Dire, ne pas dire

Néologismes & anglicismes

Ranking

Le 1 février 2018

Néologismes & anglicismes

Le nom anglais ranking, « classement », est dérivé, par l’intermédiaire du verbe to rank, « classer, ranger », du nom rank, « rang, ordre, classement ». Ce dernier est emprunté de l’ancien français ranc, « ligne de soldats », puis « place, position dans un ordre, un classement ». L’une et l’autre langue, on le voit, ont à leur disposition les termes qu’il faut pour rendre compte de cette idée de classement, de rang. On se demande donc bien quelle mouche a piqué nombre de journalistes sportifs francophones qui emploient constamment le mot ranking dans leurs commentaires ou leurs articles. Les termes place, position, classement, rang existent ; il serait dommage de ne pas les employer.

on dit

on ne dit pas

Elle est troisième au classement actuel

C’est sa meilleure place

Elle est troisième au ranking actuel

C’est son meilleur ranking

Last minute

Le 9 janvier 2018

Néologismes & anglicismes

Les anglicismes que nous nous efforçons de combattre ont d’ardents défenseurs. Ceux-ci invoquent souvent la modernité, sans jamais la définir, même succinctement, ni expliquer en quoi, alors que la langue est un héritage, substituer une forme inconnue à une autre déjà en usage est un avantage ou un progrès. Ces mêmes défenseurs font aussi état de la rapidité et de la concision qui seraient l’apanage de l’anglais. Est-ce pour cela que se répand la locution last minute ? On en fait une locution universelle, ce que les Anglais ont déjà fait, en lui prêtant des emplois qu’elle n’a pas dans leur langue : elle est ainsi un attribut dans je suis un peu last minute pour je suis un peu en retard, mais elle peut aussi être un groupe adverbial, comme dans il a réagi trop last minute pour il a réagi trop tardivement ou elle s’est manifestée last minute, tous exemples où last minute pourrait être remplacé par son équivalent français « à la dernière minute ».

 

on dit

on ne dit pas

Il est arrivé à la gare à la dernière minute, au dernier moment

Il est arrivé à la gare last minute

 

Publiciser

Le 9 janvier 2018

Néologismes & anglicismes

Le verbe publiciser est une forme étrange et fautive. Il s’agit d’un emprunt à l’anglais to publicize, mais on ne lui donne pas le sens qu’il a dans cette langue, « faire de la publicité pour quelque chose », et aussi « ébruiter », en particulier une mauvaise action. Dans notre langue, on le trouve en effet tantôt avec le sens de « rendre public une entreprise, un secteur économique », ce que le français peut exprimer avec des verbes comme étatiser ou nationaliser, tantôt avec le sens de « rendre public », mais c’est oublier que publier signifie, entre autres, « rendre public et notoire ; faire connaître officiellement », et qu’existent aussi des verbes comme divulguer, révéler, etc. dont les sens sont similaires.

 

on dit

on ne dit pas

Le gouvernement songe à nationaliser les banques

L’information a été rendue publique par ce journal

Le gouvernement songe à publiciser les banques

L’information a été publicisée par ce journal

 

Néologismes et anglicismes en 1855

Le 7 décembre 2017

Néologismes & anglicismes

De nombreuses personnes sont inquiètes et agacées par la prolifération des anglicismes dans notre langue. Cette prolifération n’est pas récente. En témoigne cet extrait de l’Épître à Boileau sur les mots nouveaux, un texte que l’académicien Jean-Pons-Guillaume Viennet lut en séance publique de l’Institut en 1855, et dans lequel il s’efforce de défendre notre langue tout en se louant de la concorde qui grandit entre la France et l’Angleterre.

« On n’entend que des mots à déchirer le fer,

Le railway, le tunnel, le ballast, le tender,

Express, trucks, wagons ; une bouche française

Semble broyer du verre ou mâcher de la braise. […]

Certes de nos voisins l’alliance m’enchante,

Mais leur langue, à vrai dire, est trop envahissante

Faut-il pour cimenter un merveilleux accord

Changer l’arène en turf et le plaisir en sport,

Demander à des clubs l’aimable causerie,

Flétrir du nom de grooms nos valets d’écurie

Traiter nos cavaliers de gentlemen-riders ;

Et de Racine un jour parodiant les vers,

Montrer, au lieu de Phèdre, une lionne inglèse,

Qui, dans un handicap ou dans un steeple-chase,

Suit de l’œil un wagon de sportsmen escorté,

Et fuyant sur le turf par le truck emporté ? »

Le bon workout

Le 2 novembre 2017

Néologismes & anglicismes

Les noms processus et procédé disparaissent peu à peu des magazines. Ils sont concurrencés par le nom anglais process ; il en est de même pour le mot guide, quand il désigne un ouvrage renfermant des conseils d’ordre pratique, puisque l’on commence à lui substituer l’anglais workout. On déconseillera cet usage parce que des formes françaises existent pour traduire ces notions et aussi parce que cela reviendrait à donner à ce nom un sens qu’il n’a pas en anglais. En effet workout, apparu dans le monde du sport à la fin du xixe siècle, ne signifie pas « manière de faire, guide pratique », ou « conseil », mais « entraînement ».

 

On dit

On ne dit pas

La bonne méthode, le bon conseil

Le bon workout

Trendy

Le 2 novembre 2017

Néologismes & anglicismes

Le nom anglais trend signifie « tendance, mode », et l’adjectif qui en est dérivé, trendy, « à la mode ». La langue française dispose des formes nécessaires pour rendre compte de ces notions. Certes, depuis Balzac et ses fashionables, il n’est pas rare que l’on emprunte à l’anglais une partie de son vocabulaire pour parler de mode, mais dans ce domaine, la langue française est assez bien pourvue et présente un riche vocabulaire. Aussi n’est-il peut-être pas utile de rivaliser de snobisme avec quelques-uns des héros balzaciens.

Docteur employé sans déterminant

Le 5 octobre 2017

Néologismes & anglicismes

Il y avait en latin et en grec ancien un cas appelé vocatif, que l’on employait quand on s’adressait à une personne. Il en reste quelques traces en français, comme la forme sire, mais aujourd’hui, pour s’adresser à quelqu’un, on met son nom en apostrophe. Pour les noms propres, cela ne change rien, mais les noms communs perdent dans ce cas leur déterminant, à l’exception de l’adjectif possessif de première personne, mon, ma, mes, employé comme marque de respect ou de tendresse : mon capitaine, mon Père, mes enfants, etc. En dehors de ces cas, le nom, particulièrement si c’est un titre ou un grade, doit être précédé de l’article. Si, en effet, on dit Professeur, exposez-nous votre point de vue, on doit aussi dire le professeur Dupont exposera son point de vue. Omettre cet article serait un anglicisme contraire aux usages et à la syntaxe du français.

 

Roof top

Le 5 octobre 2017

Néologismes & anglicismes

Le monde de l’agriculture et celui de la publicité sont bien différents, mais ils ont cependant en commun d’être liés au cycle des saisons. Avec les premières coupes de foin arrive la promotion des produits estivaux. Magazines et panneaux publicitaires nous invitent à nous équiper de roof top. Mais pourquoi ne pas parler de toit en terrasse ? Pourquoi, pour vanter ce produit, recourir à un idiome étranger ? Si au moins on avait emprunté ce nom à quelque langue méditerranéenne, à celle d’un pays qui connaît ce type de construction depuis de nombreux siècles, cette démarche aurait eu quelque apparence de bon sens ; mais hélas, on a choisi la langue d’un pays que l’on associe peu spontanément au soleil et dont un des plus illustres romanciers, évoquant les quarante jours et les quarante nuits de pluie du Déluge, disait que cela correspondait à un été normal chez lui.

 

On dit

On ne dit pas

Un toit en terrasse

Un roof top

Make up artist

Le 7 septembre 2017

Néologismes & anglicismes

De nombreux artistes parlent de leur pratique avec une grande modestie et certains d’entre eux vont parfois jusqu’à refuser ce titre d’artistes, préférant se faire appeler artisans. Est-ce pour cette raison et parce que, en quelque sorte, la nature a horreur du vide, que de plus en plus de revues et d’annonces publicitaires font de certains artisans des artistes ? Ce phénomène n’est pas rare dans le monde de la mode et dans tout ce qui touche aux soins du corps. Mais on constate aussi que ce changement de dénomination s’accompagne en outre d’un changement de langue : on a vu apparaître, depuis peu, des locutions comme make up artist, nail artist ou tatoo artist pour désigner des maquilleurs, des manucures ou des tatoueurs. Que toutes ces personnes puissent être des artistes est certain, et dans un film justement intitulé Le Tatoué, Denys de la Patellière prêtait une activité de tatoueur à Modigliani, mais il conviendrait de remplacer cette apposition, artist, par son équivalent français « artiste » ou par une locution comme « de talent » et il ne serait pas inutile de redonner à ces métiers leur nom français.

 

On dit

On ne dit pas

Un grand maquilleur

Une habile manucure

Un tatoueur de talent

Un make up artist

Une nail artist

Un tatoo artist

Too much

Le 7 septembre 2017

Néologismes & anglicismes

Nous avons déjà traité dans cette rubrique l’extension abusive qui consistait à donner à l’adverbe trop le sens de très. Il est évident que cette extension abusive n’est en rien légitimée si la forme française trop est remplacée par l’anglais too much. Ce dernier, comme son homologue français, est d’une grande imprécision. On le rencontre comme adverbe, c’est too much, ça commence à faire too much, ou comme adjectif invariable de sens obscur, elles sont too much. On évitera donc de remplacer une forme française incorrecte par une forme anglaise qui ne l’est pas moins et on s’efforcera de trouver à ces mots des équivalents plus précis.

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