Le 5 octobre 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le monde de l’agriculture et celui de la publicité sont bien différents, mais ils ont cependant en commun d’être liés au cycle des saisons. Avec les premières coupes de foin arrive la promotion des produits estivaux. Magazines et panneaux publicitaires nous invitent à nous équiper de roof top. Mais pourquoi ne pas parler de toit en terrasse ? Pourquoi, pour vanter ce produit, recourir à un idiome étranger ? Si au moins on avait emprunté ce nom à quelque langue méditerranéenne, à celle d’un pays qui connaît ce type de construction depuis de nombreux siècles, cette démarche aurait eu quelque apparence de bon sens ; mais hélas, on a choisi la langue d’un pays que l’on associe peu spontanément au soleil et dont un des plus illustres romanciers, évoquant les quarante jours et les quarante nuits de pluie du Déluge, disait que cela correspondait à un été normal chez lui.
On dit
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On ne dit pas
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Un toit en terrasse
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Un roof top
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Le 7 septembre 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
De nombreux artistes parlent de leur pratique avec une grande modestie et certains d’entre eux vont parfois jusqu’à refuser ce titre d’artistes, préférant se faire appeler artisans. Est-ce pour cette raison et parce que, en quelque sorte, la nature a horreur du vide, que de plus en plus de revues et d’annonces publicitaires font de certains artisans des artistes ? Ce phénomène n’est pas rare dans le monde de la mode et dans tout ce qui touche aux soins du corps. Mais on constate aussi que ce changement de dénomination s’accompagne en outre d’un changement de langue : on a vu apparaître, depuis peu, des locutions comme make up artist, nail artist ou tatoo artist pour désigner des maquilleurs, des manucures ou des tatoueurs. Que toutes ces personnes puissent être des artistes est certain, et dans un film justement intitulé Le Tatoué, Denys de la Patellière prêtait une activité de tatoueur à Modigliani, mais il conviendrait de remplacer cette apposition, artist, par son équivalent français « artiste » ou par une locution comme « de talent » et il ne serait pas inutile de redonner à ces métiers leur nom français.
On dit
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On ne dit pas
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Un grand maquilleur
Une habile manucure
Un tatoueur de talent
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Un make up artist
Une nail artist
Un tatoo artist
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Le 7 septembre 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Nous avons déjà traité dans cette rubrique l’extension abusive qui consistait à donner à l’adverbe trop le sens de très. Il est évident que cette extension abusive n’est en rien légitimée si la forme française trop est remplacée par l’anglais too much. Ce dernier, comme son homologue français, est d’une grande imprécision. On le rencontre comme adverbe, c’est too much, ça commence à faire too much, ou comme adjectif invariable de sens obscur, elles sont too much. On évitera donc de remplacer une forme française incorrecte par une forme anglaise qui ne l’est pas moins et on s’efforcera de trouver à ces mots des équivalents plus précis.
Le 7 juillet 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le mot backstage est apparu en anglais à la fin du xixe siècle. C’est un composé de back, « derrière, en arrière » et de stage, au sens de « scène ». Comment ne pas avoir de tendresse pour cette forme que l’anglais a empruntée du français étage quand ce dernier s’écrivait encore estage ? Mais que cette tendresse ne nous empêche pas de constater que ce mot est inutile en français puisque des formes françaises équivalentes existent depuis longtemps déjà, que backstage soit employé adverbialement, qu’il entre dans la locution adverbiale en backstage, ou qu’on l’utilise comme nom, le plus souvent au pluriel, les backstages. Dans tous ces cas backstage pourra être remplacé avantageusement par son équivalent français « coulisse ».
on dit
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on ne dit pas
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Les coulisses d’un défilé de mode
Assister à un spectacle en coulisse
Les négociations se sont passées en coulisses
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Les backstages d’un défilé de mode
Assister à un concert en backstage
Les négociations se sont passées backstage
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Le 7 juillet 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Du latin médiéval tasca, qui désignait une redevance due au propriétaire pour des champs obtenus par la mise en valeur de terres vierges, sont issus le français tâche et l’anglais task. Comme ils ont la même origine, il n’est guère étonnant qu’ils aient le même sens, task signifiant en effet « besogne, tâche, devoir, travail ». Ce nom entre dans de nombreuses locutions, dont task force. Dans le monde militaire, cette locution désigne un corps expéditionnaire ; en dehors de cet emploi, task force est l’équivalent de « force opérationnelle, groupe de travail », ou « commission ». Il est donc loisible de penser que l’emploi de cet anglicisme est inutile et c’est donc les formes françaises en usage que l’on recommandera.
Le 1 juin 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Le nom dirigeance est un néologisme qui ressortit à la sociologie du travail. Il désigne ce qui touche à la direction d’une organisation, en particulier d’une entreprise. Il appartient donc au vocabulaire des sciences humaines, et s’il est parfaitement correct dans ce cadre, on ne doit pas en faire un synonyme vague et ampoulé de direction.
on dit
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on ne dit pas
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Assurer la direction d’une entreprise
Se voir confier la direction des opérations
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Assurer la dirigeance d’une entreprise
Se voir confier la dirigeance des opérations
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Le 1 juin 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
En droit constitutionnel français, l’empêchement est une interruption des fonctions du chef de l’État et, selon les termes de la Constitution de 1958, l’empêchement doit être constaté par le Conseil constitutionnel sur la demande du gouvernement. L’empêchement peut être provisoire, en cas de maladie, d’enlèvement, de disparition temporaire ou définitif en cas de trahison, de démence, de déchéance physique grave et irréversible,…
L’empêchement est donc un faux-ami de l’anglais impeachment, qui désigne, dans d’autres États, une procédure de mise en accusation d’un haut personnage, visant à son procès (impeachment trial) et, éventuellement, à sa destitution. On se gardera donc bien de confondre ces deux termes, même si le second est issu du premier, qui appartiennent à deux langues et à deux systèmes constitutionnels différents.
Le 4 mai 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Depuis plusieurs mois l’expression fake news s’est largement répandue en France. Celle-ci nous vient des États-Unis et nombre de commentateurs et de journalistes semblent avoir des difficultés pour lui trouver un équivalent français. Pourtant, ne serait-il pas possible d’user de termes comme bobard, boniments, contre-vérité, mensonge, ragot, tromperie, trucage ?
on dit
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on ne dit pas
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La prolifération des contre-vérités
Alimenter la presse en ragots
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La prolifération des fake news
Alimenter la presse en fake news
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Le 4 mai 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Les formes anglaises loop et to loop signifient « boucle » et « faire une boucle ». Elles entrent dans l’expression looping the loop, « action de boucler la boucle », à l’origine du nom looping, apparu il y a plus d’un siècle et d’abord employé pour désigner la figure en forme de boucle réalisée par des cyclistes acrobates dans des cabarets, puis celle que réalisent des aviateurs. Mais, depuis peu, on lit et on entend une étrange expression mêlant français et anglais, mettre dans la loop. Dans ce cas, loop a le sens de circuit d’information, et cette expression signifie « tenir au courant ». C’est donc cette forme que l’on choisira, ou une tournure équivalente, pour éviter cet hybride incongru.
on dit
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on ne dit pas
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Tenir ses collègues au courant
Gardez-moi informé
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Mettre ses collègues dans la loop
Gardez-moi dans la loop
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Le 6 avril 2017
Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs
Au début des années 1970, les mouvements écologistes commencèrent à se structurer. Ce fut particulièrement le cas en Allemagne, qui vit la naissance des Grünen, « les Verts ». De nombreux pays adoptèrent alors, après l’avoir traduit, ce nom et adjectif. Il existe ainsi un parti vert européen, qui regroupe nombre de partis nationaux. On trouve les Groen en Belgique néerlandophone, les Zelenite en Bulgarie, Iniciativa per Catalunya verds en Catalogne, les Prasinoi en Grèce, Comhaontas glas (ou Green party) en Irlande, la Federazione dei Verdi en Italie, les Gréng au Luxembourg, le Partidul verde en Moldavie et en Roumanie, les Grœne en Norvège, les Groenen aux Pays-Bas, les Zieloni en Pologne, le Green Party en Angleterre, Zelenaya Alternativa (Alternative verte) en Russie, Strana Zelenych en Slovaquie et en République tchèque, les Gröna en Suède, et le Partija Zelenykh en Ukraine. Cette liste nous permet de faire un peu de grammaire comparée et de noter qu’il existe trois racines principales pour dire « vert » : une racine latine ver-, une racine germano-nordique en gr- et une racine slave en zelen- (sans oublier le grec prasinos, signifiant proprement « qui a la couleur d’un poireau »).
Force est donc de constater qu’il est possible d’utiliser cet adjectif dans sa propre langue et l’on se demande pourquoi un organisme officiel français, dont une des tâches consiste à se battre pour la diversité, utilise sur son site l’expression Green tech, à laquelle il ajoute, de plus, un étrange et redondant verte pour évoquer « la technologie verte » !
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