Dire, ne pas dire

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Les arcanes mystérieuses de la science

Le 8 janvier 2015

Emplois fautifs

Arcane est emprunté du latin arcanum, « secret », lui-même dérivé de arca, qui désigne un coffre et, en latin chrétien, une arche. Arcane, aujourd’hui, s’emploie surtout au pluriel et, en français, le genre des déterminants (articles, adjectifs possessifs ou démonstratifs) disparaît au pluriel : le, la, mon, ma, ce ou cette indiquent le genre du nom qu’ils déterminent, indication qui s’évanouit dans les, mes ou ces. À cela s’ajoute le fait que nombre de substantifs en -ane, à l’exception de ceux qui appartiennent au domaine de la chimie, sont féminins (cabane, tisane, banane, membrane, etc.). L’existence de la forme paronymique féminine arcade contribue sans doute, elle aussi, à la confusion des genres. Autant de raisons qui font que l’on croit, trop souvent et à tort, qu’arcane est un nom féminin.

 

On dit

On ne dit pas

Les arcanes mystérieux de la science

Dans les profonds arcanes de son âme

Les arcanes mystérieuses de la science

Dans les profondes arcanes de son âme

 

Se succéder au participe passé

Le 8 janvier 2015

Emplois fautifs

L’accord des verbes pronominaux conjugués aux temps composés est souvent source d’interrogations ou de difficultés. Le verbe se succéder est visiblement un de ceux qui donnent du fil à retordre à nos correspondants. Rappelons que pour accorder le participe passé, il convient de s’interroger sur la fonction du pronom réfléchi complément. Dans le groupe verbal se succéder, se est un complément d’objet indirect. Si on remplace une personne, on succède à quelqu’un, on lui succède. Ce qui explique qu’au participe passé, succéder est invariable puisque le pronom se n’est pas complément d’objet direct. On écrira donc elles se sont succédé, comme on écrit elles se sont parlé.

 

On écrit

On n’écrit pas

Les différents champions qui se sont succédé

Les différents champions qui se sont succédés

 

Sur un même pied d’égalité

Le 8 janvier 2015

Emplois fautifs

Les expressions sur un pied d’égalité et sur un même pied sont synonymes. Elles signifient que deux personnes traitent d’égal à égal, qu’il n’y a pas, dans l’affaire qui les occupe, de différence hiérarchique, que l’une n’est pas l’inférieure de l’autre. On évitera de commettre un pléonasme vicieux en faisant figurer dans une seule expression même pied et pied d’égalité qui l’une et l’autre signalent l’identité de niveau, de position évoquée plus haut.

 

On dit

On ne dit pas

Être sur un même pied

Être sur un pied d’égalité

 

Être sur un même pied d’égalité

 

U 15, U 16, etc., pour Moins de 15 ans, moins de 16 ans, etc.

Le 8 janvier 2015

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le monde du sport est friand d’anglicismes, sans doute parce que nombre de sports sont nés et se sont développés outre-Manche et outre-Atlantique. Si certaines formes sont depuis longtemps acceptées dans notre langue, il en est d’autres qui sont parfaitement inutiles. Naguère les jeunes sportifs étaient répartis en catégories d’âge aux noms évocateurs. On était poussin, puis benjamin, minime, cadet, junior, espoir avant d’être senior. Chacun de ces âges, à l’exception bien sûr du dernier, durait deux ans. Depuis peu, ces appellations disparaissent et les jeunes sportifs sont strictement regroupés par âge, ceux de moins de 15 ans, de moins de 16 ans, etc. Si on peut comprendre cette volonté de resserrer les limites des catégories, on ne peut que déplorer que nombre de documents officiels ne présentent ces jeunes athlètes qu’avec l’anglicisme U (pour under) 15, U 16, etc.

Dire, Ne pas dire, au IIIe siècle après Jésus-Christ

Le 8 janvier 2015

Expressions, Bonheurs & surprises

En 1925, Étienne Le Gal concourut pour le prix Saintour avec un ouvrage intitulé Ne dites pas… Mais dites… et sous-titré Barbarismes-solécismes-locutions vicieuses. L’Académie française ne le récompensa pas. Dans la même veine, il publia, en 1927, Ne confondez pas. On pouvait lire dans la préface :

« On ne sait plus le sens des mots. On ne prend plus le temps de choisir le mot juste, et on emploie les termes avec négligence et ignorance. Il est à peine besoin de souligner les conséquences néfastes. Notre belle langue française est menacée dans ses qualités maîtresses : précision, clarté, logique, force, justesse. Son avenir est compromis, et avec lui l’avenir de notre pensée. »

Mais bien avant lui d’autres s’étaient inquiétés d’entendre leur langue parlée incorrectement. On ne parlera ici ni de Malherbe, ni de Vaugelas, mais on remontera encore un peu plus dans le temps.

Il existe un texte, que le philologue et académicien Gaston Paris a daté de la fin du IIIe siècle après J.-C., dans lequel sont recensées plus de deux cents fautes très fréquentes en latin. Le texte présente la forme correcte, puis la forme fautive dûment précédée de non, « et non pas », présentation qui est aujourd’hui celle de Dire, Ne pas dire. Dans ce document sont signalées quelques fautes de grammaire : Vico capitis Africae (dans la rue de la tête de l’Afrique), non Vico caput Africae, forme fautive dans laquelle le nom caput n’est pas décliné. Mais le plus souvent, ce sont des fautes de prononciation que l’auteur a relevées : Speculum non Speclum ; Tabula non Tabla.

Cet opuscule est traditionnellement appelé l’Appendix Probi, la « liste de Probus », parce qu’on l’a retrouvé sur un manuscrit dans lequel figuraient aussi des écrits de Probus. Ce grammairien, de la deuxième moitié du Ier siècle après J.-C., nous est essentiellement connu parce qu’il est cité par Suétone dans son De Grammaticis, traité qui présente les grands grammairiens latins.

L’ombre tutélaire de cet illustre ancêtre doit nous inciter à la modestie car, si tout ce que le monde savant compte de latinistes et de romanistes a fait son miel de cette découverte, ce n’est assurément pas pour les formes de latin correct que proposait le Pseudo-Probus, formes que connaissait toute personne ayant eu entre les mains un Gaffiot ou Les Lettres latines, mais bien pour les barbarismes qu’il contenait et qui auraient fait perdre quatre points à qui les eût utilisés dans un thème. Ces fautes sont un témoignage inestimable de l’évolution de la langue latine et de la réalité du latin oral. Qui veut connaître l’histoire du latin et son évolution phonétique, au terme de laquelle naissaient notre langue et ses sœurs romanes, se doit de fréquenter les incorrections de l’Appendix Probi. Il pourra y ajouter les graffitis de tous ordres trouvés à Pompéi, écrits eux aussi dans une langue bien peu cicéronienne. Chaque mois Dire, Ne pas dire s’efforce de proposer des locutions, expressions ou termes corrects susceptibles de remplacer des formes fautives entendues et lues ici ou là. Mais hélas, qui sait si, dans un temps très lointain, quelque linguiste ne se réjouira pas en découvrant, enfouies au fond de la mémoire d’un vieil ordinateur ou dans la version papier de Dire, Ne pas dire, non pas les formes correctes de notre langue proposées chaque mois, mais bien plutôt quelques-uns des barbarismes, des néologismes inutiles, des tours vicieux et autres incorrections les plus répandus en ce début de millénaire.

On se consolera cependant en songeant que le patronage de Probus est des plus honorables, son patronyme étant une substantivation de l’adjectif probus, « honnête », et l’on constatera avec amusement que si l’on prête volontiers aux plantes nos turpitudes, comme on l’a vu avec l’article clou, on leur emprunte non moins volontiers leurs qualités : l’adjectif probus, avant de servir à qualifier des individus, a en effet été utilisé dans le vocabulaire de l’agriculture et s’est appliqué d’abord aux végétaux avec le sens de « qui pousse droit, qui pousse bien ».

 

Rodolphe L. (France)

Le 8 janvier 2015

Courrier des internautes

Je suis salarié d’une importante association ornithologique. L’ensemble des ornithologues français utilisent les termes « nicher » ou « nicheur » pour indiquer qu’un oiseau couve ou se reproduit. À mon avis, il faut utiliser « nidifier » à la place de « nicher ». En revanche, je ne vois pas d’équivalent au terme « nicheur » qui signifie qu’à partir de critères bien définis les ornithologues considèrent qu’un oiseau se reproduit sur un site.

Je vous remercie de votre avis sur ces deux termes.

Rodolphe L. (France, 24 novembre)

L’Académie répond :

Les dictionnaires que j’ai consultés ne présentent pas nicheur. Nidifier est un doublet savant de nicher ; l’un et l’autre viennent du latin nidificare, « faire un nid ».

On trouve dans certains dictionnaires, Faire nicher avec le sens de « Provoquer la nidification pour faire couver ».

De façon générale, l’Académie française ne crée pas de néologisme ; elle enregistre l’usage. Il peut être préférable de recourir à des périphrases pour désigner toutes ces opérations. Il est aussi possible qu’à l’usage le couple nicher/nidifier voit chacun de ces mots prendre un sens particulier. Dans la mesure où on reconnaît un peu dans nidifier la racine latine facere, « faire », il me semble que l’on pourrait garder nidifier pour « faire un nid » et nicher pour « couver ».

Le bonheur… et le malheur… des mots

Le 4 décembre 2014

Bloc-notes

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On pourrait dire de certains mots qu’ils vieillissent mal. Nul besoin de signaler un sens péjoratif à ridicule : une personne, une action ridicules provoquent toujours un rire moqueur, où le seul plaisir que nous éprouvons est celui de notre supériorité. Pourtant, le latin ridiculus, qui signifie bien, en mauvaise part, « absurde, extravagant », signifie aussi, en bonne part et peut-être en premier lieu, « qui fait rire, plaisant, drôle ». Même double valeur en grec : geloios, « ridicule », signifie d’abord « amusant », et peut se dire d’une fable d’Ésope. Substantivés, les geloia sont des « plaisanteries ». Le verbe gelân en particulier donne à réfléchir. Son sens primitif est « briller », et ce n’est que plus tard, à cause de la joie qui illumine le visage du rieur, qu’il en vient à signifier « rire ». Dans la fraternité des langues indo-européennes, gelân se rapporte au latin gaudere, « se réjouir », au norrois gladr, adjectif signifiant à la fois « brillant » et « joyeux », et à l’anglais glad, maintenant « joyeux » et autrefois « brillant ». Selon l’obscure sagesse du langage, le rire nous rapproche de la lumière.

L’évolution de risible raconte la même histoire. Risibilis en latin signifie « capable de rire ou de faire rire ». En moyen français, risible signifie « qui porte à la gaieté, à la joie », et au xviie siècle, il garde ce sens tout en signifiant aussi « ridicule ». De nos jours, son sens originel ayant disparu, il n’est guère moins agressif que dérisoire.

Le devenir des mots n’est pas sans conséquences : nous avons perdu insensiblement une certaine idée de rire. Le phénomène se retrouve en dehors des langues romanes. Si ridiculo en espagnol ou ridicolo en italien ont le même sens réduit que ridicule, laughable en anglais, lächerlich en allemand impliquent également le mépris. Nous avons dévalué le rire gai au profit du rire moqueur. Le rire moqueur nous ramène à nous-mêmes, en nous flattant quant à la justesse de notre jugement. Il nous sépare. Il réagit aux travers et parfois aux vices des individus et de la société. Le rire nous sort de nous-mêmes. Il est sociable. Il nous fait participer au plaisir de vivre.

Le rire moqueur a certainement un rôle à jouer, puisque le mal, sous toutes ses formes, existe. D’autre part, nous sommes encore capables de rire d’allégresse, comme le prouvent

quantité d’adjectifs : amusant, comique, désopilant, divertissant, drôle, hilarant, plaisant, réjouissant. Leur abondance (avec celle des adjectifs familiers ou populaires, tels que bidonnant ou rigolo) témoigne du plaisir que nous éprouvons à multiplier les mots évoquant ce genre de rire. Pourquoi donc nous inquiéter ?

Restreindre le sens de ridicule semble dénoncer une préférence dangereuse. On tient le rire gai pour ingénu, alors que le rieur qui raille ses semblables serait averti des vrais problèmes de la société et de la condition humaine. La gaieté divertirait, la satire rendrait perspicace. Le rire même serait moins sérieux que les pleurs, et la comédie inférieure à la tragédie. Ne faudrait-il pas retrouver les vertus du rire joyeux, généreux et salutaire, et en comprendre la profondeur ? À l’ère de la dérision qui a succédé à celle du soupçon, nous pourrions méditer sur la brillance qui serait à l’origine de notre perception du rire, et sur le sens complet de ridiculus, qui donne en même temps sur le malheur et sur le bonheur.

Sir Michael Edwards
de l’Académie française

Reprise pronominale du sujet exprimé dans l’interrogation (combien d’auteurs sont-ils sélectionnés ?)

Le 4 décembre 2014

Emplois fautifs

Quand une interrogative partielle commence par un pronom interrogatif sujet ou par un déterminant interrogatif, il est de meilleure langue de ne pas reprendre ce sujet par un pronom personnel, même si cette construction se trouve sous la plume de grands auteurs. On se souviendra donc que l’on dira plutôt Combien d’auteurs sont sélectionnés ? que Combien d’auteurs sont-ils sélectionnés ? Il convient de rappeler que cette reprise est en revanche incorrecte dans l’interrogative indirecte : on ne dira donc pas Dites-nous combien d’argent Pierre veut-il mais Dites-nous combien d’argent Pierre veut. Enfin, on se gardera particulièrement d’utiliser la reprise pronominale quand le verbe de l’interrogative est un infinitif précédé d’un modalisateur comme pouvoir ou vouloir, l’ajout de ce pronom de reprise changeant parfois le sens de la phrase : il ne faut pas confondre Combien d’enfants veulent manger ? et Combien d’enfants veulent-ils manger ?

 

En stand by

Le 4 décembre 2014

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

La locution anglaise to stand by a, parmi de nombreux autres sens, celui d’« être prêt », de « rester là ». On en a tiré le monstre linguistique en stand by, le plus souvent employé comme attribut d’un complément d’objet dépendant du verbe mettre. Les compléments d’objet de la locution verbale mettre en stand by sont tantôt des personnes, tantôt des appareils électriques. Mais dans ces différentes situations, la langue française a des expressions de même sens et depuis longtemps usitées qu’il serait dommage de ne pas continuer à employer.

 

On dit

On ne dit pas

Je vous mets en attente

Je vous prie de bien vouloir patienter

J’attends, je patiente

Mettre, laisser un appareil en veilleuse

Je vous mets en stand by

 

Je suis en stand by

Mettre, laisser un appareil en stand by

 

Du coup au sens de De ce fait

Le 6 novembre 2014

Emplois fautifs

La locution adverbiale du coup a d’abord été employée au sens propre : Un poing le frappa et il tomba assommé du coup. Par la suite, on a pu l’utiliser pour introduire la conséquence d’un évènement : Un pneu a éclaté et du coup la voiture a dérapé. Mais, ainsi que le dit Le Bon Usage, il exprime « l’idée d’une cause agissant brusquement », et à sa valeur consécutive s’ajoute donc une valeur temporelle traduisant une quasi-simultanéité. Du coup est alors très proche d’aussitôt. On ne peut donc pas employer systématiquement du coup, ainsi qu’on l’entend souvent, en lieu et place de donc, de ce fait, ou par conséquent. On évitera également de faire de du coup un simple adverbe de discours sans sens particulier.

On dit

On ne dit pas

Il a échoué à l’examen. De ce fait, il a dû le repasser l’année suivante

Il a échoué à l’examen. Du coup, il a dû le repasser l’année suivante

 

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