Dire, ne pas dire

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Je vous demande, tel que la loi vous y oblige …

Le 4 mai 2023

Emplois fautifs

La locution adjectivale tel que et les conjonctions de subordination comme ou ainsi que sont parfois synonymes et remplaçables l’une par l’autre. C’est le cas quand on souligne une égalité : « Il est comme/ ainsi que son père l’était au même âge ; il est tel que son père l’était au même âge ». Mais cette permutation n’est pas possible en l’absence de nom ou de pronom servant de référence à la comparaison. On dira donc : « Je vous demande de me dire, comme / ainsi que la loi vous y oblige, … » et non : « Je vous demande de me dire, tel que la loi vous y oblige … », qui s’entend et se lit pourtant de plus en plus.

« L’hernie » ou « La hernie » ?

Le 4 mai 2023

Emplois fautifs

Dans l’immense majorité des noms venant du latin et commençant par un h, ce h est muet : l’habitude, l’herbe, l’hirondelle, l’homme, l’humeur. Le plus souvent, ceux qui viennent du germanique ont un h aspiré : la hache, le hêtre, la hie, le homard, la hutte. Il est quelques exceptions, parmi lesquelles le nom hernie. En effet, bien qu’il soit emprunté du latin hernia, de même sens, son h initial est aspiré. Peut-être est-ce parce que, en ancien français, la forme de ce nom était hargne, un homonyme du nom désignant la disposition à chercher querelle qui vient, lui, du germanique harmjan, « insulter ». Mais, quelle que soit l’origine de cette aspiration, il convient de rappeler que l’on doit dire « la hernie » et non « l’hernie ».

on dit

on ne dit pas

Sa hernie avait été opérée avec succès

Il est urgent de réduire la hernie

Son hernie avait été opérée avec succès

Il est urgent de réduire l’hernie

« Une aparté » pour « Un aparté »

Le 4 mai 2023

Emplois fautifs

Il existe en français une trentaine de noms masculins terminés par -té, qui sont le plus souvent d’anciens participes passés substantivés. Dans cet ensemble hétéroclite, on trouve, entre autres, un député et un comité, un raté et un quinté, un été et un pâté, un côté et un épaulé-jeté. C’est peu au regard des quelque huit cents noms, également terminés par -té, qui sont féminins. Si les masculins les plus répandus ne posent pas de problème de genre, il en est pour lesquels l’usage hésite parfois et choisit, à tort, le féminin, par attraction du genre le plus nombreux. Parmi ceux-ci figure le nom aparté. Rappelons donc que ce mot est un masculin et que dire une aparté serait une faute grammaticale.

on dit

on ne dit pas

Les apartés sont fréquents dans le vaudeville

Il eut un bref aparté avec son collègue

Les apartés sont fréquentes dans le vaudeville

Il eut une brève aparté avec son collègue

« D.N.F. » pour « Abandon »

Le 4 mai 2023

Néologismes & anglicismes

Le monde du sport doit beaucoup à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, ce qui explique que, dans ce domaine, une grande partie du lexique est anglais. Le français leur emprunta certains termes (basket-ball, rugby, penalty, etc.), mais il en existait aussi beaucoup d’autres, appartenant souvent à des sports plus anciens, qui étaient français : course, saut, lancer, natation, escrime, aviron, cyclisme, etc. Rien ne justifie dans ce cas le remplacement de formes françaises bien en usage par des anglicismes. Cela arrive pourtant ; on commence ainsi à lire, dans des journaux français D.N.F., parfois développé en did not finish, quand « abandon » dirait la même chose. Il en va de même pour « forfait », auquel on ne substituera ni D.N.S. ni did not start, « a déclaré forfait » et, proprement, « n’a pas pris le départ ».

« Reporting » pour « Compte rendu, rapport »

Le 4 mai 2023

Néologismes & anglicismes

Le nom français rapport désigne, depuis le xiiie siècle, l’action de porter quelque chose à la connaissance d’autrui ou encore un récit, un témoignage, la relation d’un évènement. En ce sens, c’est un synonyme de compte rendu, apparu dans notre langue deux siècles plus tard. Il n’est pas nécessaire de remplacer ces mots par l’anglais de même signification reporting, dérivé du verbe to report, « raconter, faire un rapport, un compte rendu », lui-même emprunté, au Moyen Âge, du français reporter, qui signifiait alors « rapporter, raconter ».

Naturaliser, nationaliser

Le 4 mai 2023

Extensions de sens abusives

Le verbe naturaliser s’emploie lorsqu’on accorde à quelqu’un, par un acte de l’autorité compétente d’un État, la nationalité de cet État et la pleine jouissance des droits civils et politiques afférents. On veillera à ne pas confondre ce verbe avec nationaliser, qui signifie que l’on transfère à la collectivité nationale la propriété d’un bien, d’un moyen de production, d’un service. On évitera de même d’employer l’un pour l’autre les noms naturalisation et nationalisation.

on dit

on ne dit pas

L’aubain était un étranger non naturalisé vivant en France

La nationalisation des usines Renault en 1945

L’aubain était un étranger non nationalisé vivant en France

La naturalisation des usines Renault en 1945

« Obséder » pour « Obnubiler »

Le 4 mai 2023

Extensions de sens abusives

Les verbes obnubiler et obséder sont assez proches mais ils n’ont pas exactement le même sens : le premier signifie « envahir la pensée, obscurcir le jugement, occuper toutes les facultés mentales ». On dira ainsi : Cette idée obnubilait son esprit. Il est obnubilé, il a l’esprit obnubilé par ses chimères. Tandis que le second a pour sens « occuper l’esprit continûment ; tourmenter sans répit » et l’on dira : La pensée du suicide l’obsède. Être obsédé par le désir, la tentation, la crainte de faire quelque chose. L’étymologie peut nous aider à percevoir les nuances qu’il y a de l’un à l’autre : obnubiler est emprunté du latin obnubilare, « couvrir d’un nuage », tandis qu’obséder l’est de obsedere, « assiéger ». Ce dernier est plus violent puisqu’il porte en lui une idée d’enfermement tandis que le premier évoque plutôt un écran qui prive de discernement, de lucidité.

Foudres, barriques, muids, roquilles et autres contenants

Le 4 mai 2023

Bonheurs & surprises

Le système métrique, institué en France en 1795 par la Convention, est ordinairement présenté comme un des bienfaits de la Révolution. S’il est vrai que ce système, avec ses multiplicateurs empruntés du grec et ses diviseurs empruntés du latin, n’est pas sans avantage, on doit constater qu’il provoqua, sinon la disparition, à tout le moins l’effacement partiel de nombre de termes qui n’étaient pas dénués de poésie. Ainsi les mesures de liquide, aujourd’hui étalonnées à partir du litre, étaient jadis d’une étonnante variété. Le plus courant était sans doute le tonneau, l’hyperonyme de cette vaste famille. Il a lui-même quelques particularités : sa contenance n’était pas fixée et l’origine de son nom est sujet à débat. On s’accorde pour en faire un diminutif de tonne, tiré du latin tardif tonna ou tunna. D’aucuns rattachent ce tonna au vieil irlandais tonn, « peau » et supposent que ce premier sens a donné celui d’« outre », puis celui de « tonneau » par le sème du contenant. Mais d’autres songent, en raison du renflement de cet objet, à une racine tum-, « grossir, enfler », à l’origine de tumeur et tumescent, mais aussi du vieil islandais thumal-fingr, « pouce » et, proprement, « gros doigt ». Le plus gros de ces tonneaux est le foudre, qui emprunte son nom de l’allemand Fuder, qui désignait à la fois une voiture de charge et une mesure de liquide. Il contient de 5 000 à 30 000 litres, soit 200 barriques ; la barrique valant, selon les régions, de 136 à 400 litres. À côté de la barrique, on trouve le baril (ces deux noms sont parents, le premier est emprunté du gallo-roman barrica, le deuxième est issu de son dérivé latin barriculus). Avant d’être l’unité de référence pour le pétrole, le baril servait en effet à mesurer le vin et les grains. Mais sa capacité variait d’un pays à l’autre. À Raguse il valait 74,2 litres, 68,1 à Corfou, tandis qu’à Paris il en valait 235 ou, ce qui nous intéresse plus, car nous quittons le système décimal, 18 boisseaux.

Si, dans notre système, l’étalon est le litre, il semble que c’est le muid qui tenait jadis ce rôle. Étudier ses diviseurs et ses multiplicateurs ressortit à la lexicologie et à l’arithmétique. La pipe, qui tire son nom du latin pipa, « tuyau ; tonneau », avait la contenance d’un muid et demi. Dans les diviseurs de ce dernier venait d’abord le poinçon, dont on apprend dans les éditions anciennes de notre Dictionnaire qu’il s’agissait d’une « Sorte de tonneau servant à mettre du vin ou autres liqueurs, qui tient à peu près les deux tiers d’un muid ». Après le poinçon venait la feuillette, qui valait la moitié d’un muid. Le quartaut, comme son nom l’indique, équivalait à un quart de muid (soit la moitié d’une feuillette). On passait ensuite à des tonneaux de petite taille avec le setier, qui contenait un neuvième du quartaut.

Ce setier était à son tour divisé en demi-setier, qui valait deux poissons. En effet, quand ce nom ne désigne pas un vertébré aquatique, c’est, apprend-on dans la cinquième édition de notre Dictionnaire, une « sorte de petite mesure, contenant la moitié d’un demi-setier ». Nous arrivons maintenant au bout de la chaîne : chacun de ces poissons était l’équivalent de quatre roquilles, que la première édition du Dictionnaire de l’Académie française nous présente comme « la plus petite des mesures de vin ».

Aujourd’hui, nombre de ces termes sont évanescents. Le boisseau, lui, est encore en usage, mais, c’est plus à l’Évangile de saint Mathieu qu’il le doit (chapitre V, versets 14 et 15) – « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau » – qu’à son utilisation comme mesure de capacité.

Il n’y a pas de sot métier

Le 4 mai 2023

Bonheurs & surprises

Il n’y a pas de sot métier, dit le proverbe, avant d’ajouter : Il n’y a que de sottes gens. Tout cela est de bon sens, mais on constate aussi que nombre de métiers, surtout quand ceux qui les exerçaient étaient craints, ont été désignés par une grande variété de termes argotiques, comme si l’on avait voulu atténuer la peur que pouvaient inspirer ces personnes en les rendant plus familières. Parmi celles-ci figure le médecin, respectueusement appelé docteur, mais aussi, plus familièrement, diafoirus, le nom d’un des médecins dans Le Malade imaginaire, un nom auquel la terminaison en -us, empruntée du latin, semble offrir une garantie de sérieux, et qui est la combinaison du grec diaphoros, « remarquable », et du verbe argotique foirer, signifiant « avoir la colique » et « échouer lamentablement ». Pour désigner les médecins, on redonne aussi vie à des termes d’ancien français, parfois restés dans des langues régionales, comme mire qui se lit encore chez Verlaine, et on se souvient que Le Médecin malgré lui est inspiré d’un conte médiéval, Le Vilain mire. Il y a aussi mège, revivifié par Daudet. À l’italien, nous avons emprunté médicastre et, si la forme maladier se rencontre surtout comme un verbe signifiant « être malade », elle peut désigner, elle aussi, un mauvais médecin.

Le prêtre fut aussi l’objet de quolibets : corbeau, pour le noir de sa soutane, cet habit ayant aussi donné ensoutané ; calotin, qui vient de la calotte qu’il portait et qui s’est bien vite étendu à tous les hommes d’Église, puis aux séides du clergé. On a parlé aussi de ratichon, qui tire son nom de rat, et se trouve ainsi être un parent du rat de sacristie et du rat de bibliothèque.

On a longtemps opposé le prêtre à l’instituteur, et les élèves se sont toujours plu à trouver quelques surnoms à leurs enseignants. Le plus en usage désigne les surveillants, communément appelés pions, mot issu du latin pedo, « fantassin », puis « personne de peu d’importance », et attesté pour la première fois dans la correspondance du jeune Baudelaire. On nommait aussi le pédagogue gâcheux, proprement « celui qui gâche, qui travaille grossièrement », mot dont Littré nous dit qu’il désigne un maître subalterne dans une pension ou un instituteur de très bas étage. La Fontaine a, lui, popularisé barbacole, dans La Querelle des chiens et des chats et celle des chats et des souris – « Humains, il vous faudroit encore à soixante ans / Renvoyer chez les barbacoles » –, une forme tirée de Barbacola, le nom du maître d’école dans l’opéra de Lulli intitulé Le Carnaval (dont le livret était de Molière, Benserade et Quinault) ; Barbacola est tiré du latin barbam colere, « porter la barbe ». Autre terme venant d’un nom propre, pet-de-loup, emprunté de Petdeloup, un personnage de La Vie publique et privée de mossieu Réac, de Nadar. Les châtiments corporels que les enseignants infligeaient à leurs élèves expliquent leur autre surnom de fouette-cul. Pour ne pas trouver le terme trop fort, il n’est que de se souvenir que longtemps la pédagogie s’inspira de pratiques de l’Antiquité. De celles-ci témoigne saint Augustin dans Les Confessions : « Si j’étais paresseux quand je devais apprendre, on me battait, et nos aînés louaient cette façon de faire. » On rappellera aussi qu’à Sparte le paidonomos, le préposé à l’éducation des enfants, était assisté d’un mastigophoros, « un porte-fouet », et que la férule, dont les Latins rattachaient le nom au verbe ferire, « frapper », était fort en usage autrefois dans les écoles. Ne définissait-on pas cet objet, dans la première édition de notre Dictionnaire, comme une « petite palette de bois, avec laquelle on frappe sur la main des escoliers, lors qu’ils ont fait quelque legere faute » ? Avec le temps, ces pratiques s’estompèrent puisque, depuis 1835, le texte a connu un changement d’importance, en passant du présent à l’imparfait : « dont on se servait autrefois… lorsqu’ils avaient fait quelque faute ». Rappelons pour conclure que cet instrument fut si longtemps emblématique de l’état d’enseignant que Perrault écrivit, dans la préface du Parallèle des Anciens et des Modernes : « Ils devraient, ces auteurs, demeurer dans le grec, Et se contenter du respect De la gent qui porte férule. »