Le 4 mai 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le nom français rapport désigne, depuis le xiiie siècle, l’action de porter quelque chose à la connaissance d’autrui ou encore un récit, un témoignage, la relation d’un évènement. En ce sens, c’est un synonyme de compte rendu, apparu dans notre langue deux siècles plus tard. Il n’est pas nécessaire de remplacer ces mots par l’anglais de même signification reporting, dérivé du verbe to report, « raconter, faire un rapport, un compte rendu », lui-même emprunté, au Moyen Âge, du français reporter, qui signifiait alors « rapporter, raconter ».
Le 6 avril 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le mot lièvre désigne en général un animal de la famille des Léporidés, mais c’est aussi le nom que l’on donne à un coureur chargé d’imprimer un rythme élevé dans la première partie d’une course afin d’aider un autre athlète à réaliser une performance de haut niveau ou à battre un record. L’anglais dit pace maker (proprement « celui qui fait, qui donne le rythme, la vitesse ») ou, par abréviation, pacer pour désigner ce coureur. Les progrès techniques font que notre lièvre est parfois remplacé, aujourd’hui, par des lampes placées tout autour de la piste, le long de la lice, et qui s’allument et s’éteignent en fonction d’un rythme déterminé, demandé par le coureur. Nos amis d’outre-Manche et d’outre-Atlantique appellent ce système wave light, proprement « onde de lumière ». On lui préfèrera la forme « lièvre lumineux », qui commence d’ailleurs à s’installer dans l’usage.
Le 6 avril 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le nom nappage, dans son acception culinaire, fête cette année ses cinquante ans. C’est peu à l’échelle de la vie d’une langue, mais c’est suffisant pour bien s’installer dans l’usage. Glaçage a un siècle de plus. Ces noms sont formés, selon un procédé fort répandu et bien connu, à l’aide du suffixe -age et d’un verbe, napper dans un cas, glacer dans l’autre. Dans la langue de la cuisine, ces deux verbes signifient recouvrir : « recouvrir un mets d’une couche de sauce, de crème ou de tout autre accompagnement » pour le premier (napper une viande de sauce, de gelée ; un gâteau nappé de coulis), « recouvrir d’une couche lisse et brillante » pour le second (glacer des marrons, des massepains, des cerises). L’anglicisme topping, que l’on voudrait parfois voir remplacer nappage, glaçage, voire garniture, n’ajoute rien au sens de ces mots. Aussi le réservera-t-on pour la langue et la cuisine anglaises.
Le 2 mars 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
En 1521 paraissait à Rouen Le grant et vray art de pleine rhetorique utille, profitable et nécessaire à toutes gens qui désirent a bien elegantement parler et escrire, de Pierre Fabri. Cet auteur y condamnait les latinismes inutiles. Il y voyait un « vice d’innovation commis par les ignorans », qui « barbarisaient les termes latins ». Il expliquait combien il est ridicule de dire « Se ludez a la pille vous amitterez », une phrase formée à l’aide du latin ludere, « jouer », pilla, « balle » (ou, plus précisément, « esteuf »), et amittere, « perdre », quand on peut dire « Si vous jouez à la balle, vous perdrez ». Quelque cinq siècles plus tard, le texte de Fabri est toujours d’actualité, car ce qu’il écrit des latinismes de son temps peut s’appliquer aux anglicismes du nôtre. Si, en effet, on n’emploie plus luder pour « jouer », amitter pour « perdre », ni pille pour « balle », on doit constater aujourd’hui que « jeu » et « joueur » sont parfois remplacés par game et gamer, « perdant », par loser (quand ce n’est pas looser), et « balle », par ball. Et pourtant, comme l’écrivait notre auteur, « L’on doit toujours prendre les termes et les mots les plus communs que l’on puisse trouver et les mettre à leur signification à tous intelligible ».
Le 2 mars 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
L’expression les âges obscurs (ou les siècles obscurs) désigne une période de la Grèce antique, allant environ du xiie au viiie siècle av. J.-C., de la fin du monde mycénien aux temps archaïques, que l’on considère comme une période de fort déclin. On trouve un même type de jugement, porté sur le Moyen Âge cette fois, dans le Pantagruel de Rabelais, avec cette différence, toutefois, qu’obscur est remplacé par ténébreux : « Le temps etoit encores tenebreux et sentant l’infelicité et la calamité des Gothz, qui avoient mis à destruction toute bonne literature. » On le voit avec ces adjectifs, auxquels on pourrait ajouter sombre, le français n’est pas démuni pour qualifier ce qui est funeste, marqué par le malheur, la désolation, ou ce qui est inquiétant, menaçant. Aussi n’est-il pas nécessaire de les remplacer par l’anglais dark.
Le 2 février 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
À l’approche des fêtes de fin d’année, les jeunes enfants écrivent au père Noël pour lui communiquer la liste des cadeaux que leur bonne conduite devrait leur valoir. La pratique est ancienne puisque, en 1946 déjà, Raymond Vincy faisait chanter à Tino Rossi dans son fameux Petit Papa Noël : « Il me tarde tant que le jour se lève / Pour voir si tu m’as apporté / Tous les beaux joujoux que je vois en rêve / Et que je t’ai commandés. » Cette liste de cadeaux ou, à tout le moins, cette liste de souhaits, est bien installée dans l’usage ; aussi n’est-il pas nécessaire de la remplacer, comme cela commence à se faire dans quelques slogans publicitaires, par l’anglais wishlist. Sans doute faut-il y voir l’influence de formes moins récentes et déjà déconseillées dans cette rubrique, comme la check-list ou la to-do-list.
Le 2 février 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
On lit dans La Chanson de Roland, parue vers l’an 1100, les syntagmes fals jugement, « jugement injuste », et false lei, « fausse loi ». Ce sont les plus anciennes attestations de l’adjectif faux. En un peu plus de neuf cents ans, il a eu le temps de s’installer dans notre langue. Issu du latin falsus, de même sens, lui-même participe passé de fallere, « tromper, échapper, se tromper », c’est un parent, par l’intermédiaire du vieil allemand fallan, de l’anglais to fall, « tomber » et « se tromper ». Plus de neuf cents ans de bons et loyaux services devraient lui valoir reconnaissance et lui éviter de se voir préférer, comme cela commence à se faire, l’anglicisme fake, puisque, conformément à son étymologie, il peut renvoyer à ce qui est erroné mais aussi à ce qui est produit frauduleusement pour tromper (on parle de faux tableau, de faux papiers, etc.). Pour éviter cet anglicisme, on pourra aussi user de l’adjectif fallacieux, à l’instar de la Commission d’enrichissement de la langue française, qui a proposé de remplacer la locution fake news par le groupe nominal information fallacieuse ou par le mot-valise infox.
Le 5 janvier 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Avant d’être le nom d’un cabaret parisien, Crazy Horse (« Cheval fou ») fut la traduction en anglo-américain du nom du chef indien Tashunca Uitco, proprement « ses chevaux ont le feu sacré ». On emploie aujourd’hui l’adjectif crazy dans notre langue pour qualifier ce qui semble s’affranchir des normes habituelles, en particulier dans le domaine du commerce. Mais le français fou peut, lui aussi, qualifier ce que l’on ne peut ni contenir ni contrôler, ce qui semble n’obéir à aucune loi, ce qui est imprévisible. Aussi peut-on sans doute parler de lundi fou en lieu et place de « crazy monday » ou même, pour élargir le propos et rappeler un de nos grands dramaturges, de folle journée.
Le 5 janvier 2023
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
On aide les tout jeunes enfants à développer leurs capacités en motricité fine en leur proposant de coller sur différents supports des vignettes autocollantes ou des gommettes. Ces exercices plaisants sont d’une grande utilité, mais il n’est sans doute pas nécessaire de remplacer, dans les livres ou les cahiers qui sont destinés à ce jeune public, ces formes – gommette, vignette autocollante ou, simplement, autocollant – par l’anglais sticker, qui désigne le même type d’objet.
Le 1 décembre 2022
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le monde du sport emprunte souvent son vocabulaire à l’anglo-américain parce que nombre de sports sont nés, ont été nommés et codifiés outre-Manche ou outre-Atlantique. Mais pendant longtemps, beaucoup des termes relevant de ce domaine furent traduits en français parce que la réalité qu’ils désignaient avait déjà un équivalent dans notre langue. C’est par exemple le cas des noms départ et arrivée. Aussi ne peut-on que s’étonner et déplorer que, sur le parcours de diverses courses se déroulant dans Paris, les mots départ et arrivée soient parfois remplacés par start et finish !
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