Dire, ne pas dire

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Papotage, bavardage, causerie, causette, etc.

Le 6 novembre 2025

Nuancier des mots

Il y a quelque temps, un grand journal du soir évoquait « l’art perdu du papotage » et se désolait du fait que « l’omniprésence des écrans et des écouteurs marginalise le small talk, ce bavardage où l’on parle de tout et de rien avec son voisin ». Peut-être n’est-il pas inintéressant de se pencher sur ces noms et quelques autres appartenant au même champ sémantique.

Papotage est dérivé, par l’intermédiaire de papoter, qui a d’abord signifié « manger sans ardeur », de l’ancien verbe paper, « manger » ; il désigne des propos légers et frivoles sur des sujets de peu d’importance. C’est un synonyme de bavardage, pour ce qui est de la légèreté et de la futilité des propos échangés. Ce dernier est souvent innocent, il est énervant quand il trouble l’attention, mais ce peut parfois être une forme de médisance. C’est un dérivé de baver, et donc un parent de bavard, surnom qu’on donna aux avocats en raison de leurs trop longues plaidoiries. On le déforma en baveur et baveux. Ce dernier servit alors à nommer des journaux mal imprimés puis, par métonymie, des journalistes trop prolixes. C’est aussi de baver que l’on a tiré l’expression tailler une bavette. Dans ce type de propos on trouve aussi le caquet, forme de bavardage particulièrement bruyant et souvent malveillant. On en a tiré le synonyme caquetage, qui a éliminé caqueterie. À cette liste on pourrait ajouter les potins, ces rumeurs colportées sur autrui, ordinairement peu bienveillantes. Ce nom est dérivé du normand potine, la chaufferette que les femmes avaient l’habitude d’apporter à la veillée où elles échangeaient des commérages. Commérage, qui s’est d’abord rencontré au sens de « baptême », la commère étant à l’origine la marraine, désigne généralement un bavardage indiscret et empreint de malveillance. Il est assez proche du ragot, un déverbal de ragoter, proprement « grogner comme un sanglier ». Notons en effet que le verbe ragoter vient, quant à lui, d’un autre ragot, existant dès le xive siècle, qui désigne « un sanglier mâle » et « un homme à taille courte et épaisse ». Cancaner est, lui aussi, lié au monde des animaux puisqu’il signifie, en parlant d’un canard, « pousser son cri », puis, par extension, « débiter des cancans ». Mais, assez étrangement cancaner et cancan, quand ce dernier a le sens de « ragot », n’ont pas la même étymologie. Cancan est tiré, nous dit Littré, « du latin quanquam (quoique), à cause de la querelle qu’excita dans les écoles du Moyen Âge la prononciation de ce mot, les uns disant [kan-kan], à l’ancienne mode, les autres [kouan-koua-m’], à la nouvelle mode, qui est restée la nôtre ». Littré nous apprend d’ailleurs que cancan est également le « nom que les enfants et les gens du peuple donnent aux fruits du sycomore formés de deux samares soudées par la base, qui tournoient longtemps en l’air avant de tomber ». (Les enfants les nomment aujourd’hui hélicoptères.)

Il existe d’autres termes désignant le fait de s’adresser à autrui, mais sans nuance de malveillance cette fois : les noms causette et causerie, dérivés de causer. Ils n’ont pas exactement le même statut. Le premier désigne une conversation familière, un bavardage et ne s’emploie plus guère que dans des locutions comme faire la causette, un bout de causette, un brin de causette. Le second, qui s’est d’abord rencontré avec le sens de « bavardage futile », désigne essentiellement aujourd’hui un exposé sans prétention, sur un sujet donné, lié notamment aux sciences ou à la littérature. Il doit une partie de son succès aux Causeries du lundi, recueil d’articles de critique littéraire que Sainte-Beuve fit paraître dans différents journaux de 1851 à 1862. Ces mots sont parents de causeur, nom dont la définition était éclairée par cet intéressant exemple dans la deuxième édition du Dictionnaire de l’Académie française : « Il y a des hommes qui sont encore plus causeurs que des femmes. » Le causeur ne deviendra aimable que dans la septième, et brillant dans la neuvième. C’est aussi de causer que dérive causeuse, ce petit canapé bas, le plus souvent capitonné et à dossier cintré, où peuvent s’asseoir deux personnes, en particulier pour converser. Cela nous amène naturellement à la conversation, un échange de propos, un entretien familier entre deux ou plusieurs personnes. C’est le sens de ce mot aujourd’hui, mais on en faisait également naguère un euphémisme désignant les relations sexuelles ; nous avons d’ailleurs emprunté de l’anglais criminal conversation la locution conversation criminelle, qui ne s’est conservée que dans l’expression être surpris en conversation criminelle, « en flagrant délit d’adultère ». Le nom entretien suppose, quant à lui, un échange de propos de haute tenue sur un sujet déterminé, le plus souvent entre des personnalités scientifiques, littéraires ou politiques, et destiné à l’information du public. Quand ces entretiens sont menés sur le mode de la conversation par un philosophe ou un homme d’Église, devant un auditoire restreint, on les désigne sous le nom d’entretiens spirituels. Il est vrai cependant qu’aujourd’hui entretien s’emploie aussi dans un sens affaibli, comme un équivalent français du nom anglais interview.

Voyons pour conclure les hyperonymes de tous ces mots : parole et parler. Ils sont neutres et il faut leur adjoindre des adjectifs ou des adverbes pour leur donner un caractère mélioratif ou péjoratif. Ils sont tirés, plus ou moins directement du grec parabolê, « comparaison, rapprochement » puis « parabole, discours allégorique » et sont des parents étymologiques des formes, passées par l’espagnol, palabre et palabrer.

Je veux lui, je prends lui

Le 6 novembre 2025

Emplois fautifs

Lui est la forme tonique du pronom personnel de la troisième personne du masculin singulier. Il a pour féminin le pronom elle, et les formes de pluriel équivalentes sont eux et elles. Il peut être sujet, coordonné à un nom ou à un autre pronom : Son père et lui sont venus. On le trouve aussi, employé seul ou en apposition au sujet, avec un effet d’insistance : Lui seul y a participé, il le sait bien, lui. Il est parfois le sujet d’une participiale : Lui parti, tout est rentré dans l’ordre ou d’un verbe sous-entendu : Qui a parlé ? Lui. Il peut également avoir la fonction d’attribut, là encore avec un effet d’insistance : C’est lui le meilleur. Enfin, il est parfois complément d’objet direct dans les phrases comportant la négation restrictive ne… que : Elle n’aime que lui. Voilà déjà beaucoup de fonctions pour un même pronom, aussi n’est-il pas nécessaire de lui ajouter celle de complément d’objet direct dans des phrases qui ne contiendraient pas ce ne… que et d’en faire un équivalent du pronom personnel complément d’objet direct le (et la ou les) ou des pronoms démonstratifs celui-ci, celui-là. On dira donc Je veux celui-ci, je le prends et non Je veux lui, je prends lui.

Option obligatoire

Le 6 novembre 2025

Emplois fautifs

Dans l’univers du football, il peut arriver qu’un professionnel n’ait pas l’occasion de jouer les matchs, parce que, dans son club, se trouvent, au poste qu’il occupe, de meilleurs joueurs que lui. Pour remédier à cette situation, il est fréquent qu’il soit prêté à un autre club. Ce prêt fait l’objet d’un contrat, qui peut être de trois types : le prêt avec option d’achat (le club qui reçoit le joueur a le choix de l’engager, ou non, au terme de l’échéance) ; le prêt avec obligation d’achat (le club est obligé d’engager le joueur au terme de l’échéance) ; et enfin, le prêt dit « sec » (le joueur revient à son club d’origine à la fin du contrat). Ces trois formulations sont aisément compréhensibles, mais l’on entend de plus en plus parler de l’étrange prêt avec option d’achat obligatoire, formule qui est un non-sens puisqu’une option, c’est-à-dire la faculté de choisir entre plusieurs possibilités qui s’offrent concurremment, et ce qui fait l’objet d’un tel choix, ne peut être obligatoire. Cela ne vaut bien sûr pas que pour le monde du sport, et l’on évitera également une phrase comme le latin est une option obligatoire, dans laquelle le nom option prend, d’une façon incorrecte, le sens de « matière ».

« Ils se sont repentis de cette action » mais « ils se sont reproché cette action »

Le 6 novembre 2025

Emplois fautifs

Le verbe se repentir est un verbe essentiellement pronominal ; c’est donc avec le sujet que se fait l’accord du participe passé. On écrit alors : Ils se sont repentis de cette action. Le verbe reprocher est un verbe transitif direct, qui peut se mettre à la voix pronominale. Mais, dans ce cas, le pronom personnel se, qui l’accompagne, n’est pas le complément d’objet direct ; il est un complément d’objet indirect. Il ne commande donc pas l’accord du participe passé aux temps composés. C’est pourquoi on écrit Ils se sont reproché (et non reprochés) cette action. Notons cependant que l’on écrit L’action qu’ils se sont reprochée car dans cette phrase, qui est l’équivalent de L’action qu’ils ont reprochée à eux-mêmes, l’accord se fait avec le complément d’objet direct antéposé, ici le pronom relatif élidé qu’, qui a pour antécédent le nom féminin singulier action.

Un catalogue curaté par…

Le 6 novembre 2025

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le nom curateur désigne ordinairement une personne nommée par le juge des tutelles pour assister un majeur incapable ou un mineur émancipé, ou pour régir une succession vacante ou un bien abandonné. Quant à l’expression curateur au ventre, qui fut popularisée par Les Rois maudits, de Maurice Druon, elle désignait celui qui était chargé par le conseil de famille de veiller aux intérêts de l’enfant dont une femme était enceinte au moment du décès de son mari. En anglais, le nom curator, tout proche par la forme, ajoute à ces sens ceux de « conservateur de musée » et de « commissaire d’exposition ». Quant au verbe to curate, il peut signifier « être commissaire », s’agissant d’une exposition, ou désigner le fait de rédiger le catalogue de cette exposition. C’est ce verbe, rédiger, ou d’autres comme organiser, préparer, écrire, composer, que l’on emploiera en français et non l’étrange curater que l’on commence à rencontrer aujourd’hui.

Aigles, effraies et autres rapaces

Le 6 novembre 2025

Expressions, Bonheurs & surprises

Le mot rapace figurait, comme adjectif, dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française. On y lisait qu’il était « de peu d’usage ». Il n’est entré, comme nom, que dans la septième édition où il est présenté comme le premier ordre de la classe des Oiseaux. Ce mot est emprunté du latin rapax, « pillard », dérivé du verbe rapere, « emporter, voler », ce qui en fait un parent des mots rapt, rapide, rapine, rapiat, subrepticement, usurper ou encore vélociraptor. Examinons maintenant le nom de quelques-uns de ces oiseaux. Certains le tirent de leur dysmorphisme sexuel ; c’est le cas pour tiercelet, nom donné à plusieurs rapaces mâles, en particulier le faucon et l’épervier, parce qu’ils sont d’environ un tiers plus petits que leur femelle. Il en va de même pour l’émouchet, appelé autrefois mouche ou mouchet, et ainsi nommé en raison de la petite taille du mâle. D’autres doivent leur nom à leur couleur. C’est le cas de l’aigle, dont le nom latin, aquila, est tiré de aquilus, qui signifie « brun noir ». Le balbuzard emprunte le sien à l’anglais bald-buzzard, composé à l’aide de bald, « marqué de blanc », et buzzard, issu de l’ancien français busard, « buse ». Nos amis anglais le nomment aussi osprey, nom tiré, par l’intermédiaire de l’ancien français ospres, « orfraie », du latin ossifraga, proprement « qui brise les os ». Le nom pygargue, parent de callipyge, signifie proprement « aux fesses blanches » (notons qu’en anglais cet oiseau s’appelle aussi bald eagle, « aigle à tête blanche », forme proche de son nom en latin scientifique, haliaeetus leucocephalus, « aigle pêcheur à tête blanche »).

Il est d’autres rapaces qui tirent leur nom de celui de leurs proies. Le plus évident est sans doute le serpentaire. Mais il existe aussi le lanier, dont le nom est tiré, avec agglutination de l’article défini élidé l’, de l’ancien français anier, de même sens, lui-même dérivé de ane, qui désignait un canard (anas en latin) parce qu’on l’utilisait en fauconnerie pour chasser ces oiseaux. Le nom harfang, que nous avons emprunté au suédois, est composé à l’aide de hare, « lièvre », mot de la même famille que notre hase et que l’allemand Hase, et de fanga, « capturer ». Quant au nom autour, il est tiré de l’ancien français auceptor, composé à l’aide de avis, « oiseau », et de capere, « prendre ». On retrouve cette racine avis dans d’autres noms d’oiseaux, dont l’autruche, forme redondante composée à l’aide de avis et du grec struthion, « autruche », et l’outarde, tiré de avis tarda, « oiseau lent ». Notons, pour revenir à l’autour, que le nom du père d’Osmann 1er, fondateur de l’empire ottoman, Ertugrul, signifie « homme-autour » ou « homme-faucon » : il est en effet composé des mots turcs er, « homme », et tugrul, « faucon, autour ». Le fait de donner des noms de rapace à des hommes qui s’élèvent au-dessus de tous dans leur domaine n’est pas rare ; en témoignent, parmi beaucoup d’autres, Bossuet, « l’aigle de Meaux », ou, dans un registre tout autre, le coureur cycliste espagnol Bahamontès, « l’aigle de Tolède ».

Certains rapaces, enfin, ont un nom formé à l’aide de celui d’autres oiseaux de proie avec lesquels on leur trouve quelque ressemblance. C’est le cas du gypaète, mélange des mots grecs gups, « vautour », et aetos, « aigle ». Ce dernier élément entre aussi dans la composition du circaète, avec le grec kirkos, « faucon ». Littré proposait une autre étymologie de circaète en estimant qu’ici, kirkos était à prendre dans son sens d’« anneau », car ce rapace décrit de grands cercles en volant. C’est une explication similaire qui a été proposée pour le nom gerfaut par Nicot dans son Thresor de la langue francoyse : « Gyrofalcus, ex volandi modo nomen habet, quod praedam circumagat », (Le gerfaut doit son nom à la manière dont il vole parce qu’il décrit des cercles autour de sa proie). Ce que conteste Littré : « On l’a fait aussi venir de gyrare, "tourner". Mais l’étymologie est dans l’allemand Geierfalk, de Geier, "vautour", et Falke, "faucon", quant à Geier, il représente l’ancien haut allemand gîri, "vorace" ».

Voyons pour conclure l’effraie, rapace carnivore nocturne dont le nom est souvent confondu avec orfraie, paronyme désignant un rapace piscivore diurne. Le nom effraie est une réfection, sous l’influence du verbe effrayer, de fresaie, lui-même issu du latin médiéval presaga avis, « oiseau présage ». C’est l’effraie, et non l’orfraie, qui, comme on le lisait dans la quatrième édition de notre Dictionnaire, pousse des cris « que le peuple croit de mauvais augure ». C’est ce qui explique la réputation maléfique qu’elle conserva si longtemps, puisque l’on croyait qu’elle était non seulement le messager annonçant de grands malheurs, et en particulier des décès, mais aussi qu’elle en était la cause, fâcheuse réputation qui l’amena à être constamment traquée et faillit provoquer sa disparition.

Les revenants

Le 6 novembre 2025

Expressions, Bonheurs & surprises

Dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, les mots étaient classés par famille et non par ordre alphabétique comme dans les suivantes. La deuxième édition se devait donc de proposer une nouvelle nomenclature. Ce long travail était plein d’embûches, ce qui explique qu’un certain nombre de mots, présents dans la première édition, disparurent de la seconde avant de revenir dans les suivantes. Intéressons-nous un instant à ces revenants.

L’adjectif abstinent était présenté dans les dérivés du verbe tenir de la manière suivante : « Qui a la vertu d’abstinence. Il mange peu, il ne boit guere de vin, il est fort abstinent ». Les deuxième et troisième éditions l’oublièrent et il ne revint que dans la quatrième. Même aventure pour aveuglément, qui figurait à l’article aveugle de la première édition (« Il n’est en usage qu’au figuré, & signifie, Sans rien considerer, sans rien examiner. Je feray aveuglément tout ce que vous voudrez »), et qui disparut des deux éditions suivantes, avant de revenir, presque à l’identique, dans la quatrième. Caban connut, si l’on peut dire s’agissant de ce vêtement de pluie, une traversée du désert beaucoup plus longue. Apparu, de façon autonome, dans la première : « Espece de casaque de pluye pour la campagne », il ne revint que dans la septième, défini comme une « Sorte de vêtement ample, avec des manches et un capuchon ». Démantibuler n’est absent que de la deuxième édition : dans la première il se trouvait à mandibule, pour nous rappeler que ce verbe, apparu au xvie siècle, a d’abord signifié « rompre la mâchoire, les mandibules », et que c’est probablement sous l’influence du plus fréquent menton que l’on a « démantibuler » et non « démandibuler ». À l’article oiseau, on trouvait le diminutif oissillon, mais aussi oiselet, assortis de la mention « L’un ny l’autre ne sont guere en usage ». Oisillon, absent de la deuxième édition revint dans la troisième, débarrassé du s surnuméraire et disgracieux dont on l’avait affublé dans la première édition.

L’aventure d’aorte est plus étonnante. Voici ce qu’on peut lire à son sujet dans la première édition de notre Dictionnaire : « Terme de Medecine, La grande artere qui sort du ventricule gauche du cœur ». Ce nom disparaît des deux éditions suivantes sans doute jugé trop spécialisé. La préface de la deuxième édition avertissait d’ailleurs ainsi le lecteur : « L’Académie a jugé encore à propos de n’y faire entrer [dans son Dictionnaire] que ceux des termes d’art & de science que l’usage a introduits dans la Langue commune, ou ceux qui sont amenez par quelque mot de cette même Langue. » Il faut se souvenir qu’à cette époque encore les traités de médecine sont essentiellement rédigés en latin, et qu’un siècle plus tôt Ambroise Paré s’était fait nombre d’ennemis dans l’Université quand il avait adopté le parti suivant pour la rédaction ses ouvrages : « Je n’ai voulu escrire en un autre langaige que le vulgaire de nostre nation, ne voulant estre de ces curieux, et par trop supersticieux, qui veulent cabaliser les arts et les serrer sous les loix de quelque langue particulière. » Aorte revint dans la quatrième édition, mais il est vrai qu’on lisait alors dans la préface du Dictionnaire de l’Académie française : « Les sciences & les arts ayant été plus cultivés & plus répandus depuis un siècle qu’ils ne l’étoient auparavant, il est ordinaire d’écrire en François sur ces matières. En conséquence plusieurs termes qui leur sont propres, & qui n’étoient autrefois connus que d’un petit nombre de personnes, ont passé dans la Langue commune. Auroit-il été raisonnable de refuser place dans notre Dictionnaire à des mots qui sont aujourd’hui d’un usage presque général ? »

Évoquons, pour conclure, un dernier revenant, le mot inauguration, que l’on trouve à l’article augure en 1694, mais pris dans un sens aujourd’hui disparu. On lisait en effet : « Installation dans la dignité d’augure. Ceremonie des anciens Romains quand on recevoit un homme dans le College des Augures ». Disparu de la deuxième édition, revenu dans la troisième, il s’est enrichi dans la cinquième : « On dit par extension, […] Ce Professeur a fait son discours d’inauguration, c’est-à-dire, Le discours par lequel il a pris possession de sa chaire. » Inauguration au sens de « discours inaugural d’un professeur » ne s’est maintenu que jusqu’en 1878, dans la septième édition. En revanche, on lit encore aujourd’hui, à l’article inaugural, « Leçon inaugurale au Collège de France, première leçon d’un professeur installé dans sa chaire ». Cette leçon inaugurale étant sans doute une forme de salut du collège actuel à son glorieux aîné, puisque c’est par elle que se fait l’installation d’un nouveau professeur, comme l’inauguration marquait celle d’un nouvel augure.