Dire, ne pas dire

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Le réalisé pour La réalisation

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Il existe en français nombre de participes passés substantivés, qu’ils soient féminins, comme arrivée, chevauchée, dictée, jetée, pensée, ou masculins, comme abrégé, comprimé, énoncé, arraché, procédé. Dans tous les cas, c’est l’usage qui a voulu que tel ou tel participe devienne aussi un substantif, le plus souvent pour pallier un manque. Mais depuis quelque temps, apparaissent des participes passés substantivés qui viennent inutilement concurrencer des substantifs déjà existants. On a vu il y a peu le cas de déroulé, que d’aucuns voudraient voir supplanter déroulement. Il en va de même du terme réalisé, que l’on commence à rencontrer en lieu et place de réalisation.

on dit

on ne dit pas

Un travail à la réalisation particulièrement soignée

 

Un travail au réalisé particulièrement soigné

 

On ne peut arrêter les gens de… pour On ne peut empêcher les gens de…

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Le verbe arrêter peut avoir pour complément d’objet un nom de personne et signifier « bloquer, interrompre dans sa progression ». On dit ainsi La police a arrêté les manifestants à l’entrée de l’avenue, et cette phrase signifie qu’elle les a empêchés d’aller plus avant dans cette avenue, ou Les arrières ont arrêté les avants adverses, c’est-à-dire qu’ils ont mis fin à leur attaque, qu’ils les ont empêchés de poursuivre cette attaque. Ces deux tours sont corrects, mais il convient de ne pas les mêler. Si l’on peut dire arrêter quelqu’un, arrêter quelque chose et empêcher quelqu’un de faire quelque chose, la tournure arrêter quelqu’un de… est incorrecte.

on dit

on ne dit pas

Des barrières arrêtaient la foule, empêchaient la foule de passer

On ne peut pas empêcher les gens d’être mécontents

Des barrières arrêtaient la foule de passer


On ne peut pas arrêter les gens d’être mécontents

Une journée gagnée ou Une journée de gagnée ?

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Le problème intéressait déjà la toute jeune Académie française et, à ce sujet, Littré écrit : « Les sentimens étaient partagés. Les uns disaient qu’il fallait toujours mettre le de ; les autres, qu’il était mieux de le supprimer : l’usage était aussi peu uniforme que les opinions. » Après avoir signalé qu’il s’agissait de constructions partitives, Littré ajoutait : « Des grammairiens modernes ont prétendu qu’il n’était pas correct de dire : il y a eu cent hommes de tués, et que le de devait être supprimé. La question avait déjà été agitée du temps de Vaugelas, qui déclarait que le de est appuyé par de bons auteurs. Aujourd’hui l’usage l’a consacré, usage qui d’ailleurs n’a rien d’inexplicable grammaticalement. »

Thomas Corneille, quant à lui, considérait que, quand le substantif précédait l’adjectif ou le participe, on ne devait pas utiliser la préposition de ; dans les autres cas, on devait l’employer, et particulièrement quand le pronom en tenait la place du substantif : il y eut cent hommes tués, mais il y en eut cent de blessés.

De nos jours, on continue à employer de avec le pronom en. Dans les autres cas, l’usage et les grammairiens acceptent l’emploi ou l’omission de cette préposition.

Chenille ouvrière

Le 1 avril 2021

Emplois fautifs

La langue aime adjoindre aux noms des insectes ou à ceux de leurs larves un épithète de nature qui précise à quelle sous-espèce ils appartiennent, comme on le fait pour le carabe doré ou le criquet pèlerin (et dans ce cas l’adjectif ne peut varier en degré), ou un adjectif qui énonce une caractéristique semblant inhérente à l’espèce ; c’est ainsi que l’abeille est dite industrieuse, ouvrière ou butineuse. Dans la première catégorie, on trouve la fourmi noire et la fourmi rouge, la mante religieuse, la mouche verte ou charbonneuse, le réduve masqué, la lamie longicorne, la punaise verte, la punaise des bois et le psylle suceur. Dans la deuxième, on trouve la fourmi qui n’est pas prêteuse, la cigale qui est insouciante, le hanneton étourdi, le pou tantôt fier et tantôt laid. Quant à la chenille, la larve du papillon, elle relève de la première catégorie puisqu’elle peut être arpenteuse, hérissonne ou processionnaire. Tout cela était figé et semblait donner une image immuable du monde, mais, depuis quelque temps, la paronymie est venue bouleverser ce bel ordonnancement puisque l’on commence à parler de chenille ouvrière. Loin de nous l’idée de vouloir contester les qualités de travailleuse de cette bestiole, mais il convient tout de même de rappeler que l’expression consacrée est cheville ouvrière et qu’elle ne désigne pas un animal mais l’élément d’un assemblage mécanique servant de pivot et, de manière figurée, la personne qui assure la bonne marche d’une affaire.

L’ÉCOLE mais la FORÊT : É ou Ê pour noter un ancien S ?

Le 1 avril 2021

Emplois fautifs

En français, l’accent circonflexe est souvent la trace d’un ancien s. On le rencontre alors dans des mots d’usage courant, tandis que des mots plus techniques ont conservé le s original, comme l’attestent les couples forêt, forestier ou hôpital, hospitalier. Mais on constate que si ce e placé devant un s était en tête du mot, il a généralement été remplacé par un e portant un accent aigu comme écu, épée, été (le participe passé et le nom), étincelle, dont les équivalents en ancien français étaient escu, espée, esté et estincelle. Le verbe être, qu’il soit sous la forme d’un infinitif ou sous la forme d’une deuxième personne du pluriel de l’indicatif présent, êtes, n’obéit pas à ce phénomène parce ces deux formes étant monosyllabiques, le e ne se ferme pas : c’est ainsi l’exception qui confirme la règle.

Pourquoi ne prononce-t-on pas les deux lettres IM- dans IMMANQUABLE ou IMMANGEABLE de la même manière que dans IMMOBILE ou IMMUABLE ?

Le 1 avril 2021

Emplois fautifs

L’explication tient à la date d’apparition du mot en français et à son origine. Les mots où le m se fait entendre sont plus anciens : immobile et immuable sont apparus au xive siècle et sont tirés des formes latines immobilis et immutabilis (il existe d’ailleurs une variante rare et littéraire d’immuable, plus proche de l’étymon latin, immutable). Dès l’époque latine tardive, les deux m, bien que s’étant maintenus à l’écrit, se prononçaient comme un m unique : c’est de ces formes que l’on a hérité par l’intermédiaire de l’ancien français. Les termes plus récents ont été directement formés à partir des radicaux français manquable (même si ce dernier existe peu de manière autonome) et mangeable, radicaux qui n’existaient pas en latin. On a gardé la conscience qu’ils étaient bâtis à l’aide du préfixe négatif in-, ce qui explique la différence de prononciation entre ces deux groupes de mots.

Appétit ou Apétit, Apéritif ou Appéritif ?

Le 31 mars 2021

Emplois fautifs

L’apéritif et l’appétit sont proches à plus d’un titre. Le premier, conformément à son étymologie (il vient du latin aperire, « ouvrir »), est censé ouvrir le second. Ils sont également proches par la prononciation puisque ce sont des paronymes. Mais ces différentes proximités sont parfois source de problème en ce qui concerne l’orthographe. L’étymologie dans ce cas peut nous aider. Appétit est emprunté du latin appetitum, qui désigne d’abord un penchant naturel, un désir et, en particulier, un désir de nourriture ; ce nom est dérivé du verbe appetere, « tendre vers », « désirer, convoiter », formé de la préposition ad et du verbe petere, « chercher à atteindre ; réclamer », verbe dont on trouve des traces dans les mots pétition, appétence ou centripète. La langue écrite a conservé ces deux p étymologiques, quand bien même il n’en est qu’un qui soit prononcé. Il convient de ne pas oublier de le noter et de ne pas en ajouter un autre, qui serait fautif, à apéritif.

on écrit

on n’écrit pas

Bon appétit, Messieurs

Inviter à un apéritif

Bon apétit, Messieurs

Inviter à un appéritif

À l’été ou Durant l’été ?

Le 4 mars 2021

Emplois fautifs

La préposition à indique un point sur la ligne du temps (c’est pour cette raison qu’on l’emploie avec des unités de temps réduites, comme l’heure). Le nom été a, lui, une étendue temporelle beaucoup plus importante : il est introduit par des prépositions comme pendant, en ou durant. Cela étant, l’emploi de la préposition à n’est pas incorrect avec ce nom si on souhaite en resserrer l’extension pour en faire un point précis sur cette ligne du temps. Dans ce cas, en général, on fera suivre été d’une date. C’est ce que l’on trouve dans des récits historiques quand il s’agit d’inscrire une période de temps dans une succession de faits et d’évènements, et de la traiter comme une date. Si donc on dit Les moissons se font en été, on pourra dire À l’été 1944, la victoire des Alliés n’était pas encore assurée. On peut également, dans la conversation, employer cette construction sans date pour évoquer l’été qui arrive, l’été dont on parle : Nous nous verrons à l’été, à l’été prochain.

Elle a la même robe que sa sœur ou que la sienne ?

Le 4 mars 2021

Emplois fautifs

Dans les phrases comportant une comparaison construite avec même… que, le complément introduit par que a une fonction identique à celle de l’élément avec lequel il est comparé. Ainsi, dans Elle a la même robe que sa sœur, le pronom elle est sujet du verbe avoir et le nom sœur est sujet du même verbe sous-entendu. Cette règle interdit donc des constructions comme Elle a la même robe que la sienne, puisque le pronom possessif la sienne reprend le nom robe et n’a pas la même fonction que le pronom sujet elle. On pourra en revanche dire C’est la même robe que la sienne puisque les pronoms démonstratif c’ et possessif la sienne sont sujets du verbe être, exprimé ou sous-entendu.

Ils se sont persuadés que… ou Ils se sont persuadé que… ?

Le 4 mars 2021

Emplois fautifs

Qui parcourrait les différentes éditions de notre Dictionnaire pourrait se poser la question. On lisait en effet dans la cinquième, en 1798, « Ils s’étaient persuadés qu’on n’oserait les contredire », alors que dans la suivante, en 1835, était écrit « Ils s’étaient persuadé qu’on n’oserait les contredire ». Quelques décennies plus tard, Littré expliquait cette apparente contradiction et écrivait au sujet de ce participe passé : « On peut le faire accorder ou ne le pas faire accorder à son gré : si on supprime le s, on s’appuie sur ce que l’on dit : persuader une chose à quelqu’un ; si on met le s, on s’autorise de ce que l’on dit également : persuader quelqu’un d’une chose. » La neuvième édition de notre Dictionnaire illustre par l’exemple les propos du grand lexicographe en distinguant Elle s’est persuadée qu’on lui en voulait (dans ce cas, le pronom s’ est le C.O.D. du verbe persuader) d’Elle s’est persuadé l’aimer encore (nous avons là le tour plus littéraire « persuader une chose à quelqu’un » et, dans ce cas, le pronom s’ est C.O.I. de ce même verbe persuader).

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