Dire, ne pas dire

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Incluse mais Exclue

Le 6 juin 2019

Emplois fautifs

Étranges verbes en -clure ! Les uns, conclure, exclure, ont leur participe passé en -clu, -clue, tandis que d’autres, inclure, occlure et reclure, auxquels on pourrait ajouter la forme rare perclure, ont le leur en -clus, -cluse. Il n’en a pas toujours été ainsi : on lisait dans la cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie française, en 1798 : « Exclu, ue ou Exclus, use. Les femmes sont exclues ou excluses de ces emplois ». Et, un peu moins d’un siècle plus tard, à l’article Exclus de son Dictionnaire, Littré écrivait : « Jusque dans le courant du xviiie siècle, on a dit exclus, excluse, aussi bien que exclu, exclue », illustrant son propos avec les exemples suivants : « Ce fut beaucoup de déplaisir à Psyché de se voir excluse d’un asile où elle aurait cru être mieux venue qu’en pas un autre qui fût au monde » (La Fontaine, Les Amours de Psyché et Cupidon), et « Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je excluse ? (Racine, Bajazet.) Mais il ajoute : « Aujourd’hui on ne dit que exclu, exclue. » On suivra donc ces derniers propos et l’on rappellera que, de nos jours, seules les formes incluse et exclue sont correctes.

On dit

On ne dit pas

La lettre est incluse dans le dossier

Une défaite n’est pas exclue

Elle était percluse de rhumatismes

La lettre est inclue dans le dossier

Une défaite n’est pas excluse

Elle était perclue de rhumatismes

Salop ou Salaud ?

Le 6 juin 2019

Emplois fautifs

Étymologiquement, salope n’est pas le féminin de salaud. Celui-ci est dérivé de sale, alors que celui-là est composé à l’aide de sale et de hoppe, forme dialectale de huppe, un oiseau qui traîne la triste réputation d’être particulièrement malpropre (dans L’Iris de Suse, de Giono, le narrateur, parlant d’une huppe, dit qu’il l’a « surprise en train de gabouiller [patauger], dans des gadoues malodorantes »). Salope signifie donc d’abord « très sale », et on lisait dans l’édition de 1835 de notre Dictionnaire : « Cet enfant, cette petite fille est salope, est bien salope ». Ce sens s’est peu à peu modifié et salope est aujourd’hui un terme d’injure employé pour désigner une personne très vile et digne du plus profond mépris. Il est ainsi devenu un équivalent de salaud, qui a évolué de la même façon. Si la forme salaude existe, dans l’usage c’est bien salope qui sert de féminin à salaud. Il en va de même avec le dérivé salauderie, tombé en désuétude au profit de saloperie.

À l’inverse, de salope a été tiré un masculin, salop, que l’on rencontre en particulier chez des auteurs du xixe siècle, comme Flaubert, Maupassant ou Verlaine, mais qui reste d’un usage limité et souvent archaïsant. C’est bien, au masculin, salaud et, au féminin, salope qu’il faut employer, en précisant toutefois que le féminin salope peut avoir une forte connotation sexuelle.

Va-t-en pour Va-t’en

Le 6 juin 2019

Emplois fautifs

Des groupes comme va-t-on ?, danse-t-il ? etc. sont parfois écrits, de manière fautive, va-t’on ?, danse-t’il ? etc. Cette incorrection est liée au fait que l’on confond un t euphonique, qui doit être lié aux mots l’entourant par des traits d’union, et t’, forme élidée du pronom te. La faute inverse se rencontre également : on lit ainsi parfois va-t-en quand c’est va-t’en qu’il faudrait, puisque est ici employée la deuxième personne du singulier de l’impératif du verbe s’en aller, que t’ y est un véritable pronom, et en un pronom adverbial.

Il est vrai que l’on écrit un va-t-en guerre, (proprement il va en guerre) mais le cas est différent : dans ce nom soudé t est euphonique, ce qui évite le hiatus entre la forme va, troisième personne du singulier de l’indicatif présent du verbe aller, et en, qui, ici, est une préposition qui introduit le complément guerre.

Affirmer de pour Affirmer

Le 2 mai 2019

Emplois fautifs

Le verbe affirmer est un verbe transitif direct. Il peut signifier « manifester clairement, avec force » et, dans ce cas, son complément d’objet est le plus souvent un nom : Il affirme ses convictions ; elle affirme son autorité. Il peut aussi signifier « assurer, soutenir qu’une chose est vraie », son complément est alors généralement une proposition subordonnée (Il affirme qu’il ne le connaît pas), un pronom reprenant une proposition (Il ne le connaît pas, c’est ce qu’il affirme). Ces différents cas ne posent pas de problèmes, mais ce verbe peut aussi avoir comme complément un infinitif. Comme il s’agit d’un complément d’objet direct, cet infinitif doit directement suivre le verbe affirmer et ne pas être introduit par la préposition de. On dira ainsi Le suspect affirme avoir passé la soirée chez des amis et non Le suspect affirme d’avoir passé la soirée chez des amis. Sans doute la confusion s’explique-t-elle par la proximité de sens avec le verbe dire qui admet bien, lui, une construction prépositionnelle comme dans Il lui a dit de venir mais on notera que, dans ce type de construction, le sujet de la principale doit être différent de celui de l’infinitif.

On dit

On ne dit pas

Elle affirme être rentrée à neuf heures

Vous affirmez ne pas savoir de qui il s’agit

 

Elle affirme d’être rentrée à neuf heures

Vous affirmez de ne pas savoir de qui il s’agit

Allocution pour Élocution

Le 2 mai 2019

Emplois fautifs

Allocution et élocution sont des paronymes empruntés de formes latines dérivées de loqui, « parler ». Le premier désigne un bref discours tenu par une personnalité, le deuxième la manière dont on exprime sa pensée et, particulièrement, la manière dont on émet les sons en parlant. Si ces deux noms sont parents par l’étymologie, ils diffèrent grandement par le sens et il faut prendre garde à ne pas utiliser l’un quand c’est l’autre qu’il faudrait employer.

On dit

On ne dit pas

La cérémonie a commencé par une allocution du maire

Cet orateur a une élocution très élégante

La cérémonie a commencé par une élocution du maire

Cet orateur a une allocution très élégante

Un de ces mal de tête pour Un de ces maux de tête

Le 2 mai 2019

Emplois fautifs

Dans une langue parlée relâchée, la formule un de ces, nous dit Grevisse, « joue le rôle d’un adjectif marquant le haut degré, et la valeur primitive de de ces est si bien affaiblie que le substantif reste au singulier malgré son environnement syntaxique ». On entend ainsi souvent : J’ai un de ces mal de tête. Il s’agit là d’un tour qu’il faut essayer de proscrire dans une langue soignée et cela devient une obligation si le nom introduit par un de ces est suivi d’un complément ou d’une relative. Si donc on peut dire familièrement J’ai un de ces mal de tête, on doit dire J’ai un de ces maux de tête à hurler, un de ces maux de tête qui vous couchent un homme.

On dit

On ne dit pas

J’ai vu un de ces chevaux qui vous font aimer l’équitation

Ils avaient un de ces arsenaux qui imposent le respect

 

J’ai vu un de ces cheval qui vous font aimer l’équitation

Ils avaient un de ces arsenal qui imposent le respect

 

Verbes en -ir ou -ire

Le 2 mai 2019

Emplois fautifs

Les verbes du 2e groupe ont un infinitif en -ir. On les reconnaît facilement parce que, au participe présent, ils ont une terminaison en -issant. Le 3e groupe a, parmi de nombreux autres, des verbes en -ir, comme partir et dormir, et des verbes en -ire, comme lire ou écrire. Aussi certaines personnes hésitent-elles sur l’orthographe de ces infinitifs. Dire que les premiers viennent de verbes latins dont l’infinitif est en -ire, avec un i long, comme dans partire ou dormire, et que les seconds viennent de verbes latins dont l’infinitif est en -ere, avec un e bref, comme dans legere ou scribere, est sans doute intéressant mais peu utile pour qui ne connaît pas cette langue. Signalons alors qu’il est un autre moyen de distinguer ces deux catégories de verbes. Ceux qui sont en -ir ont, à l’oral, le même nombre de syllabes à l’infinitif et au participe présent, et la consonne qui précède la terminaison de l’un et de l’autre est la même : partir/partant ; dormir/dormant. Alors que ceux qui sont terminés par -ire ont, à l’oral, une syllabe de moins à l’infinitif qu’au participe présent (lir(e)/lisant ; écrir(e)/écrivant) et la consonne qui précède la terminaison -ant, ici s ou v, est absente à l’infinitif.

Dérapement pour Dérapage

Le 4 avril 2019

Emplois fautifs

De nombreux verbes français ont des dérivés en -ment et en -age, comme creuser, qui a donné creusage et creusement. Certains n’ont que des formes en -ment, comme étonner, à l’origine d’étonnement, d’autres seulement des formes en -age, comme bavarder, dont est dérivé bavardage. C’est à cette dernière série qu’appartient le verbe déraper, dont le seul dérivé usuel est dérapage. Car, si dérapement existe, il appartient à des domaines beaucoup trop spécialisés, auxquels il doit être réservé, pour se rencontrer dans la langue courante. Ce nom apparaît par exemple dans Les Travailleurs de la mer, dans la partie où Victor Hugo détaille la longue liste des manœuvres effectuées par Giliatt pour détacher et récupérer le moteur de La Durande, qui s’est échouée sur des rochers, et nombre des explications données sont d’ordre technique. Mais, redisons-le donc, dans la langue usuelle, il convient de n’utiliser que dérapage.

On dit

On ne dit pas

La présence de plaques de verglas augmente les risques de dérapage

Le gouvernement veut s’attaquer au dérapage des prix

La présence de plaques de verglas augmente les risques de dérapement

Le gouvernement veut s’attaquer au dérapement des prix

Le cœur rempli d’affection ou d’affections

Le 4 avril 2019

Emplois fautifs

Il est des noms qui changent de genre selon qu’ils sont au singulier ou au pluriel, ce sont les fameux amour, délice et orgue, masculins dans un cas, féminins dans l’autre. Mais il en est d’autres, plus nombreux, qui n’ont pas exactement le même sens au singulier et au pluriel. Parmi ceux-ci, on trouve affection. Dans la langue courante, au singulier, ce nom désigne l’attachement tendre que l’on éprouve pour une personne. On dit ainsi que l’on porte de l’affection à quelqu’un, que l’on donne des marques d’affection, etc. Au singulier, ce nom peut aussi désigner une altération de la santé (une affection aiguë, chronique) et peut également, en ce sens, s’employer au pluriel (des affections de la peau, des affections pulmonaires). On veillera donc bien à écrire correctement ce mot selon que l’on veut lui donner son premier sens ou son deuxième, et l’on se souviendra qu’il avait le cœur plein d’affection signifie « il était très aimant », alors qu’il avait le cœur plein d’affections signifierait « il souffrait de nombreux troubles cardiaques ».

Lui autorise pour L’autorise

Le 4 avril 2019

Emplois fautifs

Autoriser est un synonyme de permettre et un antonyme d’interdire, mais il ne se construit pas exactement de la même manière que ces deux verbes. Avec autoriser le complément qui représente une personne est un complément d’objet direct, alors qu’avec permettre ou interdire ce même nom de personne est complément d’objet indirect : On autorise quelqu’un à faire quelque chose mais on permet (ou on interdit) à quelqu’un de faire quelque chose. Et si les tours interdire (ou permettre) quelque chose à quelqu’un sont corrects, il n’en va pas de même pour autoriser quelque chose à quelqu’un, qu’il convient d’éviter. On dira donc le médecin l’autorise à pratiquer la natation et non le médecin lui autorise la pratique de la natation.

On dit

On ne dit pas

L’agent l’a autorisé, les a autorisés à passer

Le médecin lui permet le café

La faculté lui interdit le tabac

L’agent lui a, leur a autorisé le passage

Le médecin lui autorise le café

La faculté ne lui autorise pas le tabac

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