Dire, ne pas dire

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Martyr et Martyre

Le 8 juillet 2013

Emplois fautifs

Les noms Martyr (un martyr, une martyre) et Martyre sont des homonymes, mais ils n’ont pas le même sens. Martyr, emprunté, par l’intermédiaire du latin martyrus, du grec martus, « témoin », apparaît vers 1050 et désigne d’abord une personne qui a souffert pour attester de la vérité de la religion chrétienne ; il remplace la forme populaire martre, de même sens, que l’on risquait de confondre avec le petit carnivore de même nom, et qui n’est plus attestée que dans la toponymie, comme dans Montmartre, « le mont des martyrs », où furent, selon la légende, tués saint Denis et ses compagnons Rustique et Éleuthère. Martyr désigne ensuite toute personne qui souffre ou meurt pour une cause, même si Furetière écrit dans son Dictionnaire : « Martyr se dit abusivement des Heretiques et de Payens qui souffrent pour la deffense de leur fausse Religion. » Il désigne enfin une personne à qui l’on inflige de nombreux tourments. On dira ainsi Il est le martyr de ses camarades, elle est la martyre de ses camarades et, par extension, on pourra parler d’un pays martyr, d’une ville martyre en faisant du nom Martyr(e) une apposition.

Martyre, qui apparaît une cinquantaine d’années plus tard, est emprunté, par l’intermédiaire du latin, du grec martyrion, « témoignage ». Il désigne le témoignage apporté par celui qui souffre, puis sa souffrance elle-même, les tourments endurés et la mort pour sa foi ou une cause, un idéal.

 

On dit

On ne dit pas

Souffrir le martyre

Souffrir comme un martyr

Côme et Damien, saints et martyrs

Souffrir le martyr

Souffrir comme un martyre

Côme et Damien, saints et martyres

 

En fait

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

La locution adverbiale En fait signifie « réellement, vraiment » et « contrairement aux apparences » : c’est le sens qu’elle a dans des phrases comme « Il est en fait maître du pays » ou « La Confédération helvétique est en fait une fédération ». Un regrettable tic de langage se répand qui consiste à l’employer en lieu et place de la conjonction de coordination mais, voire à employer les deux à la fois. Il convient d’éviter cette confusion et de conserver à la locution en fait  son sens plein.

 

On dit

On ne dit pas

Je suis passé le voir, mais il était absent

Il était là hier, mais il est déjà reparti

Je suis passé le voir, en fait il était absent

Il était là hier, mais, en fait, il est déjà reparti

 

Ensemble avec

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

Dire, Ne pas dire comprend une rubrique intitulée « Néologismes et anglicismes » dans laquelle nous rappelons l’existence de formes françaises susceptibles de décrire la même réalité que ces emprunts fautifs qui abondent en français. Les germanismes, les italianismes, les hispanismes sont bien plus rares que les anglicismes mais ne sont pas inexistants. La locution prépositive Ensemble avec est un exemple de germanisme qu’il convient d’éviter. Il s’agit de la traduction littérale d’une forme très courante et correcte en allemand zusammen mit, mais qui ne correspond pas au génie de la langue française, qui y voit une redondance fautive.

On dit

On ne dit pas

Il est venu avec son frère ou Son frère et lui sont venus ensemble

 

Il est venu ensemble avec son frère

 

Gène et gêne

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

On se gardera bien de confondre ces deux homonymes, très éloignés par le sens, mais qui ne diffèrent dans l’écriture que par un accent. Le nom masculin Gène, qui désigne un élément constitutif du chromosome, peut facilement s’employer au pluriel. Le nom féminin Gêne, qui désigne un sentiment de malaise, d’embarras, s’utilise presque exclusivement au singulier.

Étymologiquement, Gène vient d’une racine indo-européenne *gen-, *gon-, *gn qui traduit l’idée de naissance, de procréation : il appartient à une très grande famille dans laquelle on trouve, parmi tant d’autres, des mots formés avec les suffixes -gène et -génie, les noms générateur, général et gonade, les verbes dégénérer et engendrer, les adjectifs génial et généreux, les prénoms Eugène, Noël et René (les deux derniers étant dérivés du verbe latin nascor, « naître », dont la forme ancienne était gnascor) et deux ouvrages fondateurs de notre culture, La Genèse et La Théogonie.

Le terme Gêne, qui au xiiie siècle désignait les tortures infligées pour obtenir des aveux, est lui issu du bas francique *jehhjan, « dire, avouer ». La dureté des supplices était telle que, du xive au xvie siècle, on a dit et écrit gehenne, par rapprochement avec le nom géhenne, qui désigne les châtiments de l’enfer (ce dernier est issu de l’hébreu ge-Hinnom, « vallée de Hinom », vallée au sud de Jérusalem, où des enfants étaient offerts en sacrifice au dieu Moloch).

La prononciation de voient

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

La prononciation de Voient est la même au subjonctif et à l’indicatif. On n’y fait pas entendre un son -oille. Littré signalait que, dans Le Dépit amoureux, Molière faisait du subjonctif voient un mot de deux syllabes et ajoutait : « Ceci est une ancienne prononciation qu’on entend fort souvent. Aujourd’hui voient est d’une seule syllabe. »

C’est sans doute l’analogie avec les formes voyons et voyez qui a contribué au maintien de cette prononciation, mais tous les grammairiens, en accord avec Littré, prescrivent la prononciation voi. Il en va bien sûr de même pour les formes de subjonctif présent au singulier voie, voies, voie.

 

On dit

On ne dit pas

Il faut que tu voies ça

Attends qu’ils le voient pour leur en parler

Il faut que tu voyes ça [vwaj]

Attends qu’ils le voyent pour leur en parler [vwaj]

 

C’est tendance

Le 2 mai 2013

Emplois fautifs

Dans Madame Bovary, Lheureux, le marchand de nouveautés, convainc régulièrement Emma d’acheter tel ou tel objet ou vêtement grâce à une phrase à laquelle elle semble ne pouvoir résister : C’est le genre ou sa variante C’est là le genre. Un siècle et demi plus tard, ni le bovarysme ni l’injonction à suivre les modes n’ont disparu, mais c’est le genre a été remplacé par c’est tendance ou ça fait tendance. Entre Flaubert et notre siècle, le complément du présentatif a perdu son article et son statut de nom pour devenir un adjectif invariable. Et, comme l’était déjà c’est là le genre d’autrefois, il s’agit là d’un déplaisant tic de langage.

On dit

On ne dit pas

C’est tout à fait dans l’air du temps

Des chaussures à la pointe de la mode

C’est, ça fait très tendance

Des chaussures très tendance

 

Funéraire, Funeste et Funèbre

Le 2 mai 2013

Emplois fautifs

Même si les adjectifs Funéraire et Funeste ont tous deux pour racine le même mot latin funus, « funérailles », ils ne sont ni synonymes, ni interchangeables. Funéraire signifie « qui se rapporte aux funérailles » et « qui a rapport à la mort, à la dépouille, à la mémoire d’une personne », alors que Funeste signifie « qui cause la mort » et « qui annonce la mort, le malheur ». On distinguera aussi ces adjectifs de Funèbre, dont les sens sont voisins de funéraire, mais qui s’applique à des noms plus abstraits : Une oraison funèbre, une veillée funèbre. Signalons enfin que Funéraire et Funèbre, contrairement à Funeste, ne peuvent ni varier en degré, ni être antéposés.

 

On dit

On ne dit pas

Une urne funéraire, un drap funéraire

Une pierre funéraire

Un jour funeste

De funestes pressentiments

Une veillée funèbre

Une urne funeste, un drap funeste

Une pierre funeste

Un jour funéraire

De funéraires pressentiments

Une veillée funéraire

 

Jouer un disque

Le 2 mai 2013

Emplois fautifs

Le verbe jouer est très employé dans le vocabulaire de la musique. On le trouve d’abord avec un nom d’instrument comme complément : jouer du piano, de la clarinette. On trouve ensuite le nom du morceau qui est joué : jouer un prélude, une sonate. Enfin, jouer peut aussi avoir comme complément un nom de musicien, précédé ou non d’un article partitif : jouer du Bach ou jouer Bach. Dans ces derniers cas, le sujet du verbe peut aussi, par extension, désigner le support qui reproduit de la musique enregistrée, mais faire de ce support le complément d’objet direct de Jouer est une faute que l’on doit éviter.

 

On dit

On ne dit pas

Mettre un disque

Un disque qui joue une valse, qui joue Mozart

Jouer un disque

Jouer un disque de valse, de Mozart

 

Renseigner (un formulaire)

Le 2 mai 2013

Emplois fautifs

Même si le verbe renseigner s’est employé à la fin du Moyen Âge avec le sens de « porter en compte une somme, l’assigner à quelque emploi », il ne se construit plus depuis fort longtemps qu’avec un nom de personne comme complément : on renseigne quelqu’un sur une autre personne ou sur une chose.

Mais une fâcheuse tendance semble se répandre aujourd’hui, qui consiste à employer renseigner avec pour complément un nom comme formulaire, document, fiche, etc. Sans doute cet usage provient-il d’une volonté d’abréger des périphrases comme donner ou fournir des renseignements, remplir une fiche de renseignements. Pourquoi ne pas continuer à employer, plutôt que renseigner, des verbes qui convenaient parfaitement comme compléter ou remplir ?

 

On dit

On ne dit pas

Remplir un formulaire

Compléter un document

Renseigner un formulaire

Renseigner un document

 

Appétence

Le 4 avril 2013

Emplois fautifs

Le nom appétence désigne une tendance qui porte tout être vers ce qui satisfait ses instincts, ses besoins, et notamment ses besoins alimentaires. On pourra ainsi dire d’un malade qu’il ne montre aucune appétence pour tel ou tel régime alimentaire. Ce terme est un mot ancien qui fut longtemps peu employé. Quand l’Académie l’introduisit dans son Dictionnaire, en 1740, elle assortit sa définition de la remarque suivante : « Il n’a guère d’usage qu’en matière de Physique » (rappelons qu’à cette époque le nom physique n’avait pas le sens qu’il a actuellement, mais qu’il désignait les sciences naturelles).

Si appétence, par sa forme même et son étymologie, se rapproche d’appétit, il convient de ne pas l’employer avec les sens figurés de ce dernier, même si sa relative rareté et sa terminaison en -ence, caractéristique des noms abstraits, lui donnent un aspect plus savant.

 

On dit

On ne dit pas

Un appétit de savoir

Un goût marqué pour la lecture

Un désir de connaissances

Une appétence de savoir

Une appétence de lecture

Une appétence de connaissances

 

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