Discours sur les prix de vertu 1867

Le 29 août 1867

Frédéric-Alfred de FALLOUX

DISCOURS

DE M. LE COMTE DE FALLOUX
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

29 août 1867.

 

MESSIEURS,

Passer de l’éloquence à la vertu, ce n’est pas déchoir. Prendre la parole après M. Villemain est assurément un honneur redoutable ; mais parler de belles actions à côté des nobles pensées est chose naturelle. C’est cette alliance même qu’a comprise et qu’a voulu consacrer M. de Montyon. C’est par là que son généreux testament, qui fait loi pour l’Académie, a conquis aussi une grande place dans l’estime publique et donne lieu, d’année en année, à un concours étendu et sérieux.

Quelquefois cependant on s’est étonné que la mission de décerner des prix de vertu ait été confiée à une compagnie littéraire. Beaucoup d’apologies ont répondu à beaucoup de critiques, et les apologies paraissent avoir triomphé. Arrivant trop tard pour prendre part au débat, je me bornerai donc à expliquer en peu de mots comment, à mon sens, l’opinion a définitivement sanctionné la pensée aussi intelligente que magnifique de l’illustre bienfaiteur.

Constatons d’abord que l’Académie n’a point à couronner les grandes vertus sociales. L’armée, l’administration, l’industrie, le clergé, dans leur ensemble, échappent à notre juridiction. La vertu militaire, la vertu civile, la vertu chrétienne, ces trois éléments fondamentaux de toute société florissante, ont leur cadre régulier, leur hiérarchie et leurs travaux au sein même de la nation. L’accomplissement de tous les grands devoirs publics reçoit le nom de vertu, et il a bien le droit de le porter. La gloire récompense une armée dans un seul jour, et quelquefois dans un seul homme ; mais ce jour et cet homme ne naîtraient point s’il n’y avait, de longue main préparée, une foule de soldats oubliés de l’histoire, qui ont tout immolé d’avance à cette journée impatiemment attendue, à ce général héroïquement obéi. Une armée, c’est l’élite d’un peuple qui répond : Voici mon sang, à qui lui dit : Voici le devoir. Un homme d’État, un administrateur, se fait un grand nom quand il réussit dans une grande œuvre ; mais que de collaborateurs inconnus ont mis leur intelligence, leur assiduité, leur santé dans ce nom qui ne les résume qu’en les absorbant ! Le fabricant qui invente ou qui perfectionne, l’industriel qui vient sous l’œil des souverains recevoir une récompense et des applaudissements justement mérités, ne pourrait pas plus se passer du dévoilement de l’obscur ouvrier que l’ouvrier lui-même ne pourrait, dans une aveugle et fatale jalousie, se substituer à l’inventeur ou au capitaliste ; et cette innombrable milice du sacerdoce chrétien, le prêtre qui enseigne et prie dans le sanctuaire, la sœur de Saint-Vincent-de-Paul qui veille et s’épuise dans les hôpitaux, les apôtres de nos missions lointaines, ces exilés volontaires à la recherche du martyre, tous ceux-là, ouvriers, prêtres et soldats, ce sont les premiers et les vrais représentants de la vertu dans un grand peuple. Les uns gravent leur souvenir dans l’histoire ou dans la reconnaissance populaire, les autres inscrivent leur blason dans le ciel : aucun d’eux ne nous a été légué par M. de Montyon.

Sa pensée, tout élevée qu’elle ait été, ne vise point à cette hauteur. Elle ne pouvait avoir en vue que les traits de dévouement isolés et spontanés. Pourtant on ne lui rendrait pas pleine justice si on la croyait dépourvue d’une véritable utilité sociale. Cette pensée, c’était d’inviter une fois par an les lettres et les vertus à renouveler, sous les auspices d’une publicité solennelle, leur antique et féconde union.

Cette union, Messieurs, a été ingénieusement consacrée par M. de Montyon, mais elle n’a pas été inventée par lui ; elle est contemporaine du génie humain. Honneur à qui lui rend hommage, malheur à qui la nie ou qui la brise ! Les grandes pensées et les grandes actions viennent de la même source, se produisent aux mêmes conditions : il est donc assez simple qu’elles aient même tribunal, même récompense et même renommée. Les grandes actions comme les grandes pensées viennent du cœur, c’est-à-dire d’une conviction profonde s’emparant de toutes nos forces, dominant tous nos mouvements, faisant tout converger vers un même but, subordonnant toutes les satisfactions secondaires à une passion principale, le plus souvent unique et absolue. C’est ainsi que se font tous les poèmes d’ici-bas, ceux de la fiction et ceux de la réalité. Tout ce qui divise le cœur affaiblit l’inspiration, et par conséquent diminue le rôle et la destinée de l’homme ; le doute n’est pas plus une Muse qu’une vertu ; le cloute, quand il n’est pas une méthode, un préliminaire scientifique, n’est le plus souvent qu’une impuissance de l’esprit qui n’ose ou ne sait pas conclure, une défaillance de la volonté qui recule devant la persévérance ou le sacrifice. Ceux-là seuls sont grands parmi les artistes, parmi les poètes et même parmi les politiques, qui savent se vouer et se dévouer.

La publicité de nos récompenses, présentée souvent comme une violence faite à la modestie, compagne inséparable de la vertu, ne mérite pas non plus, je le crois, les reproches qu’on lui adresse.

Oui, la vertu doit être modeste et pour ainsi dire ignorante d’elle-même, mais une société doit être fière de la vertu. L’humilité, qui sied bien à une personne vertueuse, deviendrait une coupable indifférence et de l’ingratitude dans une société si, sous prétexte de pudeur, elle craignait de signaler ce qui est beau et bienfaisant. Il faut au contraire proclamer le bien aussi souvent et aussi publiquement qu’on le peut : d’abord pour l’honorer, ensuite pour le propager. Ceux qui obtiennent vos récompenses ne les ont jamais sollicitées ; ils ne les ont pas même désirées ; voilà, Messieurs, la part de l’humilité. Mais vous à qui l’on signale ces actions longtemps ignorées, et qui croyaient l’être toujours, votre rôle est de les disputer à l’obscurité, de les attirer au grand jour et de leur donner tout l’éclat dont vous pouvez disposer.

Nos vices d’ailleurs sont-ils eux-mêmes assez discrets pour imposer tant de réserve à nos vertus ? Ni les provocations ni les amnisties ne manquent à nos mauvais penchants ; pourquoi nos bons instincts ne rencontreraient-ils pas aussi quelquefois faveur et encouragement ? Tout exemple est un aiguillon pour le bien ou pour le mal, toute situation a charge d’âme : ne craignons donc pas de placer très en vue les modèles, d’élever très-haut le but proposé à tous, dussent quelques-uns ne pas l’atteindre. À l’oisif qui s’ennuie ou qui s’amuse trop, au riche qui prend naïvement le luxe pour un attribut de la distinction, au puissant qui ne connaît pas les limites ou les devoirs de la puissance, montrons ces vaillantes existences qui suffiraient à elles seules pour révéler l’immortelle et radieuse essence de l’âme humaine.

La première sur cette liste est Agathe Mahais, fruitière à Angers, et vous avez porté à deux mille cinq cents francs le prix que vous lui décernez.

Agathe Mahais manifeste dès la première jeunesse son penchant à la charité. Elle l’exerce d’abord envers sa famille ; orpheline à dix ans, elle s’occupe de ses jeunes sœurs ; à vingt-huit ans elle adopte cinq enfants de son frère, simple maçon, qui venait de perdre sa femme, les élève et les entoure de soins jusqu’au moment où elle les voit en état de gagner honorablement leur vie. Des mariages avantageux se présentaient pour elle, mais aucun ne parvint à la séduire ; la vue des souffrances humaines attirait plus puissamment son cœur, et ce fut bientôt la charité qui l’envahit et l’occupa sans partage. Elle ne cessa plus de recueillir dans sa petite demeure, de nourrir, de vêtir des enfants, de jeunes filles qu’elle voulait retirer de la corruption. Durant tout le cours de sa vie, Agathe Mahais n’oublia jamais qu’une seule misère, ce fut la sienne.

Sa maison devint ainsi un hospice dans la véritable acception de ce mot ; et pourtant elle n’a jamais demandé ni à la bourse d’autrui qui se serait volontiers ouverte pour elle, ni au bureau officiel de bienfaisance, aucun secours ou subvention ; elle ne demande rien qu’à son propre travail, et elle met dans ses privations non sa fierté mais sa jouissance. En été, elle se lève à deux heures ; en hiver elle veille une partie de la nuit, de façon que son commerce ni son travail ne souffrent jamais des soins prodigués à ses hôtes. Quelques- uns l’aident, tantôt en gardant sa petite boutique durant son absence, tantôt en lui portant des légumes et des fruits ; mais d’autres la payent d’ingratitude : il en est qui lui dérobent le peu d’argent qu’elle gardait dans son tiroir pour leur propre entretien. Elle ne s’en plaint ni ne s’en irrite, prend quelques précautions de plus et pas une peine de moins. En 1852, elle avait recueilli jusqu’à sept pauvres à la fois, parmi lesquels était un jeune homme mourant d’une maladie de langueur et dont elle console la lente agonie avec toute la sollicitude d’une mère.

Bientôt ce sont les devoirs d’une fille qu’elle remplit durant plusieurs années près d’une pauvre femme octogénaire qui s’éteignit dans ses bras en la comblant de bénédictions. Tant de bonnes œuvres à domicile n’épuisent point encore son zèle. À chaque instant on la réclame, et ale court dans les quartiers les plus éloignés : ici elle porte le déjeuner à un enfant en apprentissage, là des remèdes à un malade, plus loin des secours et du linge à une pauvre femme en couche, à tous des paroles affectueuses, des encouragements et de divines espérances. Telle a été, Messieurs, telle est encore la vie d’Agathe Mahais qui, quoique arrivée déjà à un âge avancé, n’a pas songé à une seule épargne. Je ne puis même vous promettre que la somme qu’elle devra à la générosité de M. de Montyon et à votre choix la mettra désormais à l’abri des plus dures privations. Ceux qui lui ont annoncé la récompense que vous lui destiniez l’ont trouvée surprise, reconnaissante, mais point émue : Deux mille cinq cents francs, a-t-elle dit, c’est une bien grosse somme pour moi qui n’ai jamais rien possédé. Puis, comme en contemplation d’œuvres nouvelles : Voilà de l’argent qui fera plaisir à bien du monde, ajouta-t-elle, sans se douter de la beauté de ce mot. Je ne puis donc vous garantir, Messieurs, que vous aurez adouci les vieux jours de cette admirable femme, mais je vous garantis sur sa parole que vous aurez multiplié bien des consolations et bien des soulagements autour d’elle.

Deux seconds prix de deux mille francs chacun appartiennent à Léonie Silie et à Clotilde Bocquillon.

Nommée très-jeune institutrice dans la commune de Fléchin, département du Pas-de-Calais, Léonie Silie commença par l’accomplissement exemplaire des devoirs de sa profession ; son dévouement pour ses jeunes élèves excita bientôt l’attention : on s’aperçut qu’elle ne leur donnait pas seulement l’enseignement, mais qu’elle partageait tantôt ses vêtements, tantôt son frugal repas avec les enfants les plus pauvres. En même temps, elle organise une réunion du dimanche pour les jeunes filles dont elle conserve la confiance au sortir de l’école, réunion qui se termine par une collecte pour les malades.

Au mois de novembre 1859, le feu consume une maison voisine. Mlle Silie recueille les incendiés, à qui elle donne asile pendant tout l’hiver, et elle prodigue ses soins à l’un d’eux durant une maladie de trois mois. Seule dans toute la commune, Mlle Silie ne se souvient pas que cette famille si généreusement recueillie s’était signalée par une persévérante hostilité contre elle, et avait mis des entraves à sa nomination. Peu à peu, elle devient l’auxiliaire habituel du médecin près des malades, du curé près des pauvres. À toute heure du jour, de la nuit, on invoque son secours, et jamais personne ne rencontre de l’indifférence ou un refus. Avec elle cependant il y a quelquefois des privilégiés ; ce sont ceux que dans une petite ville on appelle des ennemis, et qui ne sont habituellement que des jaloux. Un autre habitant de Fléchin qui s’était rangé parmi les rares adversaires de Mlle Silie semble bientôt atteint d’une maladie mortelle, c’est celui-là surtout qu’elle ambitionne de soigner ; mais comment dissiper ses préventions et s’approcher de ce lit de douleur ? Elle se fait rendre compte des goûts du pauvre malade, elle lui envoie de loin les petites satisfactions qu’il désire ; il en est informé malgré elle ; il en est touché, il veut lui exprimer du moins un affectueux regret pour le passé. Mlle Silie ne lui répond qu’en parlant de l’avenir, du seul avenir qui mérite ce nom. Elle avait vaincu ses préjugés envers elle, elle triomphe aussi de préjugés plus graves, et lorsque les yeux du malade se ferment, ils avaient entrevu la lumière, dont la charité est le plus pur reflet.

En 1865, la fièvre typhoïde compliquée d’un mal de gorge épidémique éclata dans la commune de Fléchin. Mlle Silie va de l’école au chevet des malades, revient du chevet des malades à l’école, épuise ses forces sans sacrifier aucun devoir, et quand cette première épidémie s’évanouit et que le repos va lui être rendu, c’est le choléra qui succède à la fièvre typhoïde. Le premier atteint est un ouvrier robuste âgé de quarante ans ; sa mère vole à son secours ; elle est frappée à côté de lui ; tous deux succombent en quelques heures. L’épouvante s’empare de la population. Beaucoup s’éloignent en hâte. Déjà dans une commune de sept cents âmes on compte soixante malades et quinze morts. Qui donc va tenir tête au fléau, se multiplier, se dévouer sans relâcher « C’est encore notre admirable institutrice, » vous écrivent les habitants de Fléchin ; elle porte et elle applique les remèdes, elle ensevelit les morts et leur rend les suprêmes devoirs. Près de chacun, elle trouve le moyen d’être toujours la première et la dernière, et quand le sous-préfet de Saint-Omer arrive au secours de la commune, accompagné d’un médecin et de sœurs de charité, pour seconder les efforts du maire, c’est Mlle Silie qui les reçoit, qui les conduit à toutes les demeures, qui leur indique toutes les souffrances. Tant que sévit le mal, on lui dit vainement : Soignez-vous, reposez-vous. Quand le fléau a disparu et lorsque la mort a cessé de planer sur le pays, elle croit devoir accepter durant les vacances la cordiale hospitalité d’une famille qui demeure à cinq lieues de Fléchin ; mais à peine goûte-t-elle les premières douceurs dune affectueuse réunion, qu’arrive une fatale nouvelle ; le choléra a reparu inopinément parmi ceux qu’elle vient de quitter. On veut la retenir au nom de la raison, de la prudence ; vain langage ! Elle ne le comprend ni ne l’écoute, elle retourne précipitamment sur ses pas ; elle se reproche son absence ; elle reprend comme sa véritable place sou poste au milieu du péril. Enfin l’épidémie a bien réellement disparu ; mais l’inquiétude et presque le remords demeure dans l’âme de Mlle Silie, car il en est toujours ainsi avec ces héroïnes de la charité ; ce n’est qu’en allant bien au-delà du devoir, que de telles natures se sentent d’accord avec elles-mêmes. Pour elles, l’idéal n’est pas dans l’imagination, mais dans la conscience, et lorsque nous admirons les actes accomplis, elles s’étonnent de notre admiration et ne fixent leurs regards que sur de nouveaux sacrifices.

Clotilde Bocquillon n’avait que seize ans lorsque ses parents vieux, infirmes et bientôt frappés de paralysie, tombèrent à sa charge. Son frère aîné, épileptique, réclamait plus de secours qu’il n’en pouvait offrir ; et ses sœurs idiotes, quelquefois furieuses, voulaient maltraiter tantôt leurs parents, tantôt leur sœur. Sans doute Clotilde avait tous les instincts de la charité ; elle cherchait, elle aimait les malades et les pauvres ; mais ce qui a surtout rempli sa vie, c’est cette longue et infatigable lutte contre la plus terrible des infirmités humaines, la privation de toute raison. Que de consolations, que d’encouragements l’homme ne puise-t-il pas dans un regard ami, dans un sourire, dans un serrement de main ! Mais consacrer une existence entière à qui ne s’en aperçoit pas, ne jamais entendre une parole d’affection ou de reconnaissance, donner pour donner, aimer pour aimer, puiser dans son seul cœur son courage, sa persévérance, sa récompense, quel héroïsme d’abnégation ! Si l’on nous demandait quel est en ce monde le dévouement le plus méritoire, ne répondrions-nous pas volontiers : le dévouement qu’ignorera toujours celui qui en est l’objet ? Eh bien, Messieurs, c’est le dévouement de Clotilde Bocquillon ; et voilà pourquoi vous lui accordez un de vos premiers prix, quoique nous ayons pour règle de considérer comme le simple accomplissement d’un devoir naturel tout ce qui se renferme dans le cercle de la famille.

Trois médailles de mille francs chacune sont offertes à Rosalie Foissac, à Aglaé Delon et à Marie Duchesne.

Fille d’un chapelier de Saint-Affrique et l’aînée de quinze enfants, Rosalie Foissac est entrée dès l’âge de treize ans au service d’une maison riche ; mais bientôt le chef de cette famille perd une place lucrative ; des spéculations malheureuses achèvent sa ruine, et la jeune servante passe la nuit à coudre des gants afin de procurer, moyennant un léger salaire si péniblement gagné, du pain à ses anciens maîtres. Cependant elle apprend que son père et sa mère fléchissent sous le poids de l’entretien et de l’éducation de quatorze enfants. Elle revient près d’eux, elle les soulage dans leurs travaux et dans leurs soins. Grâce à son habile activité, une certaine aisance rentre dans sa famille, elle en profite aussitôt pour appeler près d’elle deux petites nièces orphelines ; mais elle ne se contente pas de préserver les siens des souffrances de la misère et des souffrances plus poignantes encore de l’inconduite, elle trouve moyen d’étendre sa charité au dehors de sa maison. Une malheureuse jeune fille dévorée par un mal hideux est reléguée sur la paille d’une écurie ; Rosalie Foissac la visite, panse ses plaies, les guérit et lui rend une condition honorable. Un ancien tailleur de la ville a rebuté la commisération publique ; par ses violences il s’est fait expulser de l’hospice de Saint-Affrique ; Rosalie brave ses injures, triomphe de ses emportements, l’amène au repentir, à la résignation, et lui ferme les yeux après avoir du moins guéri son âme. Enfin, son père et sa mère, presque octogénaires, ne peuvent plus garder leur modeste chapellerie. Rosalie redouble de tendresse et de dévouement pour leur vieillesse, et leur permet à peine de s’apercevoir de leurs infirmités croissantes. Aussi, Messieurs, décernez-vous votre première médaille de mille francs à cette vie de labeurs et d’abnégation, qui n’a pas cessé de rayonner au loin, par l’action et par l’exemple, enseignant à tous l’inépuisable fécondité de ce christianisme qui se venge de tant d’attaques par tant de bienfaits, et dans lequel toutes les vertus s’alimentent réciproquement, l’amour de la famille conduisant à l’amour de l’humanité, l’amour de l’humanité réchauffant et développant encore l’esprit de famille.

Mlle Aglaé Delon habite la ville de Nemours, département de Seine-et-Marne. Dans des conditions d’origine plus favorables que Rosalie Foissac, elle a été cependant réduite par des malheurs domestiques à un revenu presque insuffisant pour son propre entretien, mais elle a compté pour rien les dures privations personnelles. Elle se plaît à rechercher les enfants orphelins ou abandonnés, elle les nourrit, elle les loge, elle les instruit jusqu’à ce qu’elle les ait mis en état de pourvoir à leur propre existence. La ville de Nemours est témoin depuis plus de vingt ans de ce zèle inépuisable et de ces adoptions qu’envierait l’amour maternel lui-même. C’est une sorte d’acclamation unanime et deux fois renouvelée qui a dicté votre choix.

Marie Duchesne n’a jamais quitté son humble village de Bonnœuvre près de Saint-Mars-Lajaille, en Bretagne. Née dans la pauvreté, destinée à être secourue plutôt qu’à secourir, Marie Duchesne n’aurait jamais été signalée à l’attention publique, si son curé, frappé à la fois des qualités de son cœur et des dons de son intelligence, ne lui avait dit un jour : « Je suis vieux, je suffis à peine aux devoirs de mon ministère, les enfants de ma paroisse languissent dans l’ignorance, notre budget est trop pauvre pour fonder des écoles, dévouez-vous et devenez institutrice. » Lorsqu’on lui tenait ce langage, en l’année 1842, l’excellente fille avait vingt-huit ans elle savait à peine lire, elle ne savait nullement écrire, et n’avait jamais entendu parler d’arithmétique. Elle avait donc à apprendre tout ce qu’on voulait qu’elle enseignât. Le désir de son vénérable curé lui parut un ordre de la Providence Marie Duchesne se mit à l’œuvre, travailla comme on travaillerait sous l’empire d’une ardente ambition, et, en moins de deux ans, au mois de septembre 1844, elle se présentait à l’examen, recevait le brevet d’institutrice, méritait plus tard deux médailles pour les succès de son école, et aujourd’hui l’inspecteur d’académie joint une cha­leureuse recommandation à celle des plus hautes autorités du département de la Loire-Inférieure. Une telle vocation, en de si touchantes circonstances, mériterait presque à elle seule une de vos médailles, mais vous êtes bien sûrs que Marie Duchesne ne s’en est pas tenue là. En effet, ses élèves les plus pauvres sont ses enfants adoptifs, les vieillards infirmes de la paroisse sont ses amis préférés ; ses récréations ne se composent que des œuvres d’une sœur de charité ; ses promenades mêmes ont toujours un but : soit la découverte des plantes médicinales, soit une excursion dans la forêt voisine, celle du marquis de Rochequairie, pour l’approvisionnement de tous les foyers pauvres ; son repos même, plus utile que la fatigue de beaucoup de gens, est encore une récolte et une aumône.

L’exemple de M. de Montyon ne contribue pas seulement à encourager et à seconder les bonnes œuvres, il suscite aussi des fondateurs. Un respectable habitant de Versailles, M. Souriau, a mis par son testament l’Académie en mesure d’ajouter une nouvelle médaille de mille francs à ses prix annuels. Nous décernons cette année le prix Souriau à Anastasie Gaudin.

Je me retrouve encore ici en face de compatriotes. J’ai eu l’honneur de connaître personnellement ceux dont je reçois la douce mission de vous entretenir. J’ose donc espérer que vous me pardonnerez si j’en parle comme un témoin, et même comme un ami.

Lorsque le voyageur le plus indifférent à nos révolutions parcourt les rives de la Loire limitrophes de l’Anjou et de la Bretagne, tout l’invite à s’arrêter dans la petite ville de Saint-Florent-le-Vieil : la beauté du paysage, la grandeur des souvenirs historiques, la majesté pathétique d’un monument, chef-d’œuvre du sculpteur David. Ce monument, dû à un ciseau républicain, est destiné cependant à honorer la tombe, à perpétuer la mémoire d’un des généraux de la Vendée. C’est que Bonchamps était un de ces caractères que respectent et qu’admirent tous les hommes animés eux-mêmes de convictions sincères ; c’est gîte, mourant, il a poussé un de ces cris qui retentissent dans la postérité, — que n’a-t-il retenti naguère au-delà de l’Atlantique ! — « Grâce aux prisonniers, Bonchamps Pordonne, » et cette dernière parole du héros est la seule inscription de sa tombe.

Tout près de l’église de Saint-Florent, qui renferme cet illustre tombeau, vivait et mourut un soldat qui avait suivi Bonchamps dans vingt-deux combats, qui l’avait soutenu dans ses bras mortellement blessé, et qui, s’élançant après avoir reçu son dernier soupir, avait porté au dehors l’ordre sublime de son général, et l’avait fait entendre partout avec ce même sentiment d’ardeur généreuse qui l’avait inspiré. En 1815, la Restauration avait donné à M. Lebrun une charge d’huissier peu lucrative dans cette contrée, et une pension de 300 francs sur le ministère de la guerre. Quelque modique que fût cette petite rente, Lebrun ne l’avait point sollicitée, il fut même étonné de recevoir une pension un peu supérieure à celle de plusieurs autres capitaines de paroisse. Un de ses camarades avait été oublié ; Lebrun écrivit aussitôt au ministre de la guerre, le priant avec instance de lui retrancher cent francs et de les reporter sur la tête de son ancien compagnon beaucoup plus âgé que lui. Le ministre s’y refusa. M. Lebrun ne murmura point, mais prit aussitôt le parti de les donner lui-même, et les versait chaque année avec une joyeuse exactitude. En 1830, la gêne de la famille Lebrun fut cruellement aggravée : M. Lebrun n’avait pas prêté serment au nouveau pouvoir. Il s’était privé ainsi du même coup de sa charge d’huissier, de sa pension, et, ce qui lui fut peut-être le plus pénible, du bonheur d’assister son vieux compagnon d’armes. Il se trouvait dès lors presque dénué de toutes ressources, chargé de l’éducation, de onze enfants. Il avait pour unique servante Anastasie Gaudin. Elle ne voulut point se séparer de cette noble détresse, et, lorsqu’au bout de quelques années M. Lebrun eut encore la douleur de perdre sa pieuse et courageuse femme, Anastasie Gaudin se consacra plus entièrement que jamais à toute sa famille. Chacun des nombreux enfants a reçu de cette brave fille tous les soins de la tendresse maternelle, et chacun commença dès lors à l’honorer et à l’aimer comme sa propre mère. Puis, quand les années s’appesantirent sur la tête de M. Lebrun, elle redoubla de dévouement, de vigilance, et souvent se refusait à toucher ses modestes gages, toujours fixés à soixante francs, comme ils l’avaient été au premier jour de son entrée dans la maison. À mesure que les enfants de M. Lebrun avaient grandi, ils avaient pourvu à leur propre existence, tous d’une façon très-honorable, mais modeste. Plusieurs offrirent à leur père de le recevoir dans leur ménage à Angers ou à Nantes, mais il fallait s’éloigner du tombeau de Bonchamps, près duquel il allait s’agenouiller soir et matin ; il fallait perdre de vue cette maison de pêcheur sur les bords de la Loire où il avait recueilli le dernier vœu de son général. M. Lebrun préféra demeurer à Saint-Florent en redoublant de privations toujours partagées et toujours adoucies par la sollicitude d’Anastasie Gaudin. À son insu même, elle faisait entrer dans l’humble ménage le fruit de ses travaux personnels. Un jour M. Lebrun avait exprimé le très-vif regret de ne pouvoir garder quelques mois près de lui un de ses petits-enfants, qui était son filleul. Anastasie Gaudin lui persuada que la dépense quotidienne n’enterait point augmentée, et qu’il pouvait en toute sûreté s’accorder cette jouissance paternelle. C’est qu’à cette époque elle était propriétaire d’une centaine de francs amassés en filant assidûment, durant de longs hivers, avec cette adresse particulière aux femmes de l’Ouest, et qui figure déjà dans l’histoire de la Bretagne pour la rançon de du Guesclin. Anastasie Gaudin réservait cette petite somme pour le cas de quelque maladie imprévue de son maître ; la santé florissante de M. Lebrun la rassurant, elle consacra à la joie ce que la souffrance n’avait pas réclamé. Les économies de la pauvre servante donnèrent quatre ou cinq mois de bonheur au vieil aïeul, qui répétait sans cesse à ses amis : « Anastasie est une ménagère si habile que j’ai pu garder mon petit-fils tout ce temps, sans que ma pauvre bourse s’en soit aperçue ; son industrie fait vraiment des tours de force. » Le bon vieillard ne se trompait que d’un mot ; ce n’était pas l’industrie qui avait fait le miracle, c’était l’affection.

Ainsi vécut M. Lebrun durant de longues années, également inébranlable dans sa foi politique et dans une modération bienveillante. Il savait honorer tout ce qui conservait un caractère honorable ; il fut honoré lui-même durant toute sa carrière par les hommes les plus distingués de tous les partis. Personne non plus ne sépara de cette estime la pauvre servante que vous couronnez aujourd’hui. À ses moments de repos et pour toute distraction, elle filait au coin d’une cheminée, la plupart du temps sans feu, tandis que son maître, assis sur une chaise de paille dans l’embrasure d’une fenêtre au niveau de la rue, lisait quelque livre de piété, ou, en évitant de se nommer lui-même, causait avec ses amis des anciennes campagnes de la Vendée, et personne ne pouvait contempler sans émotion ce tableau du dévouement veillant en silence sur la fidélité.

M. Lebrun avait atteint sa quatre-vingt-neuvième année, et Anastasie Gaudin se flattait de le conserver encore de longs jours, car Dieu permet, grâce lui en soit rendue, qu’au milieu des plus poignantes inquiétudes, de douces illusions se mêlent toujours à la triste prévoyance, et le cœur de l’homme espère plus longtemps que sa raison. Cependant, le 12 février 1866, au moment où, avant le jour, il se levait pour aller, comme à l’ordinaire, commencer sa journée dans l’église de Saint-Florent, il fut saisi d’un soudain évanouissement et s’éteignit sans agonie en quelques heures. Il mourut entouré de la vénération de tous ceux qui avaient été témoins de son courage toujours calme, de sa résignation toujours douce, de sa sérénité toujours égale, quelle que fût la carrière ou l’opinion sur laquelle il eût à s’exprimer. Une telle mémoire ne pouvait manquer de protéger l’humble servante près de l’Académie, qui donne elle-même un utile exemple de cette haute impartialité, également éloignée de la passion politique exaltant outre mesure ce qui la flatte et des préjugés mesquins dénigrant ce qui ne flatte pas la victoire ou la fortune du moment.

Les médailles de cinq cents francs nous ramènent à M. de Montyon. Nous pouvons cette année en distribuer quinze : L’énumération complète en serait trop longue ; le choix entre elles serait trop difficile. J’emprunterai donc au livret publié par l’Académie quelques noms seulement, et pour ainsi dire au hasard.

Pierre Teulé d’abord, artilleur de la garde en garnison à Versailles. J’ai hâte de le nommer, car on : pourrait croire que les hommes sont exclus de ce noble concours. En 1855, durant l’expédition de Crimée, le duc de Noailles parlant cette place demandait, aux applaudissements unanimes d’un public ému, que le prix de vertu militaire fût décerné à notre armée ; le même prix au besoin lui appartiendrait encore, et nous avons souvent pour gage des qualités du champ de bataille les qualités, plus difficiles peut-être, de la garnison. Teulé, soldat depuis vingt ans, sert dans la garde, et réside par conséquent dans les villes où le plaisir est le plus attrayant et le plus facile. Cependant il lui a refusé sa jeunesse, son temps et son argent. Il n’a qu’une pensée, soulager de loin ses parents forcément délaissés. Il leur consacre non-seulement sa paye, mais le modique salaire qu’il continue à gagner au régiment comme ouvrier tailleur. Dès qu’il a amassé dix francs, le brave canonnier les transforme en bon sur la poste et les envoie joyeusement au pays natal. Ces bons sur la poste sont relevés depuis quatorze ans et attestés par son colonel. Il nous est chaleureusement aussi recommandé par notre confrère de l’Académie des sciences morales, M. Bersot, bon connaisseur en sacrifices, et nous sommes heureux de récompenser une fois de plus l’amour filial, si naturel compagnon de l’amour du drapeau.

Marie Gabory, de Saint-Quentin-en-Mauges, va jusqu’à se dépouiller de ses vêtements pour réchauffer ou pour vêtir ceux qu’elle croit encore plus pauvres qu’elle.

Marie Viala, à force de sollicitude, arrache ses parents à la mendicité, et répond à ceux qui s’inquiètent de l’épuisement de ses forces : « Ne craignez rien, Dieu ne m’a pas faite pour moi seulement, et il saura bien me soutenir. »

Jean Vagosch, pauvre charpentier d’Hilbesheim, adopte d’autres ouvriers dénués et invalides.

Jeanne Lescop, qui, dans la commune de Saint-Adrien près de Guingand, a transformé depuis quarante-sept ans son humble demeure en école, prodigue, en outre, aux plus petits enfants les soins minutieux d’une salle d’asile.

Augustine Laseince se constitue le guide et le soutien d’un aveugle, à Paris, dans le faubourg Saint-Antoine.

Marie Lerosier, d’Isigny (Calvados), est l’émule d’Anastasie Gaudin dans la fidélité domestique.

Maintenant, Messieurs, ma tâche ou plutôt la vôtre est accomplie. Vous avez recherché, vous avez pesé avec une scrupuleuse attention les actes qui font honneur à notre pays ; puisse désormais cette bienfaisante mission grandir et se développer encore ! Vous venez de couronner des individus ; Dieu veuille que vous ayez bientôt à couronner des peuples ! Vous venez de proclamer les noms de quelques-uns de nos concitoyens qui ont bien mérité de la France, en assistant leurs semblables ; puissiez-vous un jour signaler à la reconnaissance du monde les princes ou les nations qui auront le mieux mérité de l’humanité ! Une distribution de prix n’est plus aujourd’hui la fête du jeune âge seulement ; elle devient l’ambition de l’âge mûr, et la récompense des monarques aussi bien que celle des citoyens. De jour en jour les nations s’accoutument davantage à se visiter, à s’étudier, à se pénétrer les unes les autres. Il n’est plus de concours aujourd’hui qui n’aspire à devenir universel ; puisse donc la vertu profiter aussi de ce progrès, et entrer dans cette ardente émulation ! Puissent bientôt, d’un pôle a l’autre, les sentiments généreux se traduire en institutions indépendantes et durables, dominer l’égoïsme des intérêts et l’antagonisme des partis Puissent les masses participer à la plus grande somme de bien-être possible, sans perdre les saines habitudes, ni le goût du foyer domestique ! Puisse la dignité de toutes les classes s’élever par la dignité de toutes les consciences ! enfin l’autorité et la liberté se réconcilier sous les auspices du respect, de ce respect qui meurt quelquefois faute d’aliments plutôt que faute de vitalité ! Partout aujourd’hui les hommages et les promesses sont prodigués à la paix, mais les actes se dirigent toujours vers la guerre, et les sanglants défis ne paraissent point toucher à leur déclin. Souhaitons que, d’année en année, les hostilités séculaires, les luttes nationales, se transforment en rivalités plus dignes de notre siècle, plus conformes aux leçons de l’expérience. Le monde, soyez-en sûrs, ne manquerait, dans cette arène nouvelle, ni de concurrents ni de juges ; car, il faut le dire à l’éloge de l’homme, si le succès l’éblouit, si l’audace l’entraîne, si la fortune le subjugue, la vraie grandeur seule l’émeut, l’exalte et l’attache. Faites passer devant lui le despotisme victorieux, la violence heureuse, le triomphe injuste ; il contemplera ce cortége, il s’inclinera peut-être, mais son âme restera froide et sa bouche muette. Faites apparaître la justice, l’honneur, la clémence, la pitié ; alors les cris jailliront du cœur, les applaudissements ne s’évanouiront pas dans l’air comme un vain bruit, et les actions dignes de mémoire naîtront de ces heures d’enthousiasme. Si ce vœu n’était point une utopie, l’Orient cimenterait alors avec l’Occident une alliance qui changerait la face du globe ; le Céleste Empire raserait sa vieille enceinte de murailles pour ouvrir un vaste horizon à la science vraie et à la civilisation sincère ; l’islamisme, qui jusqu’à ce jour ne nous a emprunté qu’un habit, emporterait des bords de la Seine, de la Tamise et du Danube, le salut de la Grèce et l’émancipation des chrétiens ; en Europe, les oppresseurs tendraient affectueusement la main aux opprimés, et ne souffriraient plus ni murmures étouffés, ni larmes secrètes ; la race la plus forte nommerait la plus faible ma sœur, et les conquérants ne se borneraient pas à respecter les moulins ; l’Amérique ne se contenterait pas d’abolir l’esclavage, elle en effacerait les derniers vestiges dans les mœurs aussi bien que dans les lois. Mais qui peut en ce moment jeter son regard vers l’Amérique sans l’y arrêter ? Tout à l’heure la poésie en deuil va saluer l’image de Lincoln. Ce qu’elle ajoutera un jour, c’est que des clameurs qui paraissaient irrésistibles demandèrent au vainqueur l’immolation du vaincu ; c’est que le successeur de Lincoln aima mieux compromettre une popularité que de souiller une cause, et que la tête de Jefferson Davis fut sauvée. Voilà la vraie grandeur ; voilà ce que doivent méditer le succès qui n’a pas toujours le droit de s’appeler la victoire, et le patriotisme qui ne veut pas être confondu avec la vengeance ; voilà ce que l’histoire et sa philosophie doivent revendiquer sans cesse, afin que le sentiment de la responsabilité devienne de plus en plus présent à la conscience publique, afin que la puissance et la force se sentent de plus en plus contenues par les freins invisibles et sacrés de l’ordre moral. Les Académies ne comptent pas parmi les corps politiques, mais elles ont voix consultative dans la sphère des sentiments et des idées. Qui voudrait les taxer de témérité, quand elles poussent l’esprit public dans une voie où, depuis plusieurs siècles, elles n’ont cessé d’exercer une noble initiative Puissent-elles contribuer encore aux progrès qu’il ne leur appartient pas de décréter ! Puissions-nous voir bientôt le prix international de la vertu annoncé par le Moniteur des deux mondes ! Qu’il soit fondé par la paix, décerné par la liberté, et que ce soit la France qui l’obtienne !