Dire, ne pas dire

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« Acculturé » pour « Inculte »

Le 12 décembre 2024

Emplois fautifs

Les préfixes grec a- et latin in-, avec, pour ce dernier, les variantes il-, im- et ir-, indiquent la privation ou l’absence. Acéphale signifie « qui n’a pas de tête » et imberbe, « qui n’a pas de barbe ». Mais il existe aussi un préfixe latin ad-, qui indique le passage d’un lieu à un autre, d’un état à un autre, comme dans atterrir ou assouplir, et qu’il convient de ne pas confondre avec le préfixe négatif grec a-.

Dans inculte, le préfixe in- est négatif et ce mot qualifie une personne ou une terre qui ne sont pas cultivées. Ce n’est pas le cas avec acculturation et acculturé, formes dans lesquelles le préfixe a- indique un passage, une transformation. Le nom acculturation n’est donc pas synonyme d’inculture, mais désigne l’« adoption progressive par un groupe humain de la culture et des valeurs d’un autre groupe humain qui se trouve généralement, relativement à lui, en position dominante ».

« Dévisager » pour « Défigurer »

Le 12 décembre 2024

Emplois fautifs

Les verbes dévisager et défigurer sont assez proches : ils sont formés à l’aide du préfixe dé- et des noms visage et figure qui, dans certains emplois, peuvent être synonymes. Ils n’ont cependant pas le même sens. Dévisager signifie « regarder quelqu’un en plein visage avec attention, avec insistance », tandis que défigurer a pour sens « altérer les traits d’une personne, les rendre méconnaissables ». On ne dira donc pas cet accident l’a dévisagé, ou d’autres phrases de ce type, que l’on on peut entendre parfois.

Mais qui emploierait dévisager pour défigurer pourrait se rassurer en songeant que jadis ce n’était pas une faute. On lit en effet à l’article dévisager de la première édition de notre Dictionnaire : « Defigurer, gaster le visage. Ce chat est enragé, il vous devisagera. Quand elle est en furie, elle devisageroit un homme. ». Et on lit encore, dans le Dictionnaire de la langue française de Littré, en 1873 : « déchirer le visage avec les ongles ou les griffes ». Mais avec le temps, le sens de ce verbe s’est adouci. La septième édition de notre Dictionnaire signale que, dans la langue populaire, dévisager quelqu’un signifie aussi « le regarder d’une façon inconvenante ou hostile ». L’hostilité disparaît avec la huitième édition, où l’on peut lire : « Se dévisager signifie quelquefois Chercher à se reconnaître mutuellement. »

« Sur ces entrefaits » pour « Sur ces entrefaites »

Le 12 décembre 2024

Emplois fautifs

On lit, dans notre Dictionnaire, au nom Fait : « Le t, en principe, ne se prononce pas, mais l’usage s’est établi de le prononcer au singulier dans certains cas, comme dans l’expression C’est un fait. » Il n’en a pas toujours été ainsi. Féraud écrivait dans son dictionnaire, en 1787 : « Fèt : le t final s’y prononce toujours au singulier ». Plus récemment, en 1959, Pierre Fouché signalait, dans son Traité de prononciation française, qu’« on prononce au fai-t, en fai-t, de fai-t. » Ce nom fait résulte de la substantivation du participe passé masculin du verbe faire. Ces prononciations amènent parfois certains à penser que c’est aussi de cette façon que l’on a bâti le nom entrefaite, mais ce n’est pas le cas puisque celui-ci, contrairement au nom fait, est tiré d’une forme substantivée au féminin. C’est donc bien entrefaite, et, comme ce nom se rencontre ordinairement au pluriel, entrefaites, qu’il faut écrire, même si, sans doute pour les raisons de prononciation mentionnées plus haut, la forme entrefaits se lit parfois, y compris chez de grands écrivains comme Jules Verne ou Jean-Paul Sartre.

« Aller de l’avant » ou « Aller en avant » ?

Le 7 novembre 2024

Emplois fautifs

Les locutions verbales aller de l’avant et aller en avant sont proches par la forme mais elles n’ont pas le même sens : aller de l’avant (il en va de même avec le tour plus rare marcher de l’avant) signifie « progresser avec décision » et, au figuré, « s’engager à fond, être entreprenant », tandis que la locution aller en avant n’a qu’une valeur de localisation et signifie « se déplacer dans la direction de ce qui est devant soi ».

« La veille de » ou « À la veille de » ?

Le 7 novembre 2024

Emplois fautifs

Ces deux formes sont correctes et de sens assez proche, mais il y a cependant quelques nuances entre elles. Si on emploie la locution la veille, sans la faire précéder de la préposition à, on fait allusion au jour qui précède un jour déterminé. On dira ainsi : la veille de Pâques, de Noël, la veille de la rentrée, la veille de son anniversaire.

Avec la locution à la veille, on fait allusion à une époque immédiatement antérieure à une autre, mais ces époques ont, ordinairement, une durée bien supérieure à une journée et n’ont, en général, pas de contour précis. Ainsi, si l’on écrit À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, on fait allusion aux mois, voire aux années qui ont précédé ce conflit et non à la seule journée du 2 septembre 1939, veille de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne.

Étranges parataxes

Le 3 octobre 2024

Emplois fautifs

La parataxe est une construction syntaxique juxtaposant des propositions sans mot de liaison marquant une coordination ou une subordination, comme dans Il pleut, je reste à la maison. Cette construction a pour elle la concision, qui lui donne une grande force. Mais il convient de ne pas employer incorrectement cette forme et donc de rappeler que dans l’immense majorité des cas, en français, deux propositions sont unies par une conjonction de subordination et on se souviendra que l’on doit dire je crois qu’il va venir et non je crois il va venir.

Rappelons aussi qu’en français, deux noms sont liés entre eux par une préposition et que l’on préfèrera donc dire escrime en fauteuil plutôt qu’escrime fauteuil.

On est sur un grand vin, on part sur un incendie accidentel

Le 3 octobre 2024

Emplois fautifs

À la pauvre préposition sur, on demande beaucoup, et sans doute beaucoup trop. Elle sert en effet, entre autres fonctions, à introduire des compléments qui amènent des précisions géographiques ou temporelles, qui signalent un rapport ou une relation de dépendance. Mais cette polyvalence fait qu’on la considère parfois comme une préposition universelle pouvant aussi servir de présentatif ou introduire un élément constituant une hypothèse. Ainsi entend-on de plus en plus des tours comme On est sur un grand vin quand Il s’agit d’un grand vin, voilà un grand vin » seraient préférables, ou On part sur un incendie criminel, quand On suppose qu’il s’agit d’un incendie criminel, tout porte à croire qu’il s’agit d’un incendie criminel seraient de meilleure langue.

Tri pour triage

Le 3 octobre 2024

Emplois fautifs

Tri et triage, ayant l’un et l’autre le sens d’« action de trier », peuvent parfois se substituer l’un à l’autre, mais se distinguent dans la majorité des cas. Tri s’emploie le plus couramment dans la langue courante, on fait le tri dans ses affaires, on opère un tri dans des dossiers de candidature, et aussi lorsqu’on parle du traitement des déchets (même si collecte sélective des déchets est plus correct que le tour pléonastique tri sélectif), ou de l’opération postale qui consiste à classer les lettres et les colis en fonction de leur destination. Triage, lui, se rencontre surtout dans des emplois spécialisés, et particulièrement dans l’expression Gare de triage, qui désigne l’ensemble de voies de garage où les wagons de marchandises sont triés et groupés suivant les directions qu’ils auront à prendre.

Injurier de…

Le 4 juillet 2024

Emplois fautifs

Le verbe traiter, au sens de « donner à quelqu’un un qualificatif insultant », se construit avec un complément d’objet direct et un nom ou un adjectif attribut de celui-ci : Il a traité son frère d’idiot, Elle nous a traités d’incapables. Si le verbe injurier partage avec lui le même sémantisme, il ne se construit pas de la même manière. On ne dira pas il m’a injurié de voleur, pas plus qu’on ne dira, comme nous l’avons rappelé dans un autre article, il m’a insulté de lâche.

« Sois-en certain » ou « Sois en certain » ?

Le 4 juillet 2024

Emplois fautifs

Quand le mot en est un pronom et qu’il suit un impératif, il se lie à ce dernier par un trait d’union qui permet, avec le contexte, de le distinguer de la préposition homonyme et homographe en. On écrira donc sois-en certain et non sois en certain, mais sois en confiance et non sois-en confiance. La présence du pronom en amène aussi, pour éviter un hiatus, l’ajout d’un s euphonique à la fin des verbes du premier groupe, à la deuxième personne du singulier de l’impératif présent. On écrira ainsi Voici des fraises : manges-en, tandis que l’on écrira Mange en silence.

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