Dire, ne pas dire

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Bernard L. (France)

Le 8 juillet 2013

Courrier des internautes

Les médias sportifs utilisent souvent l’expression « jouer telle équipe » au lieu de « jouer contre telle équipe ».

Quelle est la bonne expression en français ?

Bernard L. (France)

L’Académie répond

On dit aujourd’hui « Jouer contre telle équipe ». Mais, en parlant de son adversaire, on disait autrefois, au jeu de paume : Jouer quelqu’un par-dessus la jambe.

Il peut aussi s’agir d’analogie avec des formes comme boxer un adversaire.

Dominique M. (Nice)

Le 8 juillet 2013

Courrier des internautes

Je tiens, à tort ou à raison, pour barbare ou, à tout le moins, incorrect, ce début de phrase que j’entends parfois : « Je ne sache pas que ... ».

Il me plairait de savoir ce qu’il en est exactement. Grand merci à vous de bien vouloir m’éclairer.

Dominique M. (Nice)

L’Académie répond

Cette forme n’est pas incorrecte ; elle est vieillie ou littéraire et signifie Je suis certain que. On trouve ainsi, dans la correspondance de Chateaubriand : « Je ne sache pas que jusqu’à présent, on eût jamais vu en France, sous la monarchie légitime, des chambres, des ministres responsables, un budget… »

On emploie en effet, dans une langue soignée le subjonctif présent à la première personne du singulier quand le verbe porte sur une restriction, une affirmation ou une négation atténuée.

Éloge du vouvoiement (ou du voussoiement)

Le 6 juin 2013

Bloc-notes

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Oublions un instant cette vieille querelle byzantine entre les partisans du vouvoiement et ceux du voussoiement ! Les premiers font observer à bon droit que le terme « voussoiement » a vieilli (le Grand Robert le souligne) et que le vouvoiement, plus euphonique et compréhensible, est par ailleurs lui aussi d’un usage très ancien ; les seconds soulignent que les mots « vouvoiement » ou « vouvoyer » sont mal formés, et d’appeler Littré à la rescousse : « “Vous” ne peut amener la syllabe “voy”, tandis que “tutoyer” est fait de “tu” et “toi”. »

À propos de Byzance, on considère généralement que le passage du tutoiement au vouvoiement pourrait venir de Dioclétien (245-313), qui divisa l’Empire romain entre Orient et Occident, chacun des deux nouveaux Auguste étant assisté lui-même d’un César. Quand l’un des souverains parlait non pas en son nom propre mais encore au nom des trois autres, il renonçait à l’ego, première personne du singulier, pour le nos, première personne du pluriel, et on lui répondait par le vos, deuxième personne du pluriel…

Dont acte !

Je voudrais simplement déplorer ici le recul progressif du vous, dans la conversation courante, ou, plus exactement, la violence que les partisans du « tu » imposent à nos rapports sociaux. Il ne s’agit pas bien entendu de pleurer l’âge classique où le « vous » s’imposait quasiment à tous, où l’on ne tutoyait guère que les valets, les gens de basse condition (ce qui était une autre forme de violence), mais de regretter cette déferlante du tutoiement consécutive à l’esprit de mai 68, quand on s’est efforcé de bannir toute hiérarchie, toute barrière entre les individus, leurs âges, leurs fonctions, entre les élèves et les professeurs… Roland Barthes s’affligea le premier de cette calamité. « Le tutoiement, ruine de mai », disait-il.

Je pense à ce journaliste de télévision qui connut il y a quelques années une éphémère notoriété et s’était fait gloire de tutoyer les hommes politiques, ministres, députés ou présidents, qu’il interrogeait. La tristesse venait moins de sa goujaterie, assez fréquente au demeurant dans le monde audiovisuel, que de la docilité des personnalités invitées, trop heureuses de s’exprimer, même à de telles conditions !

En vérité, l’hésitation, le choix, le balancement entre le « vous » et le « tu » offre quelque chose de délicieux et d’infiniment significatif dans la conversation, dans cette politesse ou, mieux, dans cette délicatesse des rapports humains, dans l’établissement de ces nuances entre la courtoisie et l’intimité, la déférence et l’amitié, le respect et la complicité. Il faut aimer tout autant le « vous » de la séduction que le « tu » qu’échangent ensuite les amants ; il existe un érotisme du vouvoiement ou de son abandon comme il y en a un du dévoilement… Plaignons, plus généralement, ceux qui méconnaissent ces subtilités, et malheur aux langues qui les ignorent !

Le « tu » qui prévaut de plus en plus aujourd’hui simplifie ou, pis, uniformise le langage et les rapports entre les individus. On ne se méfie jamais assez des uniformes. Du tutoiement obligatoire des « camarades », comme des bourreaux et de leurs victimes. De ce qui rend en bref la société unie, semblable, obéissante, obligatoire. Au risque d’inventer un néologisme intrépide, je dirais que le tutoielitarisme est un totalitarisme.

Frédéric Vitoux
de l’Académie française

La prononciation de voient

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

La prononciation de Voient est la même au subjonctif et à l’indicatif. On n’y fait pas entendre un son -oille. Littré signalait que, dans Le Dépit amoureux, Molière faisait du subjonctif voient un mot de deux syllabes et ajoutait : « Ceci est une ancienne prononciation qu’on entend fort souvent. Aujourd’hui voient est d’une seule syllabe. »

C’est sans doute l’analogie avec les formes voyons et voyez qui a contribué au maintien de cette prononciation, mais tous les grammairiens, en accord avec Littré, prescrivent la prononciation voi. Il en va bien sûr de même pour les formes de subjonctif présent au singulier voie, voies, voie.

 

On dit

On ne dit pas

Il faut que tu voies ça

Attends qu’ils le voient pour leur en parler

Il faut que tu voyes ça [vwaj]

Attends qu’ils le voyent pour leur en parler [vwaj]

 

Easy listening, easy reading

Le 6 juin 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Ces anglicismes désignent, l’un, un type de musique dont l’écoute ne demande aucune attention particulière ; l’autre, créé par analogie, désigne un type de littérature facile et médiocre. Le français a des termes propres et des expressions imagées pour les évoquer l’un et l’autre. Pourquoi ne pas en faire usage ?

 

On dit

On ne dit pas

De la musique facile, de la musique d’ascenseur, de supermarché

Lire des romans, de la littérature de gare

De l’easy listening


Lire de l’easy reading

 

Speeder (se) / speed

Le 6 juin 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’anglicisme Speeder, emprunté de to speed, « se dépêcher », est aujourd’hui très répandu. Mais le français a de très nombreux autres verbes ou locutions verbales à sa disposition, appartenant à tous les registres de langue, comme se presser, s’empresser, faire diligence, grouiller ou foncer. Hâtons-nous de les employer. De la même manière évitons absolument de faire du nom anglais speed un adjectif français.

 

On dit

On ne dit pas

Nous sommes en retard, il faut se presser

Dépêchez-vous, le train part 

Il est agité, il est énervé

Nous sommes en retard, il faut speeder


Speedez-vous, le train part

Il est speed

 

Tout à coup, tout d’un coup

Le 6 juin 2013

Extensions de sens abusives

Ces deux locutions, très proches phonétiquement, sont de plus en plus employées indifféremment, mais leur sens n’est pas le même. Tout à coup signifie « soudainement », alors que tout d’un coup signifie « en une seule fois, en même temps ». Efforçons-nous de ne pas les confondre.

 

On dit

On ne dit pas

Tout à coup, l’orage a éclaté

Le chien a mangé le pâté tout d’un coup

Tout d’un coup l’orage a éclaté

Le chien a mangé le pâté tout à coup

 

Noms populaires des renonculacées : grenouillette, bassinet, pied d’alouette, barbe-de-chèvre, etc.

Le 6 juin 2013

Expressions, Bonheurs & surprises

La botanique est un domaine où se côtoient deux langues, l’une, qui appartient aux taxinomistes, créée essentiellement à partir des travaux du botaniste suédois Carl Von  Linné, au xviiie siècle, propose des noms de plantes formés le plus souvent à partir de racines grecques ou latines ; l’autre, beaucoup plus ancienne et populaire, use de termes courants pour désigner ces mêmes plantes, le plus souvent en recourant à de savoureuses analogies. On en a un exemple avec la famille des Renonculacées. Ce nom est dérivé du latin ranuncula, « petite grenouille », parce que beaucoup de ces plantes vivent dans des lieux humides. Au nombre des Renonculacées figure le bassinet, encore appelé, en raison de sa couleur bassin d’or ou pour sa forme quand il n’est pas entièrement ouvert, bouton d’or. C’est aussi par analogie de forme que la clématite (du grec klema, « sarment ») est appelée barbe-de-chèvre ou berceau-de-la-vierge, et que la dauphinelle (du grec delphis, « dauphin ») est appelée pied d’alouette. La ficaire (du latin ficus, « figue », puis « verrue ») est une de celles qui a reçu le plus de noms populaires : pour ses fleurs d’un beau jaune d’or, on l’a appelée éclairette ; parce qu’elle pousse dans les lieux humides on l’appelle parfois grenouillette. Les racines de cette plante, dont la forme rappelle celle des tumeurs hémorroïdales, leur avaient fait attribuer autrefois la propriété de guérir cette affection ; on croyait même qu’il suffisait d’en porter dans sa poche pour s’en préserver. De là ses noms d’herbe aux hémorroïdes et herbe du siège.  Enfin, c’est parce que ses feuilles, cuites à l’eau, sont savoureuses qu’elle est aussi appelée pissenlit doux.

Alexandre C. (Perpignan)

Le 6 juin 2013

Courrier des internautes

Je m’interroge (et ne parviens pas à me répondre !). Voici :

Faut-il dire « ne m’en veuillez pas » ou « ne m’en voulez pas » ?

S’il faut dire « ne m’en voulez pas », pourquoi dit-on « veuillez trouver ci-joint votre éléphant apprivoisé », et non « voulez trouver ci-joint votre éléphant apprivoisé » ?

Alexandre C. (Perpignan, 15 février)

L’Académie répond

Les formes courantes sont veuille, veuillez. Elles sont devenues des formules de politesse : Veuillez vous asseoir. Les autres, veux, (voulons), voulez, sont très rares à la forme affirmative (sens fort). Elles font appel à une ferme volonté et s’emploient surtout avec une négation : Ne m’en voulez pas. Mais on dit fort bien et beaucoup plus souvent : Ne m’en veuille pas, ne m’en veuillez pas.

Bangaly K. (Côte d’Ivoire)

Le 6 juin 2013

Courrier des internautes

J’aimerais savoir s’il faut dire « prendre une voiture, un bus... » ou « emprunter une voiture, un bus... ».

Bangaly K. (Côte d’Ivoire, 15 février)

L’Académie répond

Avec un moyen de transport, on utilise le verbe prendre dans le sens d’utiliser.

Dans ce cas, prendre et emprunter sont synonymes, mais prendre est beaucoup plus courant : Prendre le train, l’avion, le bus, le métro.

Emprunter se rencontre parfois : Les voyageurs sont invités à emprunter les voitures de queue.

Mais force est de constater qu’aujourd’hui emprunter s’emploie beaucoup plus avec le sens de « se faire prêter » : Emprunter une bicyclette, emprunter une voiture à un ami.

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