Dire, ne pas dire

Néologismes & anglicismes

Backstage

Le 7 juillet 2017

Néologismes & anglicismes

Le mot backstage est apparu en anglais à la fin du xixe siècle. C’est un composé de back, « derrière, en arrière » et de stage, au sens de « scène ». Comment ne pas avoir de tendresse pour cette forme que l’anglais a empruntée du français étage quand ce dernier s’écrivait encore estage ? Mais que cette tendresse ne nous empêche pas de constater que ce mot est inutile en français puisque des formes françaises équivalentes existent depuis longtemps déjà, que backstage soit employé adverbialement, qu’il entre dans la locution adverbiale en backstage, ou qu’on l’utilise comme nom, le plus souvent au pluriel, les backstages. Dans tous ces cas backstage pourra être remplacé avantageusement par son équivalent français « coulisse ».

on dit

on ne dit pas

Les coulisses d’un défilé de mode

Assister à un spectacle en coulisse

Les négociations se sont passées en coulisses

Les backstages d’un défilé de mode

Assister à un concert en backstage

Les négociations se sont passées backstage

 

Task force

Le 7 juillet 2017

Néologismes & anglicismes

Du latin médiéval tasca, qui désignait une redevance due au propriétaire pour des champs obtenus par la mise en valeur de terres vierges, sont issus le français tâche et l’anglais task. Comme ils ont la même origine, il n’est guère étonnant qu’ils aient le même sens, task signifiant en effet « besogne, tâche, devoir, travail ». Ce nom entre dans de nombreuses locutions, dont task force. Dans le monde militaire, cette locution désigne un corps expéditionnaire ; en dehors de cet emploi, task force est l’équivalent de « force opérationnelle, groupe de travail », ou « commission ». Il est donc loisible de penser que l’emploi de cet anglicisme est inutile et c’est donc les formes françaises en usage que l’on recommandera.

Dirigeance pour Direction

Le 1 juin 2017

Néologismes & anglicismes

Le nom dirigeance est un néologisme qui ressortit à la sociologie du travail. Il désigne ce qui touche à la direction d’une organisation, en particulier d’une entreprise. Il appartient donc au vocabulaire des sciences humaines, et s’il est parfaitement correct dans ce cadre, on ne doit pas en faire un synonyme vague et ampoulé de direction.

 

on dit

on ne dit pas

Assurer la direction d’une entreprise

Se voir confier la direction des opérations

Assurer la dirigeance d’une entreprise

Se voir confier la dirigeance des opérations

 

Impeachment, empêchement

Le 1 juin 2017

Néologismes & anglicismes

En droit constitutionnel français, l’empêchement est une interruption des fonctions du chef de l’État et, selon les termes de la Constitution de 1958, l’empêchement doit être constaté par le Conseil constitutionnel sur la demande du gouvernement. L’empêchement peut être provisoire, en cas de maladie, d’enlèvement, de disparition temporaire ou définitif en cas de trahison, de démence, de déchéance physique grave et irréversible,…

L’empêchement est donc un faux-ami de l’anglais impeachment, qui désigne, dans d’autres États, une procédure de mise en accusation d’un haut personnage, visant à son procès (impeachment trial) et, éventuellement, à sa destitution. On se gardera donc bien de confondre ces deux termes, même si le second est issu du premier, qui appartiennent à deux langues et à deux systèmes constitutionnels différents.

Fake news

Le 4 mai 2017

Néologismes & anglicismes

Depuis plusieurs mois l’expression fake news s’est largement répandue en France. Celle-ci nous vient des États-Unis et nombre de commentateurs et de journalistes semblent avoir des difficultés pour lui trouver un équivalent français. Pourtant, ne serait-il pas possible d’user de termes comme bobard, boniments, contre-vérité, mensonge, ragot, tromperie, trucage ?

 

on dit

on ne dit pas

La prolifération des contre-vérités

Alimenter la presse en ragots

La prolifération des fake news

Alimenter la presse en fake news

 

Mettre dans la loop pour Tenir au courant

Le 4 mai 2017

Néologismes & anglicismes

Les formes anglaises loop et to loop signifient « boucle » et « faire une boucle ». Elles entrent dans l’expression looping the loop, « action de boucler la boucle », à l’origine du nom looping, apparu il y a plus d’un siècle et d’abord employé pour désigner la figure en forme de boucle réalisée par des cyclistes acrobates dans des cabarets, puis celle que réalisent des aviateurs. Mais, depuis peu, on lit et on entend une étrange expression mêlant français et anglais, mettre dans la loop. Dans ce cas, loop a le sens de circuit d’information, et cette expression signifie « tenir au courant ». C’est donc cette forme que l’on choisira, ou une tournure équivalente, pour éviter cet hybride incongru.

 

on dit

on ne dit pas

Tenir ses collègues au courant

Gardez-moi informé

Mettre ses collègues dans la loop

Gardez-moi dans la loop

 

Green tech verte

Le 6 avril 2017

Néologismes & anglicismes

Au début des années 1970, les mouvements écologistes commencèrent à se structurer. Ce fut particulièrement le cas en Allemagne, qui vit la naissance des Grünen, « les Verts ». De nombreux pays adoptèrent alors, après l’avoir traduit, ce nom et adjectif. Il existe ainsi un parti vert européen, qui regroupe nombre de partis nationaux. On trouve les Groen en Belgique néerlandophone, les Zelenite en Bulgarie, Iniciativa per Catalunya verds en Catalogne, les Prasinoi en Grèce, Comhaontas glas (ou Green party) en Irlande, la Federazione dei Verdi en Italie, les Gréng au Luxembourg, le Partidul verde en Moldavie et en Roumanie, les Grœne en Norvège, les Groenen aux Pays-Bas, les Zieloni en Pologne, le Green Party en Angleterre, Zelenaya Alternativa (Alternative verte) en Russie, Strana Zelenych en Slovaquie et en République tchèque, les Gröna en Suède, et le Partija Zelenykh en Ukraine. Cette liste nous permet de faire un peu de grammaire comparée et de noter qu’il existe trois racines principales pour dire « vert » : une racine latine ver-, une racine germano-nordique en gr- et une racine slave en zelen- (sans oublier le grec prasinos, signifiant proprement « qui a la couleur d’un poireau »).

Force est donc de constater qu’il est possible d’utiliser cet adjectif dans sa propre langue et l’on se demande pourquoi un organisme officiel français, dont une des tâches consiste à se battre pour la diversité, utilise sur son site l’expression Green tech, à laquelle il ajoute, de plus, un étrange et redondant verte pour évoquer « la technologie verte » !

Hospitalités

Le 6 avril 2017

Néologismes & anglicismes

Le nom hospitalité s’emploie en français au singulier. Il désigne le lien de réciprocité qui existait entre des personnes, des familles ou des villes de l’Antiquité en vertu duquel on rendait à un hôte l’hébergement qu’il vous avait accordé. Il désigne aussi et plus couramment le fait d’offrir à ses hôtes le vivre et le couvert, et la grâce que l’on met à le faire. Les locutions anglaises hospitality room ou hospitality suite, désignant un salon de réception où l’on sert des rafraîchissements lors de quelque manifestation, ont visiblement donné naissance à un surprenant néologisme, hospitalités. On commence en effet à entendre et lire ce terme ici ou là, dans des dépliants publicitaires qui vantent les offres de restauration ou d’hébergement d’un lieu pour inciter le public à s’y rendre. On évitera de recourir à cet anglicisme et on lui préfèrera des périphrases plus éclairantes et plus conformes au génie de notre langue.

on dit

on ne dit pas

Le site dispose de nombreuses possibilités de restauration et d’hébergement

Les prestations concernant le logement, la restauration des clients

Le site dispose de nombreuses hospitalités

Les prestations d’hospitalités

 

e-learning

Le 2 mars 2017

Néologismes & anglicismes

Il existe maintenant des enseignements de tous ordres faisant appel à des moyens de communication électroniques. On les regroupe sous le nom de « formation en ligne ». Cette locution rend précisément compte de ce que peuvent être ces nouveaux types de formation ; il est donc parfaitement inutile de lui substituer l’anglicisme e-learning. Et cette substitution est d’autant plus regrettable qu’il arrive fréquemment que les personnes à qui l’on propose ces formations ne maîtrisent pas l’anglais. Faut-il rappeler encore que nommer en anglais ce qui a un nom français n’améliore pas la qualité de ce que l’on nomme, et que le faire devant un public non anglophone est une marque de mépris envers ce public ou, à tout le moins, de grave ignorance de ce qu’il est. On évitera aussi, autant qu’il est possible d’utiliser tous ces néologismes mal venus, construits à l’aide du préfixe très productif e-, signifiant « électronique », comme e-commerce, e-sport, etc.

Made for sharing. Pierre de Coubertin, reviens, ils sont devenus fous

Le 2 mars 2017

Néologismes & anglicismes

Made for sharing. Pierre de Coubertin, reviens, ils sont devenus fous

Nous avons publié récemment la lettre d’un Québécois ayant séjourné à Paris et se plaignant du nombre d’anglicismes qui se lisaient sur les devantures des boutiques. Nous recevons beaucoup de lettres de ce type dans lesquelles nos correspondants, français ou étrangers, déplorent cette mauvaise pratique. Que dire alors du made for sharing destiné à promouvoir la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024 ? A-t-on à ce point honte de notre langue que l’on n’ose l’employer ? Pense-t-on entraîner l’adhésion de tout un peuple à ce projet en refusant de s’exprimer dans sa langue ? N’y a-t-il nul autre moyen, pour se distinguer de son principal concurrent, que de lui emprunter sa langue ? Est-il logique de se dire fait pour partager si l’on ne veut pas communiquer dans sa propre langue ? N’est-ce pas traiter par le mépris tous les francophones étrangers qui aiment cette langue ? N’est-ce pas oublier que l’article 24 de la Charte olympique précise que les langues officielles du Comité international olympique sont le français et l’anglais ? N’est-ce pas oublier que les jeux modernes furent restaurés par un Français ? Pierre de Coubertin, reviens…

Voyez aussi sur notre site (www.academie-francaise.fr) le communiqué de l’Académie française du 16 février 2017 à ce sujet.

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