Le 10 janvier 2019
Extensions de sens abusives
Il existe de nombreux termes désignant une atteinte à l’intégrité du corps ou à sa bonne santé se terminant par -ure, comme blessure, morsure ou meurtrissure ; la plupart d’entre eux sont issus de verbes du premier groupe ayant tous un lien sémantique avec différents types de lésions. Parmi les plus connus, on trouve cassure, fêlure, brûlure, contracture, déchirure, égratignure, écorchure, etc. À ces formes, on prendra bien soin de ne pas ajouter luxure, qui désigne la pratique et l’appétit effrénés des plaisirs charnels, un nom emprunté du latin luxuria, « exubérance, excès », qui n’a de lien ni avec le verbe luxer, ni avec le nom luxation qui en est dérivé et qui désigne le déplacement des extrémités osseuses d’une articulation.
On dit
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On ne dit pas
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Une luxation de l’épaule, de la hanche
Une luxation non réductible
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Une luxure de l’épaule, de la hanche
Une luxure non réductible
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Le 13 décembre 2018
Extensions de sens abusives
Il existe deux noms duel en français. L’un appartient à la langue courante et désigne un combat singulier, au sens propre ou au sens figuré, entre deux individus. L’autre ressortit à la grammaire et désigne une catégorie de nombre qui, dans certaines langues, s’oppose au singulier et au pluriel et traduit la dualité par des désinences nominales et verbales spécifiques. On trouve ce duel en grec ancien, en sanscrit, et sous forme résiduelle en latin (comme le pronom ambo, signifiant « les deux ensemble »). À ces deux noms, il convient de ne pas ajouter une troisième forme du mot duel, qui serait un adjectif signifiant « double, qui présente deux aspects différents, voire opposés, dont l’un est dissimulé ». Cette extension de sens s’explique sans doute par l’influence des noms dualisme et dualité, voire de l’adjectif utilisé en mathématiques dual, « qui est lié à un autre élément par une relation de correspondance réciproque », mais elle n’en reste pas moins abusive.
On dit
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On ne dit pas
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Méfiez-vous de lui, il a un caractère double, une personnalité ambivalente
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Méfiez-vous de lui, il a un caractère duel, une personnalité duelle
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Le 13 décembre 2018
Extensions de sens abusives
Nous avons signalé il y a quelque temps qu’il convenait de ne pas confondre les adjectifs somptueux et somptuaire. Il convient également de ne pas employer, par analogie avec ce couple, le néologisme fastuaire, créé à partir de fastueux. On se gardera donc bien d’user de l’expression dépenses fastuaires que l’on commence à lire ici ou là.
Le 8 novembre 2018
Extensions de sens abusives
L’adjectif fondamental a essentiellement deux sens : il qualifie ce qui sert de base, d’assise à un système, à une institution. On parle ainsi de lois fondamentales. Il qualifie aussi ce qui tient au fond, ce qui est essentiel. On parlera ainsi de la pièce fondamentale d’un procès, ou d’erreur fondamentale, qui fausse toutes les conséquences d’un raisonnement. Mais on doit bien se garder de faire de fondamental un équivalent, voire un superlatif, d’adjectifs comme grand, important, primordial…, car cela constituerait un dévoiement de sens. On dira donc une victoire importante et non une victoire fondamentale.
On dit
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On ne dit pas
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Révéler des détails importants
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Révéler des détails fondamentaux
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Le 8 novembre 2018
Extensions de sens abusives
L’adverbe typiquement signifie « d’une manière typique, spécifiquement » ; c’est un dérivé de typique, « qui présente les caractères les plus marquants d’un type ». Il convient de ne pas ajouter à ces sens celui d’exactement, comme cela commence à s’entendre dans une langue scientifique relâchée. Ainsi ne dira-t-on pas La valeur de x est petite, typiquement 0,0001, mais La valeur de x est petite, précisément 0,0001 ou exactement 0,0001.
Le 4 octobre 2018
Extensions de sens abusives
Le verbe montrer et la locution verbale faire voir sont synonymes. Montrer est d’ailleurs glosé par « faire voir, exposer aux regards » dans le Dictionnaire de l’Académie française. On peut très correctement employer l’un ou l’autre de ces tours, mais on ne doit pas les mêler pour en faire la locution faire montrer. Celle-ci n’est correcte que si elle signifie que l’on a demandé à un tiers de montrer quelque chose à quelqu’un (je lui ai fait montrer le document au notaire). Mais en dehors de ce cas, la forme faire montrer est une incorrection dont on doit bien se garder.
On dit
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On ne dit pas
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Il nous a montré sa collection de minéraux
Faites-nous voir cette archive
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Il nous a fait montrer sa collection de minéraux
Faites-nous montrer cette archive
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Le 4 octobre 2018
Extensions de sens abusives
Que est la conjonction de subordination la plus utilisée en français, loin devant comme, quand, lorsque ou puisque. On la trouve aussi dans l’immense majorité des locutions conjonctives comme pour que, tandis que, parce que, pour peu que, quelque que, etc. Ce n’est pas cette forme que qui donne leur sens à ces locutions, mais l’élément qui le précède. Il est donc important de ne pas omettre celui-ci. C’est pourtant malheureusement le cas dans certains systèmes d’opposition où les locutions alors que et tandis que sont réduites à un simple que. Il s’agit là de tours très relâchés qu’il convient de proscrire.
On dit
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On ne dit pas
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Elle aime les roses, alors que moi, je préfère les œillets.
Tous travaillent, tandis que lui, il joue
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Elle aime les roses, que moi, je préfère les œillets.
Tous travaillent, que lui, il joue
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Le 6 septembre 2018
Extensions de sens abusives
Le nom vernissage est polysémique. Il peut désigner le fait de vernir un objet ou de vernisser une céramique. Ce nom s’emploie aussi pour désigner la cérémonie privée, qui a généralement lieu la veille de l’ouverture officielle d’une exposition, et qui permettait au peintre de vernir ses toiles. Ce dernier sens, qui s’est d’abord rencontré dans la correspondance de Flaubert, semble être une francisation de l’anglais varnishing day, « le jour du vernissage », attesté depuis les années 1820. Il convient de réserver ce dernier sens aux arts plastiques et de ne pas l’étendre abusivement à d’autres activités artistiques, comme le lancement d’un disque, d’un livre ou la première d’un spectacle.
Le 5 juillet 2018
Extensions de sens abusives
La locution à nouveau signifie « pour la seconde fois et de façon différente », alors que de nouveau signifie simplement « derechef, une fois encore, une fois de plus ».
On dit
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On ne dit pas
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Ce travail est manqué, il faut le faire à nouveau
Il est de nouveau en retard, c’est la troisième fois cette semaine
J’espère qu’il n’est pas de nouveau malade
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Ce travail est manqué, il faut le faire de nouveau
Il est à nouveau en retard, c’est la troisième fois cette semaine
J’espère qu’il n’est pas à nouveau malade
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Le 5 juillet 2018
Extensions de sens abusives
Les adjectifs enfantin et infantile sont apparus l’un et l’autre à la charnière des douzième et treizième siècles. Le premier est dérivé d’enfant et le second est emprunté du latin tardif infantilis, « d’enfant, enfantin ». Longtemps les deux termes ont été synonymes, puis infantile est passé dans des registres spécialisés, en particulier celui de la médecine, où l’on parle de maladies infantiles, de mortalité infantile ou celui de la puériculture, où il est question de lait infantile. Enfantin, lui, appartient à une langue plus courante et qualifie ce qui appartient au monde de l’enfance, parfois avec une teinte de nostalgie, comme dans Moesta et Errabunda, où Baudelaire évoque le vert paradis des amours enfantines ; il s’emploie aussi pour qualifier, souvent avec exagération, ce qui n’offre guère de difficultés et qui est à la portée des enfants : Un problème d’une simplicité enfantine. En dehors des quelques cas où l’on peut employer l’un ou l’autre de ces adjectifs, comme dans un comportement enfantin ou un comportement infantile (où, notons-le infantile a plus qu’enfantin une valeur péjorative), il convient de choisir avec discernement l’adjectif adéquat.
On dit
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On ne dit pas
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Un visage enfantin
Un traumatisme infantile
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Un visage infantile
Un traumatisme enfantin
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