Rapport sur le concours extraordinaire de l’année 1829-2

Le 25 août 1829

François-Juste-Marie RAYNOUARD

RAPPORT

DE M. RAYNOUARD,

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE,

SUR LE CONCOURS EXTRAORDINAIRE DE L’ANNEE 1829.

 

L’Académie française avait proposé un prix extraordinaire de 6000 francs, provenant des libéralités de M. de Montyon, à un ouvrage de morale, en laissant aux auteurs toute liberté pour le choix du sujet et pour la manière de le traiter.

De vingt ouvrages envoyés an concours, celui qui a mérité le prix est la suite d’un livre publié, il y a dix à douze ans, sous le titre de Simon de Nantua ou le Marchand forain.

Ce Simon de Nantua était un honnête porte-balle qui, avec un peu d’instruction et beaucoup de bon sens, parlant un langage populaire et semé de proverbes, à la manière de Sancho-Pança de naïve mémoire, parcourait les villes et les campagnes, vendant sa marchandise et donnant pour rien d’excellents conseils.

Ce livre, couronné par la Société d’encouragement pour l’instruction élémentaire, a obtenu un succès qui se soutient encore. Il s’en débite chaque année un assez grand nombre d’exemplaires.

L’auteur a imaginé d’y faire une suite.

Au risque d’affliger les nombreux amis de ce bon Simon de Nantua, il a appris au public que ce brave homme est mort depuis quelque temps; mais on assure qu’il a laissé des manuscrits.

Ce sont les Œuvres posthumes de Simon de Nantua que son historien, M. Laurent de Jussieu, a recueillies et publiées. Elles forment un petit traité de morale pratique; sous divers chapitres intitulés : la Sagesse, la Jurisprudence, la Médecine, la Politique, la Religion de Simon de Nantua, on trouve des pensées raisonnables, des sentiments droits, honnêtes, élevés, exprimés dans un style simple et naturel, à la portée des intelligences les plus vulgaires.

L’ouvrage n’est pas long ; c’est un mérite de plus; car les gros livres ne sont pas ce qu’il faut aux personnes qui n’ont pas beaucoup le temps de lire.

L’Académie a décerné le prix à ce livre, parce qu’il lui a paru répondre aux intentions du vertueux M. de Montyon, qui s’est toujours proposé de soulager, d’améliorer et d’ins­truire la classe pauvre et humble de la société.

Mais un grand obstacle s’oppose à ce que ces ouvrages faits pour l’instruction du peuple puissent atteindre leur but ; et cet obstacle, c’est qu’il y a encore en France plus de la moitié de la population qui ne sait pas lire.

Un vieux Romain répétait toujours : Il faut détruire Carthage. Formons un vœu plus humain ; répétons sans cesse : Il faut détruire l’ignorance ennemie ; il faut donner à tous les Français l’instruction primaire, qui est une dette publique.

Ce vœu était celui de M. de Montyon ; il est celui des hommes éclairés et amis de leur pays ; de toutes parts des efforts généreux tendent à le réaliser ; espérons que nous pourrons un jour le voir accompli.