Dire, ne pas dire

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Bankable

Le 5 novembre 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’adjectif bancable, que l’on peut aussi écrire banquable, est attesté depuis la fin du xixe siècle et appartient à la langue des affaires. Il qualifie un effet de commerce remplissant les conditions nécessaires pour être réescompté par une banque auprès de la Banque de France et, par extension, un effet de commerce facilement négociable. Ce mot est bien sûr tiré de banque. L’anglais bankable a les mêmes sens, mais, depuis la fin du xxe siècle, s’est ajouté, dans le monde du cinéma, celui de « qui constitue une valeur sûre ; qui peut rapporter de l’argent », pour qualifier un acteur ou un metteur en scène dont le nom suffit pour attirer les capitaux nécessaires à la réalisation d’un film. On dira donc qu’un acteur est une valeur sûre et non qu’il est bankable.

Ensauvager, ensauvagement

Le 1 octobre 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le mot sauvage est issu du latin salvaticus, altération de silvaticus, « qui sert pour le bois ; qui pousse ou vit dans les forêts ; sauvage » ; ce dernier est tiré de silva, « forêt, bois », aussi écrit sylva, et d’où est dérivé sylvestris, un adjectif aux sens semblables à ceux de salvaticus. Ainsi, tauri silvestres et arbor silvestris signifient « taureaux sauvages » et « arbre sauvage ». Mais les formes françaises issues de ces deux adjectifs ont des sens différents : sauvage signifie « qui n’est pas cultivé, qui n’est pas domestiqué » (c’est ce sens qu’il a dans deux titres de films célèbres, Les Fraises sauvages et l’Enfant sauvage), puis « qui n’est pas civilisé, qui est méchant, voire inhumain », alors que sylvestre, qui appartient à une langue plus technique, ce qui est souvent le cas des termes empruntés, signifie « de la forêt ; qui croît ou vit en forêt », comme dans coucou sylvestre ou pin sylvestre.

Le mot sauvage s’est chargé des valeurs négatives que l’on prête à qui vit en forêt. Au Moyen Âge, si on s’éloignait progressivement des bourgs et des villes, perçus comme les lieux de civilisation, on croisait les vilains de la campagne puis les sauvages de la forêt. Ce système de cercles concentriques s’applique aussi aux peuples. César en fait état dans ses Commentaires de la Guerre des Gaules quand il évoque les différentes tribus gauloises : « Horum omnium fortissimi sunt Belgae, propterea quod a cultu atque humanitate provinciae longissime absunt… » (« Les Belges sont les plus braves de tous ces peuples, parce qu’ils se tiennent tout à fait éloignés de la politesse et de la civilisation de la province romaine… »). Dans ce cas le sauvage se trouve alors être, au mieux une personne qui fuit le contact des autres, un ours dit la langue familière, et au pis une personne dont la cruauté ou la méchanceté n’est plus freinée par rien.

De sauvage a été tiré le verbe ensauvager. Une citation de Pierre Daunou (qui en 1793 vota contre la mort de Louis XVI et qui fut par la suite Secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres) rend bien compte de son sens : « Que l’enthousiasme soit quelquefois accusateur, du moins ne faut-il jamais qu’il soit juge, et il est affreux qu’il prononce des arrêts de mort. […] Parmi les grands intérêts […], il en est un qui méritera l’attention des législateurs, c’est qu’il ne faut pas […] ensauvager les mœurs d’un peuple qui a été jusqu’ici doux, juste, humain, sensible. » Daunou définit par la négative ce qu’est le sauvage : il est féroce, injuste, inhumain et insensible. Ce verbe s’est d’abord rencontré sous la forme ensauvagir, plus logique, dans la mesure où la terminaison en -ir des verbes du deuxième groupe indique une transformation, un changement d’état, comme dans pâlir ou grandir.

Dans Germinal, Zola emploie ensauvager aux formes active et pronominale quand il brosse le portrait de l’agitateur révolutionnaire Souvarine : « Ses dents blanches et pointues, sa bouche et son nez minces, le rose de son teint, lui donnaient un air de fille, un air de douceur entêtée que le reflet gris de ses yeux ensauvageait par éclairs. » Et, plus loin : « Cette face blonde, dont les yeux rêveurs s’ensauvageaient parfois d’une clarté rouge, l’inquiétait. »

Quant à ensauvagement, il s’agit d’un nom polysémique ; on le trouve dans des textes anthropologiques, qui, traitant du chamanisme, décrivent la transformation, à l’aide de rites particuliers, du chaman en animal. Il désigne aussi le fait, pour un individu ou pour une société, de tendre à se dépouiller de ce qui constitue son humanité, en particulier des qualités de bonté et d’empathie, et de tout ce qui peut freiner sa violence.

Winerie

Le 1 octobre 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Dans les années 1880 est apparu aux États-Unis le nom winery avec le sens d’« établissement, entreprise viticole ». À ce sens, et en fonction du contexte, s’ajoutent parfois ceux de « chai », « vignoble » ou « domaine ». La langue française est, dans le domaine de la viticulture, assez bien pourvue et il est peu nécessaire d’aller chercher ailleurs une forme que nous avons déjà chez nous, quand bien même elle serait légèrement francisée, passant de winery à winerie.

on dit

on ne dit pas

La visite du chai débute à 14 heures      

Le domaine, le vignoble s’étend sur une trentaine d’hectares

La visite de la winerie débute à 14 heures

La winerie s’étend sur une trentaine d’hectares

Présentiel, Distanciel

Le 2 juillet 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le Centre national d’enseignement à distance (le CNED) a été créé en 1939, il y a donc plus de quatre-vingts ans. Cette assez longue histoire a permis de faire entrer la locution enseignement à distance dans l’usage. Aussi n’est-il sans doute pas nécessaire de remplacer cette forme par l’expression « en distanciel », trop largement répandue en ces temps de fermeture partielle de nombre d’établissements scolaires. Parallèlement à « à distance », on emploiera « en présence », plutôt que présentiel.

Reminder

Le 2 juillet 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Reminder peut se traduire par « mémento » ou par « pour mémoire » dans la locution anglaise as a reminder. Ce nom est dérivé du verbe to remind, « rappeler (quelque chose à quelqu’un) » ou « faire penser (quelqu’un à quelque chose) ». La crainte d’oublier quelque évènement important, une démarche à effectuer et la nécessité de trouver un moyen pour parer à cette crainte ne sont propres ni à nos amis anglais ni aux anglophones. Elle touche aussi, et ce, depuis fort longtemps, les habitants de notre pays qui, outre les termes cités plus haut pour évoquer ce point, ont dans leur langue des mots ou expressions comme « n’oubliez pas », « important », « pense-bête », voire la locution latine passée dans l’usage français nota bene et sa forme abrégée N. B. Aussi peut-on légitimement s’étonner de voir que des organismes municipaux emploient l’anglicisme reminder pour inviter leurs administrés à ne pas oublier un rendez-vous…

Click and collect

Le 11 juin 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’expression anglaise click and collect désigne, nous apprend l’excellent site du ministère de la Culture FranceTerme, le service qui permet à un client de venir, en automobile, retirer les achats qu’il a auparavant faits en ligne. Des formes françaises comme « retrait en magasin », « retrait au volant » ou « service au volant » disent la même chose. Pourquoi ne pas les utiliser ?

Liker

Le 11 juin 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’anglais dispose de deux verbes distincts, to love et to like, rendus en général l’un et l’autre, en français, par « aimer ». Le contexte permet à qui emploie ce verbe de savoir quel serait, de to like ou de to love, celui qui correspondrait le mieux à la situation d’énonciation. Il n’est pas certain que ce soit pour se mettre à l’abri de la grande extension de sens de notre verbe « aimer » que beaucoup utilisent aujourd’hui, quand ils veulent signaler sur la toile qu’ils aiment (ou apprécient, jugent favorablement, sont d’accord avec, etc.) telle ou telle proposition, telle ou telle idée, tel ou tel fait, l’anglicisme liker et son déverbal like. Le verbe « aimer » ou un verbe, une locution verbale synonymes devraient pouvoir remplacer aisément cet anglicisme de mauvais aloi.

Drive

Le 7 mai 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe anglais to drive signifie « conduire (une automobile) ». Il est entré en français récemment comme nom pour désigner un système de vente dans lequel les clients passent une commande à un producteur, un commerçant, avant de se faire remettre, dans leur automobile, cette commande. Le français dispose, pour évoquer ce type de pratique, d’expressions comme « retrait automobile » ou « retrait en magasin », que l’on préfèrera donc à cet anglicisme. Il en ira de même quand drive est suivi d’un adjectif indiquant dans quel type de commerce s’effectue ce retrait. Dans les cas où, par métonymie, drive désigne le lieu où s’effectue le retrait, on peut parler de « point de retrait automobile » ou simplement de « point de retrait ».

Followers

Le 7 mai 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe anglais to follow signifie « suivre ». C’est de lui qu’est tiré le nom follower, qui, en fonction des circonstances, peut avoir les sens de disciple, partisan, admirateur, servant, voire fidèle, et qui se répand largement chez nous. Et pourtant, on le voit, la langue française dispose de noms, mais aussi de locutions susceptibles de rendre les différents sens de follower. Ce dernier s’emploie essentiellement en français pour désigner ceux qui, par quelque moyen électronique, signalent qu’ils adhèrent à la pensée ou aux actions de tel ou tel, la valeur de ces dernières semblant être indexée sur leur nombre de followers. Ainsi, il y a peu, un philosophe, essayant de penser la complexité du monde, se faisait fréquemment interrompre par le « combien avez-vous de followers ? » de la journaliste qui l’interrogeait. Faut-il croire alors que, s’il revenait, le « petit père des peuples » poserait cette question : Le pape, combien de followers ?

Si les termes français évoqués plus haut ne suffisaient pas, peut-être pourrait-on encore ajouter à cette liste, en en revivifiant l’emploi, le nom acolyte, emprunté du grec akolouthos, « suivant, compagnon, serviteur » et, proprement, « celui qui marche sur le même chemin ». C’est dans la hiérarchie catholique le titre situé au-dessus de celui d’exorciste, mais aujourd’hui, il a plutôt le sens que lui donnait Sainte-Beuve quand il écrivait dans Volupté : « Comme j’aurais voulu avoir connu de près les auteurs, les inspirateurs de ces récits ! Comme j’enviais à mon tour d’être le secrétaire et le serviteur des grands hommes ! Ce titre d’acolyte des saints et des illustres me semblait, ainsi que dans l’Église primitive, constituer un ordre sacré. » Acolyte des illustres, tel semble être l’équivalent de notre moderne follower.

Choose France

Le 2 avril 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Que nos amis d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique décident de faire la promotion de notre pays en écrivant Choose France est plutôt sympathique. Mais si ce slogan vient de France, on peut soupçonner ses auteurs d’une pointe de snobisme et regretter qu’ils semblent oublier que ce qui caractérise la France, c’est entre autres et essentiellement qu’on y parle français.

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