Dire, ne pas dire

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Non (dans des noms composés)

Le 3 mai 2012

Emplois fautifs

L’habitude se répand, par imitation d’une construction fréquente en anglais et en américain, d’employer l’adverbe Non pour créer de nouveaux termes voire, diront certains, de nouveaux concepts.

Certains ont leur utilité, notamment dans les domaines juridique et politique. Mais on évitera d’avoir systématiquement recours à ce mode binaire de formulation et à la pléthore de termes qu’il suscite, parmi lesquels on citera Non-fiction, Non-profit, Non-évènement, Non-papier, Non-match.

Depuis sa fondation en 1635

Le 5 avril 2012

Bloc-notes

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Depuis sa fondation en 1635 par le cardinal de Richelieu, l’Académie française a pour mission principale de veiller sur l’état de la langue et de rappeler son bon usage. L’orthographe au début du XVIIe siècle était loin d’être fixée. Sans même parler de Vaugelas, de grands écrivains – Malherbe, Pascal, Corneille, entre autres –, puis l’Académie française ont, peu à peu, établi les règles d’une langue dont la clarté et la précision ont fait l’admiration de l’Europe entière. Les traités de Westphalie, en 1648, sont rédigés en français. Plus tard, Frédéric II de Prusse, l’ami de Voltaire, ou la grande Catherine de Russie, l’amie de Diderot, utiliseront le français avec la même facilité que l’allemand ou le russe. Le français devient la langue des dirigeants, des diplomates, des savants, des philosophes, des écrivains. Partout en Europe, les précepteurs, les dames de compagnie, les maîtres de musique ou de danse, les bibliothécaires, les religieuses, les abbés, les cuisiniers répandent l’usage de notre langue. Marco Polo avait déjà écrit ses relations de voyage en français. Casanova rédigera en français ses mémoires appelés à un grand succès. Le français est devenu pour plusieurs siècles la langue commune des intellectuels, des voyageurs, des commerçants, des gens de goût et de savoir.
À notre époque, chacun peut le constater, la langue française est menacée. De l’extérieur, par la montée en puissance de l’anglo-saxon. De l’intérieur, par un délabrement plus grave encore et aux causes multiples. L’Académie s’efforce de lutter contre ces dérives et de rappeler aux usagers les règles qui régissent notre langue.
Son but n’est pas de « faire joli ». Ni même de s’accrocher à une conception formelle du « correct ». Son but est d’éviter qu’une confusion dans les mots n’entraîne une confusion dans les idées. L’Académie ne se préoccupe pas d’élégance : elle se soucie de précision et d’efficacité. Elle cherche à épargner au français et aux Français le destin cruel de Babel.
Confucius, en Chine, pensait que la rigueur de la langue était la condition première de toute cohérence politique et sociale. Beaucoup d’expressions ont une signification précise qu’il est important de connaître et de respecter. Les formules « rien moins que... » et « rien de moins que... » ont deux sens diamétralement opposés. « Rien moins que... » signifie « pas du tout ». « Il est rien moins que cultivé » : il n’a pas la moindre culture. « Rien de moins que... » signifie « extrêmement ». Si « cet ouvrage n’est rien de moins qu’un chef-d’œuvre », ne manquez pas de le lire.
On rencontre parfois deux autres formules opposées : « Vous n’êtes pas sans savoir… » et « Vous n’êtes pas sans ignorer… ». Mieux vaut déterminer laquelle des deux est correcte. Et faut-il dire qu’un projet « a fait long feu » ou « n’a pas fait long feu » ? On pourrait multiplier les exemples de flou, de vague et d’amphibologie.
La grammaire, la syntaxe, les modes des verbes, les figures de style ne sont pas là pour faire le joli cœur ni pour briller en société. Ils sont là pour exprimer avec le plus de précision possible des idées et des sentiments. Les grammairiens recommandent d’employer l’expression « en revanche » plutôt que « par contre ». André Gide faisait pourtant observer que l’emploi de « par contre » peut parfois s’imposer : « Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : “ Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils” ? »
L’utilisation de l’imparfait du subjonctif, la concordance des temps, le refus de l’amphigouri et des clichés à la mode ne sont pas des élégances ni des raffinements inutiles. Ils sont la condition d’une pensée ferme et cohérente.
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Le langage, naturellement, est le fruit de la pensée. Mais la pensée, à son tour, est le fruit du langage. Un français correct n’est ni une affectation ni un luxe. C’est la garantie d’une pensée sûre d’elle-même. La beauté de la langue n’est que le miroir d’une raison capable de mettre de l’ordre dans le chaos du monde.

Jean d’Ormesson
de l’Académie française

À six heures de l’après-midi, du soir

Le 5 avril 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

Midi et demi, Trois heures de l’après-midi, Dix heures du soir : telle est la manière traditionnelle, simple et précise d’annoncer l’heure lorsque midi est passé.

Réservons aux circonstances où elles sont rendues nécessaires par des nécessités pratiques les administratives formules chiffrées 12 heures 30, 15 heures, 22 heures. Midi dit plus que 12 heures.

Deutsche Qualität

Le 1 mars 2012

Bloc-notes

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Cette publicité germanique envahissant – occupant – nos écrans de télévision afin de vanter Das Auto de marque allemande m’a fasciné. D’autant plus qu’on m’a assuré qu’elle avait été conçue par des Français. En outre, pour une voiture emblématique de l’Hexagone, on a jugé bon de faire la promotion de ce véhicule en allemand.
Das Auto, durant quelques jours, est devenu ma « madeleine ». J’ai quelques mots germains inscrits dans ma mémoire : Achtung Minen, Feldgendarmerie. Il vaut mieux laisser quelques autres enfouis. Je n’ai pu refouler deux d’entre eux : Panzer – c’était un véhicule fait pour l’exportation, des rives de la Volga à la Libye – et, naturellement, l’agence de communication de l’époque, l’efficace Propagandastaffel.
Je me suis ainsi promené dans les méandres de 1942, quand brusquement je me suis souvenu – peut-être à cause des deux derniers chiffres – de 842.
Cette année-là, les fils puînés de Louis le Pieux – l’héritier de Charlemagne – se dressent contre Lothaire, l’aîné, que leur père a choisi comme successeur.
À Strasbourg, en février 842, les deux puînés prononcent des serments d’alliance contre Lothaire. Chacun des deux prétendants s’engage dans la langue de son allié. Charles le Chauve s’exprime dans celle de son frère Louis le Germanique, la lingua teudisca, l’ancêtre de l’allemand. Et Louis le Germanique, dans celle de son frère Charles le Chauve, la lingua romana rustica. Ainsi c’est un Germanique qui prononce le premier texte français connu. Et c’est un « historien » contemporain de ce IXe siècle qui le consigne en langue vulgaire.
Ce texte est encore plongé – par son vocabulaire, sa syntaxe, sa morphologie verbale – dans le latin. Mais il est 1a source de « l’ancien français ».
C’est donc un point de repère essentiel dans l’histoire du français et de la France et aussi dans l’histoire de la Germanie. Car à Verdun, en 843, les trois petits-fils de Charlemagne se partagent l’Empire carolingien. À l’aîné, Lothaire, la Lotharingie, de la Frise à l’Italie, et le titre impérial. À Louis le Germanique, la Francie orientale, qui deviendra la Germanie. À Charles le Chauve, la Francie occidentale, bordée par l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône. Plus tard ce sera le Royaume de France.

Les deux langues des serments de Strasbourg deviennent, l’une, la langue de la Germanie, l’allemand, et l’autre, la langue de la France, le français.
On s’est beaucoup querellé, récemment, à propos de l’identité nationale. La réponse est dans le serment de Strasbourg : la langue est le fondement de l’identité. Une nation qui perd sa langue, disparaît avec elle.
Deux frères, à Strasbourg, ont affirmé leur différence et leur union en prêtant serment dans la langue de l’autre. Quelle leçon ! Deutsche Qualität ! Qualité française !

Max Gallo
de l’Académie française

Décimer

Le 1 mars 2012

Emplois fautifs

Ce verbe nous vient du latin decimare, qui signifie Punir de mort un soldat sur dix après tirage au sort, lorsqu’une unité s’était mal conduite.

C’est pourquoi Décimer s’emploie en français lorsqu’on veut indiquer qu’une partie, souvent importante, d’un groupe, d’une population a péri. On ne le confondra pas avec le verbe Exterminer, qui marque l’anéantissement, la destruction complète d’un ensemble d’être vivants.



Abonder

Le 1 mars 2012

Extensions de sens abusives

L’emploi transitif de ce verbe doit être strictement limité au domaine de la comptabilité. On abonde un compte, un budget, un fonds, on l’approvisionne en argent, on le crédite.

On évitera tout emploi figuré comme Abonder un dossier, un projet, abonder le débat, pour dire le nourrir, l’enrichir ou, par une image usuelle, l’alimenter.

Bonheur-du-jour

Le 1 mars 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

Certains mots ont un charme évocateur. Ainsi ce nom de Bonheur-du-jour, désignant un bureau de dame du XVIIIe siècle, servant à la fois d’écritoire et de meuble de rangement pour papiers et objets précieux, posé sur quatre pieds fins reliés par une entretoise, évoque les habitudes et les plaisirs de temps révolus.

Autre bonheur, les deux explications données à la formation du mot lui-même : ou bien l’enthousiasme et le plaisir que souleva en son temps ce nouveau meuble, ou bien la place qu’on lui réservait, non loin d’une fenêtre, pour qu’il soit éclairé par la lumière du jour.

À l’encontre de

Le 2 février 2012

Emplois fautifs

Il convient de rappeler le sens exact de cette locution, souvent mal employée. À l’encontre de signifie À l’opposé de, En opposition à. Cela va à l’encontre de vos intérêts. Une décision prise à l’encontre de la volonté générale.

On ne la confondra pas avec À l’égard de, À l’endroit de ou Envers.

On dit On ne dit pas

Il a des torts envers vous

Se montrer sévère à l’égard de, à l’endroit de, envers…

Une menace, une accusation à l’endroit de, envers…

La violence à l’endroit des femmes, envers les femmes

Il a des torts à votre encontre

Se montrer sévère à l’encontre de…
 

Une menace, une accusation à l’encontre de…

La violence à l’encontre des femmes

 



Déni, dénégation

Le 2 février 2012

Extensions de sens abusives

Ces deux termes, que l’on peut rapprocher du verbe Dénier, ne doivent pas être employés l’un pour l’autre.

Déni est un terme de la langue juridique, surtout connu par la locution Déni de justice. Il y a déni de justice quand est refusé ce qui est dû, ce qui est juste. On ne parlera donc pas de Déni de réalité ou de Déni de vérité, alors qu’on veut dire « Négation de la réalité » ou « Négation de la vérité ».

Dénégation désigne le refus d’accepter, d’admettre, de reconnaître, d’avouer ce qui est. On fait un signe de dénégation, on soupçonne quelqu’un malgré ses dénégations.

L’expression Être dans le déni, employé pour dire tout simplement « Nier avec constance » est fautive. La dénégation n’étant ni un état d’esprit, ni un sentiment, on évitera de même Être dans la dénégation.

Dîner par cœur

Le 2 février 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

La langue familière a créé anciennement cette locution pour dire Se passer de manger, N’avoir pas de quoi manger. Faisant peut-être de l’imagination et de la mémoire les recours d’un estomac vide, elle constitue une variante de Dîner avec les chevaux de bois.

Le remède réside sans doute dans le sommeil puisque, comme l’indique la sagesse populaire, Qui dort dîne.

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