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Le 6 février 2014

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le vocabulaire de l’informatique est un grand pourvoyeur d’anglicismes, qui risquent de s’étendre à la langue courante. Parmi ceux-ci, le verbe updater, emprunté de anglais to update, « mettre à jour, moderniser, améliorer ». Pourquoi ne pas utiliser, en fonction des circonstances, l’un ou l’autre de ces trois verbes ?

On dit

On ne dit pas

Mettre à jour un ordinateur, des fichiers

Actualiser des logiciels

Updater un ordinateur, des fichiers

Updater des logiciels

 

Souder, sou, solide

Le 6 février 2014

Expressions, Bonheurs & surprises

Souder, qui est l’anagramme de soudre, est d’un emploi courant et appartient lui aussi à une vaste famille. Il est issu du latin d’époque impériale solidare, qui a d’abord signifié « solidifier ». Lui-même est dérivé de solidus, « plein, massif, solide » ; associé à numerus, « nombre », il a désigné une monnaie d’or dont le titre, le poids, et donc la valeur, étaient constants. Puis, comme cela est arrivé fréquemment en latin tardif, le nom s’est effacé en abandonnant à l’adjectif sa valeur et sa nature. On observe ce même phénomène, par exemple, avec le nom foie, qui est issu du latin (jecur) ficatum, « (foie d’oie) engraissé avec des figues », puis « foie ».

En passant du latin au français, le solidus a perdu des lettres et la monnaie de la valeur, puisque c’est ce solidus qui est à l’origine de notre sou et de son équivalent vieilli sol, des variantes que l’on retrouve dans les formes col et cou, fol et fou ou mol et mou. De ce sol on a tiré la soldée ou soudée, terme utilisé en ancien et en moyen français, pour désigner le salaire d’un soldat, ou, plus précisément, ce qui avait la valeur d’un sou, une forme de dérivation que l’on a aussi avec la denrée qui était, proprement, « ce que l’on peut acheter avec un denier ». On notera que, si la soldée a disparu avec le Moyen Âge, une forme équivalente, la soutée, s’est rencontrée naguère dans les débits de boisson de l’Ouest de la France pour désigner ce que l’on pouvait obtenir de café pour un sou.

Par extension, soudée a aussi désigné toute forme de salaire, de récompense, au sens propre ou au figuré. On lit dans un texte religieux du Moyen Âge :

« Cel jor deable lié seront / Et lors soudées recevront / Cels que jhesus Crist guerpira / Deables à soi les menra / Ens en enfer, et puis dedens. » (« Ce jour [celui du jugement dernier], les diables seront heureux et ils recevront leur récompense : ceux que Jésus-Christ abandonnera, le diable les attirera à soi et les mènera en enfer. »)

Á partir du salaire que l’on versait aux militaires, la soudée, on a créé le verbe soudoyer, proprement « engager contre paiement d’une soudée » et, particulièrement, « engager un soldat » ; Charles VIII, roi de France de 1483 à 1498, écrit ainsi : « Pour payer les dits gens d’armes et de trait estans en garnison avec ledit Sieur de Sassenage, lequel il soldoyat de ses propres deniers»

Le soldat ainsi recruté était donc un soudard, « celui qui touchait la soudée » ; de ce nom, il existait aussi de nombreuses variantes, parmi lesquelles soudaulz, soudenier, soudoier, soudoiant, etc. On trouvait aussi bien sûr d’autres corps de métier que l’on rémunérait par la soudée : la soldoiere ou saudoiere, par exemple, qui désignait une servante prise à gages ou une femme qui faisait payer ses faveurs. On peut ainsi lire dans La Vie de sainte Thays :

« Il fu anciennement une saudoiere ki avoit non Thays, tant bele que maint home vendirent lour iretage pour li. »

Á l’origine, donc, ni soudard, ni soudoyer n’avaient de sens péjoratif. Par la suite, les contacts avec l’Italie et la présence de nombreux mercenaires italiens en France vont amener quelques changements dans la langue militaire. Le français emprunte à l’italien les mots colonel, caporal mais aussi soldat, emprunté de soldato, qui est lui-même dérivé de soldo, « solde ». Le soudard et ses équivalents vont alors disparaître et Brantôme pourra écrire dans La Vie des grands capitaines : « Tous ces noms se sont perdus et se sont convertis au beau nom de soldat à cause de la solde qu’ils touchent. »

Soudard et soudoyer vont alors se charger des sens péjoratifs qui sont les leurs aujourd’hui. Le sou va continuer à perdre de sa valeur. Souder va prendre le sens qu’il a aujourd’hui, en signifiant d’abord « solidifier », puis « réunir » et enfin « pratiquer la soudure ». Nous avons évoqué dans l’article précédent Henri de Mondeville. Dans sa Chirurgie, il parle lui aussi de souder pour « rapprocher les lèvres d’une plaie » et donne le nom de soudures aux cicatrices. Soudre et souder sont très proches phonétiquement et on les emploie parfois l’un pour l’autre au Moyen Âge. On trouve ainsi des recettes où il est prescrit de souder du poivre quand il s’agit de le réduire en poudre.

Mais on se souviendra que dans la langue des romans et des films noirs des années 1950 et 1960, les verbes dessouder et dissoudre devenaient aussi des synonymes, signifiant « tuer ». « Le souffle ténu qui sifflait des lèvres du Rital les rassura. Le gonze, on ne l’avait pas dessoudé », écrivait ainsi, en 1953, Auguste le Breton dans Du rififi chez les hommes.

 

Soudre

Le 6 février 2014

Expressions, Bonheurs & surprises

Le verbe soudre est semblable à ces patriarches des temps anciens qui ont disparu, mais ont laissé une vaste descendance. On le trouve encore en moyen français, en particulier dans la Ballade des pendus, de François Villon :

« Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie, / Garde qu’enfer n’ait de nous seigneurie : / A luy n’avons que faire ne que souldre. / Hommes, icy n’a point de mocquerie ; / Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre»

Ce verbe est issu du latin solvere, qui signifie d’abord « détacher, délier », puis « payer, s’acquitter d’une dette », « désagréger, dissoudre » et, enfin, « résoudre, trouver la solution ». Les sens de solvere et de ses dérivés sont très variés ; ils le sont tellement que, pour en rendre compte, le français emploie deux formes de participe passé, l’un qui est emprunté du latin, l’autre qui vient directement du verbe français, et leurs sens diffèrent notablement. Ainsi on pourra dire que l’Assemblée est dissoute, sans que cela signifie qu’elle était dissolue, et que le souverain pouvait être absolu quand bien même il n’aurait pas été absout. Il en va parfois de même pour les noms puisque, à côté de l’absolution, existe l’absoute, un ensemble de prières dites par le prêtre au terme de la liturgie des défunts. De même, la soulte, « la somme qui, dans un partage, compense l’inégalité des lots », n’est pas la solution. Peut-être faut-il rappeler que le sens premier de solution est « séparation, rupture » et qu’une solution de continuité n’est pas, comme on le croit parfois et faussement, un moyen pour continuer quelque chose, mais l’interruption entre les parties d’un tout, auparavant continues. Cette expression apparaît au xive siècle dans le livre Chirurgie, d’Henri de Mondeville, le médecin de Philippe le Bel et de Louis le Hutin, et elle désigne une fracture dans laquelle les deux parties de l’os rompu ne sont plus en contact. Elle désignera, presque quatre siècles plus tard, sous la plume de Mme de Sévigné, une rupture entre deux personnes. Elle écrit dans une lettre du 14 juillet 1680 :

« Vous me demandez, ma Bonne, ce qui a fait cette solution de continuité entre La Fare et Mme de La Sablière. C’est la bassette ; l’eussiez-vous cru ? C’est sous ce nom que l’infidélité s’est déclarée ; c’est pour cette prostituée de bassette qu’il a quitté cette religieuse adoration. » (La bassette était un jeu de cartes fort en vogue à l’époque, où se jouaient de grosses sommes d’argent.)

La racine dont est tirée solvere est la même que celle que l’on trouve dans le gotique fraliusan, « perdre », un lointain ancêtre de l’anglais to lose, « perdre », mais aussi et surtout dans le grec luein, cher au cœur de tous les hellénistes, car c’est l’un des modèles qui servent à l’apprentissage des conjugaisons. Ce verbe a le même sens que le latin solvere et est à la base des formes françaises en -lyse ou en -lyte. On sait que l’analyse consiste à détacher les éléments d’un tout pour les identifier, que l’on effectue cette opération sur un corps chimique, sur une phrase ou sur une idée. Parmi les formes en -lyte, nous en retiendrons deux.

D’abord l’alyte. Sous cette dénomination savante se cache un mystérieux animal, plus connu sous le nom de « crapaud accoucheur ». Ces batraciens ont en effet une étrange particularité : le mâle conserve pendant six à huit semaines, en tresses autour de ses pattes arrière, les chapelets d’œufs pondus par la femelle. Il les gardera avec lui jusqu’à ce que, sentant l’éclosion proche, il s’installe dans une pièce d’eau où les petits pourront naître. Son nom alyte est emprunté du grec alutos, « qui ne peut être délié », parce que notre crapaud semble ne pouvoir être délivré de ces œufs avant que n’en sortent des têtards.

Ce suffixe se trouve aussi dans le nom Hippolyte. Ce nom, comme cela est très fréquent pour les patronymes grecs, a une signification. Avant d’être nom propre, le grec hippolutos est un adjectif qui signifie « qui détache les chevaux ». Ce sens fait particulièrement ressortir l’ironie cruelle de l’Hippolyte d’Euripide, puisque le héros meurt prisonnier des lanières qui entravaient ses chevaux et traîné par eux dans les rochers, et c’est bien parce que « celui qui détache les chevaux » ne les a justement pas détachés qu’il est mort. Les mots d’Euripide soulignent le retournement monstrueux qui est en jeu dans cet épisode, puisque si dans les derniers vers on entend le participe passé passif lutheis, « détaché, libéré », il ne qualifie pas les chevaux, mais Hippolyte lui-même.

Tout cela sera repris dans la Phèdre de Racine, mais notre langue ne marque plus ces rapprochements, et le dramaturge, faisant parler Théramène, emploiera d’autres verbes :

« Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes / […] / Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé / […] / J’ai vu, Seigneur, j’ai vu votre malheureux fils / Traîné par les chevaux qu’il a nourris. »

 

Justine D. G. (France)

Le 6 février 2014

Courrier des internautes

Doit-on dire « une semaine après que je sois allée » ou « une semaine après que je suis allée » ?

Justine D. G. (France, 15 novembre)

L’Académie répond

Après après que, on doit utiliser l’indicatif. Voyez L’Âme des poètes, de Charles Trénet : « Longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues»

Certains auteurs, sans doute par analogie avec avant que, utilisent le subjonctif après après que ; ils font alors une faute de grammaire.

Au plaisir des mots, au plaisir de la grammaire

Le 6 janvier 2014

Bloc-notes

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De concert ou de conserve

Les deux expressions existent et ont à peu près le même sens.

La première vient de la musique et indique que, comme les instruments, les violons ou les flûtes s’accordent soigneusement pour sonner juste, des personnes travaillent de concert et elles organisent bien leur collaboration.

La seconde vient de la marine. C’est un vieux mot indiquant le soin que prenaient les navires de rester à juste distance l’un de l’autre et de profiter du vent sans se gêner : ils naviguaient de conserve pour « se conserver » et éviter les dangers…

Comme toujours l’étymologie est intéressante, puisqu’elle nous raconte l’histoire des mots.

Si de concert vient de la musique, c’est qu’il faut bien que les musiciens qui jouent ensemble se concertent pour que leurs instruments soient accordés et qu’ils suivent le même tempo.

De conserve, c’est qu’il faut bien que les marins prennent garde de ne pas se heurter, pour se conserver.

 

La concordance des temps

La concordance des temps n’est pas sans poser quelquefois de petits problèmes…

Quand la proposition principale est au passé, il est d’usage que les subordonnés qui la suivent s’installent dans le temps de la principale et se mettent donc, elles aussi, au passé. Ce n’est pas sans susciter quelques ambiguïtés.

« On m’a dit, Madame, que vous étiez une excellente cuisinière… »

La dame va-t-elle sursauter et répondre avec un peu d’aigreur :

« Mais je le suis toujours, Monsieur… »

Car cet imparfait peut exprimer le présent du temps où l’on parle, aussi bien que le passé révolu…Si cette personne avait déclaré « On me dit, Madame, », elle aurait évidemment terminé sa phrase par « que vous êtes ». Mais celui qui a prononcé ces mots avait un grand respect de la concordance des temps. C’était d’ailleurs une personne de grand talent, et pas seulement pour la cuisine : il s’agissait de Maurice Edmond Sailland, plus connu sous le nom de Curnonsky. Le fameux gastronome parlait très bien notre langue, et en goûtait toutes les saveurs. Il a donc dit : « On m’a dit, Madame, que vous étiez… »

 

Ils se sont battus à cor et à cris

On imagine deux malandrins en train de se donner des coups « sur le corps » en hurlant ; mais l’orthographe serait tout à fait inexacte et nous empêcherait de comprendre le vrai sens de cette expression.

Elle est très ancienne et nous vient de la chasse à courre. Lorsque les chasseurs cavalcadaient ici et là dans la forêt, sans se voir, ils communiquaient par des cris, mais surtout par des cors de chasse : cet instrument n’avait d’autre utilité que de donner à entendre des renseignements précis : à chaque situation correspondait une sonnerie, un air particulier.

On sonnait « La Royale » pour un cerf dix cors (un grand adulte) « Le Bien allé », si on le suivait, « Le Débuché », et enfin « L’Hallali ».

Ils se sont donc battus « à cor et à cris ».

 

Avant qu’il fût né et après qu’il fut grand…

Un simple accent circonflexe ici, mais pas là…

Est-ce bien grave ?

Eh bien, oui : c’est la justesse de ce que nous disons, c’est-à-dire ce que nous pensons, qui est en cause quand nous l’écrivons.

Avant que quelque chose existe, ou ait lieu, on use du subjonctif, puisque cela n’existe pas encore, n’a pas eu lieu :

Je voudrais que cela soit, je souhaite que cela ait lieu, je rêverais que cela se produisît

Et donc :

Avant qu’il fût né…

Et puis le réel s’est installé, les choses désormais sont vraies : il est né, il a grandi, c’est un vrai petit homme ; et quand il fut grand… Le réel s’écrit à l’indicatif.

On peut même aller plus loin, de manière encore plus précise. Puisqu’il n’existait pas encore avant qu’il ne fût né, on peut renforcer cette irréalité à l’aide de ne.

Ce ne est facultatif, peut-être met-il en valeur l’impatience avec laquelle vous attendiez : Avant qu’elle n’arrive, je suis dans l’angoisse

Voltaire écrit « Le roi voulut voir le chef d’œuvre avant qu’il fût achevé. » : accent circonflexe, mais pas de ne. Sa majesté était peut-être moins impatiente qu’on ne le disait. Mais après qu’il l’eut vu, le roi manifesta sa gratitude.

Philippe Beaussant
de l’Académie française

Absence de liaisons après les adjectifs numéraux cardinaux

Le 6 janvier 2014

Emplois fautifs

Les adjectifs numéraux cardinaux sont, tout comme les articles, les adjectifs possessifs, démonstratifs, indéfinis, interrogatifs et exclamatifs, des déterminants et caractérisent le nom qu’ils précèdent. Ils sont donc étroitement attachés à ce nom et, phonétiquement, se lient avec lui quand celui-ci commence par une voyelle ou par un h muet. On dit deux (z)heures, cinq (k)ans, etc. Cette règle s’applique à tous les noms sans exception, et donc aussi au nom euro. Il est vrai que depuis l’écu, qui fut une monnaie utilisée pendant plus de cinq siècles, depuis Louis IX jusqu’à 1793, année où furent frappés les écus dits républicains, la France n’a plus eu de monnaie dont le nom commençait par une voyelle : francs, napoléons, louis, sous et autres livres ont peut-être contribué à faire oublier la nécessité des liaisons avec les numéraux. Ces liaisons sont néanmoins nécessaires y compris après vingt et cent qui, rappelons-le, prennent un s lorsqu’ils sont multipliés et non suivis d’un autre nombre (quatre-vingts ans mais quatre-vingt-deux ans ; deux cents livres mais trois cent quatre livres).

On dit

On ne dit pas

Un (n)euro, vingt(t)euros, cent(t)euros

Quatre-vingts(z)euros, sept cents (z)euros

Un / euro, deux / euros, vingt / euros

Quatre-vingts / euros, sept cents / euros

 

Contrôler au sens d’être maître

Le 6 janvier 2014

Emplois fautifs

Le nom contrôle est un dérivé de rôle, lui-même emprunté au latin médiéval rollus, désignant un morceau de parchemin qu’on conservait roulé sur lui-même. Le premier sens de rôle est celui de « liste inscrite sur un rouleau de papier ». Pour vérifier que ce qui était porté sur cette première liste était exact, on en établissait une deuxième, appelée « contre rôle », qui, par haplologie, a ensuite donné contrôle. On s’efforcera de garder à contrôle son sens originel de « vérification » et on évitera de lui donner, sous l’influence de l’anglais control, le sens de « maîtrise, conduite ou commandement ». Il en va naturellement de même pour contrôler qui signifie « vérifier » et non « se rendre maître de ». La confusion entre ces sens peut engendrer bien des malentendus. Ainsi dans Le Babélien, Étiemble écrit : « Je me suis laissé dire, à propos des sens de control, que si les Anglais ont bombardé Mers-el-Kébir en 1940, c’est par suite d’une méprise sur les sens différents du verbe anglais to control et du français contrôler. » Même si les conséquences de ces impropriétés ne sont, Dieu merci, pas toujours aussi dramatiques, on s’efforcera de ne pas donner à ces termes des sens qui ne sont pas les leurs. Est-il besoin de préciser que la locution anglaise under control est à proscrire en français ?

On dit

On ne dit pas

Nous maîtrisons la situation

La limitation des naissances

Nous sommes maîtres de la région

La situation est sous contrôle

Le contrôle des naissances

Nous contrôlons la région

 

Informer une décision

Le 6 janvier 2014

Emplois fautifs

Le verbe informer est polysémique. On l’emploie avec un sens très précis en philosophie : l’âme informe le corps, c’est-à-dire qu’elle lui donne une forme déterminée. En droit, il se construit intransitivement et signifie « conduire une instruction en matière pénale » : le juge d’instruction est tenu d’informer. Mais son sens le plus fréquent est celui de « mettre au courant quelqu’un de tel ou tel fait ». Dans ce dernier cas, le complément d’objet direct du verbe est une personne. On évitera de construire ce verbe avec un complément d’objet direct inanimé en lui donnant le sens de « motiver, justifier, argumenter » qu’a parfois l’anglais to inform, et l’on préfèrera user de l’un de ces verbes ou de périphrases contenant les noms information ou explication.

On dit

On ne dit pas

Motiver une décision

Donner des informations justifiant un choix, expliquer un choix

Informer une décision

Informer un choix

 

Adresser au sens d’aborder

Le 6 janvier 2014

Extensions de sens abusives

Le nom anglais address a, entre autres sens, celui d’« abord ». A man of good address désigne un homme à l’abord distingué. Le sens correspondant du verbe to address est celui d’« aborder (une personne) ». Par extension, ce verbe anglais admet un complément d’objet inanimé et s’emploie pour évoquer un sujet, un point qu’on vient à traiter. Bien que ce soit le français adresser qui se trouve être à l’origine du verbe anglais, il n’a jamais eu cette signification particulière, propre à l’anglais. On se gardera donc bien de confondre les sens des verbes anglais et français et l’on préfèrera le verbe aborder qui, lui, admet des compléments d’objet animés et inanimés, comme dans « aborder un passant », « aborder un rivage », « aborder un sujet difficile ».

On dit

On ne dit pas

Aborder un problème, une question

Adresser un problème, une question

Madic (France)

Le 6 janvier 2014

Courrier des internautes

J’ai entendu pour la première fois le mot « natalophobie », désignant la peur de Noël. Est-ce que ce mot existe vraiment, ou est-ce une farce ?

Madic (France, 25 novembre)

L’Académie répond

Il s’agit d’un jeu de mots. De nombreuses personnes s’amusent à former des noms composés à partir de racines grecques ou latines. Les formes avec les suffixes -phobie et -philie semblent particulièrement productives. Mais ce type d’agglutination, assez fréquent dans la langue scientifique, ne correspond pas à l’usage du français courant, qui préfère les tours prépositionnels. Certaines langues comme le grec ou l’allemand ont plus recours à la soudure de différents composants.

C’est ce qui explique que l’allemand a des mots de plus de trente lettres dont le fameux

Rindfleischetikettierungsüberwaschungsaufgabenübertragungsgesetz, mot de 63 lettres qui signifie simplement « loi sur le transfert des obligations de surveillance de l’étiquetage de la viande bovine » !

On regrettera la disparition de ce mot, apparu dans le cadre de la lutte contre la maladie de la vache folle et victime d’un changement de législation européenne en 2013.

Ajoutons pour conclure que natalophobie, mélange de grec et de latin est un monstre. Il aurait fallu écrire genethliophobie.

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