Dire, ne pas dire

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S’autoflageller, s’automutiler

Le 5 novembre 2013

Emplois fautifs

Un verbe transitif peut généralement se conjuguer à la voix active (laver), à la voix passive (être lavé) et à la voix pronominale (se laver). Le nom ne peut seul exprimer ces différentes nuances : pour dire que celui qui fait l’action et celui qui la subit est une seule et même personne, on a parfois recours à l’ajout de compléments comme de soi, à soi ou à l’emploi du préfixe auto-. On parlera d’automutilation pour désigner l’action d’une personne qui se mutile, le préfixe auto- jouant le même rôle que le pronom réfléchi se dans la forme pronominale. De la même manière le nom autodéfense correspond au verbe se défendre, auto-accusation à s’accuser. On se gardera bien de réunir dans un même groupe verbal le pronom se et le préfixe auto-, et l’on évitera ainsi un pléonasme vicieux.

 

On dit

On ne dit pas

Des pénitents qui se flagellent

Des névroses qui poussent à l’automutilation, à se mutiler

Des journalistes qui se censurent

Des pénitents qui s’autoflagellent

Des névroses qui poussent à s’automutiler
 

Des journalistes qui s’autocensurent

 

Faire confiance en

Le 3 octobre 2013

Emplois fautifs

La locution faire confiance à, apparue à la fin du xixe siècle dans le domaine du droit et longtemps ignorée ou condamnée par les dictionnaires et les grammaires, est maintenant tout à fait entrée dans l’usage. Son sens diffère quelque peu de celui d’une autre locution, avoir confiance en. Cette dernière exprime plutôt un sentiment intime à l’égard d’une personne, alors que faire confiance à s’emploiera dans des circonstances déterminées où la raison montre clairement que l’on peut se fier à l’habileté ou à l’honnêteté d’une personne pour régler tel ou tel problème. J’ai confiance en Pierre mais je fais confiance à Pierre pour résoudre ce conflit. On se gardera bien d’échanger les prépositions dans ces locutions.

 

On dit

On ne dit pas

Je fais confiance à Paul

J’ai confiance en lui

Je fais confiance en Paul

J’ai confiance à lui

 

La température est chaude

Le 3 octobre 2013

Emplois fautifs

Le nom température désigne le degré de chaleur atteint par un lieu ou par un corps ; ce degré peut être plus ou moins élevé, le lieu ou le corps pouvant être plus ou moins chauds, plus ou moins froids. De même que l’on évitera de dire qu’une hauteur est haute ou basse, on évitera de dire que la température est chaude.

On essaiera également, autant que faire se peut, de ne pas confondre la température et la fièvre, qui est une élévation de la température normale du corps.

 

On dit

On ne dit pas

Il fait chaud, la température est élevée

Il a, il fait de la fièvre

La température est chaude

Il a, il fait de la température

 

Le chaos provoqué par les cahots l'a mis K.O.

Le 3 octobre 2013

Emplois fautifs

Avant d’être nom commun, Chaos fut nom propre et à l’origine du monde. C’est Hésiode qui, dans la Théogonie, fut le premier à l’évoquer. Le chaos est un état inorganisé et informe du monde et sa forme grecque, Khaos, est un neutre ; ce n’est qu’après lui que viendront des êtres sexués, qui pourront donc être désignés par des noms masculins ou féminins, comme Gaia, « Terre », Ouranos, « Ciel », et Khronos, « Temps ». Khaos désigne tout à la fois le chaos originel, l’espace infini, le gouffre et l’abîme.

Cahot n’est pas d’aussi noble extraction. Ce nom est tiré de cahoter, qui est lui-même, nous apprend le Trésor de la langue française, d’origine obscure, même s’il semble possible de le rattacher au moyen néerlandais hotten, « secouer ». Il est peu de récits de voyage, en particulier du xviie au xixe siècle, où on ne le rencontre. On le trouve ainsi chez Chateaubriand, Hugo, Gautier, mais aussi, plus près de nous, chez Cendrars, Mauriac ou Aragon.

Depuis les dernières années du xixe siècle, enfin, nous devons à la langue anglaise et au marquis de Queensbury, qui établit les règles de la boxe, le K.O., abréviation de knock out, tiré du verbe to knock out, « faire sortir du jeu, éliminer ».

Ce rappel nous aidera à ne pas confondre ces homonymes qui ne sont pas homographes.

Perpétrer et perpétuer

Le 3 octobre 2013

Emplois fautifs

Après les homonymes cahot, chaos et K.O., voici deux paronymes trop souvent confondus : perpétrer et perpétuer. Perpétrer, qui signifie « commettre (un forfait) », est emprunté du latin perpetrare, « achever, mener à terme », dans lequel on retrouve la racine pater, « père », car à l’origine ce verbe signifiait « accomplir un acte religieux avec l’autorité de père ». Comme cela est parfois arrivé, dans le passage du latin au français, ce terme a pris un sens péjoratif, comme c’est le cas pour benêt, tiré de benedictus, « béni », ou esclave, tiré de slavus, « Slave ».

Perpétuer, « faire durer infiniment ou très longtemps », est emprunté du latin perpetuare, dans lequel on reconnaît le préfixe intensif per. Ce verbe s’emploie le plus souvent avec des noms appartenant au champ sémantique du souvenir.

On dit

On ne dit pas

Perpétuer la mémoire d’un ami, une tradition

Perpétrer un crime

Perpétrer la mémoire d’un ami, une tradition

Perpétuer un crime

 

À la base pour d’abord

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

À la base de est une locution prépositive signifiant « à l’origine de », conformément au sens du nom Base, qui désigne ce sur quoi repose une chose ou ce qui sert de point de départ. Cette locution s’emploie dans des phrases comme : À la base de toute réussite, il y a beaucoup de travail. Il convient de rappeler cette définition car il est actuellement une fâcheuse tendance qui consiste à faire d’à la base une locution adverbiale qui signifierait « d’abord, dans un premier temps, au commencement ».

 

On dit

On ne dit pas

Dans un premier temps, je pensais avoir raison

Il a d’abord étudié le piano

À la base, je pensais avoir raison
 

À la base, il a étudié le piano

 

Clôturer la séance

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

Le verbe Clôturer signifie « enclore, fermer d’une clôture ». C’est un dérivé de clôture et un parent plus ou moins lointain de mots comme clore, cloître mais aussi clef, clou, éclore, exclure, ou encore cheville ou clavicule. Ce verbe ne s’emploie qu’au sens propre. Clôturer des prés, un bosquet. Il n’a pas de sens figuré et ne peut donc s’employer avec le sens de « terminer » en lieu et place de verbes comme clore ou de périphrases comme mettre fin à, mettre un terme à, conclure. On notera que Clôture, plus ancien de six siècles, a, lui, des sens figurés et que l’on dit fort bien La clôture de la Bourse.

 

On dit

On ne dit pas

Le congrès s’achève lundi

Il est temps de clore ce dossier

Le congrès se clôture lundi

Il est temps de clôturer ce dossier

 

Il est plus grand par rapport à moi

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

La locution prépositive Par rapport à introduit, dans une comparaison, l’élément pris comme étalon. Elle indique que le sujet que l’on examine possède une qualité à un degré plus élevé que ce qui sert de référence. Il est grand par rapport à moi signifie littéralement « Il est grand si on le compare à moi », c’est-à-dire « Il est plus grand que moi ». Aussi ne doit-on pas dire Il est plus grand par rapport à moi, qui mêle deux systèmes de comparaison syntaxiquement différents.

 

On dit

On ne dit pas

Il est petit par rapport à son frère

Elle est plus jeune que sa sœur

Il est plus petit par rapport à son frère

Elle est plus jeune par rapport à sa sœur

 

La dinde, il l’a fait cuire ; les oiseaux, il les a fait fuir

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

Quand le participe passé du verbe faire, construit avec l’auxiliaire avoir, est suivi d’un infinitif, il reste toujours invariable : la présence d’un complément d’objet direct antéposé dans la phrase n’implique pas l’accord, car ce complément est celui de l’infinitif et non du participe passé fait. Ainsi dans la phrase La maison qu’il a fait bâtir, le pronom relatif qu’, qui reprend maison, est COD de bâtir. On peut aussi rencontrer des constructions sans COD dans lesquelles le pronom de rappel est sujet de l’infinitif et n’a donc pas d’influence sur l’accord : c’est le cas dans les fleurs qu’il a fait pousser, où le pronom qu’, qui reprend fleurs, est sujet de pousser.

 

On dit

On ne dit pas

La dinde, il l’a fait cuire

Les personnalités qu’il a fait venir

La dinde, il l’a faite cuire

Les personnalités qu’il a faites venir

 

Rappelons que les Rectifications de l’orthographe, parues au Journal officiel du 6 décembre 1990, invitent à traiter de la même manière le participe du verbe laisser devant un infinitif, l’accord de ce participe passé étant délicat et n’ayant jamais fait l’unanimité entre grammairiens. On pourra donc écrire Il nous a laissés partir comme Il nous a laissé partir.

Créneau alternatif

Le 8 juillet 2013

Emplois fautifs

Une mauvaise habitude se répand de nos jours : le remplacement de mots simples, d’usage courant et assemblés de manière précise, par d’autres plus vagues, plus obscurs et volontiers jargonnants. Des formes comme « autre possibilité, autre solution, autre choix » sont trop souvent remplacées aujourd’hui par « créneau alternatif », sans doute perçu comme plus technique et donc plus moderne.

Choisissons d’employer ces formes validées par un long usage plutôt que ce néologisme pédant.

On dit

On ne dit pas

Il existe une autre possibilité

Il existe un créneau alternatif

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