Dire, ne pas dire

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Vous faîtes pour vous faites

Le 4 octobre 2018

Emplois fautifs

Les parfaits latins, à l’origine de nos passés simples, se terminaient, à la deuxième personne du pluriel, en istis : amavistis, « vous aimâtes », fecistis, « vous fîtes ». Dans le passage du latin au français, le premier s est tombé, mais il a été remplacé, comme on peut le voir, par un accent circonflexe. Ce dernier permet de distinguer, dans certains cas, des formes de présent de formes de passé simple : vous dites est un présent tandis que vous dîtes est un passé simple. Il convient de ne pas oublier cette distinction, mais aussi de ne pas ajouter cet accent circonflexe à d’autres formes où il n’a pas à se trouver, et l’on rappellera que, si l’on écrit bien vous fîtes avec un accent circonflexe, ce dernier serait incorrect dans vous faites.

On se gardera bien sûr de confondre ces formes avec le nom faîte.

On écrit

On n’écrit pas

Faites des efforts

Que faites-vous ce soir ?

Faîtes des efforts

Que faîtes-vous ce soir ?

Merci pour vos diligences

Le 6 septembre 2018

Emplois fautifs

Quand il désigne le soin scrupuleux et l’empressement mis pour exécuter une tâche, le nom diligence s’emploie au singulier. On pouvait certes le trouver jadis, au pluriel, dans la langue de la justice ; il signifiait alors « poursuite, requête ». On lisait dans les cinquième, sixième et septième éditions du Dictionnaire de l’Académie française : « Faire ses diligences contre un tiers ». Mais ce pluriel, tombé en désuétude, ne figurait plus dans la huitième édition, celle de 1935. On le rencontrait aussi parfois avec le sens de « soin vigilant, recherche exacte ». « J’ai fait diligence, toutes mes diligences pour le trouver, pour venir à bout de tel dessein », lisait-on dans la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française et, dans Jeannot et Colin, Voltaire fait dire à un valet : « Je vais faire mes diligences pour être payé de mes gages. » Mais aujourd’hui, ces emplois sont hors d’usage et, à moins de vouloir donner une teinte historique à ses propos, on n’emploiera diligence en ce sens qu’au singulier et on évitera le tour Merci pour vos diligences.

Selon si pour Selon que

Le 6 septembre 2018

Emplois fautifs

Selon est l’un de ces mots outils qui ont de nombreuses natures. Il peut être préposition (selon votre frère, selon lui) et il peut aussi être adverbe dans des tours comme c’est selon. Mais il est le plus souvent employé pour former la locution conjonctive selon que, qui signifie « dans la mesure où, si », et dont La Fontaine a donné un exemple fameux dans les derniers vers des Animaux malades de la peste : « Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » Il convient, dans cette locution conjonctive, de ne pas substituer si à que, puisque les sens de selon que et de si sont déjà proches et qu’il y aurait là une forme de pléonasme.

on dit

on ne dit pas

Selon que vous travaillerez ; non ou si vous travaillez ou non, vos résultats ne seront pas les mêmes

Selon si vous travaillez ou non, vos résultats ne seront pas les mêmes

Écoutes ! et regardes !

Le 5 juillet 2018

Emplois fautifs

Les verbes des deuxième et troisième groupes ont des formes identiques à la 2e personne du singulier (comme du pluriel) de l’indicatif et de l’impératif : tu finis/finis, tu dors/dors, tu prends/prends, et tous les verbes du premier groupe ont des formes identiques à la 2e personne du pluriel de l’indicatif et de l’impératif : vous aimez/aimez, vous mangez/mangez. Aussi arrive-t-il que, mêlant ces différentes formes, on crée, pour les verbes du premier groupe, des impératifs incorrects comme écoutes ou regardes. Des fautes facilitées par le fait que, quand ces impératifs ont comme complément les pronoms en et y, on leur adjoint un s euphonique, comme dans manges-en, restes-y. Mais quand bien même des effets d’analogie pourraient expliquer cette faute, elle n’en reste pas moins une faute, facilement évitable.

On écrit

On n’écrit pas

Regarde attentivement cette scène

Travaille avec soin

Porte cette galette à ta grand-mère, mais ne t’arrête pas en chemin

Regardes attentivement cette scène

Travailles avec soin

Portes cette galette à ta grand-mère, mais ne t’arrêtes pas en chemin

Émouler pour Émoudre

Le 5 juillet 2018

Emplois fautifs

Le verbe émoudre n’est assurément pas le plus employé de la langue française. Il est vrai que l’on n’aiguise plus guère les couteaux ou d’autres outils sur une meule et que l’on trouve peu de rémouleurs (aussi appelés autrefois émouleurs). Émoudre se rencontre aujourd’hui essentiellement au participe passé, émoulu, qui signifie, au sens propre, « affûté, fraîchement aiguisé à la meule » ; il arrivait ainsi que dans certains tournois, plutôt que d’employer, selon l’usage ordinaire, des armes émoussées et rabattues, on combatte à fer émoulu, c’est-à-dire avec des armes particulièrement affilées et tranchantes. Au sens figuré, ce même participe qualifie une personne qui est tout récemment sortie d’un établissement d’éducation. Mais on se rappellera que si le français dispose d’un couple moudre/mouler, il n’existe pas un pendant *émouler à émoudre. Employer la forme *émouler est un barbarisme dont il faut bien se garder.

S.N.C.F. pour La S.N.C.F., Crédit agricole pour Le Crédit agricole

Le 5 juillet 2018

Emplois fautifs

Les noms de marques ou d’entreprises sont essentiellement de deux catégories : des noms dépourvus de sens, soit parce que c’est celui du fondateur de l’entreprise : Renault, Peugeot, soit parce qu’il s’agit d’une création simple : Vivendi, Canon, etc. Mais il arrive aussi que le nom de l’entreprise indique son activité, ou que celui-ci en soit un élément. C’est par exemple le cas pour la Régie autonome des transports parisiens (R.A.T.P.) ou la plupart des banques, dans le nom desquelles figurent souvent des termes comme crédit, société, etc. Quand le nom de l’entreprise a pour élément principal un nom commun, donc porteur de sens, ce nom doit être précédé de l’article défini. On évitera donc des tours comme S.N.C.F. vous accueille, quand c’est La S.N.C.F. qu’il faudrait employer. Cette mauvaise habitude, fréquente en particulier dans le monde de la Bourse, doit être combattue.

Arborigène pour Aborigène

Le 7 juin 2018

Emplois fautifs

L’adjectif et nom aborigène a été emprunté, sous l’influence d’indigène, du latin aborigines, qui désignait les premiers habitants du Latium, qui y vivaient ab origine, « depuis leur origine ». Aborigène, souvent employé au pluriel, désigne les premiers habitants d’un pays, en particulier ceux de l’Australie, par opposition à ceux qui vinrent s’y établir plus tard. C’est un synonyme d’autochtone, un mot d’origine grecque signifiant proprement « issu du sol même », et d’indigène.

Mais comme les représentations que nous nous faisons de nos plus lointains ancêtres ne sont pas toujours nettes ou exactes, il arrive fréquemment qu’on se les figure vivant ou se réfugiant dans des arbres. De cette image, et par souci de cohérence avec elle, on tire parfois la forme arborigène, étonnant mélange d’aborigène et d’arboricole. Création ingénieuse, certes, mais qui n’en reste pas moins fautive.

On dit

On ne dit pas

Les aborigènes d’Australie

La faune aborigène de cette région doit être préservée

Les arborigènes d’Australie

La faune arborigène de cette région doit être préservée

Argumentez votre point de vue

Le 7 juin 2018

Emplois fautifs

Aujourd’hui, le verbe argumenter est intransitif : on argumente pour ou contre quelqu’un, pour ou contre une proposition ; on le trouve aussi parfois absolument avec le sens de « discuter sans fin ». Ce verbe avait cependant jusqu’au xixe siècle un emploi transitif et, dans ce cas, le complément d’objet direct était la personne à laquelle on s’opposait : Argumenter quelqu’un, nous dit Littré signifie « lui adresser des arguments » ; il existe aussi de cet emploi des formes pronominales. On lit ainsi dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau : « On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre; [on] n’a qu’à mettre ses mains sur ses oreilles et s’argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l’identifier avec celui qu’on assassine. L’homme sauvage n’a point cet admirable talent ; et faute de sagesse et de raison, on le voit toujours se livrer étourdiment au premier sentiment de l’humanité. » Mais, de nos jours, ces tours ne sont plus en usage et s’il en subsiste quelque trace, c’est dans des formes passives, senties comme adjectivales, comme dans : Un discours bien argumenté, une copie mal argumentée. On évitera de dire, ce qui commence hélas à s’entendre : Argumentez votre point de vue.

On dit

On ne dit pas

Argumentez pour défendre vos idées

Argumentez vos idées

Rerentrer

Le 7 juin 2018

Emplois fautifs

Le préfixe re- est particulièrement productif en français. Il indique généralement la répétition, comme dans revoir, redire ou rentrer. Ce dernier peut aussi signifier « pénétrer à l’intérieur », mais avec une nuance d’effort, de difficulté, comme dans mon frère est rentré à Polytechnique ; ce livre ne rentre pas dans mon sac. Rentrer s’emploie aussi avec le sens de « mettre à l’abri ce qui était à l’extérieur : rentrer les foins, rentrer les chaises de jardin. La langue courante substitue volontiers rentrer à entrer. C’est un péché véniel dont il faut tout de même se garder ; il convient en revanche d’éviter à toute force d’ajouter à rentrer un nouveau préfixe re- pour en faire l’ampoulé rerentrer, à moins que ce ne soit dans une intention plaisante, auquel cas on pourra multiplier sans fin ce préfixe.

Solutique

Le 7 juin 2018

Emplois fautifs

Le nom et adjectif informatique est dérivé d’information sur le modèle de mathématique et d’électronique. La place grandissante prise par cette science dans nos sociétés a fait la fortune du suffixe -tique, que l’on trouve, entre autres, dans bureautique ou mercatique, productique, robotique ou domotique. Mais ce suffixe semble tellement porteur de promesses d’efficacité et de modernité, qu’avec son aide on crée aujourd’hui de nouveaux termes amenés à se substituer à d’autres déjà existants, qui, à cause de leur ancienneté dans l’usage, sont sans doute jugés un peu désuets et, partant, moins efficaces. C’est ainsi que certains jettent aujourd’hui aux orties le nom solution, qu’ils doivent juger trop vieillot pour résoudre tel ou tel problème, et le remplacent par le clinquant et tape-à-l’œil solutique, un triste écho à problématique déjà évoqué dans cette rubrique.

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