Dire, ne pas dire

Courrier des internautes

Gilles M. (France)

Le 3 avril 2014

Courrier des internautes

Je vous ai envoyé un message il y a deux semaines pour vous poser une question, mais je doute que vous l’ayez reçu.

Je me demande si les termes utilisés dans les émissions culinaires en vogue, sont corrects. Souvent, les présentateurs désignent les plats de cette façon : « ce plat est malin », « ce plat est graphique ». Est-ce correct ?

De même, on entend des expressions toutes faites, telles que : « je vais partir sur (une langouste grillée) » ou « je lance mes préparations ». Est-ce correct également ?

Gilles M. (France 7 février)

L’Académie répond

Il me semble que des expressions comme ce plat est malin, graphique relèvent d’une forme d’emphase un peu prétentieuse.

Partir sur peut s’employer au sens d’« Entreprendre quelque chose, se lancer dans une action, commencer à ».

On trouve aussi lancer au sens de « commencer ».

Pierre A. (Meyzieu)

Le 3 avril 2014

Courrier des internautes

Je me permets ce message pour solliciter l’avis de votre illustre assemblée sur les ravages de l’utilisation du mot « impact » dans les médias, donc dans les copies d’étudiants...

Que préconisez-vous à ce sujet ? Quel sens autorisez-vous ? « Impact de balle » à coup sûr. Mais une politique peut-elle « impacter » un territoire ? À mon humble avis, non. Fort de votre expertise, je pourrais peut-être enfin convaincre mes étudiants...

Pierre A. (Meyzieu, 19 février)

L’Académie répond

Voici ce que dit l’article « impact » dans la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française :

*IMPACT (c et t se font entendre) n. m. XIXe siècle. Emprunté du latin impactum, supin de impingere, « frapper contre ».  1. Choc d’un projectile contre un corps. Point d’impact, endroit où un projectile vient frapper. Le point d’impact d’une météorite. Par méton. Trace, trou qu’un projectile laisse à l’endroit qu’il a heurté. Des impacts de balles.  2. Fig. Effet violent, vive répercussion. L’impact du « J’accuse » d’Émile Zola sur l’opinion.   C’est par une extension abusive qu’on emploie Impact en parlant d’une influence diffuse ou générale.

Il faut donc éviter d’employer impact pour influence. Quant au verbe impacter, en dehors de son usage technique en chirurgie, c’est un pur barbarisme.

Vous pouvez donc à juste titre déconseiller l’emploi de ces mots à la mode à vos étudiants.

Pierre G. (Rennes)

Le 3 avril 2014

Courrier des internautes

Je cherche à savoir s’il est désuet et abusif de considérer l’expression « ceci dit » comme fautive (pour « cela dit ») ; et, partant, s’il convient encore de respecter la distinction suivante : « voici ce que j’ai à vous dire », « voilà ce que j’avais à vous dire » : pourriez-vous me le dire ? Je vous en saurais gré.

Pierre G. (Rennes, 30 janvier)

L’Académie répond

Ceci renvoie au dernier élément d’une série, énoncée précédemment, ou à ce qui suit : cela renvoie au premier élément, ou au plus éloigné, ou à ce qui précède : Ceci est l’ancien emplacement du village ; cela, sur la colline au loin, celui du fort. Si vous prétendez cela, je vous répondrai ceci : Vous commettez une grave erreur. Ceci dit est donc incorrect. On doit dire : Cela dit, comme : Cela étant, cela fait, cela étant admis, etc.

Ceci explique cela signifie que la dernière chose qui a été dite explique ce qui l’avait été auparavant.

On dira donc, effectivement, Voici ce que j’ai à vous dire et Voilà ce que j’avais à vous dire.

Axel B. (Lyon)

Le 6 mars 2014

Courrier des internautes

L’article « Pleuvioter, pleuviner, pleuvasser » du sept novembre deux-mille-treize cite Jean Rouaud, pour qui la pluie est « la moitié fidèle d’une vie ». Cette formule si concise et si pertinente m’a donné l’envie de lire Des hommes illustres, puisque selon l’Académie, c’est de cet ouvrage que proviennent ces mots.

Après quatre-cents pages, certes fascinantes, j’ai dû me rendre à l’évidence : le narrateur ne fait jamais allusion aux pluies fréquentes en Loire-Inférieure, son département natal.

Quelques secondes sur un moteur de recherche et l’explication apparaît : il s’agit en réalité d’un extrait des Champs d’honneur, un autre texte de Jean Rouaud ! Merci pour la découverte d’une plume qui m’était inconnue et dont j’ai pu terminer deux livres ; mais mieux vaudrait tout de même corriger cette erreur dans l’article concerné.

Axel B. (Lyon, 12 février)

L’Académie répond

Je vous prie d’accepter mes excuses pour cette erreur. J’ai lu avec beaucoup de plaisir ces deux romans il y a une vingtaine d’années. Je me souvenais assez vaguement de jolis passages sur la pluie et plutôt que de les reprendre, j’ai fait confiance ma mémoire trompeuse.

J’ai quand même l’impression d’avoir fait œuvre utile puisque je vous ai donné envie de lire ces livres.

J’ai pris aussi énormément de plaisir à lire un court ouvrage de ce même auteur, qui traitait de la littérature française. C’était, me semble-t-il, La Désincarnation.

Une fois encore, merci beaucoup de nous avoir signalé cette erreur.

Damien H. (France)

Le 6 mars 2014

Courrier des internautes

Désolé de vous déranger mais j’aurais une question :

Peut-on utiliser un mot anglais pour désigner quelque chose, alors que le mot existe dans le dictionnaire français mais que la définition est différente ?

Exemple : le mot « phase » en anglais peut désigner une apparence, peut-on utiliser ce mot pour designer l’apparence d’un animal (par exemple) qui ne serait pas celle d’un animal classique (albinos ou autre) alors que le mot « phase » désigne tout autre chose en français ?

Damien H. (France, 13 février)

L’Académie répond

Il ne faut absolument pas le faire. On ne peut dans un même texte, mêler des mots de même forme, mais appartenant à des langues différentes.

On évitera par exemple de confondre Cane nero, « chien noir » en italien et « chante Néron », en latin ou I vitelli dei romani sono belli, « Les veaux des Romains sont beaux » en italien ou « Va, ô Vitellius, au son de la guerre du dieu romain ».

H. (France)

Le 6 mars 2014

Courrier des internautes

L’autre jour j’étais en cours de français et lorsque nous parlions de la notion d’anachronisme, par rapport à un texte, j’ai remarqué, dans le même texte, une sorte d’anachronisme mais de façon géographique. C’est-à-dire un objet qui ne devait pas être dans ce pays, cet endroit-là. Ensuite j’ai demandé à mon professeur si un mot existait pour exprimer une telle notion.

Il m’a dit qu’il n’en connaissait pas. J’ai fait plusieurs recherches pour un tel mot, mais j’en ai pas trouvé. Est-ce qu’il y a un terme pour exprimer le fait qu’il y a un objet dans un endroit où il ne devrait pas être (de la même façon qu’un anachronisme) ? Sinon je propose : anakinéisme avec ana comme préfixe, « à travers », comme radical « κινέω », le verbe « se déplacer », puis -isme comme suffixe. Merci de bien me répondre.

H. (France, 11 février)

L’Académie répond

Votre proposition est intéressante, mais il me semble que dans la mesure où khronos s’oppose plutôt à topos, « le lieu », on parlerait d’anatopisme. La forme anatopism existe d’ailleurs en anglais. On aurait ainsi le même parallèle qu’avec les formes utopie et uchronie.

Jean B. (France)

Le 6 mars 2014

Courrier des internautes

Je suis effaré d’entendre des journalistes se louper complètement dans l’utilisation basique des temps de la langue française. Ont-ils le droit de dire des phrases telles que « En 1842, il mangera sa première soupe », sachant que la date citée est passée, mais que le futur est utilisé pour le verbe.

Si la réponse est positive, pensez-vous que la peine de mort soit avisée pour un tel méfait ?

Jean B. (France, 18 février)

L’Académie répond

À côté des valeurs temporelles du futur, il existe des emplois dits stylistiques dans lesquels le futur n’est plus employé pour dire l’avenir mais pour atténuer l’expression d’un ordre (Vous préparerez immédiatement le dossier), pour marquer l’impatience, la reprise, etc. dans des phrases exclamatives (comprendras-tu enfin !), ou bien encore, dans un récit historique, au présent comme au passé, pour mettre en valeur un évènement. En soi, ce procédé stylistique est tout à fait correct ; lorsqu’il devient tic de langage, il peut en effet agacer.

T.B. (France)

Le 6 mars 2014

Courrier des internautes

Je vous écris car je ne comprends absolument pas votre position sur l’utilisation de « le » ou « ce midi ». En effet vous faites un parallèle avec le matin, ce qui est absurde ! Le parallèle devrait se faire avec « minuit » qui est utilisé exactement de la même façon, et pour lequel « ce » ou « le »

ne serait jamais utilisé ! Je ne vois donc aucun élément convaincant et ne comprends toujours pas cette utilisation...

T.B. (France, 11 février)

L’Académie répond

Le mot midi est polysémique. Il désigne un point précis dans le temps, marqué par le douzième coup de l’horloge, mais aussi une durée, située autour de ce point, de manière plus ou moins large.

Quand on parle de pause de midi, de repas de midi, on évoque la durée et non le point dans le temps.

J’ajoute que le minuit, ce minuit se trouve chez de grands écrivains comme Valéry, Mallarmé ou Morand.

Antoine P. (France)

Le 6 février 2014

Courrier des internautes

Je voudrais des renseignements sur la signification de l’expression « mon binôme ». Le binôme est normalement un « polynôme » d’ordre deux, c’est-à-dire un ensemble de deux éléments.

De plus en plus souvent, j’entends dire « mon binôme » dans le sens de « l’autre personne faisant partie de mon binôme ». Je trouvais cette expression assez agaçante puisqu’elle ne correspondait pas au sens étymologique du terme binôme, mais je pensais qu’elle était acceptée par extension de sens.

Cependant, je ne trouve aucune référence à cette expression employée dans ce sens dans aucun dictionnaire ; est-elle tout de même justifiée ?

Antoine P. (France, 18 novembre)

L’Académie répond

Binôme se rencontre en ce sens. Il vient de l’argot des grandes écoles. On lit dans Le Langage de l’École polytechnique, de Marcel Cohen : « Lorsque deux camarades travaillent régulièrement l’un près de l’autre, comme il est d’usage à l’École, chacun d’eux est dit le binôme de l’autre. »

Camille A. (Amiens)

Le 6 février 2014

Courrier des internautes

Étudiantes à Amiens, ma colocataire et moi avons rencontré un désaccord par rapport au terme « miroir à raser » que notre enseignant d’optique à employé. En effet, ma colocataire et l’enseignant ont utilisé ce terme pour définir « le miroir utilisé lors d’une action : le rasage ». Néanmoins le terme est-il correct ? Car en effet le miroir n’est pas utilisé pour le rasage en lui-même (comme rasoir) mais il n’est qu’accessoire. Pour moi, cette dénomination n’est donc pas correcte car il n’existe pas de spécificité à chaque miroir, le fait d’en utiliser un pour se coiffer ou se raser n’en fait pas un « miroir à coiffer » ou un « miroir à raser ». On ne peut attribuer l’action au miroir, c’est donc le « à » qui ne me convient pas.

Quel est votre avis ? Peut-on employer cette expression ?

Camille A. (Amiens, 12 novembre)

L’Académie répond

Le complément de détermination, en français, peut correspondre à plusieurs structures et, par là, à plusieurs sens. Ainsi, la corde à sécher le linge n’est pas une corde qui sèche le linge, mais sur laquelle on fait sécher le linge ; cela tient à la polysémie de la préposition à (ce qui est vrai aussi pour de).

Une jupe de laine est faite en laine, un accident de la route se produit sur la route (et ce n’est pas la route qui est accidentée), un baiser de Russie est envoyé depuis la Russie et n’est pas un baiser à la russe, etc.

En soi, donc, grammaticalement rien n’empêche de comprendre « à raser » comme un complément de détermination à valeur de destination : « un miroir destiné au rasage ». Cependant, il faut admettre que, dans l’usage, les compléments de détermination concernant le mot miroir décrivent davantage son format que sa destination (miroir en pied, miroir de poche, miroir à trois faces) et que, sur le modèle de miroir de toilette, il serait peut-être plus conforme de dire miroir de rasage.

En espérant contribuer à la réconciliation.

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