Dire, ne pas dire

Glamour, charme et grammaire

Le 3 avril 2014

Expressions, Bonheurs & surprises

Dans un ouvrage paru en 1928 et intitulé Mes Modèles, le peintre Jacques-Émile Blanche, petit-fils du célèbre aliéniste, écrit : « “Glamour” est sans équivalent dans notre langue. Nos lexiques donnent : Magie. »

Que le nom anglais Glamour signifie d’abord « magie » n’a rien d’étonnant ; ce mot est en effet issu du français grimoire, et ce dernier désigne un livre recelant des formules à l’aide desquelles on peut charmer et envoûter qui l’on veut.

En passant du français à l’anglais, grimoire s’est donc transformé en glamour. Ainsi to cast a glamour over someone signifie « jeter un sort à quelqu’un ». Le sens de ce mot s’est ensuite affaibli comme s’est d’ailleurs affaibli le nom charme en français : dans l’un et l’autre cas, on est passé de la formule incantatoire à ce qui plaît dans une personne ou dans une chose.

Grimoire, l’ancêtre de glamour, apparaît en français au xiie siècle et signifie donc « livre de magie », mais ce qui nous intéresse particulièrement, c’est qu’il s’écrit alors « gramaire ». À cette époque en effet, la grammaire, en tant qu’objet concret, désignait presque uniquement des livres de grammaire latine qui, naturellement rédigés en latin, étaient inintelligibles pour le commun des mortels qui, pour cette raison, les soupçonnait de contenir nombre de formules magiques.

Quant au nom Grammaire, l’ancêtre de grimoire, il est issu du latin grammatica, lui-même emprunté du grec grammatikê. Ce dernier est un adjectif substantivé qui désigne l’art de lire et d’écrire, c’est-à-dire la grammaire.

Si grammaire, grimoire et glamour sont liés, c’est parce que les formules magiques, qui permettent à qui les connaît de se concilier l’aide de puissances supérieures, ne sont agissantes que si elles sont parfaitement énoncées, correctement articulées, que si elles ne contiennent pas de fautes qui leur feraient perdre toute efficacité.

Mais ce n’est pas le seul exemple de la puissance « magique » des mots. Grimoire et glamour sont liés, pour le sens, on l’a vu un peu plus haut, au nom charme. Ce dernier est issu du latin carmen, altération de can-men, dans lequel on reconnaît la racine can-, que l’on a dans canere, « chanter », verbe qui appartient d’abord à la langue magique et augurale comme le prouvent d’autres mots de la même famille, tels incantation, enchanter ou enchanteur.

Pour conclure, rêvons un peu. Puisque glamour et grammaire sont parents, ne peut-on espérer lire bientôt dans nos magazines des rubriques de grammaire, annoncées par des formules un peu glamour du type : Cet été j’ose l’imparfait du subjonctif. Déterminative ou explicative, nos trucs et astuces pour mieux reconnaître et mieux choisir vos relatives. Vaugelas et Ménage, pourquoi ils se querellent. Avec la catachrèse, je rehausse l’éclat de ma conversation ?