Dire, ne pas dire

Philippe C. (Besançon)

Le 6 avril 2023

Courrier des internautes

Les éditions de 1762 à 1878 de votre Dictionnaire définissent le caïman comme une « espèce de crocodile ». Dans l’édition actuelle, vous précisez que ce mot apparaît au xvie siècle, et qu’il serait « probablement d’origine caraïbe ».

Or on trouve plusieurs fois caïmans dans le Journal d’un bourgeois de Paris, paru au début de l’année 1449. On y lit par exemple : « … en ce temps furent pris caïmans, larrons et meurtriers ». Les Caraïbes ayant été découvertes plus de quarante ans plus tard, d’où ce bourgeois tirait-il ce mot ? Connaît-on d’autres emplois de caïman, au xve siècle ou auparavant ? Quelle pourrait en être l’étymologie, qui n’aurait alors aucun lien avec une langue des Caraïbes ?

Philippe C. (Besançon)

L’Académie répond :

Ces deux mots n’ont en effet rien à voir l’un avec l’autre. Le caïman que nous connaissons aujourd’hui est bien un mot des Caraïbes, attesté dans notre langue depuis le xvie siècle. Mais on trouvait aussi en ancien et en moyen français une forme caïmant, également écrite caymant, quaymant, cahymant, chaymant, etc., qui signifiait « mendiant, quémandeur », et dont on ignore l’origine. Ce caymant était parfois considéré comme un malheureux (on lit dans un poème de Charles d’Orléans « Aidez ce povre cayment »). Mais le plus souvent il était considéré comme une personne dangereuse ; c’est le cas dans le texte que vous nous proposez puisque les caïmans sont associés à des voleurs et des meurtriers qui confessent, après avoir été torturés, qu’ils ont emblez enffens, « volé des enfants ». De ce nom a été tiré le verbe caymander, refait ensuite en quémander.