Célébration du 350e anniversaire de l’Académie française. L'Académie française à l'aube du XXIe siècle

Le 12 décembre 1985

Maurice DRUON

Célébration du 350e anniversaire
de l’Académie française

L’Académie française à l’aube du XXIe siècle

 

En trois cent cinquante ans, notre Compagnie n’a eu que deux demeures permanentes : le Louvre, de l’autre côté de l’eau, le Louvre des rois où Louis XIV nous logea, selon le vœu de notre fondateur, le cardinal de Richelieu ; et puis ce palais-ci, qui fut construit par Mazarin, et où Napoléon Ier nous installa, avec l’ensemble de l’Institut de France, au début du siècle dernier.

La Seine seulement nous sépare de notre premier séjour, et coule comme le temps entre ce que nous fûmes et ce que nous sommes.

Richelieu, Mazarin : deux noms puissamment symboliques. Richelieu, issu du terroir poitevin et d’une longue lignée de serviteurs de la couronne, homme d’Église et d’État, homme de guerre et de lettres, avait compris, fort en avance sur les théoriciens modernes, que le pouvoir politique est fragile s’il n’a le consentement du pouvoir culturel. Mazarin, autre génie du gouvernement, petit Italien des Abruzzes, prodigieux d’intelligence et de diplomatie, qui pouvait mettre ses talents au service de toutes les grandes puissances d’Europe, préféra la France parce qu’elle était à ses yeux l’idéal des nations. Quelques fragments de ses cendres, ainsi que de bons historiens l’affirment, sont sous nos pieds, au centre de cette coupole.

On dirait que l’Académie française, comme par une imprégnation des lieux, se conforme dans sa composition à ce double modèle, unissant à chaque génération, parmi les hommes qu’elle élit, ceux-là dont les racines s’enfoncent dans la terre et les siècles de ce vieux pays, et ceux-là qui, plus récemment, par le choix et le rêve autant que par les accidents de l’Histoire, sont venus des quatre horizons se fondre à la communauté nationale, et l’enrichir de leurs œuvres et de leurs mérites.

Comme il en fut dans le passé, il en est aujourd’hui. Il en sera de même demain.

Demain, c’est-à-dire le XXIe siècle de notre calendrier. Sans oublier que d’autres peuples situent différemment le début de leur ère, sans oublier non plus qu’avant notre conception du temps linéaire, les antiques civilisations dont nous sommes descendants avaient la conception d’un temps cyclique, nous ne pouvons faire que nous ne chargions de nos angoisses comme de nos espérances l’aube, affleurante déjà, de ce nouveau millénaire. C’est l’occasion de nous demander si nos fonctions et nos tâches correspondent bien à ce moment du monde.

Chacun de nous sait par cœur le vingt-quatrième article de nos statuts de 1635, qui renferme notre raison d’être.

« La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente, capable de traiter des arts et des sciences. »

Dans la droite suite de François Ier, mais là encore en avance de trois siècles sur ce qui est aujourd’hui communément reconnu et enseigné, Richelieu avait discerné que la langue est à la fois un facteur essentiel de l’unité nationale et l’essence même d’une civilisation.

L’Académie a ceci de singulier, au sens propre du terme, qu’elle fut instituée pour être une magistrature sur le langage, et placée, pour bien marquer l’importance de sa charge, à l’un des plus hauts rangs de l’État. En ce sens, elle est unique, et souvent l’on nous dit qu’on l’envie à la France.

Avec plus ou moins de bonheur, et quand même ses arrêts ne sont pas toujours suivis des effets souhaitables, elle a tenu constamment son rôle depuis trois cent cinquante ans, et continue de le tenir.

Si toute personne ayant une convenable instruction en français peut lire couramment tous nos auteurs -depuis le temps de Corneille et de Racine, sans avoir à se munir d’un glossaire, c’est certes à l’Académie qu’on le doit, qui a fixé les structures de la langue et l’a maintenue, sans la priver de s’enrichir, sur un chemin à peu près droit.

Si, dans l’orage que traversent présentement toutes les langues maternelles, et dont tant de peuples se lamentent, la langue française résiste mieux que d’autres, si elle garde à peu près, son unité, non seulement pour nous, Français, mais pour tous les hommes qui l’emploient sur la terre, si les dégradations qui l’affectent restent limitées et réparables, cela est dû en grande partie, je crois pouvoir le dire, au patient travail de nos devanciers et au nôtre.

Et si l’on garde, ici et ailleurs, une certaine passion du parler français, si tant de gens s’indignent quand on le torture, si l’on débat, si souvent et avec ardeur, des tournures justes et des tournures fautives, nous n’y sommes pas totalement étrangers.

Travaillons-nous « avec tout le soin possible », comme nos statuts nous le prescrivent ? Près de vingt ans d’Académie me permettent d’en témoigner. Sans arrêt, nous soignons les racines, nous émondons le feuillage anarchique. Nous savons que tout vocable est en soi une mémoire; nous savons aussi que c’est avec des mots que l’on change le monde ; nous savons les valeurs qu’ils contiennent, et dont on peut les vider, pour les remplacer par des sens pervers et pour des buts pervers ; nous savons l’énergie enfermée dans les mots. Aussi apportons-nous à leur garder leur honnêteté une attention extrême. Et l’on aura tout dit de notre labeur quand on ajoutera que bien souvent nous acceptons ou refusons les termes nouveaux, ou les sens nouveaux des mots anciens, par voie de vote, comme s’il s’agissait des articles d’une loi.

Accomplissons-nous notre tâche, selon l’autre terme de notre obligation, « avec toute la diligence possible » ? Je serai plus prudent à l’affirmer, trop certain des sourires que je ferais paraître. Non sans remarquer que les flèches qu’on nous lance, au sujet des lenteurs du Dictionnaire, sont aussi vieilles que l’Académie elle-même, et que ceux qui nous raillent sont très loin d’innover. « Nos moqueurs, disait Valéry, nous sont consubstantiels ».

Il faut toutefois considérer que nous disons l’usage, rien que cela, mais qui, en matière de langage, est la base de tout. Or, l’usage met du temps à s’établir, et du temps à se constater. Que de mots nés de la dernière averse qui disparaissent au premier soleil ! Les Grecs attribuaient le gouvernement du langage à Hermès, qui est aussi le dieu du commerce. Les Latins comparaient la langue à la monnaie, dont les pièces doivent avoir cours public et avoué. Notre tâche est d’empêcher que la mauvaise monnaie ne chasse la bonne.

Il faut considérer également que, dans le demi-siècle écoulé depuis la précédente édition de notre Dictionnaire, laquelle demanda cinquante-sept ans de préparation, le nombre de choses nouvelles à nommer s’est accru de manière inouïe. L’astrophysique transperce les galaxies. L’anthropo-paléontologie fait reculer de trois millions d’années l’acte de naissance de notre espèce. La biologie, la biochimie vont de découvertes en découvertes, aussitôt versées au bénéfice de la médecine. Les thérapeutiques se subdivisent. L’ethnologie ne cesse d’étendre son champ de connaissances. L’espace est le théâtre d’exploits humains et technologiques hier inimaginables. Qui eût pensé, il y a cinquante ans, que le terme d’astronaute serait nécessaire, et nécessaire celui d’informatique ? Les appareillages de toutes sortes se multiplient ; les armements et la stratégie se transforment tout comme se transforment et se multiplient les moyens de transport et de communication, les instruments ménagers. Et donc se transforment la vie quotidienne, et les mœurs, et les rapports sociaux, ce qui entraîne des extensions ou des spécialisations du droit dans la communauté nationale comme dans la communauté internationale.

Tout cela se traduit par les dix mille mots nouveaux, que nous jugeons vraiment entrés dans l’usage et qui s’ajouteront aux trente-cinq mille qui formaient la langue à la veille de la dernière guerre mondiale. Pour mesurer l’effort de précision auquel nous devons nous contraindre, il n’est besoin que de savoir que trente-huit abréviations suffisaient, sur la page liminaire de la huitième édition ; la neuvième en exige cent trente-quatre.

Cela explique aussi nos choix électifs, et que nous ne soyons pas la société de purs littérateurs que le public souvent voit en nous. Société d’écrivains, certes, mais de toutes disciplines, scientifiques autant que philosophiques, littéraires et historiques aussi bien que juridiques ou politiques, tant la réunion de compétences différentes et la convergence des savoirs divers sont indispensables à la correcte définition des mots.

Et il n’est pas rare que nous allions chercher dans les autres Compagnies que réunit l’Institut un supplément de connaissance ou d’expérience.

Cela dit, et sauf à nous condamner à devenir quarante Pénélope, il nous fallait faire paraître nos travaux, si nous voulions qu’ils eussent quelque utilité.

Nous avons donc résolu de publier le Dictionnaire par fascicules échelonnés. Cette publication commencera dans un avenir proche, aussitôt que nous aurons assuré notre rythme.

Le spécimen du premier fascicule a été remis tout à l’heure au chef de l’État, protecteur de la Compagnie par dévolution historique.

Les modernes procédés de composition et de mémoire magnétique permettront à nos successeurs des mises à jour plus fréquentes, et dès à présent notre vocabulaire pourra entrer dans les banques de données. Nous pensons achever l’œuvre avant la fin du siècle.

Analytique, claire, précise, la langue française offre une richesse syntaxique qui permet d’exprimer toutes les nuances et toutes les intentions de la pensée ; elle est, de toutes les grandes langues actuellement parlées, la plus apte à la définition. Cela ne retire rien aux mérites des autres. Il en est de plus favorables à l’expression poétique ; il en est qui se prêtent avec plus de brièveté aux transactions du commerce, à la transmission des nouvelles, aux facilités du voyage. Mais dans l’art de définir, le français, héritier du latin et du grec, reste inégalable. Cela est de première importance dans un temps d’universelle mutation. Langue de la morale, donc langue du droit et des lois, on ne se trompera jamais et on ne trompera jamais son interlocuteur en prenant le français pour langue de référence des accords et des traités. À condition, bien sûr, qu’il soit correctement employé, d’où la nécessité de la qualité parfaite de son enseignement et d’une exigence accrue dans les concours qui conduisent aux carrières publiques.

Ayons toujours présente à l’esprit une entité culturelle et géographique apparue dans les dernières décennies, et qui sera l’une des composantes les plus importantes de la civilisation du XXIe siècle : la francophonie.

Pour près de cinquante nations, anciennes ou récentes, réparties sur quatre continents et trois océans, le français est, pour les unes langue ancestrale ou maternelle, pour les autres l’une des langues d’une double culture, pour d’autres encore le tissu conjonctif des ethnies qui forment un nouvel État, pour toutes leur moyen de communication avec le reste du monde et leur mode d’installation dans la modernité.

La francophonie, réalité neuve, est une communauté de fait, qui peut devenir un jour communauté de droit, et qui est appelée de toute manière à jouer un rôle considérable dans les équilibres pacifiques de la planète comme dans le développement plus harmonieux de maintes sociétés humaines. Cela nous impose une responsabilité accrue, à nous que l’on veut bien regarder comme les magistrats du langage.

L’ancienneté de notre institution et l’âge moyen de ses membres, nos pratiques cérémonielles, nos étranges vêtures d’apparat, nos usages et nos rites même dans l’ordinaire des jours, sont-ils de nature à tourner vers nous les regards de la jeunesse ? Sommes-nous encore objets de curiosité et d’intérêt, autrement que comme une pièce d’archéologie ? Et surtout, restons-nous pour les générations montantes une incitation au désir d’exceller ?

La réponse est dans le courrier qui parvient chaque semaine à l’Académie.

« J’ai douze ans ; je m’appelle Nathalie, je suis au collège de Sainte-Maxime. Je désire recevoir des documents sur l’Académie française ».

« Je m’appelle Edwige, j’ai douze ans, et le professeur nous a demandé de faire un dossier sur Marcel Pagnol. Je m’adresse à vous parce que j’ai su qu’il faisait partie de l’Académie française... »

« Je suis élève de cinquième et je vous écris du collège d’Himmelsberg se trouvant en Moselle. Les élèves de ma classe, mon professeur de français et moi-même étudions l’Académie française d’assez près et je voudrais me documenter davantage ».

« Étant élève de 5e à Épinal, mon professeur m’a chargé de faire un exposé sur l’Académie française... »

« Je suis lycéenne à Neubourg, Allemagne, et pour mon baccalauréat, il me faut écrire un exposé sur l’Académie française. Le sujet exact : l’Académie française et ses fonctions au XVIIe siècle et de nos jours ».

« Je suis étudiante anglaise et viens passer une année à l’université d’Aix-en-Provence... J’ai choisi de faire ma thèse sur la prestigieuse Académie française... »

Ah ! Messieurs, ne disons pas que la jeunesse nous ignore ni que le corps enseignant nous boude ! Et tirons à l’une et à l’autre notre bicorne.

Il ne nous est pas indifférent non plus que plusieurs élèves d’un institut supérieur de gestion aient pris cette année l’Académie française pour sujet de leur mémoire, comme s’il s’agissait d’un « produit » à lancer par une campagne publicitaire.

Il y a trop de normaliens parmi nous pour ne pas apprécier la part de « canular » qui entre en leur affaire, lorsqu’ils intitulent leur mémoire « Un lifting pour la vieille dame », ou proposent un vaste affichage : « L’Académie française, une institution qui vous veut du bien ».

Mais les conclusions de leur analyse ont de quoi retenir notre attention.

Définition du produit : moteur de la relance culturelle française.
Cible : l’institution s’adresse à la nation française entière et plus particulièrement à la jeunesse.

Concurrence : il n’existe pas de concurrence.

Bénéfice consommateur : fierté d’appartenir à un groupe culturel très riche.

Dans la formulation particulière qui est celle des professions auxquelles ils se destinent, ils ont une assez bonne idée de nous, ces jeunes gens ; ils sont encourageants.

Et puisqu’ils sont si bien disposés envers nous, nous aimerions qu’ils nous aidassent à faire que la publicité imprimée, parlée, télévisée, renonce à meurtrir les mots dans l’espoir d’appâter le chaland, à leur inventer des désinences absurdes, à les truffer de syllabes exotiques, ou à les agencer de manière volontairement fautive, en un mot qu’elle cesse d’être une bombe à neutrons quotidiennement jetée dans le langage français.

Le monde présent est celui des communications et il le sera encore plus demain. La dépêche d’agence « tombe » sur les « tickers » – nous ne sommes pas encore à l’étude de la lettre T – une heure après l’événement qui s’est produit à vingt mille kilomètres. Les satellites vont arroser la terre, l’arrosent déjà à longueur de jour et de nuit, de myriades d’images ; les magazines, chaque semaine, popularisent des visages dont la plupart seront oubliés demain, mais dont certains décideront peut-être de notre vie ou de notre mort.

Notre temps est celui des « médiats » et rien ne peut se faire qui ne passe, peu ou prou, par eux. Telle est notre civilisation qu’elle nous oblige à paraître pour être.

Héritiers d’une époque où il suffisait que nos actions et nos travaux, pour avoir effet ou gloire, fussent connus des seuls milieux de la cour, peut-être nous sommes-nous trop longtemps tenus sur une trop grande, trop pudique réserve vis-à-vis de l’opinion publique et de ceux qui la font.

Un grand religieux, Mgr Norbert Calmels, écrivait durant le dernier concile : « L’opinion publique est une princesse incommode. » Certes, mais c’est tout de même une princesse, et il faut savoir subir ses humeurs si l’on veut bénéficier parfois de ses faveurs.

Notre réserve a pu faire croire que nous n’existions plus qu’à peine, que nous n’étions qu’un club inutile et désuet, et inspirer à certains, pour qui la démolition semble la condition préalable à toute création, l’idée de supprimer notre maison ou de la bouleverser de fond en comble.

Cela non plus n’est pas neuf, et il y a aussi comme une tradition qui parcourt les siècles. La question est évoquée, et éventée, à chaque changement ou accident de régime. Nous n’oublions pas que le Parlement de Paris voulut nous empêcher de naître, et mit deux ans à enregistrer les lettres patentes signées de Louis XIII, tant il craignait que nos privilèges fissent rivalité avec ses propres pouvoirs. La Convention décida de nous supprimer. Nous avons survécu. L’avenir ne manquera pas de nous exposer à d’autres turbulences.

Messieurs, il y a cinquante ans, à l’occasion du troisième centenaire, Paul Valéry, lui encore, se livrait à une méditation restée fameuse sur le mystère de notre Compagnie. Il constatait « le désordre universel qui est comme la grande œuvre du monde moderne » et que « l’instabilité s’impose comme le régime normal de l’époque dans tous les domaines ».

Il rappelait que « le pouvoir politique, toujours et nécessairement enchaîné à l’absurde et à l’immédiat, étant engagé dans une lutte perpétuelle pour l’existence, ne peut vivre que du sacrifice de l’intellect... Gouverner, c’est aller d’expédient en expédient ».

« Et personne, aujourd’hui, s’écriait-il, qui ait autorité constante pour juger, conseiller, prévoir... » Il pensait « à un îlot où se conserverait le souci du meilleur de la culture humaine. Sans pouvoir effectif, rien que par son existence et par ce qui se répandrait dans le public des sentiments et des avis de ces quelques hommes établis dans la plénitude de la liberté de l’esprit, ce centre d’observation, de réflexion composée et de prévision exercerait une action indéfinissable, mais constante. Une sorte de conscience éminente veillerait sur la cité... »

« Il ne dépend que de nous de porter insensiblement à cette magistrature idéale l’Académie française... »

Qu’en est-il aujourd’hui de ce souhait salutaire ?

Nous sommes-nous approchés, durant le demi-siècle écoulé, d’être cette conscience éminente, « ce Conseil libre et désintéressé au sein duquel se formerait continuellement une opinion exquise sur les questions les plus hautes qui se puissent poser à une nation » ? J’ose répondre oui. À pas comptés, certes, et sans éclat ni hâte. Mais ce mouvement, imperceptible sans doute à la foule, existe.

Aujourd’hui plus que jamais, l’Académie, regardez-la, intègre toutes les familles spirituelles de la France, tous ses courants philosophiques et politiques, à travers des hommes qui en sont la personnification parmi nous, comme elle réunit toutes les disciplines intellectuelles y compris les plus nouvelles, comme elle rassemble toutes les grandeurs du pays et toutes ses tragédies, présentes en des hommes qui y ont eu part décisive. Elle accueille toutes nos différences et réconcilie bien des antagonismes. Mieux que jamais elle représente la diversité de notre culture en même temps qu’elle incarne la continuité française. Elle sait ce que la France se doit à elle-même.

Elle choisit ses élus non seulement en fonction de leur gloire, mais en fonction aussi de leur conscience. Elle joue, diffusément, le rôle auquel Valéry l’appelait, par les démarches, les paroles, les écrits de chacun d’entre nous, qui traduisent et propagent souvent les soucis que nous partageons.

Il nous manque peut-être de donner parfois plus de retentissement à la formulation collégiale de nos avis.

Nous sommes là où nous sommes non pour nous accrocher au passé et caresser des nostalgies, pas plus que pour flatter les utopies et les chimères. Nous sommes là pour définir et rappeler les permanences, et par là être les premiers serviteurs des valeurs suprêmes de notre civilisation. Telle est et demeure notre mission à l’aube du prochain millénaire.