Le 2 avril 2020
Néologismes & anglicismes
Que nos amis d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique décident de faire la promotion de notre pays en écrivant Choose France est plutôt sympathique. Mais si ce slogan vient de France, on peut soupçonner ses auteurs d’une pointe de snobisme et regretter qu’ils semblent oublier que ce qui caractérise la France, c’est entre autres et essentiellement qu’on y parle français.
Le 2 avril 2020
Néologismes & anglicismes
L’épidémie de coronavirus a touché notre pays, comme beaucoup d’autres. La presse et le gouvernement s’efforcent de donner toutes les informations utiles en évitant de créer des vagues de panique. Mais à côté du virus, et plus vite que lui, s’est répandu un anglicisme sur l’utilité duquel on peut légitimement s’interroger, le mot cluster. Les dictionnaires bilingues indiquent que ce mot a, entre autres sens (parmi lesquels celui de « bouquet »), ceux d’« amas », d’« agglomérat », de « groupe », auxquels on pourrait adjoindre des synonymes comme « agrégat » ou « foyer ». On recommandera donc vivement l’usage de l’une ou l’autre de ces formes si l’on veut s’adresser à des francophones, plutôt qu’un terme étranger, forcément moins bien compris.
Le 5 mars 2020
Néologismes & anglicismes
Le nom langage est dérivé de langue et c’est pour cette raison qu’il s’est parfois écrit, au Moyen Âge, language, concurremment à langage, plus conforme à la prononciation et qui peu à peu s’est imposé. C’est cependant la forme language qu’au xiiie siècle nos amis anglais nous ont empruntée. Depuis huit siècles, on écrit donc langage chez nous et language de l’autre côté de la Manche. Il convient de ne pas modifier une orthographe validée par un si long espace de temps et l’on évitera, en français, d’écrire language. N’oublions pas que, dans Les Femmes savantes (acte II, scène 7), ce n’est pas Je vis de bonne soupe, et non de beau language que Molière fait dire à Chrysale, (même si ce dernier est peu soucieux de correction grammaticale ou orthographique), mais bien Je vis de bonne soupe et non de beau langage.
On dit, on écrit
|
On ne dit pas, on n’écrit pas
|
Maître Renard, par l’odeur alléché / Lui tint à peu près ce langage
|
Maître Renard, par l’odeur alléché / Lui tint à peu près ce language
|
Le 5 mars 2020
Néologismes & anglicismes
Nous avons évoqué il y a un peu plus de deux ans la locution task force que d’aucuns voulaient substituer à des formes comme « commission, groupe de travail » ou « force opérationnelle ». Task revient maintenant avec les étranges formes tasker et taskable. La première, un verbe, désigne le fait de charger quelqu’un d’une tâche, d’un travail ; la seconde, un adjectif, qualifie une personne qui n’est pas débordée et à qui l’on peut confier cette tâche, ce travail. Ce type de situation n’est pas nouveau, et le français dispose de mots et de locutions pour en rendre compte, qu’il est préférable d’employer plutôt que ces anglicismes de mauvais aloi.
On dit
|
On ne dit pas
|
Il faut confier cette tâche à Untel
Je suis débordé
|
Il faut tasker Untel
Je ne suis pas taskable
|
Le 6 février 2020
Néologismes & anglicismes
Naguère les verts inquiétaient parce qu’ils étaient considérés comme de doux utopistes manquant cruellement de réalisme ou comme des oiseaux de mauvais augure annonçant des lendemains peu chantants. Ce qui est arrivé à ces personnes semble se produire maintenant pour l’adjectif vert, que d’aucuns paraissent chercher à remplacer à toute force. Ainsi une grande ville, une capitale même, proposait il y a peu des « bons plans pour un monde plus green ». Un proverbe dit que l’herbe est toujours plus verte (ou plus grasse) dans le champ du voisin. Pourquoi vouloir nous faire croire qu’elle serait d’encore meilleure qualité si elle était green ? Le monde sera-t-il moins beau s’il est vert plutôt que green ? Le meilleur moyen de promouvoir la diversité – des espèces ou des langues – est-il véritablement de remplacer des mots français par d’autres d’une langue déjà dominante ? Cela n’est pas sûr, et il n’y aurait rien de choquant à ce que nos édiles s’adressent à leurs administrés dans la langue de ces derniers.
Le 6 février 2020
Néologismes & anglicismes
Le verbe anglais to pitch a d’abord signifié « lancer, jeter » ; ses sens se sont ensuite étendus et aujourd’hui il signifie aussi « présenter, mettre en valeur, promouvoir ». Pour rendre ces idées, on le voit, le français a des verbes et locutions verbales à sa disposition. Aussi peut-on s’étonner qu’une école, dont on dit qu’elle prépare les élites, propose des formations pour apprendre à pitcher un projet ou à pitcher un sujet. Rappelons aussi qu’à pitch on préfèrera, dans le domaine du cinéma et du spectacle, résumé ou argument, et, dans celui des techniques de communication, présentation, argumentaire ou démonstration.
On dit
|
On ne dit pas
|
Exposer, présenter un sujet
Promouvoir, mettre en valeur un projet
|
Pitcher un sujet
Pitcher un projet
|
Le 9 janvier 2020
Néologismes & anglicismes
En octobre 1929 eut lieu à New York la plus importante crise économique du xxe siècle. Tout commença le jeudi 24 octobre, qui sera appelé pour cette raison le black Thursday, « le Jeudi noir », l’adjectif noir étant associé ici au malheur, à la désolation. Les évènements des 28 et 29 octobre qui suivirent valurent à ceux-ci les noms de black Monday, « lundi noir », et black Tuesday, « mardi noir ». Cette crise gagna peu après sur l’Europe. Quatre-vingt-dix ans plus tard, c’est un black Friday, voire une black Friday week, qui s’abat sur notre continent, promesse de consommation effrénée, et preuve peut-être aussi de la perspicacité de Marx qui disait qu’un évènement tragique se répète ensuite de manière grotesque, comme c’est le cas avec tous ces jours pleins de noirceur.
Le 9 janvier 2020
Néologismes & anglicismes
Il y a quelques décennies les écrans de télévision nous présentaient la vie d’aimables bestioles appelées les Shadoks. Leur devise était « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Il semble qu’une partie de nos dirigeants ait repris la formule en la modifiant légèrement pour qu’elle devienne « Pourquoi utiliser le français (ce qui serait plus simple) quand on peut utiliser l’anglais (qui en France est un peu moins accessible) ? C’est ainsi qu’a été lancé récemment, avec un important tapage médiatique le Health data hub. Il est permis de supposer qu’un Centre des données sur la santé pourrait désigner ce projet et aurait peut-être mieux contribué à ce que tout un chacun se sente concerné par celui-ci.
Le 5 décembre 2019
Néologismes & anglicismes
Le nom anglais discount désigne un rabais consenti par un commerçant sur le prix d’une marchandise ; il entre aussi dans l’expression discount store, qui désigne un magasin de grande surface diffusant une gamme limitée de produits en pratiquant une réduction sur le prix de vente habituel. Ce type de pratique est ancien et le français dispose, outre rabais, de termes comme escompte, remise, réduction, etc. pour la nommer. Aussi n’est-il pas nécessaire de leur substituer l’anglicisme discount, quand bien même celui-ci serait un emprunt au français ancien desconte, ou descompte, qui désignait alors, lit-on dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, « Ce qu’on a à prendre & à rabbattre sur une somme que l’on paye. Quand le Thresorier a avancé de l’argent aux troupes, il en fait le descompte à la fin du mois. Il y a tant de descompte ».
On dit
|
On ne dit pas
|
Une réduction, un rabais de 10 %
Le commerçant lui a consenti une jolie ristourne
|
Un discount de 10 %
Le commerçant lui a consenti un joli discount
|
Le 5 décembre 2019
Néologismes & anglicismes
Il en va des préfixes comme de la coupe des pantalons, des couleurs ou des races de chiens ; certains, sans que l’on sache vraiment pourquoi, sont plus en vogue à certaines périodes. C’est le cas aujourd’hui pour inter-, qui semble être l’annonciateur de communion entre les individus et la panacée contre toute forme d’incommunicabilité. Mais parfois les formes ainsi créées ne diffèrent en rien – si ce n’est par un peu d’enflure – de celles qu’elles sont supposées remplacer et n’ajoutent rien à leur sens. C’est le cas du néologisme interchanger, apparu il y a peu et utilisé en lieu et place d’échanger. On se gardera bien d’employer ce verbe un peu pataud et l’on conservera le plus élégant échanger.
On dit
|
On ne dit pas
|
Ils ont échangé quelques phrases sur la situation
|
Ils ont interchangé quelques phrases sur la situation
|
Pages