Rapport sur les concours de l’année 1937, lu par André Bellessort

Le 16 décembre 1937

René DOUMIC

ACADÉMIE FRANÇAISE

SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE

du jeudi 16 décembre 1937

RAPPORT SUR LES CONCOURS LITTÉRAIRES

DE

M. RENÉ DOUMIC[1]
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL

lu par M. André BELLESSORT

 

Messieurs,

Parmi les 230 prix auxquels s’est élevé cette année le chiffre de votre générosité, vous me permettrez d’aller tout droit au plus beau de son prix d’Académie que vous avez décerné au livre d’un de nos grands chefs de guerre, comme nous l’avions fait naguère pour le général Mangin. Ainsi avez-vous signalé à l’attention publique ce livre du général Debeney, la Guerre et les hommes, entre les pages duquel devraient méditer tous les Français et d’abord ceux qui ont en mains les destinées de notre pays.

Ce n’est pas, s’ajoutant à tant d’autres, un livre de souvenirs de guerre. Et si l’auteur rappelle les étapes parcourues depuis les premiers jours de guerre où il occupait les fonctions de sous-chef d’état-major de la 1ère armée jusqu’à celui où, promu au commandement de cette 1ère armée, il allait entrer dans l’histoire avec le glorieux nom de vainqueur de Montdidier, c’est uniquement pour rassurer ceux qui douteraient de ses titres à traiter des questions militaires. Ah, la bataille de Montdidier ! Elle eut lieu le 8 août 1918 ! « Ce 8 août, a dit Ludendorff dans ses Mémoires, est le jour de deuil de l’armée allemande. » « Je n’ai pas beaucoup d’argent à léguer à mes nombreux enfants, remarque le général Debeney, mais je peux leur léguer cette phrase. »

La guerre finie, le général Debeney a été pendant six ans chef d’état-major général de l’armée. Il a suivi jour à jour les transformations profondes que le changement des mœurs et les progrès de la science ont apportées dans l’art de la guerre. Produits chimiques, moteur à essence, aviation, chars de combat, tout ce qui en 1914 ne faisait que s’ébaucher, s’est développé avec une vitesse et dans des proportions vertigineuses. Et ceci est à la base de tout raisonnement sur la guerre future : nous ne sommes plus en 1914.

Que cette guerre doive être une guerre de matériel, c’est l’évidence même. De là résultent d’évidentes conséquences pour la préparation en temps de paix d’une guerre toujours possible ; mais cela sans rien changer aux éternelles lois de la guerre, à tous les échelons de la hiérarchie militaire. S’agit-il du haut commandement, le général Debeney fait la première place au caractère ; il s’élève contre la théorie de Tolstoï qui abandonne le sort de la bataille au déterminisme des forces aveugles et il revendique, pour le chef digne de ce nom, « le pouvoir imparti à la volonté humaine d’arracher au hasard tout ce que la prévoyance et la ténacité sont capables de lui reprendre ». S’agit-il des officiers, le général Debeney sait l’étroitesse du lien qui les attache à des hommes « dont ils connaissent toutes les figures, dont ils ont senti la confiance dans les heures tragiques... J’ai vu des colonels pleurer comme des enfants devant le régiment qu’ils abandonnaient pour aller prendre le commandement d’une brigade, et je les en ai estimés davantage. » S’agit-il de la troupe ? « La guerre de masse demande des vertus de masse ; ces vertus de masse sont particulièrement belles parce qu’elles sont obscures ; nul panache ne magnifie ceux qui les pratiquent et c’est dans le sanctuaire de la conscience individuelle que se forme la décision et que se décerne la récompense. » Mais que ne peut-on attendre de ceux que nous avons tous vus, au retour d’une permission, quitter le milieu de famille, une atmosphère de paix et de sécurité, « pour rentrer dans la bataille, sous la menace constante de la mutilation ou de la mort, et tranquillement rejoindre leur régiment, la pipe à la bouche, les deux musettes bien gonflées et, à la main, la légendaire canne des tranchées » ? Des années ont passé : on n’a pas changé le cœur de place.

Reste une tâche essentielle : la préparation morale à la guerre, qui n’est autre que l’éducation du patriotisme. Ici, on ne saurait trop remercier l’auteur d’avoir joint, son cri d’alarme à ceux d’un maréchal Pétain et d’un général Weygand. Que penser d’un enseignement qui ne fait aucune place à l’idée religieuse, quand on sait l’admirable conduite des aumôniers militaires pendant la guerre et la part qu’ils ont eue dans la persévérance et l’esprit de sacrifice de nos poilus ? Comment comprendre la campagne qui tend à restreindre la place faite à l’enseignement de l’histoire, quand nous avons plus que jamais besoin de connaître les épreuves et les efforts de ceux qui nous ont précédés sur le sol national ? Comment admettre qu’une minorité, sans doute, mais tout de même une partie de ceux à qui est confiée l’éducation de nos enfants, fassent, avec la complicité des pouvoirs publics, profession d’être des sans-patrie ? Et par quel abandon de nous-mêmes, nous les vainqueurs de la grande guerre, nous résignons-nous à jouer, dans un monde qui nous a vus à l’œuvre, un rôle de vaincus ? Plus que toute autre, la guerre de matériel est aussi une guerre de volontés.

Ai-je réussi à vous montrer que, par la multiplicité des questions abordées, par la largeur et la précision des vues, comme par la noblesse du sentiment, un tel livre méritait d’être mis hors de pair ? J’ajoute par la valeur de l’exécution. Le général Debeney est un excellent écrivain et appartient aux grandes traditions classiques. L’ordonnance la plus régulière, la clarté et la simplicité du style, ni grandiloquence, ni étalage de sensibilité, mais une émotion contenue et une gravité de forme à l’égal de celle du sujet : un beau livre qui est une belle action.

Si l’on parcourt la liste des grands prix de littérature que vous avez décernés depuis la création de cette récompense, on constate que les prosateurs ont été favorisés aux dépens des poètes. Ceux-ci seraient-ils à la veille de prendre leur revanche ? L’année dernière, c’est un poète qui a été couronné et cette année, c’est à un écrivain poète et prosateur que le prix est allé.

C’est en effet par la poésie que, tout jeune, à la fin du siècle dernier, a débuté. M. Maurice Magre. Il avait vingt ans, il arrivait de Toulouse, sa ville natale, la cité de Clémence Isaure et des Jeux floraux, et il tenait un manuscrit sous son bras, celui d’un livre de vers qui s’intitulait la Chanson des hommes. Le jeune poète porta son manuscrit chez l’éditeur Fasquelle qui le lut, l’accepta et le publia. Cela se passait en 1898. Et les volumes de vers se succédèrent : le Poème de la Jeunesse, les Belles de nuit, le Livre et le secret, la Porte du mystère.

Du temps que Toulouse voyait naître ses premiers essais poétiques, M. Maurice Magre avait abordé la scène avec des œuvres, en vers bien entendu. Cette double inspiration, lyrique et dramatique, assoupie un temps peut-être, mais jamais éteinte, devait, quelques années plus tard, se réveiller. Vers 1906, M. Maurice Magre se mit à composer des drames en vers, Velléda, la Mort enchaînée, qui fut représentée à la Comédie-Française, Arlequin. Le défaut de certaines pièces en vers, c’est d’être prosaïques : dans celles de M. Magre bien au contraire le lyrisme était ardent, peut-être même la floraison luxuriante des images, l’abondance et l’éclat des trouvailles verbales faisaient-elles oublier l’action qui est, au demeurant, au théâtre, ce à quoi le public s’intéresse le plus.

Après la guerre, M. Maurice Magre se sentit attiré par une nouvelle forme littéraire, celle du roman historique. Il donna de vastes évocations du passé où se manifestait un goût pour la couleur du verbe, l’éclat lyrique, la richesse dans la description : Priscilla d’Alexandrie, qui faisait revivre les néo-platoniciens du IVe siècle, la Luxure de Grenade, qui dépeignait l’Espagne musulmane au XIVe, le Mystère du Tigre qui avait pour cadre Singapour et l’Océanie, le Roman de Confucius qui transportait le lecteur dans la Chine ancienne. Du roman historique qui l’avait familiarisé avec l’Orient et l’Extrême-Orient, leurs religions, leurs légendes, leurs métaphysiques, M. Maurice Magre glissa insensiblement à l’essai philosophique. De cette tendance nouvelle naquirent Pourquoi je suis bouddhiste, Magiciens et illuminés, le Sang de Toulouse, histoire de la guerre des Albigeois, qui serait le livre de prédilection de l’auteur, la Mort et la vie future...

Le prix du roman a été attribué à M. Guy de Pourtalès, connu jusqu’ici par de captivantes biographies de musiciens, la Vie de Franz Liszt, Chopin ou le poète, ajouterai-je Louis II de Bavière ? La Pêche miraculeuse est, dans l’infini de ses détails, l’histoire d’un jeune homme, né natif de la libre Helvétie, qui, ayant perdu sa mère, sera élevé par ses grands-parents, le docteur Nadal et sa femme, par les trois messieurs de Villars, son père Armand, ses oncles Léopold et Ferdinand, tous éducateurs qui le laissent plutôt s’élever lui-même. Nous le suivrons à Genève, rue des Granges, qui est le quartier des familles notables, au collège de Vevey, à Neuchâtel, à Carlsruhe où il devient un grand musicien. Et chacun de ces milieux nous sera dépeint dans l’atmosphère qui les caractérise. Son adolescence se partage entre deux jeunes filles, Louise et sa cousine Antoinette. Cette Louise, qu’il aime et dont il est aimé, fait un mariage de raison, devient mère et, l’enfant étant de son mari, en conçoit tant de remords qu’elle le supprime. Vous vous demandez si elle est folle : rassurez-vous, elle le deviendra.

Cependant la guerre éclate, la grande guerre et soudain elle purifie l’atmosphère et élève les âmes. Paul s’engage, est blessé, ballotté d’un hôpital à un autre ; désormais les diverses péripéties de la guerre forment le fond du tableau. Ai-je besoin de vous dire que cette partie du roman, qui évoque les figures de Joffre, de Foch, de Clemenceau, m’a paru la meilleure C’est la guerre, vue de cette Suisse généreuse dont nous n’avons pas oublié le dévouement avec lequel elle s’est efforcée de venir au secours de nos souffrances. La guerre est finie, et Louise s’étant, dans un accès de folie, jetée à l’eau, tout fait prévoir que Paul se conformera à l’usage séculaire du roman et que tout finira par le mariage de Paul et d’Antoinette. Histoire d’un garçon qui ressemble à beaucoup d’autres, et d’un milieu dont peu à peu tous les membres nous deviennent familiers, contée posément, sans recherche de l’effet, sans « rien de grimpé » comme disait Mme de La Fayette en se décernant à elle-même le compliment. Un fourmillement d’épisodes dont tous ne semblaient peut-être pas également nécessaires, beaucoup de promenades qu’on aurait dites jadis sentimentales et où les lèvres finissent toujours par s’unir comme au cinéma, des épisodes qui se répètent, de l’illogisme et de l’inexpliqué, un seul souci : celui de donner l’impression du réel, une pleine réussite à refléter la grisaille de la vie.

L’Académie, en décernant le prix Brieux à M. Gabriel Marcel, a ainsi récompensé, en même temps que sa récente pièce, le Dard, — qui a eu le plus flatteur succès, — l’ensemble d’une œuvre scénique encore non jouée entièrement. M. Gabriel Marcel a, dans le Dard, dessiné avec une rare intensité de vie le personnage d’un jeune Allemand exilé, Werner Schnee qui, par sa présence chez son ami français, Eustache Soreau, amènera ce dernier à prendre conscience du tourment qui ne cesse de le lanciner malgré les chances et les bonheurs de sa vie. Tout semble réussir à Eustache Soreau. Professeur et lettré, sa carrière est brillante, mais, première souffrance, il doit ses places, sa vie aisée à un régime social qu’il déteste. Issu de la classe ouvrière, il se sent infidèle à ses origines et pourtant il souffre aussi de tout ce qui les lui rappelle. Il est marié à une femme qui est charmante et dont il est tendrement aimé. Mais ses beaux-parents sont des « bourgeois » qu’il ne peut souffrir. Soreau a connu, dans ses années de jeunesse en Allemagne, ce Werner Schnee que ses opinions, et surtout sa fidélité à un camarade juif persécuté, ont fait chasser de sa patrie. Et Soreau, qui a des qualités généreuses, donne l’hospitalité à Werner Schnee et à sa jeune femme Gisela. Celle-ci, que l’exil désespère, prend peu à peu en horreur son jeune mari, et Soreau sent aussi peu à peu se transformer en aversion l’affection qu’il avait toujours eue pour son camarade. Pourquoi ? C’est que Werner, capable de l’immense sacrifice qu’il a accompli, pour obéir à un idéal de justice et de fraternité, est un vivant reproche aux yeux d’Eustache Soreau toujours harcelé par ce dard intérieur : ne pas pouvoir devenir ce qu’il voudrait être, ce qu’il devrait être. Il finit par ne plus pouvoir supporter la présence de ce Werner jadis aimé. Trahi par sa femme Gisela, Werner est enfin chassé par Soreau. Celui-ci a feint de croire que Béatrice, sa femme, et Werner ont un sentiment l’un pour l’autre, — et peut-être, en effet, l’éprouvent-ils, mais pur, mais inexprimé. Werner retourne en Allemagne non en repentant, mais en fuyard repris et qui expie sa fugue en un camp de concentration. Malgré tout il est heureux parce qu’il est d’accord avec lui-même, tandis que, à son trop pur contact, Eustache Soreau a senti s’élargir sa blessure secrète et compris l’inutilité contradictoire de ses élans opposés, de ses vaines tentatives, sans courage pour dégager ce qu’il imagine avoir en lui.

La peinture de ces deux caractères est de la plus haute valeur et confère à cette pièce une qualité tout à fait exceptionnelle. Le Dard, par l’originalité, la noblesse de sa conception, la subtilité de ses analyses de sentiments, la grande pitié humaine qui l’anime, son élan vers la fraternité des âmes et des races, mérite hautement la grande récompense que l’Académie lui a décernée.

Pour le grand prix Gobert un livre s’est tout de suite imposé, un de ces livres qui représentent, avec de longues années de travail et de patientes recherches, ce que rien ne remplace : l’amour passionné du sujet. C’est l’histoire de l’Armée d’Afrique de 1830 à 1852, par le général Paul Azan, hier encore commandant en chef des forces françaises en Tunisie. Pièces d’archives, documents officiels ou confidentiels, rapports, mémoires, correspondances, le général Azan a tout exploré, tout fouillé, et par son expérience de colonial tout animé, tout fait revivre.

Le corps expéditionnaire, chargé par Charles X, aux derniers jours de la monarchie, de venger l’insulte faite à la France par le dey d’Alger, arrivait dans un pays dont il ne connaissait ni le sol, ni les mœurs, ni les ressources, ni les méthodes de guerre. Tout était à créer, et peu à peu nous voyons naître et s’organiser ces unités nouvelles qui donneront à l’armée d’Afrique sa physionomie si particulière : zouaves, chasseurs d’Afrique, spahis, Légion étrangère. De jeunes chefs émergent des rangs qui s’appellent Pélissier, La Moricière, Cavaignac, Mac Mahon, Ladmirault, Saint-Arnaud. Ce qui donne à une armée son âme, c’est le souvenir des souffrances endurées en commun et c’est une tradition d’héroïsme. A la prise de Constantine, la mort du gouverneur général de Damrémont tué par un boulet, comme il se rendait à la batterie de brèche ; celle du colonel Combes, qui, frappé d’un coup mortel, s’applaudit d’avoir pu faire encore quelque chose pour le Roi et pour la France, regagne seul son bivouac, se couche et meurt. C’est la victoire de Bugeaud à l’Isly, la bravoure légendaire des défenseurs de Sidi-Brahim, la lutte contre cet ennemi insaisissable qu’est Abd el Kader, la prise de la Smala par un général de vingt et un ans, le duc d’Aumale.

On a dit souvent, et combien justement ! que les expéditions coloniales étaient le champ d’expérience de la bravoure française. On a non moins souvent contesté qu’elles fussent propres à former des chefs pour les guerres européennes. Nous n’aurons garde d’entrer dans un tel débat. Nous nous bornerons à rappeler que dans la plus grande des guerres de l’histoire, qui est celle de 1914, un Gallieni, un Joffre étaient des coloniaux, et que des chefs avaient fait leur apprentissage en Afrique, qui se sont appelés Mangin, Gouraud, Marchand, et combien d’autres.

Aux dernières pages du livre le général Azan, résumant l’œuvre accomplie par l’armée d’Afrique, évalue l’aide immense apportée par elle à la colonisation. « Cette armée, écrit-il, fit d’abord régner la sécurité, sans laquelle aucun établissement agricole n’est possible ; elle assura les com­munications grâce à des routes ; elle édifia des hôpitaux, des casernes, des magasins, premiers éléments des villes futures ; elle fertilisa des marais insalubres comme ceux de la Mitidja pour les livrer à la culture ; elle fit vivre par ses besoins les premiers commerçants ; elle construisit les maisons et prépara les terrains des colons. » D’un mot, nous lui devons notre France d’Afrique. Le général Azan lui a payé notre dette de reconnaissance en écrivant ce livre qui restera comme un monument à son honneur, et c’est ce dont l’Académie a voulu le remercier en lui attribuant le prix Gobert dont il continue dignement la brillante tradition

Nombreux sont, à l’heure actuelle, les critiques et les historiens des lettres qui, séduits par le génie d’un écrivain, s’attachent à lui, en veulent tout connaître, partent à la recherche de tout ce qui peut le faire revivre, entrent dans son intimité, tant et si bien qu’ils s’instituent son confident, qu’ils assistent à la naissance de ses œuvres, de ses rêves et de ses ambitions et ne s’arrêtent qu’au bord de ce qui est impénétrable, étant divin, le secret de son génie. Nous admirons leur patience et leur ingéniosité, mais eux seuls savent quelles sont leurs joies. M. Paul Dimoff, à qui vous avez attribué un prix d’Académie, est de ceux-là. Il a fait, de l’étude d’André Chénier, l’occupation de toute sa vie de savant. Après nous en avoir donné une édition qui fait autorité, voici qu’il nous apporte, sous le titre la Vie et l’œuvre d’André Chénier, une étude copieuse et minutieuse sur le poète avant la Révolution.

M. Dimoff montre André Chénier au Collège de Navarre où le savant Buisson l’initie aux conquêtes de la science moderne, et où il contracte les fameuses amitiés de sa vie avec les frères Trudaine et François de Pange. Il nous le montre partageant avec une égale ardeur sa fougueuse jeunesse entre l’étude et le plaisir. Il le suit en Alsace où, envoyé comme volontaire au régiment de Strasbourg, il s’ennuie ; en Italie où il prend contact avec les monuments de l’art antique ; en Angleterre où, secrétaire de l’ambassadeur M. de La Luzerne, il éprouve, d’un métier subalterne, les mêmes dégoûts que jadis à Rome du Bellay auprès de son oncle le cardinal. Et sur toutes ces parties de la biographie du poète, l’étude de M. Dimoff jette une lumière toute nouvelle.

Mais c’est l’œuvre surtout qui nous intéresse. André Chénier n’est encore le poète ni de la Jeune captive, ni des Iambes. On sait quelle était sa manière de jeter sur le papier l’amorce d’une œuvre dont il remettait à plus tard l’achèvement. Ce qu’une pareille méthode a de dangereux, le poète lui-même s’en est bien rendu compte :

Peut-être il vaudrait mieux, plus constant et plus sage,
Commencer, travailler, finir un seul ouvrage ;
Mais quoi ! cette constance est un pénible ennui.

Esprit mobile et changeant, Chénier a peine à s’intéresser longtemps de suite à une même idée : « Je suis maîtrisé par mon imagination : elle est capricieuse et je cède à ses caprices. » Aussi, innombrables sont les ébauches, peu nombreuses sont les œuvres achevées ; mais celles-ci s’appellent les Elégies, les Bucoliques, l’Invention, l’Aveugle, la Jeune Tarentine, l’Hymne à la nuit. D’après les unes et les autres, nous pouvons nous faire une idée de cette poésie nouvelle que nous apportait André Chénier, aux dernières années d’un siècle si étranger à toute espèce de poésie. Nouvelle par les idées et les sentiments, antique par la forme :

Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques.

Les pensers nouveaux, ce sont ceux qui procèdent des découvertes de la science. Chénier avait conçu, sous le nom de l’Hermès, un poème où, s’inspirant des théories de Buffon sur les époques de la nature, il nous aurait donné l’équivalent du De natura rerurn de Lucrèce. On sait, par ailleurs, que Chénier était un disciple convaincu des philosophes de son temps : de Montesquieu à Rousseau et à Voltaire, dont il dépassait l’irréligion, étant, suivant le mot de Chênedollé, « athée avec délices ».

Les vers antiques, c’est la forme portée à la perfection par les anciens dont nous n’avons qu’à étudier les modèles et à suivre les leçons. Ici, Chénier apparaît comme un pur classique. Il s’accorde avec Boileau pour penser que « rien n’est beau que le vrai » qu’il appelle « le naïf », entendant par là les « sentiments si purs, si simples, des pensées si éternelles, si humaines, si nôtres, si profondément innées dans l’âme, que les âmes de tous les lecteurs les reconnaissent à l’instant ».

Comment s’expliquer alors que les romantiques se soient annexé ce disciple de La Fontaine et de Boileau ? L’usage s’est établi de considérer cette adoption comme une erreur des romantiques, soucieux de se chercher des ancêtres. M. Dimoff s’attarde au contraire à la justifier et c’est la conclusion de son étude. Ce n ‘est pas seulement par ses idées philosophiques, sociales et politiques que Chénier est un homme du XVIIIe siècle, mais aussi bien par sa conception de la littérature. Car, en vain essaie-t-on d’échapper à son milieu et on ne se refait pas, dans une société moderne, une « âme antique ». Ce retour même à l’antiquité était une tendance générale dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. On assistait aussi à un réveil de la sensibilité et de l’imagination. La passion, considérée jusque-là comme une faiblesse, était tenue, — au dire de Rousseau, — pour un privilège et le signe d’une haute valeur morale. Chénier dira :

L’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète.

Comme Musset après lui :

Ah ! frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie !

« Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, écrit M. Dimoff, ont coexisté deux grands courants… le courant postclassique et le courant préromantique... L’originalité de Chénier est d’avoir tenté et réalisé ce tour de force d’associer dans son œuvre les tendances contradictoires de ces deux courants. Respectueux du passé, il se refuse à lui sacrifier le présent et l’avenir. Il est tout ensemble traditionaliste et novateur. » Ainsi M. Dimoff le réintègre dans la suite de notre littérature. Il le relie à tout ce qui précède et ce qui suit. Ce n’est pas un médiocre service qu’il rend à l’histoire littéraire. Reste à savoir à quoi tient le « mystérieux pouvoir de séduction du poète ». Mais c’est ici le secret du génie dont nulle analyse ne rend compte, la limite au delà de laquelle tout le reste est mystère.

Le zèle et la longue patience que M. Dimoff a mis à célébrer la vie et l’œuvre d’André Chénier, M. Maurice Levaillant les a appliqués à Chateaubriand et, plus particulièrement à ses dernières armées, aux Mémoires d’outre-tombe. Le fruit de cette laborieuse et savante application a été un gros volume, Chateaubriand, Madame Récamier et les Mémoires d’outre-tombe, auquel vous avez décerné le prix Botta, et qui est d’ailleurs complété par deux autres gros volumes, Deux livres des Mémoires d’outre-tombe : Séjour à Venise et Madame Récamier.

Lors d’une première lecture, remontant à bien des années, M. Levaillant s’est aperçu que cette grande œuvre ne nous était parvenue qu’après maintes vicissitudes, d’où elle était sortie mutilée et défigurée. L’histoire des Mémoires d’outre-tombe restait tout entière à écrire. Il s’agissait, pour cela, de « suivre pas à pas Chateaubriand dans l’élaboration de cette œuvre suprême ; de reconstituer ses sentiments au fur et à mesure que sa tâche se déroule ; de refaire son travail avec lui et lire pour ainsi dire par-dessus son épaule » ; de mesurer les influences qu’il a subies au cours de sa rédaction, et d’abord l’influence principale, celle que Mme Récamier lui impose par une persuasion lentement victorieuse ; de s’installer par conséquent dans le salon de l’Abbaye-aux-Bois. Tâche ardue et délicate que M. Levaillant, fouillant les archives, dépouillant les correspondances, récoltant les inédits, a menée à bonne fin pour le plus grand bien de l’œuvre qu’il avait entrepris de restaurer.

Il prend les choses au lendemain de cette révolution de Juillet où Chateaubriand, fidèle à la branche aînée, se retire de la vie publique et se drape dans son loyalisme. Fonctions, dignités, il se dépouille de tout ce qu’il devait au régime déchu, et, dans sa frénésie de renoncement, il va jusqu’à offrir sa démission d’académicien. Mais, s’il est parfois difficile de devenir académicien, il est impossible de cesser de l’être. Et Chateaubriand est obligé, malgré qu’il en ait, de continuer de toucher l’indemnité attachée à son fauteuil académique, modeste à vrai dire puisqu’elle s’élève à neuf cents et quelques francs. Désormais, il ne sera plus rien et le vide de son existence ne sera rempli que par la sollicitude d’une incomparable amie, et par la composition de ses Mémoires.

A cette histoire, M. Levaillant, qui a le goût des sous-titres piquants, pourrait donner celui de Mésaventures d’un chef-d’œuvre. Commencés en 1809 au lendemain des Martyrs, continués, abandonnés, repris, ils vont être sans cesse corrigés, amendés, remaniés, au gré non seulement de l’auteur, mais du petit cercle d’intimes qui composaient le monde de l’Abbaye. On sait que pour faire respirer à son illustre ami, dont s’écartait la nouvelle génération, un peu de l’encens dont sa vieillesse ne pouvait se passer, Mme Récamier avait organisé des lectures réservées à quelques privilégiés, parmi lesquels Sainte-Beuve et Edgar Quinet. Chateaubriand arrivait vers les deux heures et portant dans un mouchoir de soie les feuillets qu’il disposait sur un guéridon, à la portée des deux lecteurs qui étaient Ballanche et Jean-Jacques Ampère. On admirait, on commentait, et Chateaubriand remaniait, remaniait, remaniait.

Cependant, un cruel souci pesait sur la vieillesse obérée du grand homme en dépit des neuf cents francs de l’indemnité académique ; et les dettes s’accumulaient. Chateaubriand dut vendre, en 1836, à une Société, la propriété littéraire des Mémoires. Chateaubriand recevait cent cinquante-six mille francs comptant et une rente viagère de douze mille francs réversible sur la tête de Mme de Chateaubriand. C’était la sécurité matérielle ; mais il avait hypothéqué sa tombe.

Le malheureux manuscrit n’était pas au bout de ses peines. Vers le mois d’octobre 1844, on apprend à l’Abbaye qu’Émile de Girardin a arraché, à la Société propriétaire un contrat scandaleux : le droit de publier les Mémoires dans son journal la Presse, avant qu’ils paraissent en librairie. Eh quoi ! paraître en feuilletons, comme un roman d’Alexandre Dumas ou d’Eugène Sue ! paraître par morceaux, sans respect des divisions savantes et des perspectives ingénieusement ménagées par l’auteur !

Ce fut une consternation dans le petit monde de l’Abbaye, indigné qu’une pareille œuvre eût à passer par « l’ignoble filière du feuilleton ». Chateaubriand s’essaie à une architecture nouvelle, et soumet son travail à un petit comité composé par Mme Récamier, Ballanche, Ampère, M. et Mme Lenormand, Paul David, le duc et la duchesse de Noailles ; il corrige le texte adoucit plus d’un trait, barre des lignes, supprimé des paragraphes entiers, et, principale amputation, la moitié du livre sur Venise.

Chateaubriand meurt le 4 juillet 1848. La publication commence dans la presse le 21 octobre 1848, pour s’arrêter le 28 décembre. Elle reprend le 9 juin 1849, est suspendue le 30 juin, reprise le 13 octobre, interrompue jusqu’au 1er novembre et, après le 4 novembre, interrompue plus de trois mois. L’œuvre ainsi découpée avait perdu « sa majestueuse ordonnance et, son harmonieuse unité ». Les innombrables chapitres s’y succédaient sans lien. La publication qui suivit en volume fut, au dire de Sainte-Beuve, « un immense désappointement ». L’opinion s’établit que les Mémoires d’outre-tombe étaient une œuvre manquée qui se sentait de la sénilité de l’auteur.

C’est cinquante ans après la mort de Chateaubriand que l’heure de la justice allait sonner. Le savant Edmond Biré, connu surtout par son hostilité à la mémoire de Victor Hugo, chargé de donner une édition nouvelle des Mémoires, en entreprit une restitution. Il s’efforça, sans y réussir qu’en partie, de rendre à l’ouvrage les lignes maîtresses de son ordonnance. Il apparut ainsi, tel qu’il est en réalité, un livre d’histoire écrit par un poète, le poème du souvenir, de la vieillesse et de la mort. Le revirement fut complet. On peut souscrire à la conclusion de M. Levaillant : « Nul aujourd’hui, conclut M. Levaillant, ne se refuse à voir dans les Mémoires d’outre-tombe le chef-d’œuvre de Chateaubriand, mieux : l’un des livres capitaux du XIXe siècle. » Mais en ajoutant que nul plus que le diligent commentateur n’aura contribué davantage à nous le faire mieux comprendre, c’est-à-dire mieux admirer et mieux aimer.

C’est à Flaubert que s’est consacré M. René Dumesnil à qui vous avez attribué le prix Broquette-Gonin. Il y a un peu plus de trente ans, M. René Dumesnil publiait son premier livre sur Flaubert. Depuis lors il n’a plus quitté une étude dont il est devenu le spécialiste, profitant de tous les documents nouveaux mis en circulation, et avant tout, de la monumentale édition de la Correspondance générale, et il n’a pas craint, sur certains points où il a reconnu s’être trompé, de changer d’opinion. Un point qu’il a admirablement mis en lumière est la sensibilité de celui qu’on a longtemps accusé de misanthropie et de dureté de cœur, sensibilité cachée, sensibilité de timide qui s’abrite sous une apparence de brutalité et de brusquerie. Ce grand impassible n’a jamais connu de plus grand bonheur que d’obliger autrui. On le vit bien lors de la ruine de sa nièce Commanville à la manière dont il fit le sacrifice de sa fortune et, dit un contemporain, abandonna 1.200.000 francs, comme on donne mille écus.

Qu’il y eût en lui deux tendances, l’une au lyrisme, l’autre au réalisme, lui-même s’en rendait compte et nous a donné ainsi la clef de son œuvre. Et tout de même il eut besoin qu’on l’aidât à choisir. C’est un piquant épisode que la lecture faite par Flaubert à un jury composé de ses deux amis, Louis Bouilhet et Maxime Du Camp, qui avaient juré de dire la vérité, toute la vérité, sur la première rédaction de la Tentation de saint Antoine. Trois jours durant il lut devant ses auditeurs muets. Quand ce fut fini : « Nous pensons, lui dirent-ils, qu’il faut jeter cela au feu et n’en jamais reparler. » Ils s’expliquèrent : « Mets ton lyrisme au pain sec. Prends un sujet terre à terre, comme ceux de Balzac, comme sa Cousine Bette. Astreins-toi à le traiter sur un ton naturel, familier. » Et le lendemain Bouilhet proposait : « Pourquoi n’écrirais-tu pas l’histoire de Delamain ? » Delamain avait été l’interne du docteur Flaubert. Etabli à Ry non loin de Rouen, ses malheurs conjugaux avaient occupé les amateurs de scandales et sa femme s’était finalement empoisonnée. Ce fut Mme Bovary où chaque personnage, chaque détail est emprunté à la réalité. Seuls les noms sont changés. Pas un personnage qui n’ait été copié sur le modèle vivant, jusqu’au perroquet de Un cœur simple ; pas un dont Flaubert n’ait connu l’original.

Flaubert a été jusqu’ici l’auteur de Mme Bovary. M. Dumesnil nous propose une nouvelle classification de ses œuvres. Celle qu’il met en tête c’est l’Education sentimentale qui ne s’était jamais relevée de l’insuccès qui l’accueillit lors de sa publication et que de bons juges ont tenu pour un livre manqué dont il se dégageait une forte dose d’ennui. « L’Education sentimentale, écrit-il, qui est en vérité non seulement son chef-d’œuvre, mais l’un des trois ou quatre grands chefs-d’œuvre du roman moderne... » Autre chef-d’œuvre : Bouvard et Pécuchet ; il paraît qu’on s’est mépris sur la portée et même sur le sens du livre. Et M. Dumesnil découvre qu’à mesure que se déroule l’aventure de ces deux imbéciles, Flaubert change d’opinion sur eux, les prend en pitié, voire en estime, parce qu’après tout ce qui les inspire c’est le besoin de s’instruire. J’aime mieux croire que Flaubert a eu la vision nette et dirai-je prophétique de ce que deviennent les idées de la science quand elles passent par certains cerveaux comme nous en voyons tant aujourd’hui et à qui nous remettons le soin de notre destinée.

Les historiens de la littérature qui arrivent les bras chargés de leur documentation, de leurs dossiers sans cesse nourris d’inédits, ne portent-ils pas préjudice aux essayistes ? L’essayiste est de caractère discret, sa documentation, qui n’en est pas moins réelle, n’apparaît que peu et il s’accommode mal de trop forts volumes. A notre époque de « civilisation quantitative », l’essayiste serait-il déshérité et ferait-il figure de parent pauvre ? L’Académie ne l’a pas pensé et, en la personne de M. Charles Du Bos, qui a reçu le prix Née, elle a voulu tirer l’essai et les essayistes de leur clair-obscur.

M. Charles Du Bos est un de ces hommes que la grande publicité ignore, qui vivent à l’écart du monde, dans une retraite sévère et presque monastique. Sa robe de chambre semble faire partie de sa personne. Il ne s’occupe point de l’actualité, et il ne lui arrive jamais d’écrire dans les journaux. Peu de personnes se doutent que dans cette soli­tude il joue de plus en plus pour une partie de la jeunesse, le rôle d’un guide spirituel et d’un directeur de conscience, et que son jugement fait autorité.

L’originalité de M. Du Bos et sa situation singulière dans la littérature lui viennent d’une connaissance profonde des lettres étrangères. Sa famille est de Bordeaux, et, comme beaucoup de grandes familles bordelaises, a. des liens et des hérédités anglaises. Peut-être peut-on parler aussi, dans son cas, d’un goût de l’analyse morale et d’une sorte de passion pour la révision des valeurs, qui le rattachent à l’école de Montaigne. Le titre même de ses études n’est pas sans rappeler, plus ou moins consciemment, son illustre devancier. Montaigne a écrit des Essais. M. Charles Du Bos, par modestie, ne se propose pas de saisir toute la vérité, mais seulement d’en approcher. Ses études sont trop profondes pour mériter le nom d’esquisses. Il aime à revenir plusieurs fois sur le même sujet, et à procéder, à la manière des peintres ou des sculpteurs, par ce qu’il appelle des « maquettes » ou des ébauches successives. Il a donné à son œuvre le titre significatif d’Approximations.

M. Ch. Du Bos a une méthode personnelle, qui est très éloignée de celle de Sainte-Beuve, et de ce qu’on peut appeler la méthode anecdotique les événements extérieurs, les faits de la biographie, y entrent à peine en ligne de compte. La vie d’un artiste ou d’un poète consiste uniquement à ses yeux dans un développement intérieur. M. Du Bos a consacré ainsi à un certain nombre de « cas » des études magistrales. Son livre sur Byron, ses études sur Goethe et sur Nietzsche, sont des ouvrages qu’on ne peut comparer qu’au Keats et au Shakespeare d’un Middleton Murry. Une partie de l’effort de l’auteur s’est consacrée au commentaire des poètes français contemporains, notamment à la poésie de M. Paul Claudel ou du roman de M. Mauriac. Les mêmes qualités se retrouvent dans un Journal, qui est un document comparable par endroits à celui d’Amiel.

Une nouvelle fondation a été instituée sous le nom d’Henri Dumarest en mémoire d’un jeune disparu en faveur d’un jeune écrivain. Les arrérages en ont été attribués cette année pour la première fois. M. Thierry Maulnier en a obtenu la plus grosse part. Ses livres sur Nietzsche, sur Racine ont été un magnifique début ; ils ont tout de suite attiré l’attention du public et permettent d’espérer, comme dit le poète, que u les fruits passeront la promesse des fleurs ».

L’Académie, qui n’a qu’un prix du roman, serait fort embarrassée pour récompenser des œuvres où se manifeste à la fois un grand talent et une forte originalité, si elle ne disposait de prix divers, prix d’ensemble ou prix destinés à un seul livre, qu’elle est heureuse d’attribuer, quand le libellé de la fondation le permet, à des romanciers. C’est ainsi que, cette année, elle a décerné le prix Vitet à M. Edouard Peisson. M. Edouard Peisson a débuté il y a une dizaine d’années par un court roman, Ballero, capitaine, dont le sujet est un drame étrange de la mer : un cargo abordé par un autre navire est considéré comme perdu ; son équipage l’abandonne : seul, le capitaine reste à bord de l’épave ballottée par les vents et les vagues et y vit comme Robinson dans son île jusqu’à ce que la mort mette fin à son a quart » désespéré. Ce roman était bientôt suivi de Courrier de la Mer blanche, récit de la traversée d’un cargo, pendant la guerre, de Marseille à Arkhangelsk : aucune intrigue, rien que des événements de mer ou d’escale, mais, si saisissants que de l’ensemble naissait une émouvante impression de réalité.

Dès ce moment-là M. Edouard Peisson révélait son beau talent fait d’une profonde connaissance de la mer et des marins, — il a été officier de la marine marchande, — et d’un art de décrire à la fois sobre et puissant. Peu d’écrivains savent comme lui rendre sensible la mer avec son aspect, sa couleur, son humeur changeante, ses transformations soudaines, ses accalmies et ses colères, donner l’illusion du vent et de sa saveur, exprimer la perfidie d’une brume qui tout à coup se lève à l’horizon. Mais ce sont surtout les hommes, les gens de mer, qui l’intéressent, simples et rudes matelots aussi bien qu’officiers ; et il sait les peindre de telle façon que le lecteur les voit vivre devant lui avec leur passé, leur caractère, les traits de leurs visages, leurs habitudes, leur allure, leurs manies, leurs gestes familiers, leurs tics. C’est ce remarquable don de créer des êtres vivants, de les montrer physiquement et moralement au cours de scènes où, peu à peu, se révèle leur individualité qui donne une très haute valeur à Parti de Liverpool, Gens de mer, Passage de la Ligne, Mer baltique, le Pilote. Ajoutez un goût pour les sujets simples, d’une sévérité nue, dépouillés de tous vains ornements.

Dans le premier grand roman de M. Edouard Peisson, Parti de Liverpool, où abondent les portraits minutieux et fouillés, la tragédie est concentrée dans le « carré » des officiers et sur la passerelle : les officiers apprennent qu’un vice de construction met le paquebot Étoile des Mers à la merci du moindre incident de mer et le pathétique naît des constatations qui, progressivement, dans une atmosphère de mystère et d’angoisse, les confirment dans cette idée, jusqu’au moment où la catastrophe prévue se produit. L’auteur aurait pu égayer son récit par des tableaux de la vie des passagers à bord, mais il a dédaigné ces agréments. A la manière des grands classiques, il a préféré limiter son sujet dans l’espace et dans le temps, concentrer toute la lumière sur les réactions psychologiques de chacun des officiers devant l’inquiétante réalité qui, chaque jour, se dévoile à eux ; — et le drame en devient plus poignant.

Le prix Calmann-Lévy a été attribué à M. Robert Bourget-Pailleron. Essayiste délicat, critique très informé du mouvement littéraire et du théâtre contemporains, M. Robert Bourget-Pailleron s’est, depuis plusieurs années déjà, consacré au roman et il y a brillamment réussi. Après avoir donné dans Champsecret une forte étude de vie provinciale, analysé dans le Pouvoir absolu la curieuse psychologie d’une femme avide de domination et qui cherche à communiquer à celui qu’elle aime, de volonté faible, son ardeur à l’action et ses dons d’intrigue, il avait été attiré par l’étude de caractères et de situations étranges. Dans l’Homme du Brésil, un pauvre diable d’employé usé par la vie est hanté par une idée fixe : retrouver son fils disparu depuis de longues années. Il croit le reconnaître dans un directeur de banque, puissant lanceur d’affaires, mais l’enquête qu’il fait mener n’aboutit qu’à déchaîner une violente campagne de diffamation contre le banquier qui, d’ailleurs, n’est pas son fils. Dans Menaces de mort, nous voyons un exalté abandonner famille et situation pour préparer un attentat contre un homme politique, mais renonçant à son projet dès qu’il sait le politicien en butte aux louches machinations d’un parti adverse.

Depuis, M. Robert Bourget-Pailleron, étendant son observation, si singulièrement perspicace, a traité des sujets d’une plus large humanité. Ce qui l’a frappé dans la société contemporaine, c’est l’importance qu’y prennent les questions d’argent et les affaires. Dans Cœur de Russie l’amour éclot entre deux signatures de contrat et deux opérations de Bourse et une jeune femme devient infidèle parce que son séducteur, hardi spéculateur, a plus d’envergure et de prestige que son mari, modeste et ponctuel employé. Mais le roman où M. Robert Bourget-Pailleron a le mieux rendu cette interprétation de la vie sentimentale et du drame des grandes affaires, c’est la Route de Berlin.

Deux administrateurs de sociétés doivent se rendre à Berlin pour conclure un accord avec des industriels allemands. L’un d’eux, Bernard Chandon, part ; l’autre, Claude Masselot, s’accorde un jour de retard. La raison ? c’est qu’il doit passer ce jour en compagnie de sa maîtresse dans un discret appartement. Mais le destin trouble ce beau programme. Masselot est soudain atteint d’une crise néphrétique qui l’immobilise dans la garçonnière. Impossible de partir pour Berlin. Masselot décide de convoquer son secrétaire à qui il raconte une histoire de haute fantaisie. Que la maîtresse disparaisse et se cache, car le secrétaire, légèrement intrigant, ne doit pas la voir... En effet cette maîtresse n’est autre que l’épouse de Bernard Chandon qui, en ce moment même, discute avec les Allemands sans se douter de son malheureux sort. Bref, Masselot est victime de la comédie qu’il a montée et qu’il doit continuer de jouer en simulant un retour de Berlin. Le plus vexant, c’est que les négociations de Berlin ont abouti sans que Masselot s’en soit mêlé. La vérité se fait jour ; mais l’influence et le prestige de l’administrateur-délégué sont en baisse ; ses affaires vont mal. Et finalement il reviendra à sa femme qu’il avait délaissée quand la chance le favorisait. Cela pourrait s’intituler « le jeu de l’amour et des affaires » et l’auteur y a peint avec un rare bonheur quelques aspects frappants de notre temps.

Le prix Paul Flat, pour le roman, est destiné à récompenser un jeune auteur entre trente et quarante ans. Mme Jacqueline Marenis qui l’obtient pour son premier roman est en effet un jeune auteur, fort éloigné des quarante et même des trente années de rigueur. Ce roman, Tout l’or du monde, portait primitivement le titre, mieux adapté au sujet, Entre deux races. Le personnage principal en est, en effet, un métis, Radjpat Hamin, né des rapports d’une Hindoue avec un blanc, Philip Mundy, qui a abandonné la mère et l’enfant. Sang mêlé, Radjpat Hamin tient de sa double origine une mentalité ambiguë. Tourmenté, inquiet, dissimulé, indéchiffrable, il s’enveloppe d’une sorte de mystère. Il a fait tous les métiers, s’est poussé avec audace, avec cynisme, et, venu en Europe, a revêtu de culture européenne sa nature d’Asiatique. Aujourd’hui, subventionné par le gouvernement de Sa Majesté pour la propagande britannique, il a par ailleurs des accointances dans le parti indigène : il touche des deux mains. Ambitieux et plus encore vaniteux, un sentiment plus que tous les autres habite son âme obscure, le besoin de la vengeance. Se venger du mépris qui s’attache à l’homme de couleur, se venger surtout de la famille dont le chef l’a abandonné. Atteindre cette famille dans l’un de ses membres. A tout prix provoquer le scandale.

Le hasard veut qu’une fille de Mundy, Maggie, soit une déséquilibrée. Faible et ardente, elle est avide de plaisirs. Fiancée à un officier de lanciers, Dick Erskine, elle dédaigne cet amour honnête et paisible. Un attrait trouble et puissant l’entraîne vers le métis : c’est le goût du vertige, l’appel de l’abîme. Elle se donne à Radjpat Hamin, qui la traite en vainqueur brutal, l’initie aux paradis artificiels et par l’abus des stupéfiants l’achemine vers une mort ignominieuse.

Tel est l’être répugnant et odieux qu’au cours d’une émeute soulevée par lui, et pour le soulagement du lecteur, l’ex-fiancé de Maggie abattra de deux coups de revolver. L’auteur a su le peindre avec une rare pénétration psychologique et évoquer autour de lui un milieu dont l’exotisme a la saveur de la chose vue.

Un tel début révèle des dons incontestables que Mme Marenis, l’Académie en a la conviction, aura à cœur de développer par le travail, le souci de l’œuvre longuement méditée et murie, harmonieusement composée.

Parmi les prix de l’Académie, l’un d’eux a été décerné à M. André Fontainas, un des poètes les plus représentatifs de l’école symboliste et à qui plusieurs ouvrages sur Frans Hals, Courbet, Constable, la peinture de Daumier, Bourdelle ont assuré une place éminente parmi les critiques et historiens de l’art. Un autre prix d’Académie a été attribué au livre sur Ibsen de M. Lugné-Poé. M. Lugné-Poé a partagé avec M. André Antoine l’honneur de révéler Ibsen au public français. Le premier, il a fait jouer et interprété lui-même au Théâtre de l’œuvre, qu’il a créé et maintenu pendant de longues années au prix des pires difficultés, les chefs-d’œuvre du grand auteur dramatique norvégien qu’il a connu personnellement à Oslo. C’est également un prix d’Académie qui a récompensé M. André Joubin pour la Correspondance d’Eugène Delacroix, qu’il a publiée en accompagnant les lettres d’un commentaire disert qui apporte de précieuses informations inédites, souvent même les plus curieuses révélations sur l’existence et l’œuvre du grand artiste.

Un prix d’Académie encore à Mme Etienne Du Castel. Le livre que Mme Etienne Du Castel intitule Ma grand-mère Christine de Pizan est un pieux hommage à une grand-mère, qui est en vérité une très arrière-grand-mère, ayant vécu au temps de Charles V, de Gerson et de la Pucelle. Cette Christine de Pizan, fille du maître Thomas Pizzano, astrologue du roi, est l’ancêtre de toutes nos femmes auteurs. Elle a les défauts de plusieurs de ses filles, dont le premier est la prolixité, et ceux de son temps dont le plus caractéristique est l’usage et l’abus de l’allégorie. Au début de sa Cité des Dames, elle voit apparaître trois dames couronnées de pierreries, pompeusement ornées de voiles et de manteaux qui sont Raison, Droiture et Justice. Ces trois dames, si elles ne sont que de vaines images, ont été quand même les inspiratrices de son œuvre, abondante, généreuse et si noblement française. Et alors, une question se pose. M. Hanotaux, dans la belle préface dont il a fait précéder le livre, se demande : « Comment cette étrangère a-t-elle pu sentir la foi en la cause nationale mieux que de savants hommes... et se mettre carrément, du premier coup, avec Jeanne d’Arc ? Comment cette étrangère a-t-elle pu prendre le ton de la langue et de la poésie nationales, jusqu’à une note qui ne se retrouve que dans Villon et La Fontaine ? » A cette question, le nouveau biographe de Christine répond justement : « Il suffit à sa gloire d’avoir été le champion de l’idéal chevaleresque... Celle qui eut pitié des humbles en ce temps « d’horreur et de damnation »..., celle enfin qui sut, à côté des misères, reconnaître les grandeurs de son siècle, le règne fécond de Charles V et contre les beaux maîtres eux-mêmes la mission rédemptrice de Jeanne d’Arc. »

S’il reste à craindre l’ennui que dégage cette œuvre, prose et vers, d’une égale platitude, pour tous lecteurs qui ne seront pas de purs érudits, il en surnage ces vers auxquels fait écho le battement de tous les cœurs français :

Une fillette de seize ans
N’est-ce pas chose fors nature
A qui armes ne sont pesans
Mais semble que sa nourriture
Y sort, tant y est forte et dure,
Et devant elle vont fuyant
Les ennemis, ne nul n’y dure :
Elle fait ce, maints yeulx voyants.
Ne percevez-vous, gent aveugle,

Que Dieu a ici la main mise ?

Celle qui a rendu ce témoignage contemporain à notre sainte nationale, méritait sans doute le pieux hommage que lui a rendu son arrière-petite-fille et que l’Académie a tenu à récompenser.

L’année 1936, où revenait le troisième Centenaire du Cid, nous a valu de précieuses études sur Corneille. Celle de M. Armand Le Corbeiller, que vous avez récompensée d’un prix d’Académie et qui s’intitule Pierre Corneille intime, est uniquement biographique. Elle nous charme et nous émeut en évoquant autour du grand poète la paisible atmosphère d’une vie de famille, bourgeoise et, en très grande partie, provinciale, car c’est seulement en 1662 que les deux frères se décident à quitter Rouen. Pierre Corneille a cinquante-six ans, et son biographe ne risque pas de se tromper en imaginant le déchirement que ce dut être pour lui d’abandonner ce qui, jusqu’alors, était le cadre de sa vie.

Aussi bien cette nouvelle période, parisienne, de la vie de Corneille devait lui être féconde surtout en chagrins. La vieillesse est venue : le poète sent le succès lui échapper auprès d’un public nouveau qui, fatigué du spectacle des mâles vertus, ne vibre qu’aux passions de l’amour. Un jeune rival l’évince à la scène. Voici venir les embarras d’argent, la pension supprimée. Et les deuils se succèdent : un fils, Charles, meurt de maladie ; un autre, lieutenant de cavalerie, est tué au siège de Grave. L’ombre s’étend...

Rappelons-nous que Corneille est à peu près le seul que les romantiques aient exclu de leur anathème à l’adresse des écrivains classiques. Or, sa vie est l’éclatant démenti d’une de leurs plus chères théories. Point d’orages désirés. Aucun de ces désordres, condition indispensable du génie, mais la preuve que le génie, même eût-il couleur romantique, s’accommode d’une atmosphère paisible où se réunissent toutes les vertus familiales.

C’est à Corneille encore, à son œuvre, et à vrai dire, à la moindre partie de cette œuvre, à ses premières comédies, que M. Louis Rivaille consacre sa volumineuse étude sur les Débuts de Corneille, récompensé encore d’un prix d’Académie. Elles sont charmantes, ces premières comédies de Corneille. L’auteur est jeune et il est amoureux. Ses personnages le sont à sa ressemblance. Comme beaucoup de provinciaux, il veut être plus parisien que les Parisiens. Il place ses comédies dans un cadre de bel air, la Galerie du palais, où le beau monde se rencontrait devant la boutique du libraire ou de la marchande de dentelle, la Place royale, qui était la promenade à la mode. Désireux de plaire à la bonne société, il s’attache à mettre à la scène les usages, les sentiments, la conversation de ceux qu’on appelait alors les honnêtes gens. Il cherche le succès dans l’actualité et fait de sa comédie le reflet de la vie contemporaine. Il s’attache aussi à rompre avec la bouffonnerie et la grossièreté de la comédie d’alors. « On n’avait jamais vu jusque-là, dit-il dans l’examen de Mélite, que la comédie fit rire sans personnages ridicules tels que les valets bouffons, les parasites, les capitaines, les docteurs. » Et il précise son dessein : mettre à la scène « une peinture de la conversation des honnêtes gens. » M. Rivaille n’a garde de contester aucun de ces titres. Mais il s’élève contre l’opinion consacrée que les comédies de Corneille, avec leur tour enjoué et leur légèreté, ne laissent pas prévoir le caractère héroïque, la profondeur et la puissance qui vont bientôt se manifester dans l’œuvre du grand tragique.

M. Rivaille note, chez les personnages de ces six comédies, le besoin de se connaître eux-mêmes, de s’analyser, de discuter à leurs propres yeux leurs raisons de se déterminer, en pleine possession de leur libre arbitre et de leur volonté. C’est le drame moral qui fait son entrée au théâtre, en sorte que, d’une certaine manière, dans ces jeunes mondains nous voyons se dessiner les traits du « personnage cornélien ». Ainsi, écrit-il, dans les pièces de sa jeunesse, « germe tout ce qui sera Corneille, tout ce qui fera l’originalité de son œuvre, la force de son théâtre ; son succès auprès de ses contemporains et sa grandeur devant la postérité... En cela les six premières pièces de Corneille méritent de se voir reconnaître, par tous les amateurs de théâtre et même par tous les amis des Lettres, un caractère presque sacré. »

Ainsi, dans les comédies de Corneille, c’est à l’annonce de son prochain théâtre tragique que va le pieux hommage de M. Rivaille, et ce n’est pas nous qui refuserons d’y souscrire. Ce dont nous ne lui savons pas moins gré, c’est de n’avoir, en aucune partie de son livre, admis que ces comédies de Corneille, si charmantes qu’elles soient, aient été une étape vers la comédie de Molière. Il n’est que d’avoir vu défiler dans son étude ces Doraste, ces Lisandre, ces Philiste, ces Florame et ces Florange, ces Cloris, ombres vaines, qui ne sont que des abstractions et des noms, pour comprendre que tout était à créer dans la comédie, où un Arnolphe, une Agnès, un Tartufe, une Elmire et d’autres, sont des êtres plus vivants que ceux au milieu de qui nous vivons. Laissons à chacun le domaine où il est roi. Et ne poussons pas notre actuelle manie de chercher à tout écrivain de génie des précurseurs, jusqu’à marchander à Corneille l’honneur d’avoir créé chez nous la tragédie, ni à Molière celui de nous avoir doté de cette comédie où nul ne devait l’égaler.

J’espère avoir fait comprendre les raisons qui vous ont amenés à couronner des ouvrages qui ont coûté à leurs auteurs de longs et méritoires efforts. Je crois n’être pas moins votre interprète en m’élevant contre une tendance qui, depuis quelques années, ne cesse de s’accentuer et qui est une tendance à l’inflation. Elle nous vient de la Sorbonne, où il n’est plus possible d’aborder l’épreuve du doctorat sans plier sous la charge d’un ou de plusieurs livres de dimensions colossales. Le livre consacré à Corneille avant le Cid, avant Mélite, compte un peu plus de huit cents pages in-octavo. A André Chénier avant la Jeune Captive et avant les Iambes, deux volumes totalisant ensemble onze cents pages non moins in-octavo. A Chateaubriand, qui n’est plus l’auteur d’Atala, ni de René, ni du Génie du christianisme, trois volumes de format et de poids pareillement impressionnants. Croit-on que l’étude gagne à ces interminables développements ? L’idée directrice disparaît sous l’accumulation des détails. Le lecteur se perd à travers des considérations qui ne sont pas toutes utiles. L’intérêt languit. On songe trop à ces thèses restées célèbres, celles de Taine sur les Fables de La Fontaine, à celle de Boutroux sur les Contingences des lois de la nature, qui tenaient dans les limites d’un mince volume. Une œuvre d’érudition n’a rien à perdre à être en même temps une œuvre d’art. C’est au nom de notre meilleure et plus sûre tradition que nous demandons le retour à ces qualités toutes françaises qui sont le goût et le sens de la mesure et des proportions.

 

[1] Mort le 2 décembre 1937.