Le 4 décembre 2014
Extensions de sens abusives
C’est culte
Le nom culte a d’abord désigné un hommage que l’on rend au divin par des rituels religieux et la piété qu’on manifeste à l’égard du sacré. Il a ensuite désigné l’ensemble des cérémonies et des rites établis par une religion et, par affaiblissement, la vénération presque sacrée pour quelqu’un ou pour quelque chose. Il s’emploie désormais en apposition pour montrer que telle personne, tel spectacle ou tel objet a des zélateurs qui lui vouent une admiration presque religieuse parce que, pense-t-on, il constitue une référence qu’on ne saurait ignorer. On parle ainsi d’auteur culte, de livre culte, de films culte. Si ce type de construction, qui relève le plus souvent de l’emphase, est accepté, on se gardera bien de faire de culte un attribut dans des expressions comme c’est culte, cette émission est devenue culte. L’hyperbole peut facilement être exprimée en français sans qu’il soit besoin de recourir à ce type de barbarisme.
On dit
|
On ne dit pas
|
C’est la référence
C’est ce qui se fait de mieux dans ce domaine
Il est la perfection incarnée
|
C’est culte
C’est culte
Il est culte
|
Le 4 décembre 2014
Extensions de sens abusives
L’adjectif motivé a d’abord été employé en droit pour signifier « dont on donne les motifs ; justifié ». Il a connu ensuite une grande fortune dans la langue de la psychopédagogie et dans le monde du travail avec le sens de « qui a des motivations, qui est prêt à faire les efforts nécessaires pour réussir ». On se gardera de confondre cet adjectif avec enthousiaste, « qui a un goût très vif, qui est plein d’ardeur », dont le sens et la construction sont différents.
Le 6 novembre 2014
Extensions de sens abusives
L’adjectif français domestique vient du latin domesticus, adjectif correspondant au nom domus, qui désigne la maison. En latin comme en français, ces adjectifs qualifient ce qui a trait à la maison, à la vie de la maison, comme dans les locutions affaires, travaux domestiques ou économie domestique. Si l’anglais domestic a également ce sens, il en a un second, qui en est l’extension, et qui correspond sans doute à une vision plus large de l’habitat : il qualifie tout ce qui concerne un pays, un territoire délimité à l’intérieur de ses frontières, le pays étant en quelque sorte l’échelon supérieur à la maison. Mais le français possède plusieurs adjectifs, national, intérieur en particulier, qui pourront être employés en lieu et place de cet anglicisme inutile. Ne nous en privons pas.
On dit
|
On ne dit pas
|
Un vol intérieur, national
Transport intérieur de marchandises
Le commerce intérieur progresse
Le produit intérieur brut
|
Un vol domestique
Transport domestique de marchandises
Le commerce domestique progresse
Le produit domestique brut
|
Le 6 novembre 2014
Extensions de sens abusives
Le nom trafic est d’abord, en moyen français et jusqu’au xviie siècle, un synonyme de « négoce ». Il s’est ensuite spécialisé pour désigner un commerce illicite et c’est ce sens qu’il revêt principalement en français moderne : on a parlé de trafic d’indulgences, on parle de trafic d’armes, d’esclaves, de stupéfiants. Il désigne aussi le fait de monnayer un bien moral surtout dans la locution trafic d’influence. Le second sens que nous lui connaissons, celui de mouvement, de flux de véhicules, est plus tardif (il apparaît au milieu du xixe siècle) et vient de l’anglais traffic, qui l’avait lui-même emprunté au moyen français par une sorte de métonymie, le commerce impliquant un mouvement, un va-et-vient entre argent et marchandises. On parle donc de trafic ferroviaire, maritime, aérien, etc. Mais traffic en anglais désigne aussi une circulation intense d’automobiles : le recours à cet anglicisme dans ce cas précis est à proscrire.
On dit
|
On ne dit pas
|
Il y a beaucoup de circulation, une circulation dense, importante, sur l’autoroute
Être bloqué dans les embouteillages
|
Il y a du trafic sur l’autoroute
Être bloqué dans le trafic
|
Le 2 octobre 2014
Extensions de sens abusives
La locution verbale mettre à jour signifie « mettre en ordre pour n’avoir aucun retard », et peut s’employer à la forme pronominale (se mettre à jour pour son travail). Elle peut aussi s’employer au sens d’« actualiser », comme dans mettre à jour ses connaissances, mettre à jour son agenda. Cet emploi connaît aujourd’hui un regain d’usage grâce à la langue de l’informatique où se rencontre fréquemment l’expression mettre à jour un logiciel.
La locution Mettre au jour, quoique voisine de la précédente par la forme, n’a pas la même signification. Elle a d’abord le sens concret d’exhumer : elle est utilisée, par exemple, en archéologie lorsque l’on fait sortir de terre tel ou tel objet, tel ou tel monument. Par extension, on peut aussi mettre au jour un complot, un scandale, c’est-à-dire les dévoiler, les rendre publics. On se gardera bien de confondre ces deux expressions et l’on évitera également d’employer l’une pour l’autre les locutions nominales correspondantes mise à jour et mise au jour.
On dit
|
On ne dit pas
|
Ce règlement devrait être mis à jour
Les fouilles ont permis de mettre au
jour les murs du temple
|
Ce règlement devrait être mis au jour
Les fouilles ont permis de mettre à jour les murs du temple
|
Le 2 octobre 2014
Extensions de sens abusives
On trouve dans la langue française d’assez nombreux groupes nominaux, le plus souvent des locutions figées, formés de deux noms dont le second est apposé au premier : on parle ainsi de crapaud accoucheur, de lit bateau, de verre cathédrale ou encore d’épeire diadème. Ceux-ci sont toutefois beaucoup moins fréquents que les tours prépositionnels parce qu’ils conviennent moins au génie de la langue française. Aussi évitera-t-on de remplacer systématiquement les constructions prépositionnelles par des constructions appositives. Si, en effet, ces dernières tournures peuvent convenir pour des petites annonces facturées en fonction du nombre de signes utilisés, il convient de ne pas en faire une mode comme cela semble parfois être le cas dans certains domaines liés, le plus souvent, à l’architecture ou à la décoration. On dira donc des lames d’acier ou en acier, et non des lames acier. On se souviendra néanmoins que cette construction est autorisée quand c’est le nom d’une couleur dont on fait l’ellipse : Une moquette gris acier ou, elliptiquement, une moquette acier.
On dit
|
On ne dit pas
|
Des bacs en acier, des bacs d’acier
Une ossature en bois, en métal
Une structure métallique
|
Des bacs acier
Une ossature bois, métal
Une structure métal
|
Le 9 septembre 2014
Extensions de sens abusives
Le nom crise est emprunté, par l’intermédiaire du latin crisis, du grec krisis, qui a d’abord le sens d’action ou de faculté de choisir (d’où sont tirés les autres sens d’élection, de décision judiciaire et de dénouement) et celui d’accident d’ordre médical, brusque et inattendu. En français, c’est essentiellement ce dernier sens qui est conservé, ainsi que ses emplois figurés, pour désigner un évènement soudain qui vient, comme l’altération brusque de la santé, troubler et bouleverser une situation jusqu’alors paisible. On parlera ainsi, à juste titre, de la crise financière de 1929 ou de la crise pétrolière de 1973, que l’on appelle également choc pétrolier, ce qui souligne bien son caractère ponctuel. On évitera donc d’employer crise pour parler de phénomènes durables et l’on s’efforcera de le réserver à des évènements précis et limités dans le temps.
On dit
|
On ne dit pas
|
La remise en cause, en question des institutions, de la représentativité démocratique
L’épuisement des énergies fossiles
|
La crise des institutions, de la représentativité démocratique
La crise des énergies fossiles
|
Le 9 septembre 2014
Extensions de sens abusives
L’adjectif historique a de nombreux sens ; il signifie « qui est relatif à l’histoire », mais aussi « qui a réellement eu lieu », par opposition à légendaire ou fictif. Il signifie encore « qui est resté dans l’histoire, célèbre, mémorable », comme dans victoire historique, discours historique, journée historique. Une fâcheuse tendance se répand actuellement qui consiste à étendre abusivement ce dernier sens, et à faire d’historique un synonyme de « sans précédent » ou d’« inégalé », ce qu’il convient d’éviter puisque le français dispose déjà de nombreux termes pour traduire cette idée.
On dit
|
On ne dit pas
|
La Bourse a atteint son plus haut niveau
Cet athlète a réussi une performance exceptionnelle
|
La Bourse a atteint un niveau historique
Cet athlète a réussi une performance historique
|
Le 11 juillet 2014
Extensions de sens abusives
La locution prépositive de par a encore son sens premier « de la part de », « au nom de », dans des formules figées comme de par le roi, de par la loi, de par la Constitution, de par la justice. Mais, en dehors de ces cas et de la forme de par le monde, il est préférable de ne pas employer cette locution en lieu et place de formes comme par, du fait de, grâce à, étant donné, etc.
On dit
|
On ne dit pas
|
Il a réussi par son seul talent
Du fait de son expérience, il est le mieux placé pour réussir
|
Il a réussi de par son seul talent
De par son expérience, il est le mieux placé pour réussir
|
Le 11 juillet 2014
Extensions de sens abusives
L’adjectif fruste a été emprunté de l’italien frusto, « usé ». Il s’emploie au sens propre en archéologie. On parle ainsi de « monnaie fruste » ou de « sculpture fruste » quand les reliefs de celles-ci s’estompent. En médecine fruste s’emploie pour parler d’une maladie dont les manifestations sont atténuées. La proximité de forme avec l’adjectif rustre, « grossier, brutal », fait que l’on a ajouté à fruste les sens de « rude, inculte, mal dégrossi ». Il serait bon de ne pas abuser de cette extension de sens, et on se gardera plus encore d’utiliser le barbarisme frustre, produit monstrueux de ces deux adjectifs.
On dit
|
On ne dit pas
|
Des manières un peu rustres
Un individu rustre, fruste
|
Des manières un peu frustres
Un individu frustre
|
Pages