Discours prononcé à l’occasion de la mort de M. le Pasteur Marc Boegner

Le 7 janvier 1971

Marcel ACHARD

DISCOURS

PRONONCÉ PAR

M. MARCEL ACHARD
Directeur de l’Académie

à l’occasion de la mort de

M. LE PASTEUR

MARC BOEGNER[1]
de l’Académie française

Séance du 7 janvier 1971

 

Messieurs,

Le Pasteur Marc Boegner, que nous avons eu la douleur de perdre, était la figure de proue du protestantisme.

Le Pape Paul VI a pu parler de la vie exemplaire de ce « pionnier de l’unité des chrétiens » et le Cardinal Daniélou assurer « qu’il avait contribué, plus que tout autre, à changer l’esprit des rapports entre catholiques et protestants français et à substituer un climat de rapprochement à un climat de défiance ».

Ce grand apôtre de l’œcuménisme en a d’ailleurs été, malgré lui, le bénéficiaire.

Puisque c’est à notre éminent confrère, le Cardinal Tisserant, qu’il doit d’avoir pris place parmi nous ; celui-ci lui ayant apporté, à soixante-dix-huit ans, de Rome et par avion, la dix-septième voix dont il avait besoin.

La disparition de ce grand orateur et de ce grand théologien laisse un vide immense.

Car ce n’était pas seulement un homme de prière, mais un homme d’action.

Il estimait que la vie d’un pasteur est une lutte plutôt qu’un hymne et que la religion est dans le cœur, pas dans le genou.

Aux heures désolées de l’occupation, il avait courageusement pris parti contre les mesures raciales, les déportations et l’abandon aux nazis des réfugiés politiques.

En 1939, il écrivait L’Évangile et le racisme, dans lequel il condamnait prophétiquement les crimes de la deuxième guerre mondiale.

Il ne se contenta pas de les condamner, il en empêcha quelques-uns par la suite.

La Gestapo le détestait, mais n’osait l’inquiéter.

Il était invulnérable par ses croyances dans un monde sans croyances.

À une intelligence exceptionnelle, il joignait une bonté passionnée. Son dernier livre, écrit en 1968, L’exigence œcuménique, a été son testament spirituel.

Oubliant la Saint-Barthélemy, Louvois et les dragons de Villars, il y prône, par une loyale étude de l’Écriture, l’unité des deux églises. La noblesse de son caractère lui conférait de la grâce et il eût été intimidant sans la malice et la bienveillance de son regard. Son but était de mettre Dieu à la portée de tous.

Il y a réussi.

 

[1] Mort le 18 décembre 1970, à Paris.