Dire, ne pas dire

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Prévenir à l’avance

Le 11 décembre 2025

Emplois fautifs

Le verbe prévenir, emprunté du latin praevenire, « prendre les devants, devancer, surpasser », a de nombreux sens. Il peut signifier, dans la langue littéraire, « devancer » (votre ami vous a prévenu de quelques minutes) ou, dans la langue courante, « satisfaire une demande avant même qu’elle ne soit formulée » (il sait prévenir les désirs de ses proches), mais aussi « empêcher la survenue d’un évènement fâcheux » (prévenir une catastrophe), ou encore « faire naître par avance des sentiments favorables ou défavorables » (il a été prévenu contre son voisin). Enfin, comme l’indique le préfixe pré-, tiré du latin prae-, « devant, en avant, à l’avance », prévenir peut avoir le sens d’« instruire par avance, avertir de quelque chose ». L’idée d’anticipation étant donc déjà contenue dans le sémantisme du verbe prévenir, on évitera le pléonasme prévenir à l’avance. On préfèrera donc Il m’a prévenu que vous seriez en retard à la forme redondante Il m’a prévenu à l’avance que vous seriez en retard.

« Elle s’est mis en tête » ou « Elle s’est mise en tête » ?

Le 11 décembre 2025

Emplois fautifs

Dans la locution verbale se mettre en tête, le pronom personnel se, ou sa forme élidée s’, peut être un complément d’objet direct ou un complément d’objet indirect et, selon qu’il sera l’un ou l’autre, l’accord du participe passé ne se fera pas de la même manière. Quand la locution verbale se mettre en tête a le sens de « se placer devant », se s’analyse comme un complément d’objet direct et le participe passé s’accorde avec celui-ci. On écrira alors Elle s’est mise en tête de son groupe comme on écrirait On l’a mise en tête de son groupe.

Quand la locution verbale se mettre en tête a le sens de « concevoir une idée, un projet », se s’analyse comme un complément d’objet indirect et ne commande donc pas l’accord du participe passé. On écrira Elle s’est mis en tête une nouvelle idée (comme il lui a mis en tête une nouvelle idée), Elle s’est mis en tête de visiter la Bourgogne. En revanche, dans L’étrange idée qu’elle s’est mise en tête, on fait l’accord avec le complément d’objet direct antéposé, le pronom relatif élidé qu’, qui a pour antécédent le nom féminin singulier idée.

« En revoir » ou « Au revoir » ?

Le 11 décembre 2025

Emplois fautifs

Littré écrit dans son Dictionnaire de la langue française, à l’article Revoir, « Il ne faut pas confondre à revoir et au revoir. À revoir indique qu’il faut revoir, corriger une chose. Au revoir est une formule d’adieu exprimant l’espoir qu’on se reverra bientôt. » Littré a été suivi sur ce point, mais, si l’on n’entend plus à revoir en lieu et place d’au revoir, ce dernier est parfois supplanté par en revoir. Il ne s’agit certes que d’une confusion orale, mais on s’efforcera néanmoins de conserver au phonème précédant revoir sa juste forme.

Je veux lui, je prends lui

Le 6 novembre 2025

Emplois fautifs

Lui est la forme tonique du pronom personnel de la troisième personne du masculin singulier. Il a pour féminin le pronom elle, et les formes de pluriel équivalentes sont eux et elles. Il peut être sujet, coordonné à un nom ou à un autre pronom : Son père et lui sont venus. On le trouve aussi, employé seul ou en apposition au sujet, avec un effet d’insistance : Lui seul y a participé, il le sait bien, lui. Il est parfois le sujet d’une participiale : Lui parti, tout est rentré dans l’ordre ou d’un verbe sous-entendu : Qui a parlé ? Lui. Il peut également avoir la fonction d’attribut, là encore avec un effet d’insistance : C’est lui le meilleur. Enfin, il est parfois complément d’objet direct dans les phrases comportant la négation restrictive ne… que : Elle n’aime que lui. Voilà déjà beaucoup de fonctions pour un même pronom, aussi n’est-il pas nécessaire de lui ajouter celle de complément d’objet direct dans des phrases qui ne contiendraient pas ce ne… que et d’en faire un équivalent du pronom personnel complément d’objet direct le (et la ou les) ou des pronoms démonstratifs celui-ci, celui-là. On dira donc Je veux celui-ci, je le prends et non Je veux lui, je prends lui.

Option obligatoire

Le 6 novembre 2025

Emplois fautifs

Dans l’univers du football, il peut arriver qu’un professionnel n’ait pas l’occasion de jouer les matchs, parce que, dans son club, se trouvent, au poste qu’il occupe, de meilleurs joueurs que lui. Pour remédier à cette situation, il est fréquent qu’il soit prêté à un autre club. Ce prêt fait l’objet d’un contrat, qui peut être de trois types : le prêt avec option d’achat (le club qui reçoit le joueur a le choix de l’engager, ou non, au terme de l’échéance) ; le prêt avec obligation d’achat (le club est obligé d’engager le joueur au terme de l’échéance) ; et enfin, le prêt dit « sec » (le joueur revient à son club d’origine à la fin du contrat). Ces trois formulations sont aisément compréhensibles, mais l’on entend de plus en plus parler de l’étrange prêt avec option d’achat obligatoire, formule qui est un non-sens puisqu’une option, c’est-à-dire la faculté de choisir entre plusieurs possibilités qui s’offrent concurremment, et ce qui fait l’objet d’un tel choix, ne peut être obligatoire. Cela ne vaut bien sûr pas que pour le monde du sport, et l’on évitera également une phrase comme le latin est une option obligatoire, dans laquelle le nom option prend, d’une façon incorrecte, le sens de « matière ».

« Ils se sont repentis de cette action » mais « ils se sont reproché cette action »

Le 6 novembre 2025

Emplois fautifs

Le verbe se repentir est un verbe essentiellement pronominal ; c’est donc avec le sujet que se fait l’accord du participe passé. On écrit alors : Ils se sont repentis de cette action. Le verbe reprocher est un verbe transitif direct, qui peut se mettre à la voix pronominale. Mais, dans ce cas, le pronom personnel se, qui l’accompagne, n’est pas le complément d’objet direct ; il est un complément d’objet indirect. Il ne commande donc pas l’accord du participe passé aux temps composés. C’est pourquoi on écrit Ils se sont reproché (et non reprochés) cette action. Notons cependant que l’on écrit L’action qu’ils se sont reprochée car dans cette phrase, qui est l’équivalent de L’action qu’ils ont reprochée à eux-mêmes, l’accord se fait avec le complément d’objet direct antéposé, ici le pronom relatif élidé qu’, qui a pour antécédent le nom féminin singulier action.

Patientez qu’on vous appelle

Le 20 octobre 2025

Emplois fautifs

Les verbes patienter et attendre sont synonymes quand ils signifient « demeurer dans un lieu en comptant qu’une personne viendra, qu’un évènement se produira », mais ils ne se construisent pas de la même façon. Attendre est un verbe transitif direct qui demande donc un complément d’objet direct : Il attend son frère, elle attend le train, attendez qu’on vous appelle. Il peut aussi être employé absolument : Il attend dans le salon. Rappelons aussi que dans Il a attendu (ou il a patienté) cinq minutes, « cinq minutes » n’est pas un complément d’objet direct, mais un complément circonstanciel de temps employé sans préposition. Patienter est, lui, un verbe intransitif et n’admet donc pas de complément d’objet direct. On évitera donc de dire patientez qu’on vous appelle, quand bien même on sous-entendrait patientez, en attendant que…

« Chauffé à bloc » pour « Gonflé à bloc » ou « Chauffé à blanc »

Le 3 octobre 2025

Emplois fautifs

On associe ordinairement l’idée d’enthousiasme à celle de chaleur. On dira donc, dans la langue familière, qu’un public est chaud. On sait d’ailleurs qu’il existe des chauffeurs de salle, dont la tâche consiste à préparer les spectateurs, à susciter leur ferveur (un autre terme lié à l’idée de chaleur) avant le début du spectacle. Pour donner une idée de cet enthousiasme, on emprunte volontiers des expressions liées à la métallurgie, en particulier chauffé à blanc. Mais, quand on veut dire d’une personne qu’elle est pleine d’ardeur et de détermination, on peut aussi employer, en prenant cette fois le souffle comme symbole d’énergie, être gonflé à bloc. On choisira l’une ou l’autre de ces expressions, mais on se gardera de les mêler et l’on évitera de dire, en parlant, par exemple, des spectateurs du Tour de France, qu’ils sont chauffés à bloc.

« Dépouillage » ou « Dépouillement » ?

Le 3 octobre 2025

Emplois fautifs

Du verbe dépouiller ont été tirés les noms dépouillement et dépouillage, qui se distinguent l’un de l’autre par leur fréquence et leur sens. Dépouillage, qui est le moins usuel, désigne l’action de retirer la peau d’une bête morte et celle d’enlever la peau ou l’écorce d’un végétal. Dépouillement est bien plus fréquent : s’il peut avoir les sens de dépouillage, il est aussi le nom désignant l’état, la situation de celui qui a été dépouillé de ses biens ou y a renoncé. Enfin, dépouillement s’emploie surtout pour désigner l’examen minutieux d’un dossier, d’un ensemble de documents, en vue d’en faire l’analyse. C’est donc lui qu’on utilise, par extension, pour parler du décompte des suffrages exprimés lors d’un vote, et non dépouillage.

« En moult occasions » ou « En moultes occasions » ?

Le 3 octobre 2025

Emplois fautifs

Le mot moult, fréquent en ancien français, et dont Littré signale qu’il se prononçait sans doute jadis mou, avant que l’influence de l’écrit n’amène à articuler le l et le t, est issu du latin multum, et, comme celui-ci, il appartient à la catégorie des adverbes. On l’emploie encore parfois aujourd’hui, mais comme adjectif indéfini, dans le sens de « beaucoup de, plusieurs », généralement par affectation d’archaïsme ou plaisamment. C’est sans doute ce caractère plaisant qui lui a permis de survivre alors qu’il semblait déjà s’effacer au xviie siècle. En témoigne Nicot, qui écrit à son sujet dans son Thresor de la langue francoyse tant ancienne que moderne, paru en 1606 : « Ce vocable estoit commun et fort usité envers les anciens, ce qu’ il n’est pas à present, et demeure comme particulier à peu de contrées. » On lit aussi dans la cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie française : « Vieux mot qui n’est plus d’usage que dans le style Marotique. » De son statut originel d’adverbe, moult a gardé son caractère invariable, et l’on écrira en moult occasions. On pourra également, si l’on veut recourir à une forme variable, user de l’adjectif indéfini maint et écrire en maintes occasions.

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