Est-il vrai que le dîner a d’abord été un repas du matin ?
Paul C. (Belgique)
L’Académie répond :
La nature, l’horaire des repas et les noms qui les désignent ont varié selon les époques et les régions. On peut distinguer un usage moderne courant et un usage considéré comme vieilli et régional. Le facteur essentiel de cette évolution semble avoir été le décalage progressif de l’heure du dîner, lié au changement des modes de vie urbains.
Anciennement, le déjeuner était le repas léger que l’on prenait de bon matin, au lever, et qui mettait fin au jeûne nocturne. Le dîner, repas consistant, se prenait ordinairement vers 10 heures du matin au xvie siècle. En témoigne ce dicton que l’on prête à Henri IV : « Lever à six, dîner à dix, / Souper à six, coucher à dix / Font vivre l’homme dix fois dix. »
Au xviie siècle, on dîne généralement vers 11 heures, mais les repas priés (repas qui se donnent à un certain nombre de personnes invitées) ont souvent lieu à midi. Boileau, parlant d’un dîner auquel il était invité, écrit : « J’y cours, midi sonnant, au sortir de la messe. »
Au xviiie siècle, on dîne à 13 heures, puis de plus en plus tard, ce qui entraîne souvent un dédoublement du déjeuner et fait dire, par plaisanterie, que les Parisiens, à force de retarder l’heure de leur dîner, finiront par ne dîner que le lendemain.
Au xixe siècle, seuls les collèges, pensions, maisons religieuses et autres institutions conservent l’organisation du xviie siècle : déjeuner à 8 heures, dîner à 11 heures ou midi, goûter vers
16 heures, souper à 19 ou 20 heures. Dans les grandes villes, en revanche, on distingue notre petit déjeuner (appelé alors déjeuner du matin, premier déjeuner ou déjeuner à la tasse), de notre déjeuner (appelé aussi second déjeuner, déjeuner dînatoire ou déjeuner à la fourchette), pris entre 11 heures et 14 heures. Le dîner devient le repas du soir, éventuellement suivi d’un souper tardif, pris notamment après un spectacle.
Notons pour conclure que dîner est, d’un point de vue étymologique, un doublet de déjeuner, tous deux venant en effet du latin populaire disjunare, « rompre le jeûne ».