Dire, ne pas dire

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Ça ne le regarde pas ou Ça ne lui regarde pas ?

Le 15 mai 2025

Emplois fautifs

Quand le verbe regarder a son sens le plus courant, il n’y a pas d’hésitation sur la construction des pronoms qui remplacent son complément d’objet direct : de nombreux spectateurs regardent le match ; de nombreux spectateurs le regardent. En ce sens, il peut bien sûr se mettre à la voix passive : le match est regardé par de nombreux spectateurs. Mais quand ce verbe signifie « concerner ; être d’intérêt ou d’importance pour », il y a parfois des hésitations sur la forme que prend le pronom complément d’objet direct. Rappelons donc que si aux 1re et 2e personnes du singulier et du pluriel, les pronoms C.O.D. et C.O.I. sont les mêmes, me, te, nous et vous, cela n’est pas le cas à la 3e personne : on dira bien cela ne le regarde pas et non cela ne lui regarde pas. Rappelons également que, quand il a ce sens, regarder ne peut se mettre à la forme passive et que si l’on peut dire cela ne me regarde pas, ne le regarde pas, on ne peut dire je ne suis pas, il n’est pas regardé par cela.

Le système pénitentiaire ou pénitencier ?

Le 15 mai 2025

Emplois fautifs

Les adjectifs en -cier font leur féminin en -cière : foncier/foncière ; outrancier/ outrancière. Il existe aussi certains adjectifs épicènes, c’est-à-dire identiques au masculin et au féminin, en -ciaire, comme glaciaire ou judiciaire. Enfin, on trouve quelques très rares adjectifs en -tiaire, comme partiaire, qui ne se rencontre guère qu’en droit rural, dans l’expression Bail à colonat partiaire, équivalent vieilli du Bail à métayage, et pénitentiaire, dérivé de pénitence, qui signifie « relatif à la prison », et qui s’emploie dans des expressions comme régime pénitentiaire, système pénitentiaire, établissement pénitentiaire ou colonie pénitentiaire. Il existe bien deux formes pénitencier en français, mais ce sont des noms, et non des adjectifs, qui n’ont pas de féminin : le premier désigne un prêtre qui tient d’un évêque ou du pape le pouvoir d’absoudre des cas réservés, le second, un établissement de détention, situé le plus souvent dans les colonies, et où étaient envoyés les condamnés aux travaux forcés. On veillera donc à ne pas dire système pénitencier mais bien système pénitentiaire, et à écrire administration pénitentiaire et non administration pénitencière.

Un gériatre un peu folâtre

Le 15 mai 2025

Emplois fautifs

Il existe en français des mots terminés par le suffixe -atre et d’autres par le suffixe homophone -âtre. Les premiers sont ordinairement des noms désignant des médecins spécialistes, qui tirent leur origine du grec iatros, « médecin ». De ces noms ont été dérivés ceux de leur spécialité en -iatrie : gériatre/gériatrie, pédiatre/pédiatrie. À ces termes, il convient d’ajouter hippiatre, qui désignait naguère un vétérinaire versé dans les soins donnés aux chevaux. Seule la ranatre n’est pas liée à la médecine : c’est un emprunt au latin scientifique ranatra, dérivé de rana, « grenouille », ce mot désignant en effet un insecte aquatique qui, comme la grenouille, vit dans les mares.

En ce qui concerne les formes en -âtre, servant à construire essentiellement des adjectifs, elles ont pour ancêtres des formes en -astre : l’accent circonflexe actuel note un allongement de la voyelle qui compense la chute du s. Ces adjectifs ont le plus souvent une valeur dépréciative : acariâtre, bellâtre, jaunâtre, verdâtre, saumâtre, etc. On retrouve aussi ce suffixe dans les noms albâtre et emplâtre, mais aussi marâtre, également devenu péjoratif bien qu’il ne l’ait pas été en ancien français. On veillera à ne pas confondre ces suffixes afin de conserver à chacun de ces termes l’orthographe convenable.

Péril en la demeure

Le 3 avril 2025

Emplois fautifs

Demeure désigne essentiellement aujourd’hui le lieu où l’on vit habituellement, un domicile, une résidence, mais ce n’est pas son sens premier. Ce nom a en effet d’abord signifié « retard ». Le verbe dont il est tiré, demeurer, a connu une évolution semblable, le sens de « tarder » apparaissant en effet au milieu du xie siècle, et celui de « résider en un lieu » seulement un siècle et demi plus tard. Ces formes sont liées au latin mora, « retard », dont on a tiré morari, « rester, tarder, être en retard », et elles sont donc parentes du nom moratoire, qui désigne à la fois la suspension momentanée et exceptionnelle de certains paiements ou de certaines actions en justice, et l’acte par lequel un créancier accepte de reporter la date d’échéance d’une dette ou d’en échelonner les paiements.

C’est cette idée d’attente, de retard que l’on trouve dans l’expression péril en la demeure, qui signale qu’il y aurait danger à différer davantage, à ne pas prendre au plus tôt les décisions qui s’imposent, et non que l’on ne serait pas en sécurité en demeurant dans telle ou telle habitation. On veillera donc à ne pas substituer, dans cette expression, la préposition dans à en comme cela se fait parfois.

« Au terme de » ou « Aux termes de » ?

Le 3 avril 2025

Emplois fautifs

En français, le pluriel des noms, en dehors de quelques formes en -al (cheval/chevaux) ou en -ail (vitrail/vitraux) ne se perçoit pas à l’oreille, et que l’on écrive maison ou maisons, chien ou chiens, la prononciation ne varie pas. Sans doute est-ce pour cela qu’on oublie parfois qu’il est des tours dont le sens change selon que le nom qu’il contient est au singulier ou au pluriel. C’est le cas pour le couple au terme de et aux termes de. Rappelons donc que la locution au terme de signifie « à la fin, à l’achèvement de », tandis qu’aux termes de signifie « selon le texte de ». On écrira donc Au terme de son mandat, il ne s’est pas représenté, mais Aux termes de la Constitution de la Ve République, l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

On ne confondra pas ces termes, bien sûr, avec le nom pluriel thermes, qui désignait des établissements de bains dans la Rome antique, et on rappellera aussi que Stazione Termini, à Rome, doit son nom aux thermes de Dioclétien tout proches et non au fait que cette gare est un terminus…

« Abasourdir » : prononce-t-on « abazourdir » ou » abassourdir » ?

Le 6 mars 2025

Emplois fautifs

Dans abasourdir, le s intervocalique se sonorise en [z], mais on entend parfois abassourdir, parce qu’on rattache faussement ce verbe, dérivé de l’argot basourdir, « tuer », à l’adjectif sourd. Il est vrai que la règle phonétique qui veut qu’un s intervocalique (c’est-à-dire placé entre deux voyelles) se sonorise en [z] souffre de nombreuses exceptions. On constate en effet qu’elle ne s’applique pas quand on perçoit nettement le fait que l’on a affaire à un composé. On dit ainsi, sans sonoriser le s, asocial, parce que l’on y reconnaît social. C’est aussi la raison pour laquelle le s intervocalique reste sourd dans antiseptique, cosignataire, préséance, présupposer, prosimiens, etc. La prononciation variera donc selon que ce s est la première lettre d’un radical ou la dernière d’un préfixe. C’est ce qui explique la différence de prononciation de ce s dans désacraliser (où s appartient au radical) et désavantager (où s appartient au préfixe), ou dans trisecteur et trisaïeul. On constate aussi que ce s est parfois redoublé, comme dans ressauter, et que dans d’autres cas il ne l’est pas, comme dans resituer. Notons enfin que la prononciation canonique de désuet est déssuet, mais que l’on entend de plus en plus dézuet parce que l’on oublie ou l’on ignore que, dans ce mot, dé- est un préfixe.

« Nœud » pour « Mille marin » ou « nautique »

Le 6 mars 2025

Emplois fautifs

Les unités de mesure de la vitesse sont ordinairement composées d’une unité de distance et d’une unité de temps. On dira ainsi que les meilleurs sprinteurs courent à plus de dix mètres par seconde, soit à plus de trente-six kilomètres par heure.

S’agissant de la vitesse des navires, l’unité en usage est le nœud, qui correspond à un mille marin (c’est-à-dire 1852 mètres) par heure. Le nœud a la particularité d’être, à lui seul, une unité de mesure de vitesse. On dira donc Filer dix, vingt nœuds (c’est-à-dire parcourir dix, vingt milles en une heure), mais on évitera bien sûr l’expression Filer dix, vingt nœuds à l’heure.

« Avant-hier » ou « Avant hier » ?

Le 23 janvier 2025

Emplois fautifs

Les formes avant-hier et avant hier n’ont pas le même sens ni la même nature grammaticale ; le premier est un adverbe qui indique une date précise, le second un groupe prépositionnel qui indique une date qu’on ne peut déterminer. Si une personne arrivée dans une maison la veille du jour pris comme repère y a trouvé une souris morte, elle dira : la souris est morte avant hier, car elle ne peut pas préciser quel jour est mort cet animal ; mais, si, deux jours avant le jour pris comme repère, cette personne a vu un chat tuer une souris, elle dira : la souris est morte avant-hier. Ces deux formes se distinguent par l’orthographe, mais aussi par la prononciation : dans avant-hier, le t se fait entendre et hier se prononce yère, ce qui n’est pas le cas dans avant hier, où le t ne se fait pas entendre et où hier se prononce i-yère. Le même phénomène s’observe dans après-demain, qui indique un jour précis, et après demain, qui renvoie à une date indéterminée. Et là encore, la prononciation diffère légèrement : dans après demain, on fait une légère pause avant demain et on prononce le e, qui est ordinairement amuï à l’oral dans après-demain.

« Le mille » ou « Le mile » ?

Le 23 janvier 2025

Emplois fautifs

Les noms communs mile et mille désignent des unités de mesure qui n’appartiennent pas au système métrique. Ils remontent tous deux au latin mille, qui a le même sens que notre adjectif numéral « mille », mais qui pouvait aussi s’employer avec le sens du nom millier : on pouvait dire mille passus, « mille pas » ou, avec un génétif, mille passuum, « un millier de pas ». Dans ces deux expressions, passus (ou passuum) a été rapidement omis et mille est devenu le nom d’une unité de mesure valant environ 1 480 mètres, le pas chez les Latins valant 1,4 mètre et étant en réalité l’équivalent de deux enjambées. De ce mille latin proviennent donc nos deux unités de mesure, dont les noms respectifs ne diffèrent que par une lettre, le mille et le mile. Le premier s’emploie surtout dans la langue de la marine (on l’appelle d’ailleurs aussi parfois le mille marin ou le mille nautique), mais aussi dans celle de l’aviation, et il équivaut à 1 852 mètres. On le prononce comme l’adjectif numéral cardinal mille. Le second est une unité de mesure terrestre, qui équivaut à 1 609 mètres et qui fut longtemps une distance très courue en athlétisme. Dans ce nom, le i se prononce comme le nom ail. On prendra donc garde à ne pas confondre ces deux termes et l’on se souviendra que, dans Le Petit Prince, le narrateur écrit : « Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable à mille milles [on notera que le nom, contrairement à l’adjectif numéral, varie en nombre] de toute terre habitée », mais aussi que, le 6 mai 1954, Roger Bannister fut le premier homme à courir le mile en moins de quatre minutes.

« Par intermittence » ou « Par intermittences » ?

Le 23 janvier 2025

Emplois fautifs

Par est suivi d’un singulier quand il indique vraiment une répartition, c’est-à-dire quand on insiste sur la valeur distributive de la préposition. On écrira ainsi : prendre un médicament trois fois par jour, c’est-à-dire « chaque jour » ; une production de x tonnes par hectare, c’est-à-dire « pour chaque hectare ». Le pluriel sera préférable et plus courant, en revanche, si l’on considère plutôt l’idée de répétition, de pluralité, principalement dans les compléments de temps ou de lieu, et l’on écrira donc : par places, la neige avait fondu, c’est-à-dire « à certains endroits » ; par moments, on ne comprend plus, c’est-à-dire « à certains moments ». On écrira aussi : un championnat par équipes, puisque plusieurs équipes participent à ce championnat. Avec des noms comme intermittence ou intervalle, l’usage accepte les deux formes, mais préfère le singulier avec le premier et le pluriel avec le second. On notera pour conclure qu’intermittence était jadis fort rare ; on lisait ainsi à son sujet dans la troisième édition du Dictionnaire de l’Académie française, en 1740 : « Discontinuation, interruption. Il ne se dit que dans cette phrase, L’intermittence du poulx. » Les éditions de 1835 et 1878 ajoutaient : « Il signifie quelquefois la même chose qu’intermission. » Mais l’usage a changé et, aujourd’hui, c’est intermission qui est présenté comme un synonyme vieilli d’intermittence.

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