Pouvoir parler est une des caractéristiques de l’homme et il en est légitimement fier. Quand l’un de nos amis animaux nous surprend par ses étonnantes aptitudes, notre réaction est toujours la même : « Il ne lui manque que la parole ! » Force est de constater cependant que la diversité des verbes qui rendent compte des cris des animaux est bien plus grande que celle des synonymes du verbe « parler ». Henri Bertaud du Chazaud, à qui son Dictionnaire des synonymes valut un prix de l’Académie française, trouve une cinquantaine de ces derniers, mais en y ajoutant « des mots de sens voisin ». La performance est honorable, mais elle ne vaut pas celle de nos amis à deux, quatre ou six pattes (voire sans pattes, puisque le serpent siffle).
La langue s’est plu à créer nombre de verbes, généralement d’origine onomatopéique, pour rendre compte de ce paysage sonore. Ainsi le hibou bubule et bouboule, deux formes proches de son nom latin, bubo, mais ce n’est pas tout, il lui arrive aussi de frouer, de hôler, de huer, d’(h)ululer, de miauler ou de tutuber. À ces cris, le chat-huant et la chouette, qui parfois hioquent, ajoutent le chuintement (Antoine Court de Gébelin, qui fut le premier à relever ce terme dans son Histoire naturelle de la parole, écrivit ainsi : « Ce mot, inconnu jusqu’à nous, peint si parfaitement la prononciation de ch, que nous n’avons pu nous refuser à en enrichir notre langue »). Dans ce domaine, il est vrai, les oiseaux se taillent la part du lion – lequel se contente de rugir et de grogner. Ces cris sont source de rapprochements qu’ignore la phylogenèse : on a vu que le serpent siffle, comme le merle – qui peut aussi appeler, babiller ou flûter –, la marmotte ou l’oie. Notons d’ailleurs que cette dernière cacarde, cagnarde et criaille également (dans Le Flagellant de Séville, Paul Morand ajoute cacader), tandis que le jars se contente de criailler et de jargonner. Le goéland pleure, comme le crocodile, à qui il arrive aussi de lamenter, de vagir (comme le lièvre) ou d’ancouler. Si l’aigle et le renard ont en commun de glapir, on dit aussi que le premier glatit ou trompette, tandis que le second jappe.
Bien souvent, quand des animaux appartiennent à une même famille, ceux qui ne sont pas domestiqués ont une palette plus variée : le chat miaule et ronronne, le tigre également, mais, de plus, il feule, râle et rauque. Le porc grogne et grouine quand le sanglier grommelle, grumelle, nasille, rauque et roume. Chez les insectes, ce sont la cigale et le grillon qui l’emportent. L’une et l’autre craquettent, mais, de plus, la première chante, criquette et stridule tandis que le second crisse, grésille et grésillonne. L’alouette grisolle et tirelire, mais il lui arrive aussi de turluter, comme le pipit des prés. La fauvette et la mésange zinzinulent. Le plus mélodieux, le rossignol, chante, mais on dit aussi qu’il gringote, qu’il quirrite et qu’il trille.
Quelques-uns de ces verbes ne valent pas que pour les animaux. Comme eux, nous pouvons rugir ou beugler. On feule beaucoup dans la littérature de gare. Il nous arrive de siffler, de huer, de grogner. Naguère nous babillâmes. Nous criaillons, pleurons ou vagissons également. Mais on se souviendra, pour conclure, que si le chameau et le bélier blatèrent, nous sommes les seuls à déblatérer.