Dire, ne pas dire

Emplois fautifs

Des compliments banaux ou des compliments banals

Le 3 décembre 2020

Emplois fautifs

L’adjectif final fait ordinairement finals au masculin pluriel, mais on rencontre aussi finaux, notamment en linguistique et en économie. On observe le même phénomène avec banal, dont le masculin pluriel, ordinairement banals (des compliments banals), est banaux quand cet adjectif appartient au vocabulaire de la féodalité et qualifie ce qui était mis à la disposition de tous moyennant le paiement d’une redevance au seigneur (des moulins banaux). Cette distinction n’a pas toujours été respectée : Marcel Cohen en témoigne, dans ses Regards sur la langue française, quand il signale que, en juin 1904 en Sorbonne, Émile Faguet employait la locution des mots banaux tandis que Ferdinand Brunot, dans une salle voisine, disait des mots banals… On s’efforcera tout de même, un siècle plus tard, d’essayer de l’appliquer.

on dit

on ne dit pas

Au Moyen Âge, les paysans faisaient cuire leur pain dans des fours banaux

Il lui a tenu des propos banals

Au Moyen Âge, les paysans faisaient cuire leur pain dans des fours banals

Il lui a tenu des propos banaux

Elle s’est faite belle, cette idée s’est fait jour

Le 3 décembre 2020

Emplois fautifs

Dans la tournure Elle s’est faite belle, le pronom élidé s’ est complément d’objet direct du verbe faire ; il est donc normal que le participe s’accorde. Il n’en va pas de même dans une phrase comme Cette idée s’est fait jour, puisque, dans ce cas, le pronom s’ est complément d’objet indirect du verbe faire, qui a pour complément d’objet direct le nom jour. En effet, la locution se faire jour est l’équivalent de « se frayer un chemin, se faire une ouverture, réussir à passer » et, dans ce type de construction, le participe passé fait reste donc invariable.

on dit, on écrit

on ne dit pas, on n’écrit pas

Une inquiétude s’est fait jour dans l’assemblée

Très vite ses qualités se sont fait jour

Ils se sont faits tout propres 

Une inquiétude s’est faite jour dans l’assemblée

Très vite ses qualités se sont faites jour

Ils se sont fait tout propres

Plâtrée pour Platée

Le 3 décembre 2020

Emplois fautifs

Le suffixe -ée sert à former des noms désignant un contenu à partir de noms désignant un contenant : une bouche, une bouchée ; une pelle, une pelletée ; une assiette, une assiettée. Sur ce modèle, à partir du nom plat, on a formé platée pour désigner familièrement le contenu d’un plat servi abondamment : une platée de pommes de terre. Ce mot ne devrait donc pas être concurrencé par d’autres formes ; pourtant il l’est régulièrement par plâtrée. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette confusion : la paronymie, mais aussi le fait que ces portions ont parfois une consistance épaisse qui rappelle le plâtre. Cela n’empêche pas que plâtrée reste incorrect et que c’est platée qu’il faut employer.

on dit

on ne dit pas

On leur servit une énorme platée de chou farci

Il crut ne jamais venir à bout de cette platée

On leur servit une énorme plâtrée de chou farci

Il crut ne jamais venir à bout de cette plâtrée

Cotisation ou Prime d’assurance

Le 5 novembre 2020

Emplois fautifs

Prime est un mot polysémique (et encore, nous ne nous arrêterons pas ici sur la forme issue du latin primus, qui désigne la première des heures canoniales). La forme qui nous intéresse signifie « récompense », mais désigne aussi une somme que l’on verse contractuellement à une société d’assurances pour être couvert en cas de sinistre. C’est avec ce dernier sens que prime est entré dans notre langue par l’intermédiaire de l’anglais premium, et ce n’est qu’un peu plus tard que, par extension, il a pris le sens de « récompense, gratification ». Il s’agit là d’un juste retour au sens du mot latin praemium dont il est tiré. Aujourd’hui le même mot désigne donc, d’une part, ce qui est accordé à celui qui a particulièrement donné satisfaction et, d’autre part, la somme dont on doit s’acquitter pour être protégé contre tel ou tel accident. Dans ce dernier cas, prime est parfois concurrencé par cotisation : si, en ce sens, l’emploi de ce terme n’est pas incorrect, on préfèrera néanmoins utiliser cotisation pour désigner la somme versée à une association, à un organisme pour en être membre (payer sa cotisation à un syndicat, à un club sportif).

Malaise voyageur

Le 5 novembre 2020

Emplois fautifs

Mettre en apposition deux noms plutôt que d’indiquer, par une préposition, le lien qui les unit peut amener à la création de formes étranges et qui parfois pourraient prêter à sourire. On en a un exemple avec le tour malaise voyageur, employé pour signaler que la circulation de quelque transport en commun est interrompue ou ralentie parce qu’un voyageur a fait un malaise. Cet assemblage pose un problème dans la mesure où, quand le mot voyageur est placé à côté d’un nom, il prend une valeur d’adjectif, comme le prouvent des syntagmes tels que « pigeon voyageur » ou « commis voyageur ». On serait alors tenté de croire que le malaise voyageur est une forme de malaise passager, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Ne serait-il pas plus clair, et à peine plus long, de dire que le trafic est ralenti « en raison du malaise d’un voyageur » ?

Nihil obstat au sens de Veto

Le 5 novembre 2020

Emplois fautifs

Le droit de veto est le pouvoir reconnu au chef d’un État de ne pas promulguer les lois votées par l’assemblée législative ; c’est aussi une prérogative accordée à quelques membres de certaines assemblées de s’opposer aux décisions prises à la majorité. Ainsi, la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, y dispose d’un droit de veto. On emploie parfois, dans la langue courante, l’ellipse veto : on dira ainsi qu’un chef d’État a mis son veto à une mesure. Par extension, et en dehors de tout cadre constitutionnel, veto est devenu synonyme de « refus, opposition catégorique ». Il ne faudrait pas que l’amour du latin amène à un fâcheux contresens, que l’on entend hélas parfois, qui pousse à remplacer veto par la locution latine de sens opposé nihil obstat, proprement « rien ne s’oppose », formule par laquelle un censeur ecclésiastique chargé de vérifier la conformité d’un ouvrage aux enseignements de l’Église atteste ne pas s’opposer à la publication de celui-ci. On peut utiliser plaisamment cette formule pour signifier qu’on ne s’oppose pas à quelque chose, mais rappelons que veto et nihil obstat sont deux tours antonymes qu’il convient de ne pas confondre.

Un virage à 360 °

Le 5 novembre 2020

Emplois fautifs

Bien souvent l’emphase est le résultat d’une crainte de ne pas réussir à donner à ses paroles ou à ses écrits toute la force expressive que l’on souhaiterait y mettre. Pour pallier ce manque, on use et abuse de termes à valeur superlative, mais il arrive que, même dans ce cas, les mots ne semblent pas suffisants. Ce que les lettres ne peuvent donner, on le demande alors aux chiffres, avec des résultats parfois surprenants. Ainsi, certains, pour évoquer des individus à l’attitude louvoyante et qui se renient, emploient une image qui emprunte à la conduite et à la géométrie, et parlent de virage à 360 °. Mais la géométrie nous enseigne qu’après avoir effectué ce type de virage, on se retrouverait à son point de départ et dans la même direction, quand celui qui, plus modestement, se contenterait d’un virage à 180 °, ferait bien ici demi-tour.

La question est répondue

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Le verbe répondre se construit ordinairement avec deux compléments, un complément direct et un complément indirect : on répond quelque chose à quelqu’un. Il peut arriver que le nom de la personne à qui l’on répond soit remplacé par des noms comme question, interrogation, etc. : Elle a bien répondu à nos questions comme Elle a bien répondu à Pierre. Ici, les noms questions et Pierre sont les complément indirects de répondre, verbe qui, dans ce cas, n’a pas de complément direct et ne peut donc se mettre à la voix passive. On évitera donc des phrases comme la question est répondue, qui, malheureusement, commencent insidieusement à se répandre.

Martyrologe

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Les noms en -loge sont peu nombreux en français. Quelques-uns, très fréquents, comme loge ou horloge, ne posent pas de problème de prononciation, mais il en est d’autres, plus rares, qui, sans doute sous l’influence des mots en -logue, sont parfois source d’erreur. C’est le cas pour martyrologe (que l’on trouve d’ailleurs parfois écrit, faussement, martyrologue). Ce nom désigne un catalogue où furent inscrits les noms des martyrs de l’Église primitive, et dans lequel on a inséré au fil du temps les noms des autres saints dont l’Église fait commémoration. On y apprend par exemple que « quarante soldats Cappadociens de Sébaste [Apollinaire évoque leur triste sort dans La Chanson du mal-aimé] du temps de l’Empereur Licinius sous le Président Agricolaüs, après avoir été chargez de chaînes & mis dans des cachots pleins d’infection, après avoir eu le visage meurtry de pierres, furent dans le temps le plus froid de l’hyver exposez tout nuds à l’air sur un étang glacé durant toute une nuit, où leurs corps transis s’en alloient par pieces » et mille autres anecdotes et faits passionnants. Il n’en reste pas moins que, conformément à l’écriture, et bien qu’il désigne une forme de catalogue, ce nom se prononce comme horloge.

Un autoroute

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Le nom autoroute nous vient de l’italien autostrada ; on l’a d’abord rencontré sous la forme, aujourd’hui obsolète, autostrade, qui était une simple transcription de l’italien, avant que le second élément, strade, qui n’avait pas d’existence autonome dans notre langue ne soit remplacé par route. Les noms italien autostrada et français autoroute sont féminins, comme le sont les éléments qui les composent, auto, forme abrégée d’automobile, et strada ou son équivalent français, route. Pourtant, on entend, ou on lit parfois, un autoroute. C’est une erreur et c’est bien une autoroute qu’il faut dire et écrire

on dit

on ne dit pas

La bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute

Les autoroutes sont plus sûres, mais elles sont onéreuses

La bande d’arrêt d’urgence d’un autoroute

Les autoroutes sont plus sûrs, mais ils sont onéreux

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