutre pluriel, mais dont la terminaison en -a était semblable à celle des féminins singuliers, ce qui explique que c’est une forme féminine qui s’est imposée en français. Cette chaîne de montagnes était, dans l’Antiquité, présentée comme un énorme tumulus, bâti par Héraclès pour servir de tombe à sa bien-aimée Pyrênê.

Caroline A. (Ars-sur-Moselle)

Le 2 mars 2023

Courrier des internautes

Bonjour,

L’expression « de la belle ouvrage » est-elle correcte ?

Caroline A. (Ars-sur-Moselle)

L’Académie répond :

Il s’agit d’un tour considéré jadis comme très familier, mais plutôt senti aujourd’hui comme un peu maniéré. En 1853, dans un livre intitulé Langage vicieux corrigé ou Liste alphabétique des fautes les plus ordinaires dans la prononciation, l’écriture et la construction des phrases, Bernard Jullien, qui fut un des plus précieux collaborateurs de Littré, écrivait : « Ce mot [ouvrage], qui était quelquefois du féminin du temps de Louis XIV, surtout en parlant des ouvrages des femmes, est toujours du masculin aujourd’hui. Ne dites donc pas une belle ouvrage, mais un bel ouvrage. » Vingt ans plus tard, Littré précise, dans son Dictionnaire de la langue française : « C’est une faute commise quelquefois dans le peuple, de faire ouvrage féminin. Vaugelas remarque que les femmes, en parlant de leur ouvrage, le faisaient toujours féminin : voilà une belle ouvrage. Il est resté féminin dans le patois normand, comme plusieurs substantifs en -age. »

Philippe D. (France)

Le 2 mars 2023

Courrier des internautes

Pourquoi écrire sylvestre, sylviculture avec un y, et non un i, comme dans le latin silva, « forêt » ?

Philippe D. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

Dans son Dictionnaire, en 1873, Littré mentionne que l’on écrit aussi silvestre ; c’est d’ailleurs sous cette forme que ce mot s’est rencontré pour la première fois dans notre langue, au xive siècle.

En latin, on a d’abord écrit silva pour désigner une forêt, un bois, un bosquet, mais la proximité de sens avec le grec hulê – qui signifiait d’abord, lui aussi, « forêt, bosquet », avant de désigner, par extension, le bois comme matériau, puis toute matière – explique que l’on a remplacé le i latin par un upsilon grec, transcrit par un y. La forme sylva a, à son tour, pris le sens de « matériau » et « matière », ce qui fait que, pour tous ces sens, on trouvait indistinctement silva et sylva. Si les formes en syl- se sont imposées, c’est parce que le y donnait un caractère savant aux mots qui le contenaient.

Vincent S. (Rambouillet)

Le 2 mars 2023

Courrier des internautes

Bonjour,

J’ai lu dans un recueil de contes de Noël, de G. Lenôtre, cette phrase : « Les invitations affluèrent : bals, chasses, dîners, il était de toutes les fêtes, les dames les plus hautaines prenaient son jour… » Pouvez-vous m’expliquer ce que signifie « Prendre le jour de quelqu’un » ?

Vincent S. (Rambouillet)

L’Académie répond :

Dans cette phrase, tirée de L’Aventure de monsieur Colleret, « prenaient son jour » signifie « prenaient rendez-vous avec lui à la date qu’il souhaitait ». On dit plutôt, ordinairement, « prendre jour » ou « prendre date ». Si G. Lenôtre, pseudonyme de l’académicien Théodore Gosselin, emploie « prenaient son jour », c’est pour signaler que ces dames, toutes hautaines qu’elles fussent, se pliaient aux desiderata de cet employé pour avoir un rendez-vous avec lui.

Claude S. (Sauvagnon)

Le 2 février 2023

Courrier des internautes

Pourquoi le mot Monsieur se prononce-t-il Meussieur ?

Claude S. (Sauvagnon)

L’Académie répond :

La prononciation actuelle de Monsieur tient au fait que ce mot s’emploie le plus souvent comme proclitique (c’est-à-dire comme un mot qui, s’appuyant sur le mot suivant avec lequel il forme une unité phonétique, est dépourvu d’accent tonique) devant un nom propre. Dès lors, au fil de l’évolution phonétique, la première syllabe s’est affaiblie en mou- ou mo- (Littré indiquait encore cette dernière prononciation) jusqu’à donner la prononciation actuelle en me-. Notons enfin que ce e disparaît même parfois, comme dans la forme enfantine ou populaire m’sieur.

Gregory R. (Pays-Bas)

Le 2 février 2023

Courrier des internautes

J’aimerais savoir si le personnage du Grinch tire son nom du français grincheux et j’aimerais connaître l’étymologie de cet adjectif.

Gregory R. (Pays-Bas)

L’Académie répond :

Monsieur,

Le Grinch, personnage créé par Theodor Seuss Geisel en 1957, tire bien son nom du français grincheux. D’ailleurs, How the Grinch stole Christmas ! a été traduit littéralement par Comment le Grinch a volé Noël ! mais aussi par Le Grincheux qui voulait gâcher Noël.

L’adjectif grincheux a remplacé une forme plus ancienne, grinceur, tirée de l’expression grincer des dents, que l’on emploie pour parler d’une colère provoquée par le dépit. Cette expression est ancienne puisqu’on la trouve déjà, au sens propre, pour évoquer le désespoir des damnés, dans l’Évangile de saint Mathieu, où l’enfer est présenté comme un lieu rempli de pleurs et de « grincements de dents ».

Jean-Loup B. (Rodez)

Le 2 février 2023

Courrier des internautes

Bonjour,

Je suis lycéen et j’aimerais savoir si la tique pique ou mord.

Merci

Jean-Loup B. (Rodez)

L’Académie répond :

La tique se nourrit du sang de son hôte grâce à un organe particulier qui s’enfonce dans la peau et que l’on nomme le rostre. Ce dernier est composé de deux appendices terminés par des crochets qui se déploient sous la peau et servent d’ancrage à la tique, mais aussi d’une gouttière semblable à un harpon et qui sert à aspirer le sang.

Ainsi, comme le moustique, la tique enfonce ses pièces buccales sous la peau et aspire le sang de son hôte. Il s’agit donc bien au sens strict d’une piqûre, étant donné que le processus ne met véritablement en jeu ni mâchoire ni dentition.

Néanmoins, dans la langue courante, il n’est pas rare de trouver le terme morsure pour parler des blessures infligées par des animaux qui, en réalité, piquent. On trouve dans le Dictionnaire de l’Académie française, à l’article Morsure, l’exemple morsure de puce alors que cet animal se nourrit avec un rostre de façon analogue à la tique.

En définitive, s’il n’est pas fautif, dans ce cas, d’employer le terme morsure, il est plus précis, d’un point de vue biologique, d’employer celui de piqûre.

Jennifer T. (Couchey)

Le 2 février 2023

Courrier des internautes

Pourquoi n’y a-t-il pas de tréma sur le i d’ébloui alors qu’il en a un dans inouï ?

Jennifer T. (Couchey)

L’Académie répond :

Madame,

Le tréma, comme l’accent circonflexe, permet dans certains cas de distinguer deux formes homonymes. Le tréma sert ainsi à faire le départ entre l’adverbe oui et le participe passé ouï. Pour des raisons de cohérence, ce tréma a ensuite été étendu à l’infinitif du verbe ouïr et à ses dérivés, comme inouï. Ce risque de confusion n’existait pas avec le participe passé ébloui, (comme avec d’autres participes passés, tels réjoui, épanoui, etc.).

Élise D. (Sourans)

Le 5 janvier 2023

Courrier des internautes

Je m’interroge sur la fonction du mot mamie dans la phrase Allons manger, mamie. Quelle est la différence avec Allons manger mamie ?

Élise D. (Sourans)

L’Académie répond :

Madame,

Il y a une très grande différence de sens entre ces deux phrases et la virgule que l’on trouve dans la première a un rôle que l’on pourrait qualifier de vital. Dans cette phrase, la virgule isole le mot mamie, qui est ainsi mis en apostrophe. Cette phrase signifie « Mamie, viens manger avec moi (ou avec nous). » Si on supprime la virgule, le mot mamie devient le complément d’objet direct du verbe manger et la phrase devient alors une invitation à manger cette infortunée grand-mère. Il convient donc de bien garder ce signe de ponctuation, dernier rempart contre la voracité des petits-enfants.

Marie-José B. (Paris)

Le 5 janvier 2023

Courrier des internautes

Pour parler de personnes d’une même famille, dont le nom comporte une particule, doit-on dire Les X ou Les de X ?

Marie-José B. (Paris)

L’Académie répond :

Madame,

Quand ce nom compte plusieurs syllabes orales, on ne garde pas la particule : les Vigny, les Chateaubriand, les La Fayette…

En revanche, quand le nom ne compte qu’une syllabe orale, l’emploi de la particule est quasi obligatoire : les de Flers, les de Gaulle et non les Flers, les Gaulle, et l’on observera la même règle pour les noms à particule élidée : les d’Orléans, les d’Holbach… Cet usage n’est pas toujours suivi (on peut trouver les Retz, les Sade, les Aumale…).

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