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Adversité

Le 7 septembre 2015

Extensions de sens abusives

Les noms adversaire et adversité ont la même origine, le latin advertere, « tourner vers ou contre », mais leurs sens différent grandement. Adversité désigne le sort contraire, la fortune adverse et, par extension, les malheurs provoqués par cette mauvaise fortune. L’adversaire est la personne opposée à une autre dans un procès, une lutte, une compétition. Il convient de ne pas confondre ces deux termes et de faire d’adversité une forme de singulier collectif qui désignerait l’ensemble des adversaires.

on dit

on ne dit pas

Nous n’avons pas pu mettre notre jeu en place, les adversaires étaient trop forts

Affronter des adversaires redoutables

Nous n’avons pas pu mettre notre jeu en place, l’adversité était trop forte

Affronter une adversité redoutable

 

L’Académie française, un village médiéval ?

Le 8 juillet 2015

Expressions, Bonheurs & surprises

Les noms de métier, avant d’être fixés par l’usage et par l’écriture, évoluaient rapidement et, si certains se sont maintenus sans grands changements jusqu’à nous, comme tailleur, sergent ou berger, d’autres sont plus difficiles à identifier. Ainsi, en ancien français, médecin se disait mire ou mierre. Et c’est d’ailleurs d’un texte médiéval intitulé Le Vilain mire, c’est-à-dire « Le Paysan médecin », que s’est inspiré Molière pour écrire Le Médecin malgré lui. Mais les patronymes, dont un grand nombre étaient des noms de métiers, sont, pour d’évidentes raisons administratives, beaucoup plus stables, et c’est grâce à eux que nous sont parvenues certaines formes aujourd’hui hors d’usage. Si l’on prend comme échantillon les membres de l’Académie française dont le patronyme, à l’origine, signalait une profession, cette Académie n’est plus, comme dans l’Antiquité, un jardin, mais un petit village médiéval au travail. Nous le verrons maintenant puisque, dans les lignes qui suivent, tous les noms en italique sont noms d’académiciens, dont certains sont quelque peu tombés dans l’oubli.

Il était essentiel de pourvoir à la nourriture des habitants de ce village. L’élevage y tenait donc une place importante : pour s’occuper des moutons, un Pasteur et son diminutif Pastoret, (l’auteur de la devise Aux grands hommes la patrie reconnaissante, qui orne le fronton du Panthéon). Pour les bœufs, des bouviers, Boyer et Bouhier (qui l’un et l’autre combattirent l’élection de Montesquieu). Le miel était fourni par l’apiculteur, Abeille, les fruits et légumes par des marchands, entre autres Dumézil, qui vendait du grain venu peut-être d’un producteur de millet, Millot, qui fut, lui, couronné pour un Éloge de Montesquieu ; Fraguier, grand latiniste et helléniste, était marchand de fraises, Poirot-(Delpech) de fruits, et les carottes, navets et radis étaient vendus par un certain Racine. Pour délimiter les terrains des uns et des autres, on faisait appel à un géomètre, poète et auteur dramatique, Bornier. Pour bâtir les maisons, un maçon, Masson, (qui fut Secrétaire perpétuel de 1919 à 1923), un Charpentier, auteur du célèbre De l’Excellence de la langue françoise, et des menuisiers, aux noms moins transparents, Capus, qui fut dramaturge, et Boissier, qui fut en son temps professeur d’éloquence latine au Collège de France. Le bois leur était fourni par un bûcheron, poète et dramaturge, Coppée. Tous ces gens avaient besoin d’outils, fabriqués par les forgerons : les hommes politiques et ministres Favre, Faure et Dufaure, mais aussi Le Goffic que tuèrent les mondanités et obligations dues à son élection.

Pas de village, en effet, sans artisans. On retrouvait des fabricants de cuves, comme le père de la paléontologie Cuvier, de fagots (Faguet, qui fut membre de la commission de réforme de l’orthographe), de seaux (Seillière), de cribles (Crébillon), de serpes (Goyau, brièvement Secrétaire perpétuel), de roues (Royer, en son temps professeur de philosophie à l’École normale supérieure). Il fallait aussi vêtir et chausser tous ces gens. Pour cela on allait chez Lemercier, un ennemi irréductible de Victor Hugo, chez le foulon Batteux, qui se présenta contre d’Alembert aux fonctions de Secrétaire perpétuel, chez le fabricant de pelisses, Pellisson, qui écrivit la première Histoire de l’Académie française, de chaussures, Patin, un temps Secrétaire perpétuel, ou chez le cordonnier, Schumann, la voix de la France libre. Si ce village venait à être attaqué, des armes étaient nécessaires : si l’on comprend aisément que Fléchier, qui fut évêque, était fabricant de flèches, le fabricant d’arcs, Boegner, qui fut pasteur, est plus difficile à identifier. On pouvait demander l’aide d’un écuyer, Scudéry, qui fut quelque peu éclipsé par sa fille Madeleine, et d’un porteur de bouclier, le jurisconsulte et avocat Target. Pour les éventuels blessés, un médecin Lemierre, qui fut favorable aux idées de la Révolution, et un chirurgien Barbier pouvaient être mandés. Certains, avant de passer de vie à trépas réclamaient les secours d’un moine, Moinot, d’un Chapelain, chez qui se réunirent quelquefois les premiers académiciens, éventuellement accompagné d’un sacristain, Messmer. Un village idéal, plein d’harmonie, de tranquillité et de paix ? Rien n’est moins sûr. Pour rendre la justice, se trouvait un Prévost, un des rares suicidés de l’Académie française, assisté d’un greffier Scribe, le bien nommé polygraphe, car, qui sait ? peut-être s’y cachait-il un voleur, Robbe-(Grillet), nom dérivé de l’ancien français rober, « piller » qui est à l’origine de dérober et du nom anglais robber, « voleur ».

 

Mais où est donc Ornicar ?

Le 8 juillet 2015

Expressions, Bonheurs & surprises

En ce temps-là, la grammaire était un peu magique ; elle s’était, semble-t-il, placée sous la protection du chiffre Sept. Sept, comme les noms en -ou qui prenaient un x au pluriel : bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou et pou ; sept encore, comme les noms en -al dont le pluriel était en -als : bal, cal, carnaval, chacal, festival, récital et régal ; sept toujours, comme les noms en -ail dont le pluriel était en -aux : bail, corail, émail, soupirail, travail, ventail et vitrail. La parole de ceux qui cherchaient à porter atteinte à l’harmonieuse simplicité de ces listes n’était pas recevable : voulaient-ils ajouter des gavials, des narvals, des rorquals ou encore des servals qu’ils étaient priés de repartir avec leurs vilaines bestioles. Quant aux sectateurs des fermaux, gemmaux ou vantaux, ils n’étaient pas mieux accueillis. Il fallait qu’à chaque règle on trouve sept exceptions qui la confirment, comme il y avait sept péchés capitaux, sept vertus cardinales et sept couleurs à l’arc-en-ciel.

Mais il y avait plus beau encore, et plus inoubliable : la liste des conjonctions de coordination. Plus audacieuses, elles s’affranchissaient de la rigueur de l’ordre alphabétique : foin d’un ridicule et, proprement, insignifiant car, donc, et, mais, ni, or, ou, la pédagogie avait voulu mais, ou, et, donc, or, ni, car et que l’énumération devînt question : Mais où est donc Ornicar ?

Une question très difficile, puisque, bien que des millions d’élèves et leurs maîtres se la soient posée, elle est restée plus longtemps sans réponse que celle de la conjecture de Fermat. Et ce n’est qu’en 1998 que l’astronome français Alain Maury donna la réponse. Ornicar se trouve dans la Ceinture principale d’astéroïdes, à environ deux cents millions de kilomètres de la Terre. Cette énorme distance explique qu’il ait fallu autant de temps pour livrer les clés du mystère, comme le fait Alain Maury :

« À l’école élémentaire, les élèves apprennent la liste des conjonctions de coordination mais, ou, et, donc, or, ni, car. Cette suite peut être interprétée comme Mais où est donc Ornicar ? Le fait de nommer ainsi cette planète mineure, honorant les professeurs de français à travers le monde, fournit une réponse à cette question. »

Cet Ornicar n’était donc pas, comme on aurait pu le croire, un lointain cousin des Barca, Hamilcar ou Bomilcar, qui furent parents d’Hannibal, ni d’un éventuel prétendant au trône d’Ottokar, dont Hergé nous a conté l’histoire, si le bon roi Muskar XII était venu à abdiquer.

 

Adélaïde P. (France)

Le 8 juillet 2015

Courrier des internautes

Quel est le pluriel du mot « quiz » ?

Adélaïde P. (France)

L’Académie répond :

Les noms terminés par s, x et z sont invariables en nombre : un abcès, des abcès, une brebis, des brebis, une souris, des souris, un afflux, des afflux, un chartreux, des chartreux, un redoux, des redoux, un gaz, des gaz, un nez, des nez, un quiz, des quiz.

Clémence D. (France)

Le 8 juillet 2015

Courrier des internautes

Comment faut-il s’adresser à un membre de l’Académie ? Doit-on dire « Monsieur (Madame) l’Académicien », « Monsieur (Madame) de l’Académie » ou encore « Maître » ?

Clémence D. (France)

L’Académie répond :

Pour s’adresser à un académicien, il convient d’user du titre qui lui revient dans la vie civile. Par exemple, on s’adressera à un ministre, ou ancien ministre, par la formule « Monsieur le Ministre » à un professeur par « Monsieur le Professeur », à un ecclésiastique par son titre (« Mon Père », « Révérend Père », « Monseigneur » ou « Monsieur le Cardinal », etc.). Pour s’adresser au Secrétaire perpétuel de l’Académie, on utilisera la formule « Monsieur le Secrétaire perpétuel » ou « Madame le Secrétaire perpétuel ». Si aucun titre particulier n’est attaché à la personne de l’académicien, on dira simplement « Monsieur » ou « Madame ». La formule d’appel « Maître » peut être employée mais elle reste peu fréquente. En revanche, on ne dira jamais « Monsieur l’académicien ».

Sur l’enveloppe d’une lettre, on écrira également le titre de l’académicien ou « Monsieur X, de l’Académie française ».

La mémoire des mots

Le 4 juin 2015

Bloc-notes

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La mémoire des mots

Comme notre cerveau est plus intelligent que nous, notre langue se souvient de ce que nous oublions. La vie des mots est longue et variée et leur mémoire, tenace. Leurs origines (comme celles des formes syntaxiques) nous offrent des mondes perdus, à condition, cependant, de les entendre. Il semblerait que les Français, parlant une langue romane relativement homogène, soient peu conscients de l’histoire de la géographie diverses des mots, et ainsi peu prompts à évoquer le passé par celui des vocables et à jouer sur les différences entre les étymologies.

Plus des quatre cinquièmes des mots français viennent en effet du latin, mais il suffit d’ouvrir un dictionnaire à presque n’importe quelle page pour s’étonner du patchwork coloré de la langue. Ce qui suggère deux sujets de réflexion. Au lieu de noter passivement qu’algèbre vient de l’arabe, banane du bantou, chocolat du nahuatl, kiosque du turc, paréo du tahitien ou parka de l’inuit, nous pouvons observer que les langues se parlent entre elles (tels les mots d’un poème) et qu’elles ont besoin les unes des autres. Même si le nomadisme des mots ne diminue pas l’incompréhension créée par la multiplicité des langues, ces petites lumières de l’ailleurs s’allumant de temps à autre dans une conversation ou un texte en français nous invitent à accueillir l’autre et à aller vers lui et constituent un très modeste anti-Babel. Le voyage de pyjama est typique et réjouissant : il passe par le persan, l’hindi et l’anglais avant de s’intégrer dans le français. La biographie des mots est souvent un récit d’aventures – ou, moins agréablement, un récit de conquête.

Il convient avant tout d’être sensible à la présence dans le français moderne (à côté des Romains et des Grecs) des Gaulois et des Francs. Les Gaulois interviennent dans la vie de tous les jours dès qu’il s’agit d’exercer notre gosier, de marquer une charpente, de signaler un truand, ou simplement de craindre, de bercer, de briser, de changer. Ils nous attendent à la campagne dans l’alouette, le mouton, le bouc, dans la bruyère, le chêne, le sapin. Nous marchons sur leurs traces en suivant un chemin, en passant sur un arpent, un talus, une dune, en pataugeant dans la boue jusqu’à un quai. Nous nous promenons en Gaule grâce à quelques milliers de noms de lieux qui ont survécu, des Cévennes et des Vosges au Morvan, de l’Oise et la Marne à la Seine, de Bordeaux et Lyon à Paris.

Les Francs nous accompagnent également dans notre quotidien, en nous environnant de bleu, de gris, de blanc, en qualifiant quelqu’un de riche ou de hardi, en désignant un garçon ou, à la place d’un truand, un félon, en pénétrant dans notre orgueil ou notre honte, en nous permettant de haïr, de haranguer, de ricaner. La campagne, qui parle parfois gaulois, parle aussi francique, dans épervier, troupeau, frelon, hêtre, houx. Sans oublier maréchal ou trop, la France et les Français.

La présence de tels mots, et de beaucoup d’autres puisés aux mêmes sources, importe-t-elle vraiment, vu l’essentielle latinité du français ? Ou le fait que la numération par vingt (quatre-vingts) vient des Gaulois, le préfixe mé- (méfiance, méchant, mépriser), des Francs ? La collaboration de ces deux langues dans la formation du français nous rappelle que nous ne parlons pas une langue pure, et devrait nous inciter à chercher, en vue du bien-être, de l’évolution et de l’enrichissement de langue, autre chose qu’une pureté inhospitalière et de toute façon chimérique. Surtout, les origines des mots sont aussi nos origines. Négliger des régions du passé nous prive des parties correspondantes de nous-mêmes. Les Gaulois précédèrent les Romains sur le territoire national ; ils constituent l’être le plus reculé des Français. Les cent cinquante mots courants et les noms de lieux qu’ils ont transmis donnent accès, pour l’esprit comme pour l’émotion, à un lointain passé encore vivant dans ce qu’ils nomment. Les Francs viennent d’ailleurs et apportent un tout autre idiome indo-européen. Leurs quelques cinq cents mots encore existants ouvrent une petite fenêtre, dans le latin évolué qu’est le français, sur la grande aire des peuples et des parlers germaniques, et encouragent à reconnaître l’apport de ces envahisseurs dans l’expérience même d’être français.

Il faudrait continuer de réfléchir sur la France bilingue entre le Ve et le Xe siècle, suivant l’arrivée des Francs, et sur la recommandation du synode de Tours (813) de prêcher, non pas en latin, mais en langue romane ou « tudesque ». Sur le fait que les Serments de Strasbourg (842), qui marquent la naissance du français, sont rédigés en roman et en francique, et que la Séquence de sainte Eulalie (vers 880), première attestation littéraire du roman, se trouve dans un recueil où apparaît également un poème en francique. On pourrait noter la présence dans la France actuelle d’une version de cette langue, en Lorraine, et de plusieurs autres langues germaniques, comme, dans le français moderne, de beaucoup de mots venus de dialectes germaniques, ou du vieux scandinave des Normands, du hollandais, – et même du vieil anglais. Le monde germanique est actif dans la langue française, et lui donne une autre dimension. Nous passons entre le germanique et le latin, entre le Nord et le Sud, en disant tout simplement guerre et paix, le bouton de la rose ou, avec Pascal, un roseau pensant.

 

Sir Michael Edwards
de l’Académie française

Pas que au sens de pas seulement, pas uniquement

Le 4 juin 2015

Emplois fautifs

Que peut être un élément de la locution restrictive ne que et il est alors synonyme de « seulement » : Il n’est pas que bête, il est méchant aussi. Mais contrairement à « seulement » ou « uniquement », on ne peut l’employer en fin de phrase avec un verbe à la forme affirmative. Si l’on peut en effet dire, et écrire, Il est charmant, mais pas uniquement, on se rappellera que la forme il est charmant, mais pas que est une grave incorrection qu’il convient de proscrire.

on dit

on ne dit pas

Il a visité l’Italie, mais pas seulement

Il parle allemand, mais pas uniquement

Il a visité l’Italie, mais pas que

Il parle allemand, mais pas que

 

 

L’imparfait du subjonctif

Le 4 juin 2015

Expressions, Bonheurs & surprises

1901 et 1976 furent des années terribles pour l’imparfait du subjonctif. Le 26 février de la première paraissait un premier Arrêté relatif à la simplification de l'enseignement de la syntaxe française. On y lisait : « On tolérera le présent du subjonctif au lieu de l’imparfait dans les propositions subordonnées dépendant des propositions dont le verbe est au conditionnel présent : Il faudrait qu’il vienne ou qu’il vînt. » Le 28 décembre de la seconde paraissait, au Bulletin officiel de l’Éducation nationale, un nouvel arrêté. Il complétait le premier en ajoutant « […] dans les propositions subordonnées dépendant d’une proposition dont le verbe est à un temps du passé : j’avais souhaité qu’il vînt ou qu’il vienne sans tarder ». Il n’était désormais plus nécessaire que nous sussions conjuguer ce temps, que nous l’employassions à bon escient, que nous prissions en compte le temps du verbe de la principale et que nous écrivissions conformément à la concordance des temps. Il suffisait maintenant que l’on sache, que l’on emploie, que l’on prenne et que l’on écrive.

C’était porter un coup bien rude à ce temps, déjà trop souvent moqué pour son élégance un peu désuète et qui semblait un peu gêné de cette protubérance en -sse, -sses, -ssions, -ssiez ou -ssent, protubérance encombrante et un peu similaire au nez formidable de Cyrano. Rostand d’ailleurs ne s’y était pas trompé, qui fait dire à son personnage Il faudrait sur le champ que je me l’amputasse ! Un simple Que je me l’ampute aurait rendu cet appendice moins digne de la fameuse tirade. L’imparfait du subjonctif, c’est le vilain petit canard du conte : moqué parce que dissemblable, il lui faut pour s’épanouir la majestueuse compagnie des cygnes. Cet imparfait, un nom étrange qui paraît désigner quelque être disgracié, n’est, au fond, pas plus un imparfait que le cygne n’est un canard. Retrouver qui l’a engendré, c’est retourner aux sources de son élégance : cet allongement en -sse, -sses, etc. lui vient de son vrai père, le plus-que-parfait du subjonctif latin du type amavissem.

L’imparfait du subjonctif a en effet ce talent rare de donner de l’élégance à tout verbe, quelque trivial que soit ce dernier. Prenons-en un qui soit peu ragoûtant, comme cracher. Il semble bien difficile de lui donner bonne mine. Confions-le au Charles Trénet du Grand Café qui le mettra au subjonctif imparfait, et l’expectoration deviendra presque poétique :

« Par terre on avait mis de la sciure de bois

Pour que les cracheurs crachassent comme il se doit. »

Et ce n’est pas la seule vertu de ce temps. Il a aussi un caractère euphémistique qui lui permet de faire passer pour d’innocentes gamineries les scènes les plus violentes, les actes les plus barbares pour des espiègleries d’enfants de chœur. C’est ce que fait Rabelais quand il raconte la victoire de frère Jean des Entommeures sur les pillards qui détruisaient les vignes de l’abbaye :

« Les petits moinetons coururent au lieu où était frère Jean & lui demandèrent en quoi ils voulaient qu’ils lui aidassent. A quoy répondit qu’ils égorgetassent ceux qui étaient portez par terre. »

Rappelons, pour conclure, cette anecdote, preuve d’attachement à l’imparfait du subjonctif. Au retour d’une séance de l’Académie, Nicolas Beauzée trouva sa femme en galante compagnie. Le séducteur, qui disait à l’épouse infidèle « Quand je vous avertissais, madame, qu’il fallait que je m’en aille », fut repris par l’académicien, auteur d’une Grammaire générale et raisonnée, qui le corrigea ainsi : « Eh, monsieur, dites au moins : Que je m’en allasse ! »

 

Uta H. (Deutschland)

Le 4 juin 2015

Courrier des internautes

Sehr geehrte Damen und Herren,

Könnten Sie mir bitte sagen, wie man den Namen de Stael korrekt ausspricht?

Mit Betonung auf dem “e”? Oder wird das “e” gar nicht betont?

Ich bitte um Antwort. Danke.

(« Chère Madame, cher Monsieur,

Pourriez-vous m’indiquer comment il convient de prononcer le nom de Stael ? Faut-il faire entendre le e ou bien faut-il ne pas le prononcer du tout ? Je vous remercie pour votre réponse. »)

Uta H. (Deutschland)

L’Académie répond :

Sehr geehrte Frau Hillmann,

Man schreibt Staël, aber Man sagt Stal.

Mit freundlichen Grüssen.

(« Chère Madame Hillmann,

On écrit Staël (avec un tréma sur le e) mais on prononce “Stal”. Cordiales salutations. »)

Disgression au lieu de digression

Le 7 mai 2015

Emplois fautifs

Le préfixe dis- appartient à la langue latine et à la langue française et, dans ces deux langues, il est particulièrement productif. Le plus souvent, il conserve sa forme originale, mais il arrive, en latin, que le s de dis- s’efface quand la consonne initiale du mot auquel il se lie est une consonne sonore. C’est pour cette raison que le nom latin *disgressio, composé à l’aide de la particule dis-, qui marque la négation ou l’écart, et de gradi, « marcher, s’avancer », est devenu digressio. Dire et écrire disgression est donc une faute parfaitement explicable, d’autant plus que le s est conservé dans le nom de la même famille transgression, mais n’en reste pas moins une faute et, pour évoquer ce type de pas de côté, on veillera à n’utiliser que le substantif digression.

on dit

on ne dit pas

Se perdre dans des digressions

Si vous me permettez cette digression

Se perdre dans des disgressions

Si vous me permettez cette disgression

 

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