Dire, ne pas dire

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Enjoindre quelqu’un

Le 2 juin 2016

Emplois fautifs

Quand le complément d’un verbe transitif indirect est un nom, il est généralement introduit par la préposition à, mais, si on substitue un pronom à ce nom, la préposition disparaît : Tu dis à Paul de venir, mais tu lui dis de venir. Tu ordonnes à Rémy de…, mais tu lui ordonnes de… Si, à la troisième personne, les pronoms compléments directs et indirects sont distincts (Il lui obéit mais ne le craint pas), ce n’est plus le cas pour les pronoms de première et deuxième personnes : Il nous obéit mais ne nous craint pas. Peut-être est-ce à cause de formes comme Il vous enjoint de … que certains ont pu croire qu’enjoindre était un verbe transitif direct. Il n’en est rien, enjoindre est un verbe transitif indirect et doit être construit comme tel.

on dit

on ne dit pas

Je lui ai enjoint de venir

Ils enjoignent à Pierre de les aider

Je l’ai enjoint de venir

Ils enjoignent Pierre de les aider

 

Il n’aura de cesse qu’il n’a réussi

Le 2 juin 2016

Emplois fautifs

La locution verbale n’avoir de cesse (on trouve aussi, dans une langue plus littéraire ou plus vieillie, ne pas connaître de cesse, ne prendre cesse) signifie « ne pas cesser, faire des efforts ». Elle peut être suivie de l’infinitif (Il n’a de cesse de repartir), mais si elle introduit une subordonnée conjonctive, elle doit être suivie, comme la conjonction de subordination avant que, du subjonctif : Il n’aura point de cesse que vous lui ayez donné ce qu’il veut. On se gardera donc bien, ce qui serait une grossière erreur, de construire n’avoir de cesse que avec l’indicatif.

on dit

on ne dit pas

Il n’aura de cesse qu’il n’ait réussi

Il n’aura de cesse qu’il n’a réussi

 

Moi je, nous on

Le 2 juin 2016

Emplois fautifs

Faire précéder le pronom atone je du pronom tonique de même personne moi peut être un effet de style qui permet de mettre en valeur le sujet et de souligner une opposition avec les autres personnes en présence. Victor Hugo use ainsi de ce procédé dans La Légende des siècles :

Vous êtes les lions, moi je suis Dieu. Crinières,

Ne vous hérissez pas, je vous tiens prisonnières.

Mais il convient de ne pas faire de ce procédé un tic de langage, qui ne viserait qu’à donner maladroitement un peu plus de force à un propos ; cela vaut bien sûr également pour toi tu, lui il, et plus encore pour nous on, qui mêle deux pronoms dont l’un commande le pluriel et l’autre le singulier.

on dit

on ne dit pas

Je suis d’accord avec vous

Nous sommes venus à pied

Moi, je suis d’accord avec vous

Nous on est venus à pied

 

Des bonshommes bien bonhommes

Le 4 mai 2016

Emplois fautifs

Le mot bonhomme n’a pas le même pluriel selon qu’il est nom ou adjectif. Dans le premier cas, les deux éléments qui le composent, bon et homme, portent tous deux la marque du pluriel, particularité que notre bonhomme partage avec gentilhomme, madame, mademoiselle, monsieur et monseigneur. On dira donc Deux bonshommes (bon-z-hommes) passaient sur la route. Quand bonhomme est adjectif, seul le dernier élément prend la marque du pluriel, et l’on dira donc avoir des manières bonhommes (bon-hommes). On acceptera cependant les formes bonshommes de neige et bonhommes de neige, en sachant que la première est de meilleure langue.

on dit

on ne dit pas

De gentils bonshommes

Ils ont des allures bonhommes

De gentils bonhommes

Ils ont des allures bonshommes

 

Il a été stupéfait par la nouvelle

Le 4 mai 2016

Emplois fautifs

Stupéfait et stupéfié ont le même sens. On peut ainsi dire Il a été stupéfié de l’apprendre et Il a été stupéfait de l’apprendre. Ces mots sont aussi très proches par l’étymologie : stupéfait est emprunté de stupefactus, le participe passé passif de stupefacere, « frapper de stupeur, étourdir, paralyser », alors que stupéfié est le participe passé de stupéfier, qui s’est d’abord rencontré dans la langue médicale et qui est lui aussi emprunté de stupefacere. On évitera donc, même si ce terme se rencontre chez de bons écrivains, d’employer stupéfaire, doublet inutile de stupéfier, et on n’utilisera que stupéfié comme forme de passif, stupéfait ne jouant qu’un rôle d’adjectif.

 

on dit

on ne dit pas

Il a été stupéfié par son audace

Il a été stupéfait par son audace

 

 

Il faut mieux partir

Le 4 mai 2016

Emplois fautifs

F et v sont des consonnes très proches ; ce sont l’une et l’autre des fricatives labiodentales, mais f est sourd, tandis que v est sonore. Cette proximité explique le fait que, sous l’influence d’une voyelle, f puisse se transformer en v, comme dans les couples neuf / neuve, vif / vive ou encore cerf / cervidé. Mais cette proximité peut aussi être source d’erreurs. On entend de plus en plus Il faut mieux en lieu et place d’Il vaut mieux. On rappellera que le verbe falloir indique une obligation qui n’est pas susceptible de varier en degré, et qu’il convient de distinguer Il vaut mieux écouter votre professeur (« il est préférable d’écouter votre professeur »), dans lequel l’adverbe mieux porte sur vaut, d’Il faut mieux écouter votre professeur (« il faut l’écouter plus attentivement »), dans lequel l’adverbe mieux porte non sur faut mais sur écouter.

 

on dit

on ne dit pas

Il vaut mieux ne pas rester

Il vaudrait mieux appeler un agent

Il faut mieux ne pas rester

Il faudrait mieux appeler un agent

 

 

Le livre de Antoine

Le 4 mai 2016

Emplois fautifs

Dans certaines prépositions et conjonctions de subordination, certains pronoms et certains articles, la voyelle finale s’élide quand le mot qui suit commence par une voyelle ou un h muet : un livre d’histoire, je sais qu’il viendra, il l’aime, l’orange. Ce phénomène est indépendant de la nature du mot qui suit : il convient de faire l’élision même quand ce mot est un nom propre. On dira ainsi le livre d’Antoine et non le livre de Antoine. Les quelques cas où l’usage hésite sont ceux où ledit nom propre – mais le problème est le même avec un nom commun – commence par un h dont on ne sait s’il est muet ou aspiré ; ainsi il arrive que le h initial d’un même nom soit muet en français et aspiré dans une langue étrangère. Si l’on doit dire Le cheval blanc d’Henri IV, on peut dire Les six femmes d’Henri VIII ou de Henri VIII. Et on trouve aussi, chez les meilleurs écrivains, de Hanoï et d’Hanoï, de Hitler et d’Hitler.

 

on dit

on ne dit pas

Les prouesses d’Hector

Le médecin qu’Albert a consulté

Un film d’Arnaud Desplechin

Les prouesses de Hector

Le médecin que Albert a consulté

Un film de Arnaud Desplechin

 

C’est le livre que je te parle

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le pronom relatif que a le plus souvent la fonction de complément d’objet direct : Les livres que vous m’avez offerts m’ont beaucoup plu. Mais il tend aujourd’hui, et c’est une grave faute, à se substituer au pronom relatif complément du nom ou complément indirect dont. Cette erreur est sans doute liée au fait que la conjonction de subordination homonyme que est extrêmement fréquente en français. Il convient donc de rappeler que le pronom relatif que ne doit être employé que dans les cas voulus par la grammaire.

on dit

on ne dit pas

C’est le livre dont je t’ai parlé

C’est ce dont il a envie

Ce dont les Français ont besoin

C’est le livre que je t’ai parlé

C’est ce qu’il a envie

Ce que les Français ont besoin

 

Les questionnaires doivent être répondus

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le verbe répondre connaît quelques emplois transitifs directs. Le plus souvent c’est le texte de la réponse qui est le complément d’objet : Il a répondu : « Je ne veux pas ». Cette réponse peut être au style indirect et introduite par que : Il a répondu qu’il ne voulait pas. Il existe également quelques domaines spécialisés où le complément d’objet direct peut être un nom : on disait ainsi dans la langue de la justice répondre une requête et l’on dit encore, dans le langage religieux, répondre la messe. En dehors de ces cas, le complément de répondre est construit indirectement : on répond à une question, à un interrogatoire. On évitera donc absolument la forme passive : les questionnaires doivent être répondus, (et les formulaires doivent être renseignés) qui malheureusement commence à s’entendre et à se lire, et que l’on remplacera par on doit répondre aux questions ou les questionnaires doivent être remplis.

Perd-t-il ? Vend-t-il ?

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Dans les mots terminés par un d et qui se lient aux mots qui suivent, c’est-à-dire quand ceux-ci commencent par une voyelle ou un h muet, ce d se prononce « t ». On dit ainsi quan-t-il viendra ; un gran-t-homme ; c’est aussi le cas pour fond dans l’expression de fon-t-en comble. Ces mots étaient plus nombreux à l’époque de Littré qui, dans son Dictionnaire, écrit à l’article Brigand : « Le d ne se lie pas dans le parler ordinaire ; dans le parler soutenu on dit un brigan-t-armé ». On trouve les mêmes remarques aux articles Fécond (un fékon-t-écrivain) et Profond (un profon-t-archéologue). Si ces formes ne s’entendent plus guère, la prononciation en « t » de d final se maintient quand on a un verbe à la forme interrogative : Que vend-elle ? Que perd-il ? On rappellera donc que, puisque le d se prononce « t », il est interdit d’en rajouter un, comme on le voit hélas trop souvent sur les bandeaux déroulants de telle ou telle chaîne télévisée.

on écrit

on n’écrit pas

Que prend-elle ?

Qui attend-on ?

Que prend-t-elle ?

Qui attend-t-on ?

 

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