Dire, ne pas dire

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Louise D. (La Rochelle)

Le 5 mai 2022

Courrier des internautes

Bonjour,

J’ai appris autrefois en histoire le mot « pentacomédine », mais je ne me souviens plus de son sens et ne le trouve pas dans le dictionnaire.

Louise D. (La Rochelle)

L’Académie répond :

Madame,

La forme exacte est pentacosiomédimne. Ce nom désigne, dans la législation de Solon, la classe censitaire la plus riche à Athènes. Les pentacosiomédimnes étaient les citoyens qui avaient un revenu annuel de plus de 500 (pentakosioi en grec) médimnes de blé (medimnos en grec). Cette mesure, le médimne, valait, en fonction des époques, entre 50 et 60 litres. Au-dessous, on trouvait les cavaliers (hippeis), qui avaient les moyens d’avoir un cheval et donc un revenu supérieur à 300 médimnes. Ensuite venaient les zeugites, un nom tiré de zugon, « joug », parce que ceux-ci avaient les moyens d’avoir un attelage de bœufs, c’est-à-dire un revenu supérieur à 200 médimnes. La dernière classe était celle des thètes, des ouvriers agricoles salariés et le plus souvent sans terre. De l’appartenance à l’une ou l’autre de ces classes dépendait la possibilité d’accéder à telle ou telle magistrature.

D’habitude il vient toujours…

Le 7 avril 2022

Emplois fautifs

La locution adverbiale d’habitude signifie « le plus souvent, de manière courante, généralement » ; elle suppose qu’il peut y avoir des écarts par rapport à un ordinaire établi. On ne peut donc en user avec l’adverbe « toujours » qui, lui, interdit ce type d’écart. On ne dira donc pas D’habitude il vient toujours en voiture. Il est cependant loisible d’employer « d’habitude » pour modaliser des phrases dans lesquelles on trouve toujours, comme dans Il vient toujours le lundi, d’habitude en fin de matinée ou Elle prend toujours son café avec du sucre, d’habitude trois morceaux.

« Résolverons » pour « Résoudrons »

Le 7 avril 2022

Emplois fautifs

Les verbes dont l’indicatif présent se termine en -vons à la première personne du pluriel et en -verons au futur, sont des verbes du premier groupe, en -ver : nous trouvons, nous trouverons ; nous levons, nous lèverons. Mais si le verbe résoudre fait bien résolvons au présent, il n’appartient pas au premier groupe et ne fait donc pas résolverons au futur, comme on l’entend trop souvent, mais résoudrons.

Œdipe, œcuménique, œsophage

Le 7 avril 2022

Emplois fautifs

Les mots français tirés de formes grecques commençant par -oi ont soit une initiale en é-, comme économie, soit une initiale en œ-, comme Œdipe, œcuménique ou œsophage. Dans tous ces mots, la première syllabe, qu’elle s’écrive é ou œ, se prononce de la même manière, avec un é fermé. On doit donc dire Édipe, écuménique ou ésophage. On se souviendra d’ailleurs que dans les deux premières éditions de son Dictionnaire, l’Académie française écrivait œconomie et non économie et que des linguistes ont proposé que l’on écrive édème, et non œdème pour que la prononciation et l’orthographe concordent. Cette remarque ne vaut bien sûr pas pour les mots en œ- issus de mots latins commençant par un o-, comme « œuf » (ovum), « œil » (oculus), ou « œuvre » (opus).

« Abjurer » pour « Adjurer »

Le 7 avril 2022

Extensions de sens abusives

Ces deux paronymes ne diffèrent que par une consonne pour l’orthographe, mais diffèrent beaucoup par le sens, même si l’un et l’autre remontent au latin jurare, « attester, s’engager par serment ». Abjurer s’emploie pour indiquer que l’on renonce par un acte solennel ou un serment à une religion ou à une doctrine, ou bien que l’on abandonne une conduite, une idée, une attitude (on notera que la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française donne pour exemple Abjurer le marxisme, tandis que, de la 3e à la 8e, on lisait Abjurer Aristote, Descartes (au sens d’« abjurer la doctrine d’Aristote, de Descartes »). Ce verbe se construit généralement aujourd’hui avec un nom abstrait. Adjurer signifie, lui, « ordonner au nom de Dieu », puis « demander avec insistance » et se construit le plus souvent avec un nom de personne. On veillera donc à ne pas employer l’un pour l’autre.

on dit

on ne dit pas

Elle l’adjurait en vain de renoncer à son projet

Il a abjuré ses erreurs de jeunesse

Elle l’abjurait en vain de renoncer à son projet

Il a adjuré ses erreurs de jeunesse

Comme des bêtes

Le 7 avril 2022

Expressions, Bonheurs & surprises

Pouvoir parler est une des caractéristiques de l’homme et il en est légitimement fier. Quand l’un de nos amis animaux nous surprend par ses étonnantes aptitudes, notre réaction est toujours la même : « Il ne lui manque que la parole ! » Force est de constater cependant que la diversité des verbes qui rendent compte des cris des animaux est bien plus grande que celle des synonymes du verbe « parler ». Henri Bertaud du Chazaud, à qui son Dictionnaire des synonymes valut un prix de l’Académie française, trouve une cinquantaine de ces derniers, mais en y ajoutant « des mots de sens voisin ». La performance est honorable, mais elle ne vaut pas celle de nos amis à deux, quatre ou six pattes (voire sans pattes, puisque le serpent siffle).

La langue s’est plu à créer nombre de verbes, généralement d’origine onomatopéique, pour rendre compte de ce paysage sonore. Ainsi le hibou bubule et bouboule, deux formes proches de son nom latin, bubo, mais ce n’est pas tout, il lui arrive aussi de frouer, de hôler, de huer, d’(h)ululer, de miauler ou de tutuber. À ces cris, le chat-huant et la chouette, qui parfois hioquent, ajoutent le chuintement (Antoine Court de Gébelin, qui fut le premier à relever ce terme dans son Histoire naturelle de la parole, écrivit ainsi : « Ce mot, inconnu jusqu’à nous, peint si parfaitement la prononciation de ch, que nous n’avons pu nous refuser à en enrichir notre langue »). Dans ce domaine, il est vrai, les oiseaux se taillent la part du lion – lequel se contente de rugir et de grogner. Ces cris sont source de rapprochements qu’ignore la phylogenèse : on a vu que le serpent siffle, comme le merle – qui peut aussi appeler, babiller ou flûter , la marmotte ou l’oie. Notons d’ailleurs que cette dernière cacarde, cagnarde et criaille également (dans Le Flagellant de Séville, Paul Morand ajoute cacader), tandis que le jars se contente de criailler et de jargonner. Le goéland pleure, comme le crocodile, à qui il arrive aussi de lamenter, de vagir (comme le lièvre) ou d’ancouler. Si l’aigle et le renard ont en commun de glapir, on dit aussi que le premier glatit ou trompette, tandis que le second jappe.

Bien souvent, quand des animaux appartiennent à une même famille, ceux qui ne sont pas domestiqués ont une palette plus variée : le chat miaule et ronronne, le tigre également, mais, de plus, il feule, râle et rauque. Le porc grogne et grouine quand le sanglier grommelle, grumelle, nasille, rauque et roume. Chez les insectes, ce sont la cigale et le grillon qui l’emportent. L’une et l’autre craquettent, mais, de plus, la première chante, criquette et stridule tandis que le second crisse, grésille et grésillonne. L’alouette grisolle et tirelire, mais il lui arrive aussi de turluter, comme le pipit des prés. La fauvette et la mésange zinzinulent. Le plus mélodieux, le rossignol, chante, mais on dit aussi qu’il gringote, qu’il quirrite et qu’il trille.

Quelques-uns de ces verbes ne valent pas que pour les animaux. Comme eux, nous pouvons rugir ou beugler. On feule beaucoup dans la littérature de gare. Il nous arrive de siffler, de huer, de grogner. Naguère nous babillâmes. Nous criaillons, pleurons ou vagissons également. Mais on se souviendra, pour conclure, que si le chameau et le bélier blatèrent, nous sommes les seuls à déblatérer.

Des lettres puis des chiffres

Le 7 avril 2022

Expressions, Bonheurs & surprises

Naguère, les noms des catégories d’âge dans le sport dessinaient un charmant univers empreint de poésie. Les jeunes pratiquants étaient d’abord appelés poussins, sans doute parce qu’un entraîneur les prenait sous son aile, les couvait de mille attentions et voyait en eux des talents à éclore.

Deux ans se passaient dans ce nid confortable et voici que ces poussins devenaient des benjamins. Ils ne savaient peut-être pas encore qu’ils portaient un nom illustre, celui du fils préféré de Jacob. Ce sens de fils préféré était encore très présent au xixe siècle. Balzac en témoigne dans Le Père Goriot, quand Vautrin propose son aide à Rastignac : « Vous seriez notre enfant gâté, notre Benjamin, nous nous exterminerions tous pour vous avec plaisir. »

Notre jeune sportif continuait à grandir et les exigences à s’accroître : s’il doit courir, les distances à parcourir sont plus longues et les haies à franchir plus hautes, et pour les lancers, les poids sont maintenant plus lourds.

Et le voilà ensuite minime. C’est un terme beaucoup moins poétique. On change de registre avec cette forme empruntée d’un superlatif latin et qui disait que le minime était le plus petit, ce qui était vrai quand cette catégorie fut instituée, bien avant les deux précédentes.

Deux nouvelles années se passaient et le minime devenait cadet, un nom qui mérite que l’on s’y arrête, ne serait-ce que parce qu’il est apparenté à cadeau. Cadet et cadeau remontent en effet au latin caput, « tête », par l’intermédiaire de son dérivé capitellus, à l’origine du provençal capdel, qui désignait à la fois un personnage placé à la tête d’un groupe d’hommes, un capitaine, et une lettre capitale. Cette dernière, richement ornée, était souvent l’initiale de la personne en l’honneur de laquelle on donnait une fête ou à laquelle on offrait quelque chose, et c’est ainsi que cadeau prit le sens de « présent ». Le provençal a donné le gascon capdet, puis cadet, qui désignait le puîné. Comme les biens revenaient à l’aîné, le cadet n’avait guère d’autre choix que celui des armes pour se faire une situation. On a surtout retenu les cadets de Gascogne, chantés par Rostand dans Cyrano, mais les cadets de Normandie subissaient le même sort. Cette inégalité venait de l’ancien droit scandinave, qui voulait que tout aille à l’aîné. Quand un fils naissait après celui-ci, le père se dirigeait vers lui avec une épée qu’il jetait à terre en lui disant : « Je ne te léguerai rien : tu n’auras que ce que tu peux te procurer avec cette arme. »

Nos amis québécois appellent les jeunes du même âge des juvéniles. Ce mot est issu du latin juvenis, « jeune », et c’est son comparatif, junior, qui a donné son nom à la catégorie suivante. À l’origine cependant, appartenir à cette catégorie n’était pas lié à l’âge mais à un niveau. Louis Baudry de Saunier nous l’apprend dans Le Cyclisme théorique et pratique (1892), quand il écrit : « Les juniors sont tous les coureurs qui ne sont pas encore jugés dignes de devenir seniors. » Ces derniers, comme les juniors, tirent leur nom d’un comparatif latin, senior, celui de senex, « vieux, âgé ». Pourtant les seniors ne sont pas les plus âgés des sportifs car après trente-cinq ans, on est vétéran. On est, ou plutôt on était, puisque ce nom, qui rappelait celui des soldats les plus expérimentés des légions romaines, s’efface peu à peu au profit de l’anglais master. On peut le regretter mais ce n’est pas le plus grave. Tous les noms mentionnés plus haut tendent en effet aujourd’hui à être remplacés dans de nombreux sports par les appellations U 10, U 12, U 14, etc., formes abrégées de under 10, under 12, under 14, pour désigner les sportifs ayant « moins de 10 ans, moins de 12 ans, moins de 14 ans », etc. Les chiffres, décidément, ne valent pas toujours les lettres.

Christophe D. (France)

Le 7 avril 2022

Courrier des internautes

Dans quels cas utilise-t-on la tournure l’on en remplacement de on ?

Pourquoi et l’on verse l’eau dans le récipient plutôt que et on verse l’eau dans le récipient ?

L’on vous remercie.

Christophe D. (France)

L’Académie répond :

Issu du nom latin homo, qui signifie « homme », le pronom indéfini on a gardé de son origine nominale la possibilité d’être précédé de l’article élidé l’. Le choix de la forme l’on tient aujourd’hui à une volonté d’élégance ou à certains usages liés à l’euphonie, notamment lorsqu’on veut éviter un hiatus. L’on se rencontre fréquemment après et, où, ou, si, qui, que, et d’autres conjonctions ou pronoms : Puisque l’on s’obstine ; Un pays où l’on parle espagnol ; Ce que l’on connaît. Il s’emploie plus rarement en tête de phrase et n’est pas d’usage après le relatif dont ou à proximité d’un mot commençant par l. On emploiera alors la forme on, comme dans Ce dont on peut s’étonner ou Ici, on loue des vélos.

 

« Cinquante et une mille doses » pour « Cinquante et un mille doses »

Le 3 mars 2022

Emplois fautifs

Un est le seul adjectif numéral cardinal à varier en genre : deux hommes, un homme ; deux femmes, une femme. Il conserve cette variabilité quand il est directement suivi du nom qu’il détermine : vingt et une filles, cent une dalmatiennes, les mille et une nuits. Mais dans l’adjectif numéral cardinal cinquante et un mille (doses), un ne se rapporte pas à doses mais à mille, qui est invariable en genre : On dira donc ce centre a reçu cinquante et un mille doses de vaccin et non ce centre a reçu cinquante et une mille doses de vaccin.

« De facto » prononcé « Deux facto »

Le 3 mars 2022

Emplois fautifs

Le français a intégré dans son vocabulaire un certain nombre de locutions latines comme a priori, et cetera, ex abrupto, grosso modo, in vitro ou proprio motu. Leur prononciation ne pose en général pas de problème. Il en allait jusque-là de même avec celles dans lesquelles entre la préposition latine de. Mais on commence à entendre prononcer de facto « deux facto » comme s’il s’agissait de la préposition française « de », que l’on trouve, par exemple, dans la locution « de fait ». Rappelons donc que cette préposition se prononce « dé » et que c’est « dé facto » que l’on doit dire. Cette remarque vaut aussi bien sûr pour de cujus, de jure, de profundis, de visu, et c’est encore « dé » que l’on doit dire dans delirium (tremens) ou desiderata.

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