Dire, ne pas dire

Bloc-notes

J’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire

Le 5 décembre 2013

Bloc-notes

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Je tiens d’abord à préciser que j’enseigne aux États-Unis depuis quarante-sept ans et que donc je ne suis pas, et de loin, un ennemi de la langue anglaise. Dont je respecte et admire les littérateurs, poètes, écrivains, savants et philosophes.

Mais il s’agit ici des langues en général.

Il existe six mille langues parlées dans le monde, dont plus de la moitié ne jouissent pas encore de l’écriture. Chiffre impressionnant, une langue meurt tous les quinze jours. Les experts pensent qu’en 2100, il n’en restera plus que six cents.

Cette question rejoint celle de la biodiversité. Les espèces vivantes meurent, nos langues suivent cette même destruction.

D’autre part, le monde a toujours ressenti le besoin d’une langue de communication. Dans l’Antiquité, le grec a servi de koinè, c’est-à-dire de langue commune aux marins, aux commerçants et aux savants. Synagogue est un mot grec et non hébreu ; pyramide est un mot grec et non égyptien.

Plus tard, le latin devient, et cela pour des millénaires, la langue universelle du droit, de la science et de la médecine – les travaux mathématiques de Riemann sont encore en latin, et même la thèse de Bergson. Cela dura jusqu’à Vatican II, où l’Église catholique fit retour aux langues vernaculaires ; de sorte qu’au Vatican, aujourd’hui, tout le monde parle anglais.

À l’âge classique, le français joua ce rôle, aujourd’hui l’anglais l’a remplacé. Qui sait si, demain, en raison de la densité ou du poids démographiques, le mandarin ou l’urdu ne prendront pas le relais ?

Mais j’écris le relais : a-i-s ! Tout le monde critique l’enseignement, qu’il faut réformer tant il est mauvais, dit-on, sans s’apercevoir que la fonction pédagogique est aujourd’hui assurée plus par les affiches, la publicité et les médias de tous ordres que par l’école. Comment voulez-vous qu’un instituteur enseigne à ses élèves comment écrire le mot relais, alors que les gosses le voient écrit tous les matins, en passant devant la gare : a-y ?

Et puisque nous sommes à la gare, disons un mot de la décision de la S.N.C.F. de mettre des cours d’anglais à la disposition de ses clients de première classe. Voilà une excellente idée ! Qui deviendra meilleure encore quand sera prise la décision complémentaire de mettre des cours de français à la disposition des voyageurs de seconde classe. Tant il reste vrai que la classe riche ou dominante se distingue des autres, par l’habit, la nourriture et les mœurs, mais aussi et surtout par la langue. Elle parlait latin quand le peuple parlait français : Molière se moque de ce tic chez les juristes et les médecins. Elle parla français quand le peuple rural parlait breton, gallo, alsacien, picard, basque, franco-provençal, catalan ou gascon. À la veille de la guerre que nous n’appellerons plus « guerre de 14 », 51 % des fantassins ne parlaient pas français, mais une langue régionale, de sorte qu’il fallut composer les régiments selon les provinces pour que les combattants se comprennent entre eux.

Rien n’a changé aujourd’hui. Les publicitaires, les financiers, tous leaders ou managers, ne veulent pas parler la langue du peuple. Ils parlent anglais, comme jadis ils parlaient latin ou grec.

Pendant que le français devient la langue des pauvres – la langue du peuple – la langue de la seconde classe.

Bonne idée donc de mettre des cours de français en seconde classe.

Alors, le peuple rira au comique de Molière, pleurera d’émotion aux poèmes de Verlaine, se passionnera aux récits de Maupassant, goûtera les chansons de Brel, le Belge, ou de Brassens le Sétois, bref, nagera dans la culture, pendant qu’en première classe, les riches apprendront le marketing, le merchandising, le leadership, bref, toutes les techniques à faire du fric, en trompant et tondant le plus souvent les voyageurs de la seconde classe.

Mais, comme les Bretons, ceux-ci peuvent aussi mettre le bonnet rouge. Victor Hugo l’avait même déjà dit : « J’ai mis, disait-il, un bonnet rouge au vieux dictionnaire. »

D’où mon idée, aussi simple que douce.

J’en appelle aux voyageurs de la seconde classe : qu’ils n’achètent jamais un produit désigné en anglais ; qu’ils n’obéissent jamais à toute publicité rédigée en anglais ; qu’ils n’entrent jamais dans « un shop », mais toujours dans une boutique ; qu’ils n’aillent jamais voir un film dont le titre n’est pas traduit…

…qu’ils fassent la grève douce de la langue.

Croyez-le bien : dès que baissera d’un point le chiffre d’affaires  de ces parleurs d’un sabir qu’eux-mêmes ne maîtrisent pas, ils reviendront vite à notre langue qu’ils assassinent et mettent en danger.

 

Michel Serres
de l’Académie française

Surprise du matin ou « À vos postes »

Le 7 novembre 2013

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Écouter la radio alors que l’on conduit sa voiture m’a toujours semblé être un moment de détente avant d’aborder les tâches du jour. Un rendez-vous avec des voix que je retrouve chaque matin mêlées à celles d’invités chargés de débattre d’un sujet plus ou moins connu de moi mais comblant agréablement chaque minute de mon petit voyage. Faisant de moi en cette circonstance le témoin attentif d’orateurs s’exprimant en direct et soumis à cette obligation de préciser une position, une attitude, un état d’âme en une fraction de seconde et de la plus précise façon. Exercice difficile pour celui qui n’y est pas habitué. Et cela d’autant plus qu’il s’exprime sur la chaîne de grande réputation culturelle que je rejoins chaque matin. J’avoue qu’elle comble mon attente la plupart du temps et que le vocabulaire que l’on me sert ne trouble en rien ma passive écoute. Sauf si mon oreille porte à mon cerveau une expression dont j’ignore le sens et dont je m’instruirais ou si une incongruité me choque. « Intellection », par exemple, me porta vers notre Dictionnaire de l’Académie et j’y appris qu’il fallait comprendre par là une fonction de l’intellect qui consiste à comprendre et à concevoir. Au temps pour moi. Mais j’eus aussi bien des surprises, plutôt cocasses. Ainsi récemment entendis-je une charmante personne nous confier qu’elle « maturait son projet » ; je ne doute pas que celui-ci fût fort intéressant, mais l’eût-elle mené à terme, élaboré, complété, que sais-je, aurait mieux sonné à mon oreille. De telles inventions, j’en ai retrouvé surtout dans la manipulation des verbes, on « externalise », on « fictionnalise », on dit qu’une pensée s’est « originée », qu’on a « bilanté », que l’on « candidate », que l’on « hallucine », faisant de soi-même un hallucinogène. Une approximation jetée dans le trouble de l’instant sans doute et dont on parvient tant bien que mal à imaginer le sens que son auteur a voulu lui prêter. Mais, avec un peu de contrôle de lui-même, n’aurait-il pas mieux fait de puiser dans l’énorme réserve des mots justes que recèlent les synapses de notre cerveau et qui savent exprimer avec une précision incomparable notre pensée française. Ma récolte ne s’arrête pas là. Hors dictionnaire, n’eus-je pas ce consternant privilège d’entendre évoquer un « présentisme », un « courtermisme », un « convivialisme », de me demander si « l’effectivité » permettait d’éviter « l’effet décéptif » d’une action. Mais peut-être ne suis-je pas suffisamment « intuisif », et suis-je trop intuitif devant ces éléments « cultureux ». On pourrait me croire l’inventeur de ces curiosités linguistiques. Soyez rassurés, elles furent relevées tout au long de cette dernière année et leur faible pourcentage ne trouble pas encore notre langue sur cette chaîne culturelle à laquelle je suis par ailleurs très attaché. Je voudrais que ces propos ne troublent pas votre « zénithude » que je suppose, dans l’esprit de son auteur, moins liée au zénith comme il conviendrait qu’au Zen si évocateur de sérénité. À l’année prochaine.

Yves Pouliquen
de l’Académie française

TZR - Titulaire sur Zone de Remplacement (Wikipédia)

Le 3 octobre 2013

Bloc-notes

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Bel exemple de jargon administratif, qu’on reconnaît notamment à l’abus des sigles…

Venu par abréviation du latin sigilla (pluriel de sigillum, « sceau, seing ») ou du bas latin sing(u)la, « singuliers ; isolés », abrégé en sigla, le mot Sigle apparaît au xviiie siècle, d’abord au féminin en 1712, puis au masculin en 1832, pour désigner une initiale ou une suite d’initiales utilisées afin d’abréger un mot ou une suite de mots.

Censée fournir à ces textes une garantie de sérieux et de rigueur, l’accumulation de sigles en accroît l’obscurité, et produit au passage d’irrésistibles effets comiques.

En voici quelques exemples, tirés de l’article « TZR » de Wikipédia :

 

« Le cadre statutaire

[…] En accord avec les textes définissant la fonction de TZR, le TZR est affecté au mois de juin sur une zone de remplacement à la suite du mouvement des enseignants du second degré par un arrêté qui indique également son établissement de rattachement administratif (RAD). En l’absence d’affectation du TZR par le rectorat (services de la DPE) pour lui faire exercer des suppléances, c’est le chef d’établissement du RAD qui gère et organise les heures de service du TZR au sein de son établissement. C’est notamment dans son RAD que le TZR signe son PV d’installation au mois de septembre, et se voit attribuer sa note administrative au cours du second trimestre. […] »

 

« La Zone de Remplacement (ZR)

[…] L’organisation des zones de remplacement est de la responsabilité de chaque académie. La taille de ces zones diffère selon les disciplines : elles prennent généralement trois formes. Elles peuvent être infra-départementales (plus petites qu’un département), comme par exemple les ZR de Sarthe-Est, ZR de Sarthe-Ouest et ZR de Sarthe-Nord dans l’académie de Nantes. Elles peuvent être départementales, comme par exemple les ZR Essonne, ZR Hauts-de-Seine, ZR Val-d’Oise et ZR Yvelines dans l’académie de Versailles. Elles peuvent enfin représenter toute une académie (académie de Rouen pour les enseignants de langue arabe par exemple). L’académie de Versailles attribue par exemple une ZR infra-départementale aux enseignants de lettres modernes, EPS, anglais et histoire-géographie, une ZR départementale aux enseignants de philosophie, lettres classiques, allemand, etc., et enfin une ZR académique aux enseignants des disciplines dont le nombre de TZR est inférieur à vingt (japonais, génie civil et informatique par exemple). »

 

« Sigles spécifiques à la fonction de TZR

TZR : Titulaire sur Zone de Remplacement

ZR : Zone de Remplacement

AFA : Affectation à l’année

RAD : (établissement de) Rattachement administratif

ISSR : Indemnité de Sujétion Spéciale de Remplacement

PV : Procès Verbal d’installation

DPE : Direction des Personnels enseignants. »

 

Danièle Sallenave
de l’Académie française

Un point c’est tout

Le 29 août 2013

Bloc-notes

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Point n’est besoin de déranger Céline pour vanter l’influence de la langue parlée sur la langue écrite. Ce n’est pas de cela que l’on se plaint ici, mais de cette averse de signes de ponctuation qui, pour leur donner un ton de proximité, s’abat aujourd’hui sur tant d’écrits – et qui éclabousse les yeux du lecteur.

Que de points d’exclamation, d’interrogation, de suspension, crochets, tirets, virgules et virgules, parenthèses et guillemets, que de postillons du stylo ! Et faut-il aussi regretter les soulignages superflus, et que les pauvres guillemets, signes si beaux, soient ridiculement relayés, en plus, par ces simagrées des doigts crochus autour des oreilles ?

Les phrases sont des rivières dont la fluidité, la limpidité ne doivent pas être corrompues par ces alluvions. Imagine-t-on Racine, si grand parmi les grands académiciens, écrivant :

Dans un mois, dans un an (!?),
Comment “souffrirons”-nous,
Seigneur, que tant de mers

Me séparent de vous (!…)…
Que le jour recommence
(Et que le jour finisse)
Sans que jamais Titus
Puisse voir Bérénice
– Sans que de tout le jour
Je puisse voir Titus…!!!

Faut-il s’y faire ? Non ! Bien que nous restions menacés à tout moment de recevoir cette carte postale :

Chers amis !
Enfin arrivés !!! Athènes est intacte (?). Hôtel moyen… Demain – indeed – piscine ! Mardi : Parthénon et/ou restaurant. Les restaurants « typiques » sont typiquement nuls (!!!). Mercredi : l’Agora – Marc (ça vous étonne ?) déteste d’avance. Jeudi – ça dépend du temps –en principe quartier libre ! Et vous, Bangkok ? Toujours pollué ?! Rentrons le 15, si les avions décollent (???). Des baisers…
P.-S. Bon anniversaire Jocelyne !!!!!!

… Non ! Écrivons : je t’aime. Un point c’est tout.

 

Jean-Loup Dabadie
de l’Académie française

Erratum

Une erreur, corrigée depuis, s’était malencontreusement glissée dans le « bloc-notes » de septembre, intitulé Un point c’est tout. Nous avions écrit allusions au lieu d’alluvions.

Nous prions nos lecteurs et l’auteur de ce bloc-notes, Monsieur Dabadie, de bien vouloir accepter nos excuses pour cette malheureuse coquille.

Écrans et toiles

Le 8 juillet 2013

Bloc-notes

M. Amin Maalouf en habit d'académicien
L’idée de ce bloc-notes m’est venue lors de ma toute première participation aux travaux de l’Académie française.

La mission des « quarante » n’est-elle pas d’établir la nouvelle édition du Dictionnaire – en l’occurrence, la neuvième – en s’appuyant sur les précédentes et en les modifiant en fonction de l’évolution des usages, des techniques et des mœurs ? Je me suis aussitôt demandé quelle avait pu être, pour les académiciens des temps passés, la signification de certains mots qui nous paraissent emblématiques de notre époque, alors qu’ils existaient bien avant nous, et qu’ils avaient forcément leurs emplois et leurs définitions.

« Écran », par exemple. Nous avons aujourd’hui l’habitude de voir des écrans partout – sur les téléviseurs, les ordinateurs, les téléphones portables, les instruments de mesure, les livres électroniques, etc. Mais que pouvait bien évoquer ce mot pour les vénérables ancêtres qui ont établi la première édition, à la fin du XVIIe siècle ?

À l’époque, on l’orthographiait « escran » et on le définissait comme une « sorte de meuble dont on se sert l’hiver pour se parer de la chaleur du feu ». Suivaient, en italique, quelques expressions contenant ce mot : « Escran qui est monté sur un pied, & qui se hausse & se baisse. Escran qu’on tient à la main. Prenez un escran pour ne vous pas brusler le visage. Il se mit devant ma chaise pour me servir d’escran. »

C’est seulement dans la troisième édition du Dictionnaire, publiée en 1740, que disparaît de ce mot, comme de beaucoup d’autres, le « s » muet- « escole », « estang », « estoile », « beste » devenant « école », « étang », « étoile », « bête ». Mais la définition de l’écran ne varie guère. On la retrouve quasi identique dans les éditions suivantes. Et si, dans la huitième, achevée en 1935, l’article consacré à ce mot est bien plus détaillé, le vieux sens y demeure prépondérant. Les premiers paragraphes disent :

« ÉCRAN. n. m. Dispositif servant à se protéger contre la chaleur d’un foyer. Il est formé, soit d’une pièce d’étoffe enroulée autour d’une lourde tige, placée sur une cheminée et qui, lorsqu’on la déroule, est maintenue et tendue par une tringle à son extrémité inférieure ; soit d’un châssis de bois tendu d’étoffe et monté sur pieds qu’on place devant une cheminée, un poêle, un radiateur, etc. Il se dit aussi d’une sorte d’éventail que l’on tient à la main pour le même objet. Il désigne encore, en termes d’arts, le cercle de bois recouvert de toile que le verrier place devant son visage quand il travaille au fourneau.

Il se dit aussi d’une toile blanche ou d’un papier tendu sur un châssis dont les dessinateurs et les graveurs se servent pour amortir l’éclat du jour.

C’est seulement dans les dernières lignes que l’on s’approche du sens qui prédomine de nos jours lorsqu’on parle d’écran :

Il se dit, en termes d’optique, de tout tableau sur lequel on fait projeter l’image d’un objet.

Il se dit, spécialement en termes de cinématographie, de la toile blanche sur laquelle on projette les films. »

Et il faudra attendre la neuvième édition, sur laquelle travaille l’Académie actuellement, pour voir l’article divisé en deux sections distinctes et d’égale longueur, la première traitant du sens traditionnel, celui d’un objet ou d’un dispositif servant de protection, la seconde s’intéressant à l’idée plus récente d’une surface de projection.

Il est vrai que l’ancienne acception du terme n’a pas du tout vieilli. On parle toujours d’un écran de fumée, d’un écran de verdure, voire d’écran total pour désigner une crème qui protège la peau contre les rayons du soleil. Des locutions telles que « faire écran » ou « servir d’écran » sont encore d’usage courant et coexistent dans notre discours avec des expressions plus récentes, comme « vedettes de l’écran », « porter un roman à l’écran » ou « crever l’écran ».

Pour nous, hommes et femmes du XXIe siècle, qui avons l’habitude de considérer nos multiples écrans comme des fenêtres sur le monde, il n’est pas inutile de rappeler que la signification première du mot n’est pas celle d’ouverture, ni de « lucarne », mais, tout au contraire, celle d’obstacle. Souvent même d’obstacle à la vision ou à la lumière.

On devine comment s’est produit le glissement de sens. Pour que nous puissions voir l’image diffusée par le projecteur du cinématographe, il faut que cette image ait été interceptée par un écran. Quelles que soient les techniques de projection, l’écran est toujours cet espace où les images venues de partout sont « détenues », en quelque sorte, pour que nous puissions les contempler à loisir.

Ce qui permet le mieux d’appréhender ce double sens du mot « écran », c’est l’idée de « barrière » ou de « frontière », c’est-à-dire d’un lieu où l’on s’arrête, où l’on est intercepté, mais également d’un lieu de traversée, de franchissement, de passage.

Une autre notion a suivi un parcours comparable : celle de « toile ». Présente dans le Dictionnaire depuis les origines, la toile a été « détournée », comme l’écran, par le cinéma puis par l’internet.

Dans la première édition du Dictionnaire, présentée solennellement à Louis XIV en 1694, « toile » est définie comme un « tissu de fils de lin ou de chanvre ». Diverses variétés sont alignées : « toile fine, déliée, toile claire, toile de ménage, toile de batiste, toile crue ou écrue, toile de Hollande, de Normandie, de Bretagne, etc. » Des expressions sont citées :

« ourdir de la toile, faire de la toile, il a tant de pièces de toile sur le métier... ». Ainsi que des proverbes et des dictons : « On dit Il a trop de caquet, il n’aura pas ma toile pour dire qu’on ne veut point avoir affaire avec de grands parleurs. On dit d’une affaire qui recommence toujours et ne finit point que C’est la toile de Pénélope. »

Deux définitions particulières méritent d’être signalées. La première est d’usage courant et sera reprise, pratiquement telle quelle, une édition après l’autre : « On appelle toile d’araignée une sorte de tissu que font les araignées avec des fils qu’elles tirent de leur ventre et qu’elles tendent pour prendre des mouches » ; la seconde se révèlera plus datée et sera, de ce fait, constamment amendée : « On appelle toile peinte une toile de coton qui vient des Indes et qui est imprimée de diverses couleurs. »

Ces mêmes explications reviendront dans les éditions ultérieures du Dictionnaire, avec quelques détails supplémentaires : « Toile de Hollande ou d’Hollande... » ; «  Ordinairement, par toile peinte on entend une toile peinte aux Indes ou à la manière des Indes, avec des couleurs solides et durables. On imite aujourd’hui en France les toiles peintes des Indes et on y peint des toiles de chanvre et de lin comme celles de coton. » Et l’on trouve aussi dans la quatrième édition, publiée en 1762, un sens nouveau qui n’avait pas été signalé jusque-là :

« On appelle toile le rideau qui cache le théâtre. Quand la toile fut levée, on aperçut dans le fond du théâtre... ». L’exemple s’achève sur ces points de suspension.

La cinquième édition, qui date de 1798, comprend cette curiosité médicale : « On appelle toile de mai une toile qu’on enduit de beurre, principalement au mois de mai, et qui est excellente à appliquer sur un grand nombre de plaies. On l’appelait aussi toile de Du Coêdic, du nom d’un homme secourable qui en distribuait beaucoup et qui l’a mise en vogue. » Définition affinée dans l’édition suivante, celle de 1835 : « Toile qu’on enduit d’un emplâtre agglutinatif dans lequel il entre un peu de beurre, et une certaine quantité d’alcool affaibli en place de la térébenthine ».

Ce vénérable produit n’est plus mentionné dans la huitième édition, achevée en 1935. En disparaît également toute référence aux Indes lorsqu’il s’agit de toiles peintes. Un sens nouveau s’impose, dont on s’étonne qu’il ne soit apparu ni du temps de Poussin, ni du temps de David : « Toile se dit spécialement, en termes de peinture, de la toile préparée et clouée sur un châssis, sur laquelle on peint. Il se dit, par extension, d’un tableau peint sur toile. Le musée possède plusieurs toiles de ce peintre ».

Aucune allusion, en revanche, à la toile qui sert d’écran au cinématographe. Il est vrai que l’emploi de ce mot demeure, aujourd’hui encore, plutôt familier, comme dans l’expression « on se fait une toile ? » par laquelle on propose à ses amis d’aller au cinéma ensemble. Et aucune allusion encore, bien entendu, à la « toile aux dimensions du monde » par laquelle on désigne le vaste réseau de sites connectés à l’internet, concept directement inspiré de la toile que tisse l’araignée, et qui, en anglais, se dit « web » – un mot qui frappe aujourd’hui avec insistance à la porte du Dictionnaire ; l’Académie pourra-t-elle l’éconduire lorsqu’elle se penchera, dans quelques années, sur les toutes dernières lettres de l’alphabet ?

 

Amin Maalouf
de l’Académie française

Éloge du vouvoiement (ou du voussoiement)

Le 6 juin 2013

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Oublions un instant cette vieille querelle byzantine entre les partisans du vouvoiement et ceux du voussoiement ! Les premiers font observer à bon droit que le terme « voussoiement » a vieilli (le Grand Robert le souligne) et que le vouvoiement, plus euphonique et compréhensible, est par ailleurs lui aussi d’un usage très ancien ; les seconds soulignent que les mots « vouvoiement » ou « vouvoyer » sont mal formés, et d’appeler Littré à la rescousse : « “Vous” ne peut amener la syllabe “voy”, tandis que “tutoyer” est fait de “tu” et “toi”. »

À propos de Byzance, on considère généralement que le passage du tutoiement au vouvoiement pourrait venir de Dioclétien (245-313), qui divisa l’Empire romain entre Orient et Occident, chacun des deux nouveaux Auguste étant assisté lui-même d’un César. Quand l’un des souverains parlait non pas en son nom propre mais encore au nom des trois autres, il renonçait à l’ego, première personne du singulier, pour le nos, première personne du pluriel, et on lui répondait par le vos, deuxième personne du pluriel…

Dont acte !

Je voudrais simplement déplorer ici le recul progressif du vous, dans la conversation courante, ou, plus exactement, la violence que les partisans du « tu » imposent à nos rapports sociaux. Il ne s’agit pas bien entendu de pleurer l’âge classique où le « vous » s’imposait quasiment à tous, où l’on ne tutoyait guère que les valets, les gens de basse condition (ce qui était une autre forme de violence), mais de regretter cette déferlante du tutoiement consécutive à l’esprit de mai 68, quand on s’est efforcé de bannir toute hiérarchie, toute barrière entre les individus, leurs âges, leurs fonctions, entre les élèves et les professeurs… Roland Barthes s’affligea le premier de cette calamité. « Le tutoiement, ruine de mai », disait-il.

Je pense à ce journaliste de télévision qui connut il y a quelques années une éphémère notoriété et s’était fait gloire de tutoyer les hommes politiques, ministres, députés ou présidents, qu’il interrogeait. La tristesse venait moins de sa goujaterie, assez fréquente au demeurant dans le monde audiovisuel, que de la docilité des personnalités invitées, trop heureuses de s’exprimer, même à de telles conditions !

En vérité, l’hésitation, le choix, le balancement entre le « vous » et le « tu » offre quelque chose de délicieux et d’infiniment significatif dans la conversation, dans cette politesse ou, mieux, dans cette délicatesse des rapports humains, dans l’établissement de ces nuances entre la courtoisie et l’intimité, la déférence et l’amitié, le respect et la complicité. Il faut aimer tout autant le « vous » de la séduction que le « tu » qu’échangent ensuite les amants ; il existe un érotisme du vouvoiement ou de son abandon comme il y en a un du dévoilement… Plaignons, plus généralement, ceux qui méconnaissent ces subtilités, et malheur aux langues qui les ignorent !

Le « tu » qui prévaut de plus en plus aujourd’hui simplifie ou, pis, uniformise le langage et les rapports entre les individus. On ne se méfie jamais assez des uniformes. Du tutoiement obligatoire des « camarades », comme des bourreaux et de leurs victimes. De ce qui rend en bref la société unie, semblable, obéissante, obligatoire. Au risque d’inventer un néologisme intrépide, je dirais que le tutoielitarisme est un totalitarisme.

Frédéric Vitoux
de l’Académie française

Du polichinelle au punch

Le 2 mai 2013

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Balzac, Le Cabinet des antiques, 1838. Rastignac regarde le jeune vicomte d’Esgrignon, fraîchement débarqué à Paris, et sur lequel une grande dame semble avoir jeté son dévolu. « Mon cher, dit-il à son ami Marsay, il sera, uist ! sifflé comme un polichinelle par un cocher de fiacre. »

Cette phrase énigmatique nous entraîne dans un dédale de mots extrêmement curieux.

Qu’est-ce qu’un « polichinelle » ? Quelques dictionnaires le signalent : le polichinelle, c’est de l’eau-de-vie. Mais comment et pourquoi ?

L’origine de Polichinelle est bien connue : Polichinelle, c’est la marionnette « Pulcinella », qui en italien veut dire « bec de poulet », à cause de son nez crochu. Ses origines se perdent dans la nuit des temps : c’est le bouffon Maccus, romain et même pré-romain, une figure archaïque, méchante, volontiers obscène. De là, le polichinelle français, bouffon, joyeux, menteur, matamore. Dont le nom se retrouve dans diverses expressions populaires, comme « être un polichinelle », être un pantin, quelqu’un dont on tire les ficelles et qui change tout le temps d’avis. Ou « secret de polichinelle » (un secret que tout le monde connaît) ou encore « avoir un polichinelle dans le tiroir », être enceinte.

En Angleterre, sous les Stuarts, Pulcinella devient « Punchinello », et enfin « Punch », ou « Mister Punch », tantôt jovial et bon enfant, tantôt parfait scélérat qui séduit toutes les femmes, tue la sienne, et s’en prend même au vieil Old Nick, le diable. En 1841, un hebdomadaire satirique en prendra le nom. Car punch, c’est aussi, en anglais, un mot du vocabulaire de la boxe, qui signifie « coup de poing vigoureux ». On y reconnaît l’ancien français ponchon, coup de pique, de pointe ou de poing. D’où l’expression moderne « avoir du punch », en anglais et en français d’aujourd’hui, au sens d’avoir du tonus, une grande capacité réactive… (d’où peut-être « avoir la pêche », par assonance ?)

Et le punch, c’est aussi une boisson, qui ne doit rien à Pulcinella, mais tout au rhum de la Jamaïque mêlé de sucre de canne. Son nom viendrait de l’hindi pendj : « cinq », comme penta en grec, parce qu’il y entre cinq ingrédients : thé, sucre, eau-de-vie, cannelle et citron. Mais comme sa vigueur roborative ne fait aucun doute, on voit bien la confusion qui s’est produite avec punch, au sens de « coup de poing » (bien que le punch boisson se prononce « ponche » – c’est d’ailleurs ainsi que le mot fut longtemps orthographié). Et très probablement avec Mister Punch, la marionnette libidineuse.

Mais revenons à Balzac, et au « polichinelle » que « siffle » le cocher : d’où lui vient ce nom ? Est-ce parce qu’une forte consommation d’eau-de-vie donne au buveur des gestes de pantin ? Est-ce une forme populaire du « punch », boisson à la mode dans les cercles romantiques ? Mais comment et par quel mystère le « polichinelle » du cocher aurait-il retrouvé le pulcinella des origines, devenu en anglais punchinello puis Mister Punch ? Et ayant, dans cette métamorphose, rencontré le punch de la Jamaïque ?

La question est ouverte.

Danièle Sallenave
de l’Académie française

Défense du point-virgule

Le 4 avril 2013

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« En province, les femmes dont peut s’éprendre un homme sont rares : une belle jeune fille riche, il ne l’obtiendrait pas dans un pays où tout est calcul ; une belle fille pauvre, il lui est interdit de l’aimer ; ce serait comme disent les provinciaux, marier la faim et la soif ; enfin une solitude monacale est dangereuse au jeune âge. »

Ce court texte de Balzac, emprunté à La Vieille Fille (1836), donne un parfait exemple de la nature, de la fonction, de l’usage du point-virgule.

Il s’agit d’une seule phrase qui propose l’illustration et le commentaire d’une vérité d’expérience : la rareté des jeunes filles disponibles en province. La phrase se développe en plusieurs parties, à la fois séparées et reliées par des points-virgules. Notons que ces parties de longueur égale ne sont pas sur le même registre. Illustration et commentaires ne sont pas sur le même plan ; ils sont cependant réunis et mis à égalité par un même point-virgule.

D’où une série de questions. La virgule aurait-elle été préférable ? Non. Qu’on l’essaie : on verra qu’elle enlève toute structure à la phrase. Le point, alors ? Qu’on l’essaie aussi : et on verra qu’il donne au récit un ton d’énumération laconique et brutale qui ne convient pas à un propos fait de distance et d’ironie légère.

Le point-virgule non seulement convient, mais il est indispensable. Il laisse à la phrase le temps de s’épanouir, il évite de rompre l’unité de la pensée par la multiplication des phrases courtes. Il respecte la phrase, mais il la construit, au lieu d’en juxtaposer les éléments comme le fait la virgule.

Le point-virgule est le signe de ponctuation par lequel on peut donner à la phrase une certaine ampleur, autrement que par la molle et paresseuse succession de virgules. Le point-virgule confère à la phrase une rigueur sans excès, il en module le ton, et fait ainsi entendre la voix de l’auteur.

Dans son Traité de la ponctuation française (Tel, 1991), Jacques Drillon écrit : « Le point-virgule atteste un plaisir de penser. »

C’est si vrai qu’on ne saurait se résigner facilement à sa disparition partout annoncée.

 

Danièle Sallenave
de l’Académie française

Avenir

Le 7 mars 2013

Bloc-notes

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Dans l’attitude naturelle, le temps passe pour ainsi dire uniformément : avant, pendant, après, futur, présent, passé. Un flux, un flot, un courant, régulier et homogène, littéralement sans histoire. Et cette conception suffit bien à la vie au jour le jour, où, finalement, il ne se passe pas grand-chose, sinon ce qui pouvait se prévoir et, sitôt vécu, ne perd rien à se faire oublier. Pourtant, quand quelque chose arrive vraiment, cette uniforme régularité se brise : il y a un avant et un après, entre lesquels, pour le meilleur parfois, pour le pire souvent, nous ne sommes plus le même, parce que le monde aussi a radicalement changé d’allure. Nous expérimentons alors un autre temps, non pas celui qui coule régulièrement, en bon compagnon de route, animal de compagnie sans surprise (peu importe qu’il s’agisse d’ailleurs du temps de la métaphysique classique ou de la durée de Bergson, en l’occurrence du même bord), mais la rupture franche, l’irréductible altération, le surgissement ou l’engloutissement. On parle alors d’évènement.

La langue permet-elle de dire l’évènement ? La question se pose d’autant plus que la philosophie ne se trouve, aujourd’hui encore, pas très équipée en concepts pour le penser. Or, le français a ses ressources pour dire l’évènement. D’où vient l’évènement? Avant de tenter de répondre, notons qu’« avenir » recèle déjà une possibilité oubliée : le substantif « avenir », qu’on tient trop facilement pour un synonyme du futur (qui, lui, appartient au temps comme flux continu), renvoie aussi à un verbe, « avenir », contraction d’« advenir ». L’avenir advient, ou même avient, les auteurs du xviie siècle le disaient souvent. Il arrive sans qu’on puisse toujours, ni même souvent le prévoir, le voir à l’avance. Ce qui avient vient par surprise, comme le voleur dans la nuit, dit l’Écriture. Son advenue ne s’avance pas de loin comme dans nos avenues, où l’on voit bien à l’avance ce qui arrive, voiture ou piéton. Elle avient, d’un coup, d’elle-même et d’elle seule. L’arrivée le cède ici à l’arrivage. « Arrivage », c’est-à-dire, au contraire de l’arrivée à l’heure, selon l’horaire prévu, d’un train en gare, une arrivée imprévue : celle de la pêche, où le nombre, la qualité et l’heure des poissons délivrés dépend des circonstances, de la chance, du transport, et ne peut se prévoir dans un menu de restaurant, qui indique seulement « selon l’arrivage ». Descartes, pour définir la surprise caractéristique de la première de toutes les passions, l’admiration (car on ne peut admirer que ce qu’on ne connaît pas encore, ni ne prévoit, voire ce qu’on voit même à peine), n’hésite pas à parler de l’« ... arrivement subit et inopiné de l’impression » (Passions de l’Âme, § 146).

Ne pourrait-on pas trouver un verbe pour soutenir, comme « avenir » soutient l’avenir, l’évènement ? Que fait l’évènement quand il se produit, se met en avant et en avance sur nous ? Péguy, dans un brouillon, imagine une réponse : « Le monde travaille aux pièces, mais (devient, évient, s’écoule) passe à l’heure. » À quelle heure passe le monde ? À la sienne, pas à la nôtre. Ainsi vient l’évènement, en évenant envers et contre tout.

 

Jean-Luc Marion
de l’Académie française

Revirement

Le 7 février 2013

Bloc-notes

M. Marc Fumaroli
Il ne faut être dogmatique en rien, sauf en grammaire. Mais lorsqu’il s’agit du choix des mots et des modes d’expression, chacun peut et doit se faire une doctrine. J’ai tendance pour mon compte personnel à limiter autant que possible l’emploi des substantifs français à suffixe en -ment, en -isme, voire en -tion et en -té, qui prolifèrent dans le discours d’aujourd’hui du fait de leur apparence pseudo-savante et de leur allure sévère et abstraite. Pour vous épater, on vous parlera sur le poste ou à l’écran, avec l’autorité du sociologue chevronné, de « positionnement », pour dire attitude, et d’« autoritarisme » pour dire tyrannie. Comment se dérober à ce parasitage de la langue de tous par ce vocabulaire pédantesque ? Comment ne pas s’en laisser accroire ?

On peut recourir aux synonymes moins prétentieux, comme je viens de le faire. On peut aussi et surtout faire appel aux expressions figurées pour remplacer le concept pesant qui veut impressionner par de vives images qui amusent ou qui émeuvent.

Supposons que nous ayons à parler de « revirement », mot contre lequel je n’ai aucune objection, qui est loin de compter parmi les pires de sa famille, mais dont le sens très général ignore la nuance exacte de virage ou de volte-face dont il est question dans chaque cas précis.

S’il s’agit de stigmatiser un changement très intéressé de parti ou d’opinion, il vaudra mieux parler de tourner casaque ou de retourner sa veste. S’il est question d’un recours à une autre tactique, la première n’ayant pas donné les fruits escomptés, on pourra parler avec une certaine ironie de changer son fusil d’épaule. Si l’on veut faire le portrait d’un instable, ou à plus forte raison d’une girouette, on dira qu’il (ou elle) change d’avis comme de chemise.

Si l’on veut faire allusion à un changement d’orientation sexuelle, on dira pudiquement mais clairement qu’il (ou elle) a viré sa cuti ou, pour un homme, qu’il est passé du côté de la jaquette flottante. L’exotisme subtil du mot « casaque », importé du turc au xve siècle, et entré depuis dans le vocabulaire du vêtement militaire, ou l’élégance cérémonieuse du mot « jaquette », qui vient de la haute mode masculine, ajoutent tout leur piquant à des virages qui ne sont jamais de simples revirements.

C’est un jeu très amusant que de prendre un par un ces substantifs qui pèsent et qui posent et de leur trouver des substituts verbaux et imagés qui précisent le sens recherché en même temps qu’ils amusent l’interlocuteur. Je vous invite à ce divertissement de société, qui peut conduire aussi à aiguiser le sens des niveaux de style. Il est évident par exemple que « faire volte-face », qui vient du langage de l’équitation, est plus respectueux, et de style plus soutenu, que « tourner casaque », qui vient du langage de la désertion militaire et qui implique une intention méprisante. On ne s’instruit jamais autant qu’à se retourner sur la langue que nous parlons et à scruter ses ressources inaperçues.

 

Marc Fumaroli
de l’Académie française

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