Dire, ne pas dire

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En charge de / en responsabilité de / en capacité de

Le 6 septembre 2012

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Être en charge de est un anglicisme très répandu qui remplace trop souvent les expressions justes Avoir la charge de, Être chargé de.

Sur le modèle de Être en charge, on trouve aussi Être en responsabilité de ou Être en capacité de.

 

On dit

On ne dit pas

Il a la charge des affaires, de la réorganisation

 

Avoir la capacité d’agir, de comprendre

 

Avoir la responsabilité de la mise en œuvre des réformes

Il est en charge des affaires, de la réorganisation

 

Être en capacité d’agir, de comprendre

 

Être en responsabilité de la mise en œuvre des réformes

 

Disparition

Le 10 juillet 2012

Bloc-notes

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Ce terme est employé assez souvent pour évoquer la mort d’une personne. Dire que cette personne a disparu, c’est dire qu’elle est morte. En employant ce terme, on cherche sans doute à atténuer l’évènement et le choc de la mort, en présentant celle-ci comme l’interruption d’une présence.

Disparaître, c’est ne plus être là visiblement et on peut imaginer que cette absence ne serait pas définitive. Comme si la personne disparue avait fait une fugue ou comme si elle avait été enlevée, mais pour apparaître de nouveau vivante.

Erik Orsenna a raison de dénoncer ce procédé, en racontant lui-même la mort d’une femme aimée : « Le pays dans lequel vivaient les deux frères [la France] avait décidé de dissimuler la mort. Sitôt son dernier soupir passé, le tout récent cadavre était embarqué Dieu seul savait où. Ainsi on pouvait plus facilement baptiser “disparu” le défunt, histoire, sans doute, de lui laisser une chance de réapparaître » (La Chanson de Charles Quint, 2008, p. 113).

Mais en voulant atténuer le choc de la mort, par l’emploi du terme « disparition », on épaissit encore le mystère. On risque d’aggraver la peine, surtout si le corps du défunt a réellement disparu, englouti par l’océan ou réduit en cendres.

Que chaque mot reste donc à sa place ! Que les convois funèbres s’expriment en termes de « décès » ! Mais que l’on ne joue pas avec la mort, en la présentant comme une simple disparition ! D’autant plus que ceux qui nous quittent en mourant ne disparaissent pas vraiment. « Cette femme était morte, écrit encore Erik Orsenna, mais pas du tout disparue » (ibid., p. 113).

Et que les chrétiens osent dire qu’ils croient à la résurrection du Christ et à la résurrection de leur chair, au-delà de toute disparition sensible !

 

Mgr Claude Dagens
de l’Académie française

Dont

Le 10 juillet 2012

Emplois fautifs

Si les pronoms relatifs De qui, Duquel, De laquelle, De quoi sont en général correctement employés, Dont, de même sens, donne lieu à des erreurs. On oublie qu’il marque l’appartenance, la possession, et l’on rajoute à tort dans la proposition relative un adjectif ou un pronom se rapportant à l’antécédent.

On dit

On ne dit pas

L’homme dont on envie les succès, dont je connais les œuvres

 

Ce savant dont la réputation est grande

 

Le jardin dont on apprécie les ombrages

 

L’homme dont on envie ses succès, dont je connais ses œuvres

 

Ce savant dont sa réputation est grande

 

Le jardin dont on apprécie ses ombrages, ou dont on en apprécie les ombrages

On dira de même C’est cela dont il s’agit (ou C’est de cela qu’il s’agit) et non C’est de cela dont il s’agit.

Borderline

Le 10 juillet 2012

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Cet anglicisme est emprunté au vocabulaire de la psychiatrie, où il a d’ailleurs reçu un équivalent français, personnalité limite traduisant personnalité borderline.

Il est aujourd’hui appliqué de manière fantaisiste à ce qui paraît difficile à comprendre, à cerner, à définir, à ce qui va un peu trop loin pour être tout à fait acceptable, dépasse la mesure, les bornes. Borderline supplante Limite, également utilisé en ce sens, en y ajoutant peut-être une nuance d’étrangeté et d’inquiétude. Un candidat borderline, une proposition borderline. Il est un peu borderline.

Rien de ce qu’évoque le mot Borderline n’est impossible à exprimer en termes simples et clairs. On se dispensera donc de l’employer.

Fils d’archevêque

Le 10 juillet 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

De l’habitude qu’eurent certains papes d’accorder à leurs parents, et particulièrement à leurs neveux, les privilèges du pouvoir est né le terme Népotisme.

L’expression Fils d’archevêque désigne, cette fois-ci par l’image ironique d’une filiation directe, celui ou celle que la position sociale de ses parents amène tout naturellement à jouir de la considération et de l’attention bienveillante des puissants, et dont la place se trouve nécessairement être dans les toutes premières.

Moins familière que Fils à papa, elle lui fait pendant, prenant en compte moins la richesse matérielle, bien souvent celle des « nouveaux riches », que le prestige de la fonction et la supériorité de l’esprit.

D’acc ?

Le 7 juin 2012

Bloc-notes

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« Bob, c’est Phil ! Bon anniv !!! Je t’appelle dans ton appart’ sur ton fixe, je n’ai plus ton 06 ! Et dis-moi, quelle est ton actu depuis les States ? Toujours dans la com ? On ne t’a pas vu à Saint-Trop’, ni cet hiver à Courch’ ! Ah, au fait, j’ai une exclu pour toi ! Pat se marie ! Sans déc ! … Une bourge, style beauf … Dress code : smok ! Tu recevras la doc. Voyons-nous, blagap ! Non, à midi je vais rue de Valois pour une déco. Tu as un moment c’t’ap ? Je te phone et je passe te prendre après ma répète. Ou demain mat au petit déj ? À 8 heures, t’es cap ? Cool. »

Notre langue française est si jolie. Ses mots sont des fruits qu’il ne faut pas déguiser. Pourquoi en abréger le goût ?

Nos aînés, eux, n’abusaient pas de l’apocope (apocope : chute d’une ou de plusieurs syllabes à la fin d’un mot). Ils avaient plutôt un penchant pour l’aphérèse (aphérèse : suppression d’un ou de plusieurs phonèmes au début d’un mot) : « En montant dans le bus, sur qui je tombe ? Le pitaine ! »

Quoi qu’il en soit, ne mettons pas le langage en short. D’acc ?

 

Jean-Loup Dabadie
de l’Académie française

Record

Le 7 juin 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

En français, le mot Record a d’abord désigné le témoignage de celui qui vient devant la justice redire ce qu’il sait, ainsi que le procès-verbal où est consigné ce témoignage.
Le mot, repris en langue anglaise, s’est peu à peu étendu au domaine du sport, prenant le sens d’Exploit sportif que nous lui donnons aujourd’hui après l’avoir réemprunté à l’anglais.
Seule la langue anglaise conserve dans le verbe to record et le substantif record le souvenir de l’ancien verbe français Recorder, qui signifiait Répéter pour apprendre, Se remettre dans l’esprit, verbe disparu du français aujourd’hui.

Non (dans des noms composés)

Le 3 mai 2012

Emplois fautifs

L’habitude se répand, par imitation d’une construction fréquente en anglais et en américain, d’employer l’adverbe Non pour créer de nouveaux termes voire, diront certains, de nouveaux concepts.

Certains ont leur utilité, notamment dans les domaines juridique et politique. Mais on évitera d’avoir systématiquement recours à ce mode binaire de formulation et à la pléthore de termes qu’il suscite, parmi lesquels on citera Non-fiction, Non-profit, Non-évènement, Non-papier, Non-match.

Depuis sa fondation en 1635

Le 5 avril 2012

Bloc-notes

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Depuis sa fondation en 1635 par le cardinal de Richelieu, l’Académie française a pour mission principale de veiller sur l’état de la langue et de rappeler son bon usage. L’orthographe au début du XVIIe siècle était loin d’être fixée. Sans même parler de Vaugelas, de grands écrivains – Malherbe, Pascal, Corneille, entre autres –, puis l’Académie française ont, peu à peu, établi les règles d’une langue dont la clarté et la précision ont fait l’admiration de l’Europe entière. Les traités de Westphalie, en 1648, sont rédigés en français. Plus tard, Frédéric II de Prusse, l’ami de Voltaire, ou la grande Catherine de Russie, l’amie de Diderot, utiliseront le français avec la même facilité que l’allemand ou le russe. Le français devient la langue des dirigeants, des diplomates, des savants, des philosophes, des écrivains. Partout en Europe, les précepteurs, les dames de compagnie, les maîtres de musique ou de danse, les bibliothécaires, les religieuses, les abbés, les cuisiniers répandent l’usage de notre langue. Marco Polo avait déjà écrit ses relations de voyage en français. Casanova rédigera en français ses mémoires appelés à un grand succès. Le français est devenu pour plusieurs siècles la langue commune des intellectuels, des voyageurs, des commerçants, des gens de goût et de savoir.
À notre époque, chacun peut le constater, la langue française est menacée. De l’extérieur, par la montée en puissance de l’anglo-saxon. De l’intérieur, par un délabrement plus grave encore et aux causes multiples. L’Académie s’efforce de lutter contre ces dérives et de rappeler aux usagers les règles qui régissent notre langue.
Son but n’est pas de « faire joli ». Ni même de s’accrocher à une conception formelle du « correct ». Son but est d’éviter qu’une confusion dans les mots n’entraîne une confusion dans les idées. L’Académie ne se préoccupe pas d’élégance : elle se soucie de précision et d’efficacité. Elle cherche à épargner au français et aux Français le destin cruel de Babel.
Confucius, en Chine, pensait que la rigueur de la langue était la condition première de toute cohérence politique et sociale. Beaucoup d’expressions ont une signification précise qu’il est important de connaître et de respecter. Les formules « rien moins que... » et « rien de moins que... » ont deux sens diamétralement opposés. « Rien moins que... » signifie « pas du tout ». « Il est rien moins que cultivé » : il n’a pas la moindre culture. « Rien de moins que... » signifie « extrêmement ». Si « cet ouvrage n’est rien de moins qu’un chef-d’œuvre », ne manquez pas de le lire.
On rencontre parfois deux autres formules opposées : « Vous n’êtes pas sans savoir… » et « Vous n’êtes pas sans ignorer… ». Mieux vaut déterminer laquelle des deux est correcte. Et faut-il dire qu’un projet « a fait long feu » ou « n’a pas fait long feu » ? On pourrait multiplier les exemples de flou, de vague et d’amphibologie.
La grammaire, la syntaxe, les modes des verbes, les figures de style ne sont pas là pour faire le joli cœur ni pour briller en société. Ils sont là pour exprimer avec le plus de précision possible des idées et des sentiments. Les grammairiens recommandent d’employer l’expression « en revanche » plutôt que « par contre ». André Gide faisait pourtant observer que l’emploi de « par contre » peut parfois s’imposer : « Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : “ Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils” ? »
L’utilisation de l’imparfait du subjonctif, la concordance des temps, le refus de l’amphigouri et des clichés à la mode ne sont pas des élégances ni des raffinements inutiles. Ils sont la condition d’une pensée ferme et cohérente.
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Le langage, naturellement, est le fruit de la pensée. Mais la pensée, à son tour, est le fruit du langage. Un français correct n’est ni une affectation ni un luxe. C’est la garantie d’une pensée sûre d’elle-même. La beauté de la langue n’est que le miroir d’une raison capable de mettre de l’ordre dans le chaos du monde.

Jean d’Ormesson
de l’Académie française

À six heures de l’après-midi, du soir

Le 5 avril 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

Midi et demi, Trois heures de l’après-midi, Dix heures du soir : telle est la manière traditionnelle, simple et précise d’annoncer l’heure lorsque midi est passé.

Réservons aux circonstances où elles sont rendues nécessaires par des nécessités pratiques les administratives formules chiffrées 12 heures 30, 15 heures, 22 heures. Midi dit plus que 12 heures.

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