Dire, ne pas dire

Jean-Luc C. (Biarritz)

Le 3 juin 2021

Courrier des internautes

On m’a toujours appris que, en français, quand un e est suivi de deux consonnes, il n’était pas nécessaire de le pourvoir d’un accent pour qu’il soit prononcé è, comme dans belle, perte, merci, perdu, etc. Mais alors, pourquoi y a-t-il un accent sur le premier e de siècle ?

Jean-Luc C. (Biarritz)

L’Académie répond :

Monsieur,

Pour que les deux consonnes modifient la prononciation du e qu’elles suivent, il faut qu’elles appartiennent à deux syllabes différentes. C’est ce que nous avons, par exemple, dans les mots que vous proposez, tel merci : la première consonne, r, appartient à la même syllabe que le e, tandis que la deuxième, c, appartient à la syllabe suivante. Or, quand cette première consonne est une occlusive (b, c, d, g, p ou t) ou une fricative (f ou v), et la seconde, une liquide (r ou l), le groupe de deux consonnes appartient à la syllabe qui suit le e et ne peut donc pas en modifier la prononciation. C’est pourquoi on écrit, avec un accent grave, zèbre, exècre, cèdre, pègre, lèpre, mètre, chèvre, hièble, siècle, règle, trèfle, etc.

Ce phénomène se retrouve en métrique ancienne. En effet, en poésie grecque et latine, la longueur d’une voyelle est déterminée par sa nature ou sa position : une voyelle brève est allongée quand elle est suivie de deux consonnes, mais cette voyelle n’est considérée comme longue que si les deux consonnes qui la suivent appartiennent à la syllabe suivante. Ainsi dans le latin celebratio, le deuxième e reste bref puisque les deux consonnes qui le suivent appartiennent à une autre syllabe. Les Anciens appelaient ce phénomène la correptio attica.