Dire, ne pas dire

Courrier des internautes

Marie-José G. (États-Unis)

Le 5 janvier 2023

Courrier des internautes

Pourriez-vous me dire comment prononcer le mot baïle, que l’on trouve dans Le Secret de maître Cornille, un des contes des Lettres de mon moulin ? Merci de me répondre car je suis en train d’enregistrer le volume pour une maison d’édition.

Marie-José G. (États-Unis)

L’Académie répond :

Madame,

Plusieurs prononciations sont acceptées pour ce nom qui désigne le chef des bergers ou un maître-valet dans les métairies du Midi de la France ; Littré, qui écrivait ce mot bayle, indique que l’on doit prononcer « bêl », mais Le Trésor de la langue française admet aussi la prononciation [bajl], qui fait entendre un yod ; c’est d’ailleurs ainsi que Fernandel, qui lui aussi a enregistré ces contes, prononce ce mot.

Sylvie A. Arboys

Le 5 janvier 2023

Courrier des internautes

Lisant, dans les Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe, Descente dans le Maelström, je trouve cette phrase : « L’explosion générale de cette magnificence terrifique était tout ce que je pouvais voir. » « Terrifique » n’est pas dans votre Dictionnaire. Pouvez-vous m’en donner la signification ?

Sylvie A. Arboys

L’Académie répond :

Madame,

Terrifique connaît aujourd’hui une nouvelle jeunesse, mais il fut longtemps éclipsé par terrifiant. Sa rareté fait que des dictionnaires d’usage, comme celui de l’Académie française, ne l’ont pas retenu. Le Trésor de la langue française le présente comme « vieilli ». Cet adjectif, qui apparaît au début du xvie siècle, a d’abord signifié « extraordinaire », puis « terrifiant » ; c’est un emprunt du latin terrificus, « effrayant, terrible ».

Annick G. (Saint-Cloud)

Le 1 décembre 2022

Courrier des internautes

Est-il correct de dire la commission d’un crime pour dire qu’un crime a été commis ? Est-ce un anglicisme ?

Annick G. (Saint-Cloud)

L’Académie répond :

Madame,

Ce sens de commission était tombé en désuétude depuis le xixe siècle, mais il s’emploie de nouveau. On lit dans des textes récents du ministère de la Justice et du Journal officiel commission d’un crime. On trouvait aussi, dans le Dictionnaire de Littré, « la commission d’une faute », et, dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, la locution « peché de commission », qui s’opposait à « peché d’obmission ». Cela étant, on dit également la perpétration d’un crime.

Henri R. (Paris)

Le 1 décembre 2022

Courrier des internautes

Bonjour,

J’ai lu dans un vieux roman l’expression être en dévole, mais je n’arrive pas à en trouver la signification. Pourriez-vous m’aider ?

Henri R. (Paris)

L’Académie répond :

Monsieur,

Être en dévole signifie « échouer dans quelque affaire » et l’on rencontre aussi, dans le même sens, faire la dévole. Cette expression vient de certains jeux de cartes : on l’emploie quand un joueur ne fait aucun pli dans une partie. Elle est l’antonyme de faire la vole que l’on emploie lorsqu’un joueur ramasse tous les plis. On lisait encore, dans la septième édition du Dictionnaire de l’Académie française, « Il pensait gagner, il a fait la dévole, il est en dévole ».

Pierre-Henri M. (Croatie)

Le 1 décembre 2022

Courrier des internautes

Mon professeur m’a compté une faute parce que j’ai écrit « je les ai entendu chanter » ; il m’a dit qu’il fallait écrire « je les ai entendus chanter ». A-t-il raison ?

Pierre-Henri M. (Croatie)

L’Académie répond :

Monsieur,

Sans plus d’éléments il ne nous est pas possible de vous répondre. Il faudrait que nous sachions ce que représente le pronom personnel les. En effet, quand un verbe de perception (voir, entendre, etc.) est conjugué aux temps composés avec l’auxiliaire avoir et suivi d’un verbe à l’infinitif, on ne fait l’accord avec le complément d’objet direct placé avant que si celui-ci se trouve être aussi l’agent du verbe à l’infinitif. On distinguera donc Ces ténors, je les ai entendus chanter (ce sont les ténors qui chantent, le pronom « les » est agent de l’infinitif, on fait donc l’accord) de Ces opéras, je les ai entendu chanter (ce ne sont pas les opéras qui chantent, le pronom « les » est complément d’objet de l’infinitif, on ne fait pas l’accord).

Benjamin G. (Toulouse)

Le 3 novembre 2022

Courrier des internautes

J’aimerais savoir, s’il vous plaît, si le mot dur peut également s’orthographier dûr, avec un accent circonflexe.

Bien cordialement.

Benjamin G. (Toulouse)

L’Académie répond :

Les seules formes correctes sont dur et dure. Cela étant, dans son Dictionnaire critique de la langue française (1787-1788), Jean-François Féraud écrit, au féminin, dûre, mais il est le seul à le faire. L’Académie française a toujours employé dur et dure. Cette forme féminine est conforme à l’étymologie puisque ce mot est issu de l’adjectif latin durus, dura, durum, et c’est la plus ancienne attestée dans la littérature : on trouve en effet, dans Le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes, au xiie siècle, le syntagme la terre dure.

Bernard L. (Suisse)

Le 3 novembre 2022

Courrier des internautes

J’ai lu dans une traduction des Odes d’Horace par le comte de Séguier ce passage : « Dans son temple neuf que requiert d’Apollon / Le poète ? Offrant du moût de sa patère / Qu’attend-il ? Ni l’insigne moisson / De la Sardaigne, inépuisable terre / Ni les fiers troupeaux en Calabre nourris / Grassement ; ni l’or de l’Inde ou son éburne. »

Pouvez-vous me dire ce que signifie le nom éburne, qui ne figure dans aucun des dictionnaires que j’ai consultés ?

Bernard L. (Suisse)

L’Académie répond :

Monsieur,

Éburne est un nom créé par Lamarck dans son Système des animaux sans vertèbres, que le Trésor de la langue française définit ainsi : « Genre de mollusques gastéropodes univalves, de coloration blanche avec taches rougeâtres, de la famille des Buccins ».

Mais ce n’est pas le sens qu’a ce mot dans la traduction de Séguier. On lit dans le texte latin non aurum aut ebur indicum, « ni l’or ou l’ivoire indiens ». Éburne ne désigne donc pas ici un gastéropode univalve, mais de l’ivoire. Il s’agit plus d’une adaptation de la forme latine (ebur) que d’une traduction. Cela étant, il existe des formes assez proches en français : les adjectifs éburné, « qui a une consistance et un aspect analogues à ceux de l’ivoire », et éburnéen, « qui a l’apparence de l’ivoire ».

Fulvio C. (Italie)

Le 3 novembre 2022

Courrier des internautes

Dans La Mort de Philippe II, Verlaine parle d’un « mire chauve ». Pouvez-vous me dire ce qu’est un « mire » ?

Fulvio C. (Italie)

L’Académie répond :

Monsieur,

Mire est un nom appartenant à l’ancien français et ce mot, issu du latin medicus, signifie « médecin ». On ne l’emploie plus guère aujourd’hui, comme c’est le cas dans le poème de Verlaine, qu’avec une volonté archaïsante. Un fabliau du xiiie siècle, Le Vilain mire, titre que l’on pourrait traduire par « Le Paysan médecin » a été la source de Molière pour Le Médecin malgré lui.

Heiko G. (Allemagne)

Le 3 novembre 2022

Courrier des internautes

J’ai rencontré le mot « édaphique » dans un texte, mais je ne l’ai pas trouvé dans votre Dictionnaire. Pourriez-vous me donner son sens, son origine et, s’il y en a, des mots de la même famille ?

Heiko G. (Allemagne)

L’Académie répond :

Monsieur,

Il existe de très nombreux mots parfaitement corrects qui ne figurent pas dans notre Dictionnaire, qui est un dictionnaire d’usage et non un dictionnaire encyclopédique. Édaphique est un adjectif signifiant « qui concerne les sols ». Ce mot est un terme assez rare, généralement remplacé par pédologique qui, lui, figure dans notre Dictionnaire (la pédologie est l’étude de la morphologie des sols, de leur formation et de leur évolution, en fonction de leurs caractéristiques physiques, chimiques et biologiques). Édaphique est un dérivé savant du grec edaphos, signifiant « sol, terre », qui a aussi servi à former le nom édaphosaure, petit dinosaure herbivore.

Ana G. (Marcq-en-Baroeul)

Le 6 octobre 2022

Courrier des internautes

Madame, Monsieur,

Nous sommes nombreux à utiliser l’adjectif aberrant comme équivalent de l’adjectif choquant et je me suis posé la question suivante : pourquoi pouvons-nous dire C’est aberrant, c’est choquant mais non Je suis aberré alors qu’on dit Je suis choqué ?

Ana G. (Marcq-en-Baroeul)

L’Académie répond :

Il existe deux raisons à cela. La première est que le verbe aberrer, attesté depuis le xvie siècle, a pratiquement disparu à partir du xixe siècle. De plus, contrairement à choquer, aberrer n’est pas transitif et ne peut donc pas s’employer en tournure passive.

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