Dire, ne pas dire

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Claude T. (France)

Le 7 janvier 2021

Courrier des internautes

Bonjour,

Pouvez-vous me préciser la différence entre : aspirer vers et aspirer à ?

Je vous en remercie.

Claude T. (France)

L’Académie répond :

Ces deux locutions verbales sont synonymes, mais aspirer vers, plus littéraire, est moins employé qu’aspirer à. De plus, aspirer vers ne peut se construire qu’avec un nom, tandis qu’aspirer à peut se construire avec un nom ou un infinitif. On lit ainsi dans Cinna, de Corneille (acte II, scène 1) :

« Et comme notre esprit, jusqu’au dernier soupir,

Toujours vers quelque objet pousse quelque désir,

Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendre,

Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre. »

Le tour il aspire vers descendre (sans même noter le fait que la syllabe -re, à la fin d’aspire, serait placée devant une voyelle et devrait être prononcée, ce qui fausserait le vers) serait incorrect.

Gérard G. (France)

Le 7 janvier 2021

Courrier des internautes

Bonjour Mesdames les Académiciennes, Messieurs les Académiciens,

Pouvez-vous me dire si, pour les pluriels en -ou pour les sept noms communs chou, joujou, bijou, pou, hibou, genou et caillou, il est vrai que lors de l’impression du premier ou du second dictionnaire, une faute s’était glissée et que, depuis, nous utilisons un x pour le pluriel de ces mots ?

Je vous remercie.

Gérard G. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

Au Moyen Âge, les noms terminés en -l voyaient cette consonne se vocaliser en u devant le s de pluriel. Quand ce l était précédé d’un i, celui-ci tombait au pluriel. On avait donc un cheval, des chevaus ; un chevel, des cheveus ; un genouil, des genous ; un rossignol, des rossignous. Ce groupe -us était ordinairement noté par une abréviation qui ressemblait beaucoup à la lettre x, avec laquelle elle fut bientôt confondue. Et ces formes devinrent chevax, chevex, genox, et rossignox, mais comme le u se faisait toujours entendre et qu’on ne savait plus qu’il était noté par le x, on le conserva, ce qui donna chevaux, cheveux (c’est par analogie avec ce pluriel que cheveu remplaça la forme ancienne chevel), genoux, rossignoux (refait ensuite en rossignols par analogie, ici, avec le singulier).

Le nom pou, anciennement pouil (d’où sont tirées les formes pouilleux et épouiller), suivit la même évolution. À ces deux noms au pluriel en -x l’usage ajouta, sans véritable raison, bijou, caillou, chou, hibou et joujou.

Léo D. (France)

Le 7 janvier 2021

Courrier des internautes

Madame, Monsieur,

Une question m’est venue après les annonces du chef de l’État : à partir de ce samedi, la distance autorisée pour la promenade et les activités physiques passe de un à vingt kilomètres. Je me demandais s’il existait un verbe indiquant une multiplication par vingt. Lorsqu’une chose a été multipliée par cinq, on dit qu’elle a quintuplé. La même expression existe-telle pour vingt ?

Léo D. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

On trouve parfois la forme vingtupler. Elle est rare, mais figure cependant dans le Dictionnaire de Littré, où l’on peut lire : « Multiplier par vingt. Vingtupler un nombre. » Dans les multiples de dix, il n’y a que dix, vingt et cent qui ont ce type de dérivé en -upler. Ajoutons également que si centupler existe, ce verbe est beaucoup moins répandu que la locution « au centuple », employée particulièrement dans l’expression Rendre au centuple.

Des compliments banaux ou des compliments banals

Le 3 décembre 2020

Emplois fautifs

L’adjectif final fait ordinairement finals au masculin pluriel, mais on rencontre aussi finaux, notamment en linguistique et en économie. On observe le même phénomène avec banal, dont le masculin pluriel, ordinairement banals (des compliments banals), est banaux quand cet adjectif appartient au vocabulaire de la féodalité et qualifie ce qui était mis à la disposition de tous moyennant le paiement d’une redevance au seigneur (des moulins banaux). Cette distinction n’a pas toujours été respectée : Marcel Cohen en témoigne, dans ses Regards sur la langue française, quand il signale que, en juin 1904 en Sorbonne, Émile Faguet employait la locution des mots banaux tandis que Ferdinand Brunot, dans une salle voisine, disait des mots banals… On s’efforcera tout de même, un siècle plus tard, d’essayer de l’appliquer.

on dit

on ne dit pas

Au Moyen Âge, les paysans faisaient cuire leur pain dans des fours banaux

Il lui a tenu des propos banals

Au Moyen Âge, les paysans faisaient cuire leur pain dans des fours banals

Il lui a tenu des propos banaux

Elle s’est faite belle, cette idée s’est fait jour

Le 3 décembre 2020

Emplois fautifs

Dans la tournure Elle s’est faite belle, le pronom élidé s’ est complément d’objet direct du verbe faire ; il est donc normal que le participe s’accorde. Il n’en va pas de même dans une phrase comme Cette idée s’est fait jour, puisque, dans ce cas, le pronom s’ est complément d’objet indirect du verbe faire, qui a pour complément d’objet direct le nom jour. En effet, la locution se faire jour est l’équivalent de « se frayer un chemin, se faire une ouverture, réussir à passer » et, dans ce type de construction, le participe passé fait reste donc invariable.

on dit, on écrit

on ne dit pas, on n’écrit pas

Une inquiétude s’est fait jour dans l’assemblée

Très vite ses qualités se sont fait jour

Ils se sont faits tout propres 

Une inquiétude s’est faite jour dans l’assemblée

Très vite ses qualités se sont faites jour

Ils se sont fait tout propres

Peut-être le gouvernement changera d’avis

Le 3 décembre 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Les anglicismes qui envahissent notre langue sont le plus souvent lexicaux : on remplace un mot ou une expression déjà existants par un équivalent anglais, et l’on dit ainsi checker pour « vérifier » ou step by step pour « pas à pas ». Mais il en est d’autres, heureusement plus rares, où c’est un trait de syntaxe qui passe dans notre langue. C’est le cas, avec l’adverbe peut-être en tête de phrase, du tour peut-être + sujet + verbe : Peut-être Pierre arrivera demain, calque de l’anglais Maybe (ou perhaps) Peter will arrive tomorrow. Ce tour est incorrect en français. On doit le remplacer par la forme peut-être que (Peut-être qu’il voudra visiter un musée) ou, mieux, par la construction peut-être + verbe + sujet pronominal (Peut-être voudriez-vous vous reposer un peu) ou peut-être + nom + verbe + reprise pronominale (Peut-être Juliette acceptera-t-elle volontiers cette proposition).

on dit

on ne dit pas

Peut-être le gouvernement modifiera-t-il sa position

Peut-être nous sommes-nous trompés

Peut-être le gouvernement modifiera sa position

Peut-être nous nous sommes trompés

Derechef

Le 3 décembre 2020

Extensions de sens abusives

L’adverbe derechef connaît une seconde jeunesse après avoir bien failli disparaître. En 1710, dans son Art de bien parler français qui comprend tout ce qui regarde la grammaire et les façons de parler douteuses, Pierre de La Touche s’étonnait que ces « Messieurs de l’Académie ne le condamnassent pas ». On le lisait pourtant dans le titre de la cinquième Méditation métaphysique de Descartes : « De l’essence des choses matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe ». Toujours au sujet de cet adverbe, ces mêmes messieurs de l’Académie notèrent, de la deuxième édition de leur Dictionnaire, en 1718, à la septième, en 1878, qu’« il vieillit ». Arriva donc ce qui devait arriver : après l’avoir fait vieillir pendant cent soixante-dix ans ans et six éditions, le Dictionnaire constatait dans la huitième édition, en 1935, qu’« il est vieux ». L’édition actuelle l’a néanmoins conservé et on le trouve d’ailleurs encore dans de nombreux ouvrages du xxe siècle, comme L’Enfant et la Rivière, d’Henri Bosco : « L’enfant […] répondit à son bourreau avec une telle colère que l’autre, derechef, le fustigea. » N’oublions pas, si l’on souhaite le remettre à l’honneur, que cet adverbe signifie « de nouveau, une seconde fois » (Comme il n’a pas été élu la première fois, il s’est présenté derechef) et que c’est une extension fautive que de lui donner le sens d’« immédiatement », « sur-le-champ » – même si, souvent, il n’y a que peu de temps entre l’exécution d’une action et sa répétition.

on dit

on ne dit pas

Nous avons reçu immédiatement le document nécessaire

Je l’ai rejoint sans délai après qu’il me l’a demandé

Il a répondu aussitôt

Nous avons reçu derechef le document nécessaire

Je l’ai rejoint derechef après qu’il me l’a demandé

Il a répondu derechef

Bernhard H. (Allemagne)

Le 3 décembre 2020

Courrier des internautes

Actuellement j’écris un exposé sur l’école cathédrale d’Orléans ; Théodulf d’Orléans (évêque de 798 à 816) a joué un rôle très important à la direction de cette école. Dans la littérature, j’ai trouvé la phrase suivante : « Il fit partie aussi du groupe de lettrés faisant partie de la trustion de Charlemagne, groupe auquel les Romantiques ont donné abusivement le nom d’Académie palatine. » Le problème est le mot trustion. J’ai déjà consulté beaucoup de sources, mais sans résultat. Pourriez-vous m’expliquer cette notion ? Je vous remercie cordialement. 

Bernhard H. (Allemagne)

L’Académie répond :

Trustion ne figure pas dans les documents que nous avons consultés. Cela étant, « la trustion » est peut-être une mauvaise coupe de « l’antrustion », qui désigne le lien qui unissait un homme libre à son roi. Il peut aussi s’agir d’une altération du nom truste. Ce mot, tiré du latin médiéval trustis, « aide, assistance armée jurée au roi », puis « condition de celui qui a juré cette assistance » et enfin « ensemble de ceux qui sont sous ce serment », est à rapprocher de l’anglais trust, « confiance » et de l’allemand Trost, « consolation ».

Gérard A. (France)

Le 3 décembre 2020

Courrier des internautes

Quelle est la règle d’accord des noms d’unités quand ils viennent d’un nom propre ? Doit-on écrire un Pascal, deux Pascals ou deux Pascal ? Et doit-on écrire un hectoPascal ou un hecto-Pascal ? Merci de votre réponse.

Gérard A. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

Les unités de mesure sont des noms communs, même si elles sont tirées de noms propres. Elles ne s’écrivent donc pas avec une majuscule mais elles prennent la marque du pluriel. On écrit donc un pascal, deux pascals, comme on écrit un watt, deux watts ou un ohm, deux ohms. Quant au préfixe hecto-, il se soude ordinairement au nom avec lequel il forme un composé : des hectopascals, un hectomètre, trois hectowatts, etc. Cela étant, avec ohm, on emploie un trait d’union pour que les deux o dans hecto-ohm soient bien prononcés séparément et non comme le son « ou ».

Mathilde R. (France)

Le 3 décembre 2020

Courrier des internautes

Dans le vocabulaire courant, on utilise, tant à l’écrit qu’à l’oral, l’expression à savoir lorsqu’on s’apprête à faire une énumération. On retrouve cependant dans les actes juridiques, et notamment les actes notariés, la formule savoir.
Pourriez-vous, s’il vous plaît, m’indiquer laquelle de ces deux formules est correcte ?

Mathilde R. (France)

L’Académie répond :

Madame,

L’emploi de la forme à savoir est correct et usuel. Celui de savoir devant une énumération est plus rare, mais il est également correct (et ce n’est que cette forme que l’on emploie dans la langue juridique). On trouve ainsi chez Victor Cousin, dans son Histoire de la philosophie au xviiie siècle, en 1829 : « Locke distingue trois lois ou règles, savoir : la loi divine, la loi civile, la loi d’opinion ou de réputation. »

Savoir est ici une ellipse de la forme archaïque assavoir, « faire connaître », employée depuis le xve siècle avec le sens de « c’est-à-dire ».

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