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Du droit et de quelques usages

Le 1 février 2018

Expressions, Bonheurs & surprises

Les usages que nous allons voir maintenant appartiennent à l’ancienne langue du droit. Ils désignaient l’autorisation accordée aux habitants d’une commune de faire usage des bois, des marais et des prés communaux. À l’époque féodale, ces droits n’étaient accordés qu’en échange d’une redevance due au seigneur. Ces usages étaient strictement codifiés ; ils le furent par des édits seigneuriaux, des chartes communales, puis par le Code forestier. Ils donnèrent souvent lieu à des querelles d’interprétation et à des chicanes et firent, au xixe siècle particulièrement, les délices de la Cour de cassation. Ils furent aussi, en partie, le sujet des Paysans, de Balzac. Le droit ancien distinguait les petits usages des grands usages. Les premiers autorisaient le ramassage des branches sèches, du bois mort et du mort-bois. Ce dernier désignait des arbrisseaux sans valeur, ne portant pas de bons fruits et dont le bois, impossible à travailler, n’était bon qu’à être brûlé : houx, marsault, épines et genêts, auquel on ajoutait souvent ce que l’on appelait le bois blanc : saule, peuplier et aulne. Les grands usages comprenaient l’affouage, le maronage, le pâturage (ou pacage) et la glandée (ou paisson).

Le droit d’affouage, le droit de ramasser du bois mort dans les communaux pour se chauffer est sans doute le plus connu. Affouage vient de l’ancien français afouer, « allumer un feu » ; au Moyen Âge, il désignait aussi du bois de chauffage. On lit ainsi dans une ordonnance de la première moitié du xive siècle : « Donons l’usaige en nos boys de Voisins au chapelain … por son affouage. » Ce bois ne pouvait être cédé : « Ne sera permis auxdits usagers de vendre leurs-dits droits d’affouage à aucuns forains et estrangers », lit-on dans une autre ordonnance. Jacques-Joseph Baudrillart, le grand-père de l’académicien, rendait ainsi compte de cette interdiction dans son monumental Code forestier (1827) : « Des considérations sages et paternelles ont dû déterminer le législateur à empêcher que les habitants des communes affouagères ne vendent le bois qui leur est délivré, afin de les prémunir contre les atteintes du besoin. »

Mais, on l’a vu, avant l’essor des communes libres, ces droits étaient liés à une taxe. Il y eut donc un impôt appelé affouage, à acquitter en échange du droit du même nom. Mais affouage pouvait aussi désigner un autre impôt, plus souvent appelé fouage, que percevaient des officiers nommés fouageurs. Il s’agissait d’une imposition par feu, c’est-à-dire par maison, et qui serait l’ancêtre de notre foyer fiscal. Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, montre combien cet impôt exaspéra le peuple : « On ne se doute guère de l’importance du fouage dans notre histoire ; cependant, il fut à la révolution de France ce que fut le timbre à la révolution des États-Unis. Le fouage (census pro singulis focis exactus) était un cens, ou une espèce de taille, exigé par chaque feu sur les biens roturiers. Avec le fouage graduellement augmenté, se payaient les dettes de la Province. » Voici une famille linguistique qui fut source de bien des conflits, puisque le fouage, responsable de la Révolution française avait un cousin étymologique, lié lui aussi au latin focus, la fouace, qui désigne un pain cuit sous la cendre et qui fut, nous dit Rabelais, à l’origine des guerres picrocholines.

Bois et forêts pouvaient aussi servir au maronage. Ce nom, aujourd’hui hors d’usage, et que l’on rattache à merrain, désignait l’autorisation donnée aux mêmes habitants d’aller dans ces mêmes communaux pour y prendre le bois nécessaire à la construction de bâtiments. On le trouve encore sous la plume d’Adolphe de Forcade Laroquette, qui fut plusieurs fois ministre sous le Second Empire. Dans un Rapport au ministre des Finances, du 12 février 1860, il écrit : « Les droits [d’usage] qui se rencontrent le plus communément sont ceux de l’affouage et de maronage. »

Á côté de ces usages, liés aux bois et forêts, on trouvait le pacage, aussi appelé pâturage, c’est-à-dire le droit de faire paître les troupeaux sur les communaux, particulièrement dans des terrains en friche, en jachère ou boisés. Le pacage concernait les vaches, les moutons et les chèvres. Les porcs semblent avoir eu dès les temps anciens un traitement à part ; sans doute parce que ces animaux étaient plus communs, même chez les plus pauvres. Le droit, l’usage, qui les concernait était parfois appelé panage ou paisson. C’était une servitude forestière qui permettait aux éleveurs de porcs de faire pâturer leurs animaux dans les forêts et les bois communaux, mais aussi, là encore, un droit que l’on paya d’abord au seigneur et ensuite au propriétaire d’une forêt. Comme c’était essentiellement des glands que mangeaient ces porcs, ce droit fut généralement appelé la glandée. Il s’agissait d’un fait essentiel dans la vie paysanne médiévale et c’est d’ailleurs une scène de glandée qui illustre le mois de novembre dans Les Très Riches heures du duc de Berry. Chateaubriand en parle aussi dans ses Mémoires d’outre-tombe : « J’entendais le son de la trompe du porcher gardant ses truies et leurs petits à la glandée. »

Pour conclure, rappelons que, même si le sens des mots évolue parfois, le droit de glandée (encore appelé droit de glandage) ne désigne que le droit de ramasser les glands ou de conduire ses porcs dans une forêt pour qu’ils s’en nourrissent, et n’est donc en aucun cas un ancêtre du Droit à la paresse de Paul Lafargue.

Le droit et l’usage

Le 1 février 2018

Expressions, Bonheurs & surprises

« En l’absence d’une juridiction spécialement organisée, et en vertu de sa mission générale de dire le droit, le juge ordinaire devait accueillir pour examen les exceptions d’inconstitutionnalité élevées à l’encontre des lois dans les procès dont il était saisi. » Ces mots, tirés de son fameux Manuel élémentaire de droit constitutionnel, sont de l’éminent juriste, devenu plus tard académicien, Georges Vedel. Dire le droit, c’eût été, en pays coutumier, dire l’usage. Si l’on peut rapprocher ces deux expressions, c’est parce que ce que dit le droit n’est pas une vérité éternelle, mais est soumis à l’évolution du monde et à l’épreuve du temps, de même que l’usage en matière de langue n’est pas fixé à jamais, puisqu’il évolue avec la société qui le produit. Ces cadres de notre vie sont mouvants et, sur une longue échelle de temps, langue, droit, usage, panta rheî : « tout passe, tout coule ». Mais tout n’est pas emporté comme par le flot d’un torrent. Il convient en effet de rappeler ce qu’écrivait Jean-François Marmontel, qui fut Secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Dans la manière de s’exprimer, comme dans celle de se vêtir, l’usage diffère de la mode, en ce qu’il a moins d’inconstance. » Ce passage par la manière de se vêtir est intéressant, car il nous rappelle que les noms coutume, évoqué plus haut avec le pays coutumier, et costume ont même étymologie.

L’usage a toujours été le souverain maître pour l’Académie française. Bossuet le proclama dans son discours de réception : « L’usage, je le confesse, est appelé avec raison le père des langues ; le droit de les établir, aussi bien que de les régler, n’a jamais été disputé à la multitude », avant d’ajouter toutefois : « Mais si cette liberté ne veut pas être contrainte, elle souffre d’être dirigée. » Cette dernière remarque du grand orateur n’est pas toujours valide. Littré en fait le constat dans la notice étymologique de l’article albinos de son Dictionnaire de la langue française : « Il faudrait dire albino au singulier et albinos au pluriel ; albinos est le pluriel espagnol d’albino, et barbare au singulier. Mais ce mot est trop entré dans l’usage pour qu’on puisse le corriger. » En faisant cette remarque, le grand linguiste rappelait ce qui avait été écrit dans la préface de la première édition : « Car il faut reconnoistre l’usage pour le Maistre de l’Orthographe aussi bien que du choix des mots. C’est l’usage qui nous mene insensiblement d’une maniere d’escrire à l’autre, & qui seul a le pouvoir de le faire. C’est ce qui a rendu inutiles les diverses tentatives qui ont esté faites pour la reformation de l’Orthographe depuis plus de cent cinquante ans par plusieurs particuliers qui ont fait des regles que personne n’a voulu observer. » Ce qui vaut pour l’orthographe vaut aussi pour la prononciation. On peut le voir avec celle de dam, mot que l’on ne rencontre plus guère aujourd’hui que dans l’expression à mon (grand) dam ; ce nom jadis se prononçait comme dent. Dans Le Renard anglais, La Fontaine le fait rimer avec clabaudant et avec guindant : « Il y viendra le drôle ! Il y vint à son dam / Voilà maint basset clabaudant / Voilà notre Renard au charnier se guindant. » Au sujet de ce terme, Féraud écrivait dans son Dictionnaire critique de la langue française : « L’Académie le met sans remarque. » C’était vrai jusqu’à la quatrième édition de son Dictionnaire, mais dans la cinquième (1798) il est précisé qu’« on prononce dan ». Si cette note est devenue nécessaire, c’est parce que, sans doute en raison des progrès des relations avec la Hollande et du nom de deux de ses villes les plus fameuses, Amsterdam et Rotterdam, et par analogie avec la prononciation de la dernière syllabe de ces cités, la prononciation est passée de dent à dame. Ce passage d’une prononciation à une autre nous rapproche un peu du droit. En effet, à l’article prescription de notre Dictionnaire, on apprend que celle-ci est un moyen par lequel on peut acquérir la propriété d’un bien que l’on a possédé sans interruption pendant un laps de temps déterminé. Il en va de même pour l’usage linguistique et l’on voit que c’est ainsi que le nom dam a acquis sa nouvelle prononciation. Ce type de modification est d’autant plus fréquent que le mot est rare et qu’il n’a pas, justement, un usage constant pour le protéger. Il n’est pour s’en rendre compte que de comparer les formes, qui ne diffèrent que par une voyelle, dam et dom. Grâce au Dom Juan de Molière et à un bénédictin qui laissa son nom à une célèbre marque de champagne, dom court peu de risques d’être un jour prononcé dôme ou dome.

Quelques années après la réception de Bossuet, évoquée plus haut, la préface de la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, on l’a vu, réaffirmait cette force de l’usage, et toutes les autres le firent également. Elles furent non seulement le lieu où se disait cette suprématie de l’usage, mais aussi le lieu où les effets de cette suprématie se voyaient puisque, d’une édition à l’autre, l’orthographe de ces préfaces changeait : le Dictionnaire faisait ce qu’il prônait, enregistrait l’usage et c’est ainsi qu’il faisait œuvre utile. Rappelons, en effet, que ces deux mots, utile et usage, remontent au même verbe latin uti, « se servir de, utiliser ».

André P. (France)

Le 1 février 2018

Courrier des internautes

Bonjour,

Puis je utiliser le terme mesure dans une recette où est-ce une erreur ? Ex. : une mesure de... 4 mesures de... 8 mesures de...

Merci d’avance car c’est une vieille recette de ma maman et une personne s’est moquée de moi alors que c’est pour moi plus facile selon le nombre de convives.

André P. (France)

L’Académie répond :

Dans l’article « Mesure » de la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française, vous pouvez lire : « … Spécialt. Quantité que peut contenir le récipient qui est en usage pour la vente de certaines denrées. Une mesure de sel, d’avoine, d’huile ».

Cela dit, les mesures variant selon les produits et les régions, on utilise plutôt de nos jours les grammes, les litres… Dans le cas d’une recette de cuisine, il faudrait s’assurer que le récipient utilisé soit toujours le même.

Cordialement.

Djin D. (Belgique)

Le 1 février 2018

Courrier des internautes

Bonjour,

Doit-on prononcer cobail ou cobè pour le nom commun cobaye.

Merci.

Djin D. (Belgique)

L’Académie répond :

 

Madame,

Aujourd’hui on prononce cobail ; Cette prononciation se rencontre depuis le xixe siècle, mais, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, elle était en concurrence avec cobè.

Dans les années 1930, la radio interrogea Joseph Meister, qui était gardien à l’Institut Pasteur, après avoir été, en 1885, la première personne vaccinée contre la rage, et dans cet entretien, il parle à plusieurs reprises de cobayes, qu’il appelle toujours des cobè.

Cordialement.

Le deuxième Trafalgar

Le 7 décembre 2017

Bloc-notes

Passant place de la Concorde, des milliers de touristes et de Parisiens peuvent lire désormais, affichée en lettres géantes, devant les colonnes de l’ancien ministère de la Marine, une phrase absurde en anglais. En bas et à gauche, mais en petits caractères, ils se consoleront en déchiffrant une traduction pour les nuls en un idiome désormais considéré comme un patois ringard et méprisable : la langue française.

Je parle ici au nom des marins et amiraux de l’histoire, humiliés jadis par l’Angleterre au soir de la bataille navale de Trafalgar. Aucun d’entre eux, je veux dire d’entre nous, n’en oublia jamais la blessure. Ne se révolteraient-ils pas si, revenus, ils voyaient cet aplatissement, cet avachissement, ce « lèche-cul » des puissants de ce monde ?

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les armées nazies avaient multiplié sur les murs de Paris et des villes de France des phrases en allemand. Et nos collabos disaient qu’il fallait bien que nous apprenions les mots des triomphants. Il faut bien qu’aujourd’hui nous soyons assujettis aux diktats des dominants.

Abêtissons-nous, acceptons, tête baissée, l’humiliation de ce deuxième Trafalgar, où l’armée ennemie est composée de nos concitoyens.

Michel SERRES
de l’Académie française

À l’avance, par avance, d’avance, en avance

Le 7 décembre 2017

Extensions de sens abusives

La locution à l’avance, autrefois critiquée, est aujourd’hui acceptée comme synonyme de par avance et d’avance et elle se lit plus de trente fois dans le Dictionnaire de l’Académie française. On se gardera de confondre ces locutions avec en avance, qui a un sens légèrement différent et qu’on emploie pour parler d’une action qui a eu lieu avant le moment fixé ou prévu.

On dit

On ne dit pas

Je sais à l’avance, par avance, d’avance ce qu’il va faire

Il est arrivé en avance à son rendez-vous

Je sais en avance ce qu’il va faire

Il est arrivé à l’avance, par avance à son rendez-vous

On laissait clabauder les caillettes et les cafards

Le 7 décembre 2017

Expressions, Bonheurs & surprises

Pour évoquer les ennuis qu’on lui fait à Genève, Rousseau écrit au livre XII des Confessions : « […] On [le pouvoir en place] laissait clabauder les caillettes et les cafards […]. » Après avoir admiré l’allitération, penchons-nous sur ces mots qui ont ce son [k] à l’initiale, clabauder, caillettes et cafards.

Clabauder vient du vocabulaire de la vènerie. Il signifie « aboyer fréquemment ; se récrier sans être sur les voies de l’animal chassé » et, figurément, « se répandre en bavardages malveillants ». Dans une épigramme intitulée À messieurs les Académiciens d’au-delà des monts, Saint-Amant l’employait pour brocarder ses confrères :

« Vous feriez mieux de vous taire,

Messieurs les doctes impudents,

Que de clabauder en pédants

Sur des vétilles de grammaire. »

Ce verbe est dérivé de clabaud, chien de chasse aux oreilles pendantes qui aboie sans raison. Ce sens s’est vite étendu aux hommes. On lit ainsi dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française : « On dit figurément & par injure, en parlant d’Un homme stupide & grossier, & qui parle beaucoup & mal-à-propos, que C’est un clabaud. » On y apprend également que, par analogie de forme, clabaud désigne aussi certain couvre-chef : « On dit figurément & familièrement d’Un chapeau qui a les bords pendans, qu’il fait le clabaud, qu’il est clabaud. »

L’origine de clabaud a longtemps été discutée. Littré en faisait une forme tirée de l’ancien haut allemand klaffôn, « bavarder, faire du bruit », mais il évoquait aussi le passage dans la langue commune de Clabault, nom donné à un chien dans le Mistere du vieil testament. Cependant, les autres noms qu’on y trouve : Patault (c’est aussi la première apparition de ce mot en français), Veloux, Satin, laissent à penser que ces noms ont été donnés aux chiens en raison de leur aspect (à grosses pattes pour le premier, au poil doux pour les deux autres).

On a également rapproché ce mot de l’hébreu cheleb ou chalab, ce qui en aurait fait un voisin de notre clebs, emprunté, lui, de l’arabe.

Voyons maintenant les caillettes. Il semble que ce nom soit tiré d’un nom propre, Caillette, qui fut le fou de Louis XII et de François Ier, mais l’influence de caillette, le diminutif de caille, a fortement contribué à son expansion. Ce volatile avait en effet la réputation de criailler continuellement et on supposait que la chaleur de cet animal, signalée par l’expression chaud comme une caille, était liée à une grande ardeur sexuelle. Nicot écrit d’ailleurs dans son Dictionnaire que « L’usage de telle chair engendre le sperme », et Littré signale que l’on appelait familièrement une femme galante « une caille coiffée ». Mais caillette peut aussi qualifier un homme frivole et babillard, appelé franche caillette dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française.

C’est sans doute Voltaire qui assura définitivement le succès de ce nom quand il écrivit, à propos de Mme de Sévigné : « Je l’ai prise une fois [Mme du Deffand] pour madame de Sévigné à son style, mais je n’aurais jamais pris madame de Sévigné pour elle, car, en fait de raison, cette madame de Sévigné est une grande caillette. » On notera avec amusement que l’on trouve comme un écho de ce texte dans la correspondance de Frédéric II de Prusse, qui écrivit au sujet de Mme de Pompadour, qu’il tenait pour responsable des malheurs de la France, qu’elle était « une petite caillette de la rue Saint-Denis ». Rappelons, pour conclure sur nos caillettes et sur l’importance de bien parler, ce mot de l’académicien Duclos dans Les Confessions du comte de*** : « La caillette de qualité ne se distingue de la caillette bourgeoise que par certains mots d’un meilleur usage… »

Venons-en maintenant à nos cafards, nom emprunté de l’arabe kafir, « incroyant », puis « renégat » et enfin « faux dévot, hypocrite », et que les guerres de Religion popularisèrent. Comme ces faux dévots affectaient de fuir la lumière et arboraient des vêtements noirs – pour montrer l’austérité de leurs mœurs –, on donna aussi ce nom aux blattes, insectes sombres et à la vie essentiellement nocturne.

Cafard passa ensuite dans l’argot scolaire pour désigner un délateur. De ce sens on tira le verbe cafarder et sa forme altérée cafter. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’au xixe siècle, les voleurs, qui opéraient plus à l’aise et avec moins de risques quand les nuits étaient bien noires, appelaient la lune la cafarde. À cette même époque, le noir des vêtements des faux dévots et celui des élytres de nos Blattidés fut associé à de sombres pensées, et cafard devint aussi un synonyme de « spleen » ou, pour avoir un nom porteur dans son étymologie de ce noir, de « mélancolie ». Notons, pour conclure, l’élégance bucolique de Rousseau qui, pour désigner ses ennemis, préféra emprunter au registre animalier plutôt que de parler vulgairement de femmes légères et d’hommes empesés.

Thomas Chautard

Le 7 décembre 2017

Courrier des internautes

Bonjour,

J’ai appris que « est » et « et » se prononcent de la même façon, alors que certain amis prononcent l'un avec un accent aigu, et l'autre avec un accent grave. Qui a raison ?

Thomas C.

L’Académie répond :

Monsieur,

S’il n’y a pas d’hésitation pour la prononciation de la conjonction et, pour laquelle le é est en effet fermé, c’est un peu plus délicat pour l’auxiliaire être à la troisième personne, c’est-à-dire la forme est. Traditionnellement, les traités de prononciation préconisent le son è, mais l’usage n’est nullement univoque, et l’on entend é dans de nombreuses régions. Cette dernière prononciation ne saurait être considérée comme fautive.

Cordialement.

Remplir des informations

Le 5 octobre 2017

Emplois fautifs

Il est écrit sur de nombreux formulaires qu’il faut « remplir les informations ». Il s’agit là d’un tour tout-à-fait incorrect. Remplir peut en effet signifier « compléter un document en comblant les blancs, les espaces laissés vides », mais le complément du verbe est alors questionnaire, fiche, dossier d’inscription, etc. Informations ne peut être que le complément de moyen de ce verbe remplir. On remplit un questionnaire en y faisant figurer les informations demandées.

Docteur employé sans déterminant

Le 5 octobre 2017

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Il y avait en latin et en grec ancien un cas appelé vocatif, que l’on employait quand on s’adressait à une personne. Il en reste quelques traces en français, comme la forme sire, mais aujourd’hui, pour s’adresser à quelqu’un, on met son nom en apostrophe. Pour les noms propres, cela ne change rien, mais les noms communs perdent dans ce cas leur déterminant, à l’exception de l’adjectif possessif de première personne, mon, ma, mes, employé comme marque de respect ou de tendresse : mon capitaine, mon Père, mes enfants, etc. En dehors de ces cas, le nom, particulièrement si c’est un titre ou un grade, doit être précédé de l’article. Si, en effet, on dit Professeur, exposez-nous votre point de vue, on doit aussi dire le professeur Dupont exposera son point de vue. Omettre cet article serait un anglicisme contraire aux usages et à la syntaxe du français.

 

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