Dire, ne pas dire

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Les questionnaires doivent être répondus

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le verbe répondre connaît quelques emplois transitifs directs. Le plus souvent c’est le texte de la réponse qui est le complément d’objet : Il a répondu : « Je ne veux pas ». Cette réponse peut être au style indirect et introduite par que : Il a répondu qu’il ne voulait pas. Il existe également quelques domaines spécialisés où le complément d’objet direct peut être un nom : on disait ainsi dans la langue de la justice répondre une requête et l’on dit encore, dans le langage religieux, répondre la messe. En dehors de ces cas, le complément de répondre est construit indirectement : on répond à une question, à un interrogatoire. On évitera donc absolument la forme passive : les questionnaires doivent être répondus, (et les formulaires doivent être renseignés) qui malheureusement commence à s’entendre et à se lire, et que l’on remplacera par on doit répondre aux questions ou les questionnaires doivent être remplis.

Perd-t-il ? Vend-t-il ?

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Dans les mots terminés par un d et qui se lient aux mots qui suivent, c’est-à-dire quand ceux-ci commencent par une voyelle ou un h muet, ce d se prononce « t ». On dit ainsi quan-t-il viendra ; un gran-t-homme ; c’est aussi le cas pour fond dans l’expression de fon-t-en comble. Ces mots étaient plus nombreux à l’époque de Littré qui, dans son Dictionnaire, écrit à l’article Brigand : « Le d ne se lie pas dans le parler ordinaire ; dans le parler soutenu on dit un brigan-t-armé ». On trouve les mêmes remarques aux articles Fécond (un fékon-t-écrivain) et Profond (un profon-t-archéologue). Si ces formes ne s’entendent plus guère, la prononciation en « t » de d final se maintient quand on a un verbe à la forme interrogative : Que vend-elle ? Que perd-il ? On rappellera donc que, puisque le d se prononce « t », il est interdit d’en rajouter un, comme on le voit hélas trop souvent sur les bandeaux déroulants de telle ou telle chaîne télévisée.

on écrit

on n’écrit pas

Que prend-elle ?

Qui attend-on ?

Que prend-t-elle ?

Qui attend-t-on ?

 

Une promenade en chiens de traîneau

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le développement des activités sportives et de loisir liées à la montagne ne doit pas se faire au détriment de la langue française ; or on trouve malheureusement de plus en plus d’annonces invitant à des promenades en chiens de traîneau. Il s’agit d’un raccourci hasardeux pour « des promenades en traîneau à chiens (de traîneau) », ces chiens de traîneau étant des chiens d’origine nordique, appartenant à plusieurs races et servant d’animaux de trait sur la neige et sur la glace. On évitera donc cette expression qui pourrait amener à croire que ceux qui font ces promenades les feraient juchés sur ces pauvres bêtes : on la remplacera par promenade en traîneau à chiens, expression qui suppose bien sûr que les chiens en question sont des chiens de traîneau.

Guest (le guest du mois)

Le 7 avril 2016

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe inviter est attesté en ancien français depuis le xive siècle et le nom qui en est tiré, invité, depuis le xviiie siècle. On considèrera donc que ce dernier est assez ancien pour qu’il n’y ait pas lieu de lui substituer la forme anglaise guest. Il serait donc préférable d’éviter des formes comme le guest du mois. Transformer un invité en guest ne le rendra pas plus prestigieux, de même qu’il est probable que, même avec l’antéposition de l’adjectif propre à la langue anglaise, un spécial guest ne sera pas plus brillant qu’un invité spécial.

Past président

Le 7 avril 2016

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Être président de quelque institution, de quelque association est sans doute une source de fierté ; être un ancien président ou le président sortant, ou encore l’ex-président, de cette même association, de cette même institution l’est sans doute aussi. Mais l’on peut légitimement se demander si remplacer l’un ou l’autre de ces adjectifs par l’anglais past ajoute à la gloire de ces présidents honoraires. Gageons que non et évitons le monstre franco-anglais past président en remplaçant past par un des adjectifs évoqués plus haut, d’autant plus qu’en anglais past président peut désigner un ancien président aujourd’hui décédé.

… Sauterie et penderie

Le 7 avril 2016

Expressions, Bonheurs & surprises

Attachons-nous maintenant à l’histoire de deux autres termes en -erie dont l’évolution n’est pas moins étonnante que celle de fumisterie : sauterie et penderie.

Sauterie désigne aujourd’hui une petite soirée où l’on danse sans façon. Après avoir défini ce nom, le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse l’illustre avec cet exemple : Surtout ne vous mettez pas en frais ; ce n’est pas un bal, mais une simple sauterie. Ces sauteries peuvent cependant n’être pas toujours innocentes. On lit ainsi dans L’Ami du clergé paroissial du 6 janvier 1898 : On a montré que la danse […] cause la perte d’un temps précieux, d’une somme d’argent parfois considérable dépensée en toilettes et frivolités, et d’une santé souvent compromise par ces mouvements violents et fiévreux, par ces agitations convulsives de toute une nuit de sauterie. Mais l’origine de ce mot est bien plus tragique : on le trouve d’abord dans les Histoires d’Agrippa d’Aubigné où il évoque des inventions de supplices que je n’avais jamais ouï, et surtout les sauteries de Mascon. Ces sauteries étaient en fait un massacre de protestants que l’on obligea à sauter dans la Saône où ils périrent noyés en masse.

Le nom Penderie a connu une évolution tout à fait semblable : le sens originel était cruel, puisqu’il désignait une exécution par pendaison. C’est encore dans les Histoires qu’on le lit d’abord : Ils furent pendus à un gibet construit par Montluc pour les autres premieres penderies. On le retrouve ensuite employé à plusieurs reprises sous la plume de Madame de Sévigné. Elle écrit ainsi, dans une lettre datée du 16 octobre 1675, au sujet de la répression des révoltes contre les impôts en Bretagne : M. de Chaulnes est à Rennes […] avec quatre mille hommes ; on croit qu’il y aura bien de la penderie. Puis on le lit de nouveau, dans une lettre du 27 novembre 1675 : Nous ne sommes plus si roués : un en huit jours, seulement pour entretenir la justice. Il est vrai que la penderie me paraît maintenant un rafraîchissement. C’est à l’époque le seul sens de ce terme, et c’est donc celui que donne la première édition du Dictionnaire de l’Académie française à l’article Penderie : « Execution de pendus. Il y eut une grande penderie. On dit, d’Un Juge qui aime à faire pendre, qu’Il aime la penderie. ». Le mot Penderie figurera en ce sens dans les deux éditions suivantes (1718 et 1742) puis il quittera notre Dictionnaire pour ne revenir que dans la 8e édition, en 1935, avec un sens bien différent et bien moins sanglant, celui de Cabinet où l’on suspend ses vêtements…

Dans la famille de penderie figure aussi le nom du bourreau chargé de l’exécution : pendeor, pendeur, pendart (ou pendard). On lit ainsi dans un texte du xive siècle : A un vendredy il fut condemné a estre pendu… mais pour ce que le pendart n’y estoit pas, il fut différé jusques au dimanche.

Par la suite le sens de pendard va évoluer ; à partir du xve siècle, il ne désigne plus le bourreau, mais celui qui est pendu ou, le plus souvent par exagération, celui qui mériterait de l’être. On notera avec amusement que le mot roué, qui figure aussi dans la lettre de Mme de Sévigné citée plus haut, a connu la même évolution : il a d’abord désigné celui qui subit le supplice de la roue, puis celui qui le mériterait au vu de ses coupables actions. Par affaiblissement, le roué devient une personne sans morale et sans principes, et enfin un être dénué de scrupules, prêt à toutes les ruses pour parvenir à ses fins.

Laissons pour conclure la parole à Voltaire qui joue avec une ironie un peu cruelle sur la polysémie du verbe pendre. On lit en effet dans les Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres en France depuis 1762 jusqu’à nos jours, encore dits Mémoires de Bachaumont, à la date du 30 mars 1778 (Voltaire, qui mourra deux mois plus tard, est alors âgé de quatre-vingt-trois ans) :

« L’autre jour Madame de la Villemenue, vieille coquette qui désire encore plaire, a voulu essayer ses charmes surannés sur le philosophe ; elle s’est présentée à lui dans tout son étalage et prenant occasion de quelque phrase galante qu’il lui disait et de quelques regards qu’il jetait en même temps sur sa gorge fort découverte : Comment, s’écria-t-elle, M. de Voltaire, est-ce que vous songeriez encore à ces petits coquins-là ? Petits coquins, reprit avec vivacité le malin vieillard, petits coquins, Madame ; ce sont bien de grands pendards ! »

 

Claude A. (France)

Le 7 avril 2016

Courrier des internautes

J’entends souvent dire : « j’ai un de ces mals de tête ».

Le mot « mals » étant précédé de « ces » me semblerait devoir être « maux ».

Ne devrait-on pas dire : « un de ces maux de tête. »

Claude A. (France)

L’Académie répond :

Dans la langue parlée, la formule un de ces joue le rôle d’un adjectif à un haut degré.

La valeur primitive de « de ces » est si bien affaiblie que le substantif reste au singulier malgré son environnement syntaxique. On écrira donc : « J’ai un de ces mal de tête ».

Avatar au sens d’Aventure

Le 3 mars 2016

Extensions de sens abusives

Le nom avatar est emprunté du sanscrit et désigne, au sens propre, chacune des incarnations successives du dieu Vichnou. Par extension, il désigne chacune des formes que peut prendre un être ou une chose : on pourra ainsi dire que telle institution, déjà plusieurs fois réformée, va connaître un nouvel avatar, ou qu’il y a eu de nombreux avatars dans la vie de cet homme politique. Mais on évitera de donner à ce nom le sens de péripétie, d’incident ou d’aventure, quand bien même il y aurait un fort effet d’allitération qui rapprocherait ce dernier nom d’avatar.

 

on dit

on ne dit pas

Malgré ces péripéties ils arrivèrent à bon port

Cette scandaleuse affaire connaît de nouveaux rebondissements, de nouveaux développements

Malgré ces avatars ils arrivèrent à bon port

Cette scandaleuse affaire connaît de nouveaux avatars

 

Habitat au sens de Logement

Le 3 mars 2016

Extensions de sens abusives

Le nom habitat peut désigner le territoire où vit telle ou telle espèce végétale ou animale : la montagne est l’habitat naturel du chamois et de l’edelweiss. Il désigne aussi un mode d’occupation de l’espace par des groupes humains (un habitat rural, urbain ; un habitat groupé, dispersé) et, enfin, l’ensemble des conditions d’habitation d’une population (une aide gouvernementale pour l’amélioration de l’habitat). Mais on ne doit en aucun cas lui donner un sens concret et en faire un synonyme de logement, d’habitation, de maison, etc.

on dit

on ne dit pas

Un appartement, un logement somptueux, délabré

Un habitat somptueux, délabré

Vivre dans une pauvre demeure

Vivre dans un pauvre habitat

 

Des Mois

Le 3 mars 2016

Expressions, Bonheurs & surprises

On lit dans la préface de la première édition du Dictionnaire de l’Académie française : « Il est vray qu’il y a quelques mots dans lesquels elle [l’Académie] n’a pas conservé certaines lettres Caractéristiques qui en marquent l’origine comme dans Fevrier qu’on escrivoit autrefois Febvrier pour marquer le rapport avec le latin Februarius. »

Les noms de nos mois sont en effet un héritage du latin et nous avons conservé dans ces noms des traces des aventures du calendrier romain. Ainsi, au regard de notre année, les noms septembre, octobre, novembre et décembre formés à partir des adjectifs numéraux latins septem, « sept », octo, « huit », novem, « neuf », et decem, « dix », sont peu cohérents puisqu’ils désignent nos neuvième, dixième, onzième et douzième mois.

Il ne s’agit pas d’une erreur étymologique mais d’une trace du caractère conservateur de la langue. Longtemps les Romains firent commencer l’année le premier mars, un nom issu du latin martius (mensis), qui avait été donné à ce mois en hommage au dieu Mars. Avril, qui suivait, a été un temps rapproché de aperire, « ouvrir », mais il semble que, comme mars, ce mois soit rattaché à un dieu, ou plutôt à une déesse : Aprilis (mensis) remonterait, par l’intermédiaire de l’étrusque Apru, au grec Aphrô, forme abrégée de Aphroditê, « Aphrodite ». Les deux premiers mois de l’année étaient donc consacrés, l’un au dieu de la guerre, l’autre à la déesse de l’amour. Mai est lui aussi lié à une déesse, puisque son nom latin, maius (mensis), signifie proprement « (le mois) de Maia », cette dernière étant la fille de Faunus, le protecteur des troupeaux et celui qui leur donnait la fécondité. Avec juin nous revenons au monde humain ; ce nom est en effet tiré de Junius (Brutus), le fondateur de la république romaine, qui fut également, en 509 avant Jésus Christ, un des deux premiers consuls.

Dans le calendrier romain le plus ancien venaient ensuite deux mois, désignés simplement par des adjectifs numéraux ordinaux : quintilis (mensis), « cinquième (mois) », et sextilis(mensis), « sixième (mois) ». Le premier a laissé peu de traces, mais le second, chassé du calendrier par la porte, devait y rentrer, avec ses descendants, par les fenêtres. On le retrouve d’abord sous la forme bisextilis (ou bisextus), proprement « deux fois sixième », terme employé pour nommer le jour qui, tous les quatre ans, redoublait le 24 février, c’est-à-dire le sixième jour (sextilis dies) avant les calendes de mars. Avec ce jour supplémentaire, on obtenait une année bissextile. Mais apparaît également, dans le calendrier révolutionnaire, un jour sextil : l’année révolutionnaire, comptait en effet douze mois de trente jours, plus cinq jours complémentaires, appelés les sans-culottides, qui étaient nécessaires pour que l’année en comptât 365. Tous les quatre ans, on ajoutait un sixième jour complémentaire, et avec ce jour sextil, l’année, qui comptait alors 366 jours, devenait une année sextile.

Juillet est issu du latin Julius (mensis), « (le mois de) Jules (César) ». En effet, après la mort et l’apothéose de ce dernier, qui avait réformé le calendrier romain, on donna son nom à l’ancien quintilis, qui était le mois de sa naissance. Le même phénomène se reproduisit pour août, qui est issu du latin Augustus (mensis), « (le mois d’) Auguste ». Suétone écrit à ce sujet (Auguste, 31) : « Il rétablit dans le calendrier l’ordre que le divin Jules y avait introduit. […] Il en profita pour attribuer son surnom Augustus [le majestueux] au mois de sextilis plutôt qu’à celui de septembre, où il était né, parce que c’était en sextilis qu’il avait obtenu son premier consulat et ses grandes victoires. »

La période correspondant aux mois de janvier et février n’a, pendant longtemps, pas eu de nom précis. On prête à Numa, le deuxième roi de Rome, la décision d’en faire deux mois distincts. Le premier, janvier, doit son nom au dieu romain Janus, un dieu à deux têtes, l’une regardant vers l’arrière et l’autre vers l’avant, le mois qui lui était consacré, januarius (mensis), marquant le passage d’une année à l’autre.

Quant à février, c’est de l’adjectif februus, « qui purifie, purificateur », qu’il tire son nom puisque ce mois était celui de grandes purifications, accompagnées de nombreux sacrifices, qui se faisaient avant la reprise des travaux agricoles et du commerce maritime et grâce auxquels on espérait s’attirer la faveur des dieux et ainsi aborder le printemps dans les meilleures conditions.

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