Dire, ne pas dire

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Partager ce gâteau, partager cette idée

Le 2 mars 2018

Emplois fautifs

Le sens du verbe partager varie en fonction des compléments qu’il régit. Avec les noms concrets et la plupart des noms abstraits, partager, conformément à son étymologie, signifie « faire des parts, diviser ». On peut ainsi partager une galette, une terre, le pouvoir, des responsabilités, etc. Après le partage, la part qui reviendra à chacun sera plus petite que ce qui a été partagé. Mais quand partager a pour complément un nom abstrait désignant ce que l’on pense de tel ou tel sujet, comme idée, avis, opinion, il change de sens pour signifier « agréer, accepter, faire sien ». Et dans ce cas ce qui est partagé ne diminue pas. Je partage votre point de vue ne signifie donc bien sûr pas « j’en fais de plus petits morceaux », mais « je suis d’accord avec lui ». Cette différence de sens amène aussi une différence de construction, et si l’on dit « je voudrais partager cette tarte entre vous », où vous est complément de partager, on doit dire en revanche « je voudrais vous faire partager mon avis »,vous est sujet de partager.

Prévoir à l’avance

Le 2 mars 2018

Emplois fautifs

Le verbe prévoir est emprunté du latin praevidere, « apercevoir d’avance, prévoir ». La composition de ces verbes latin et français est la même : un radical verbal, videre pour le latin, voir pour le français, et un préverbe ayant le même sens, prae- pour le latin, à l’origine du français pré-, c’est-à-dire « devant, en avant, à l’avance ». L’idée d’anticipation étant donc déjà contenue dans prévoir, on évitera le pléonasme vicieux « prévoir à l’avance » ; on emploiera prévoir seul ou la locution adverbiale à l’avance avec un verbe comme penser, concevoir, envisager, etc.

on dit

on ne dit pas

J’avais prévu ce qui allait se passer

Il avait imaginé à l’avance sa réaction

J’avais prévu à l’avance ce qui allait se passer

Il avait prévu à l’avance sa réaction

Dresser le portrait pour Brosser le portrait

Le 1 février 2018

Emplois fautifs

Le nom brosse peut désigner un pinceau plat, généralement large, en soies de porc, de martre, dont se servent les artistes peintres pour étendre les couleurs ou les vernis sur la toile. On en a tiré le verbe brosser, qui signifie proprement « peindre à la brosse par larges touches », puis « faire une ébauche rapide » et, figurément, « décrire dans les grandes lignes, à larges traits ». On dira ainsi brosser un décor, brosser un paysage, un portrait. Le verbe dresser, lui, signifie « préparer, arranger, disposer selon les règles » (dresser une table) et, s’agissant de choses qui exigent soin et précision, « exécuter, établir » (dresser le plan d’un ouvrage, une liste, un inventaire), et, particulièrement, « rédiger dans la forme prescrite » (dresser la minute d’un acte, une contravention). On se gardera de confondre ces deux verbes et l’on se souviendra que l’on ne dresse pas un portrait mais qu’on le brosse. Si l’on craint de ne savoir lequel employer, on en appellera à Prévert et à son célèbre Pour faire le portrait d’un oiseau.

Elle s'est faite mal

Le 1 février 2018

Emplois fautifs

La locution faire mal signifie « provoquer de la douleur » ; elle se construit avec un complément indirect et mal y a une valeur nominale : Je fais mal à Rémy, je lui fais mal. Elle peut aussi se construire de manière pronominale : je me suis fait mal en tombant. On ne doit pas la confondre avec le verbe faire accompagné de l’adverbe de manière mal, puisque dans ce cas, le complément du verbe est un complément direct : Il fait mal son travail, il le fait mal. Il importe de se souvenir de ce point, particulièrement aux temps composés, et on se gardera bien d’écrire elle s’est faite mal, pour dire « elle s’est blessée », puisque, grammaticalement, elle s’est faite mal, qui est construit comme elle s’est faite seule, signifierait, d’un strict point de vue grammatical, « elle s’est ratée, elle ne s’est pas réussie »…

Intégrer que

Le 1 février 2018

Emplois fautifs

Le verbe intégrer est un verbe transitif qui signifie « faire entrer un élément dans un ensemble, de sorte qu’il en devienne une partie constitutive ». On intègre un alinéa dans un chapitre, de la levure dans la pâte, un nouvel élève dans une classe. On l’emploie aussi, dans l’argot scolaire, pour signaler que quelqu’un a réussi le concours d’entrée à une école prestigieuse : il a intégré Normale, Polytechnique. À ces types de complément, on ne doit pas substituer une subordonnée conjonctive et l’on doit éviter le tour intégrer que dont on ferait un synonyme incorrect de se rendre compte que ou accepter le fait que.

on dit

on ne dit pas

Il n’a pas accepté le fait d’avoir perdu

Vous étiez-vous rendu compte qu’il était absent depuis lundi ?

Il n’a pas intégré qu’il avait perdu

Aviez-vous intégré qu’il était absent depuis lundi ?

Le orange pour l'orange

Le 1 février 2018

Emplois fautifs

Il est une faute qui se répand largement : la perte de l’aspiration de certains h qui devraient interdire la liaison ou l’élision du mot qui précède. On entend hélas, de plus en plus, les z haricots, l’handicap. Mais on rencontre aussi la faute inverse, qui fait que des noms commençant par une voyelle sont prononcés comme s’ils étaient précédés d’un h aspiré. Ainsi lit-on et entend-on de plus en plus Le livre de Arnaud, la sœur de Antoine. Un nom est particulièrement touché aujourd’hui : orange. Il ne s’agit pas du fruit ; on dit sans problème l’orange est sucrée, mais les choses se gâtent quand on parle de la couleur, puisque, même si l’on dit généralement je vous jure, monsieur l’agent, je suis passé à l’orange, on entend et on lit fréquemment le orange, du orange. Rappelons que le nom du fruit et celui de la couleur ont la même prononciation et bannissons cet inélégant hiatus.

 

on dit

on ne dit pas

L’orange est la couleur complémentaire du bleu

Du jaune, du rouge, de l’orange

Le orange est la couleur complémentaire du bleu

Du jaune, du rouge, du orange

Attentionné pour Attentif

Le 7 décembre 2017

Emplois fautifs

Attentif est un adjectif tiré du latin attentus, de même sens, participe passé de adtendere, qui signifie « tendre vers » et, en particulier « tendre son esprit vers », c’est-à-dire « accorder toute son attention à ». On le trouve dans notre langue depuis le xive siècle. Attentionné n’apparaît, lui, qu’au xixe siècle. Il est dérivé d’attention au sens de « prévenance envers autrui » et se construit avec un nom de personne, tandis qu’attentif se construit généralement avec un nom de chose abstrait. Employer l’un de ces adjectifs pour l’autre est une maladresse dont il faut se garder.

On dit

On ne dit pas

Cet élève réussit car il est attentif à ce qu’on lui dit en cours

Il est très attentionné avec ses grands-parents

Cet élève réussit car il est attentionné à ce qu’on lui dit en cours

Il est très attentif avec ses grands-parents

J’ai pris le parti pris

Le 7 décembre 2017

Emplois fautifs

La locution nominale parti pris désigne une opinion préconçue ou une décision prise d’avance. Elle entre dans la composition d’autres locutions, le plus souvent péjoratives, signalant que tel ou tel est partial et se refuse à juger objectivement : il est de parti pris dans cette affaire. Elle cesse cependant de l’être quand elle désigne l’intention déterminée qu’un artiste manifeste dans l’exécution d’une œuvre : un parti pris de modernité. La locution Parti pris est tirée de l’expression prendre parti, c’est-à-dire soutenir une personne, un camp, dans une querelle ou un débat. Cette dernière existe depuis le xive siècle avec ce sens ; au xviie siècle, elle signifiait aussi « choisir un métier, une profession dans les affaires ou dans les armes », tandis que prendre son parti apparaît avec le sens de « se résigner » ou d’« adopter une résolution ». Il s’agit là de tours parfaitement corrects, mais qu’il ne faut pas mêler pour en faire l’étrange phrase J’ai pris mon parti pris que l’on commence, hélas, à entendre ici ou là.

On dit

On ne dit pas

J’ai pris le parti de venir

J’ai pris le parti pris de venir

L’intéressement, l’intérêt

Le 7 décembre 2017

Emplois fautifs

Dans son Recueil général des anciennes lois françaises de 420 à la révolution de 1789, qu’il fit paraître avec Jourdan et Decrusy, François André Isambert cite un texte du 19 juin 1464 où on peut lire ceci : « Que tous les maistres coureurs aient […] pour leur interessement […] chacun 50 livres. » Intéressement désigne alors la somme allouée pour un service. Ce nom fait un petit tour dans la langue et puis s’en va. On ne le reverra qu’au xxe siècle, en économie, pour désigner le fait d’intéresser financièrement le personnel aux résultats d’une entreprise. On se gardera bien d’imiter les quelques auteurs qui en ont fait un synonyme grandiloquent d’intérêt au sens d’« attention » ou de « curiosité qu’une chose éveille dans l’esprit et qui incite à vouloir la mieux connaître ». On dira donc j’ai lu votre livre avec beaucoup d’intérêt et non avec beaucoup d’intéressement. Ces conseils valent aussi, bien sûr, pour le couple désintérêt / désintéressement.

On dit

On ne dit pas

Il montre le plus grand intérêt pour ses études

Ses propos sont sans intérêt

L’intéressement aux bénéfices

Il montre le plus grand intéressement pour ses études

Ses propos sont sans intéressement

L’intérêt aux bénéfices

Un peintre pointilliste, un banquier pointilleux

Le 7 décembre 2017

Emplois fautifs

Les adjectifs pointilleux et pointilliste sont paronymes mais si, in fine, ils ont la même étymologie, ils ont pourtant des sens bien différents. Pointilleux, qui se rencontre dès la fin du xvie siècle et qui signifie « qui aime à chicaner sur les moindres détails », est un dérivé de pointille, « chose futile, bagatelle », nom aujourd’hui sorti d’usage et qui nous venait, par l’intermédiaire de l’espagnol, de l’italien puntillo, de même sens et qui signifiait proprement « petit point ». Ce dernier était issu du latin punctum, à l’origine de notre « point ». De point dérive le verbe pointiller, « faire des points avec la plume, le crayon, le burin, le pinceau », et de ce verbe, pointillisme, une technique qui consiste à peindre en juxtaposant des points de tons purs et que pratiquent les peintres pointillistes. Même si des peintres peuvent être attentifs aux plus petits détails et se montrer parfois pointilleux, on se gardera donc bien de confondre ces deux formes et l’on veillera à ne pas employer l’une pour l’autre.

On dit

On ne dit pas

Seurat et Signac étaient des peintres pointillistes

Un examinateur très pointilleux

Seurat et Signac étaient des peintres pointilleux

Un examinateur très pointilliste

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