Réponse au discours de réception de François-Auguste Mignet

Le 25 mai 1837

Jean-Baptiste SANSON de PONGERVILLE

Réponse de M. de Pongerville
Directeur de l'Académie française

au discours de M. Mignet

DISCOURS PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE
le jeudi 25 mai 1837

PARIS INSTITUT ROYAL DE FRANCE

Monsieur,

Je me garderai bien d’ajouter le moindre trait au brillant tableau que vous avez tracé du poëte, de l’historien, du savant philologue, du citoyen courageux que nous avons perdu dans M. Raynouard : il ne pouvait trouver un meilleur juge que vous ; mais, confident de ses pensées, moi, son élève, son ami, je pourrai du moins, au milieu de cette assemblée dont il fit pendant trente ans sa seconde famille, et que son absence éternelle frappe aujourd’hui si douloureusement, je pourrai vous parler de sa vie intime ; et puis il y a peut-être un grave enseignement dans la conduite simple et pure d’un homme célèbre.

Unie à un grand talent, la vertu semble si belle ! M. Raynouard a traversé les jours orageux de nos révolutions, et subi les fluctuations de la célébrité. Dans les assemblées législatives, dans les réunions littéraires, au milieu des contrariétés ou des succès, il s’entoura d’un calme imperturbable. Cependant son imagination était vive, son esprit actif, son cœur ardent ; mais la puissance de sa raison l’élevait au-dessus des luttes de la vie. Laborieux par instinct, il semblait dans ses travaux ne céder qu’à l’impérieux besoin d’alimenter sa pensée : quant à leur résultat d’amour-propre, son indifférence était profonde. Aussi le vit-on, après de grands succès, s’arrêter dans sa brillante carrière, et rejeter tout à coup des armes longuement préparées pour de nouveaux triomphes. Mais ce n’était jamais la route ordinaire qu’il suivait : sa haute et forte pensée voyait, sentait, agissait, il faut l’avouer, avec quelque apparence de singularité. Pour le connaître, pour l’apprécier il fallait du temps et de l’étude ; l’enveloppe sous laquelle il se cachait n’était point facile à pénétrer et son contact paraissait un peu rude ; mais quand l’amitié, la confiance, parvenaient à soulever le voile, on comprenait alors que s’il est quelque chose de plus beau que le génie, c’est le cœur de l’honnête homme. Là se montraient l’ami sincère, le citoyen intègre, le parent dévoué. Ne prenant d’autre conseiller que sa conscience, il accomplissait le sacrifice le plus généreux avec le calme que peut seule inspirer la religion du devoir : nul ne fut plus fidèle observateur de cette véritable piété inébranlable comme la raison dont elle est fille, et qui, n’attendant rien des prestiges de l’imagination, ne cherche de récompense que dans ses œuvres.

Permettez-moi de vous en offrir quelques exemples : M. Raynouard devait à son esprit d’ordre, à ses doctes travaux une fortune assez considérable. À la suite de nos derniers troubles politiques, son frère fut contraint d’acquitter sans délai près de quatre cent mille francs : l’honneur l’exigeait. M. Raynouard dit à l’un de ses neveux : « Tous mes biens réunis pourront s’élever à cette somme ; je t’en fais don, tu les vendras, afin que mon frère ne reçoive de secours que de la main de son fils. » La donation fut signée sur-le-champ. Une heure après, M. Raynouard qui venait de réduire sa vieillesse aux jetons de l’Académie, et à la modique rétribution du Journal des savants, se livrait à l’étude accoutumée sans la moindre distraction.

Ce noble désintéressement se manifesta dans les différentes carrières que cet homme célèbre a parcourues. En retraçant une vie qui se compose d’actions généreuses, il m’est impossible de résister au plaisir de vous en rappeler encore quelques-unes.

Avocat au barreau de Draguignan, M. Raynouard soutenait contre le fisc des droits sur une prise maritime ; personne n’avait voulu défendre cette cause désespérée, lui seul la trouvait bonne. La moitié de la valeur, qui était considérable, avait été promise à l’avocat ; après six mois de soins, il gagne ce procès d’ou dépendait la fortune d’un père de famille : il s’empresse de lui écrire ces mots « Votre procès est gagné ; vous me devez SOIXANTE FRANCS pour honoraires et enregistrement. »

Ce rigorisme de conscience, cet amour de l’équité, il le supposait dans les autres, il croyait à l’honneur ! Il aurait rougi de solliciter la moindre faveur : ce qui lui était dû, il l’attendait. Il ne consentit jamais à faire la moindre démarche pour obtenir la représentation des Templiers. Cette tragédie, qui fit événement dans la littérature et rappela, comme vous l’avez dit, l’immense succès d’Agamemnon, ne fut représentée que par la volonté du chef de l’État, qui avait toujours une faculté en réserve pour examiner ce qui pouvait contribuer à l’illustration de son époque : il ordonna de jouer cette tragédie. Il mit pourtant une condition à cette faveur : il exigea que l’auteur modifiât la dureté, la fourberie despotique de Philippe le Bel. Le récent empereur ne voulait voir que des hommes de conscience dans ses nobles prédécesseurs. Ainsi s’explique, Monsieur, ce que vous avez trouvé d’incomplet dans le rôle du roi Philippe. Mais il est juste de dire que M. Raynouard, dont la résistance eût été vaine, répliqua à Napoléon : « Vous désirez que je prête un masque au bourreau des Templiers ; vous prétendez que la tragédie n’est pas de l’histoire ; j’en conviens : eh bien, j’envelopperai le tigre d’une peau d’agneau, mais je lui conserverai les griffes. » Cette circonstance me rappelle un mot de l’empereur, qui prouve à quel point il avait étudié les nuances de son grand rôle. En quittant l’auteur, il lui dit : « Vous faites entrer le mot échafaud dans la menace que Philippe adresse aux chevaliers du Temple ; Monsieur, un roi emploie quelquefois l’échafaud, mais ce mot ne sort jamais de sa bouche. » La leçon profita au poëte.

Lorsque, en 1809, l’empereur entendit à Saint-Cloud les États de Blois, il conseilla des modifications et même des additions, « Mettez, lui dit empereur, tous les torts du côté des Guises : embellissez le caractère royal. » Alors, lui réplique M. Raynouard, donnez-moi donc un parterre de rois. La pièce ne reparut plus. Dès ce moment la juste fierté du poète garda un silence invincible. Vous avez indiqué, Monsieur, les ouvrages nombreux qu’il composa depuis, et dans lesquels les arbitres de l’art, qui seuls en ont reçu la confidence, ont trouvé des beautés du premier ordre.

L’Académie, qui ne s’informe pas, pour admettre un écrivain, s’il est en faveur ou non, appela M. Raynouard à succéder au poëte Lebrun. La lucidité de son esprit, la justesse de ses vues, son goût exquis, son expérience, lui acquirent la confiance de ses confrères, qui le nommèrent, à l’unanimité, secrétaire perpétuel. Nous avons tous présents à la mémoire les services rendus à l’Académie par ce digne successeur des Duclos, des d’Alembert et des Marmontel. Après dix ans d’assiduité, l’abdication volontaire d’un si beau titre fut une énigme pour tous ceux qui, à cette époque, ne comprenant pas sa fière indépendance, n’entraient point dans le secret de sa pensée. Il n’en resta pas moins dévoué à l’Académie, dont il était devenu la loi vivante.

Ce philosophe pratique fit toujours à propos et sans efforts les plus pénibles sacrifices.

C’est ainsi que, ne publiant plus ses pensées que dans le Journal des savants, il avait renoncé à mettre au jour les œuvres qui pouvaient accroître sa renommée. Ses héritiers vont bientôt en faire jouir le public. « Le temps, disait-il, est la boussole de nos actions, il faut le consulter : tout change, trop de réalités s’emparent des esprits pour que les fictions les attachent fortement. Je rentre dans le positif de l’art, je retourne à l’origine de notre belle langue : j’en deviendrai l’historien. La langue ne résulte pas d’une capricieuse combinaison : la langue est un moule vivant de la pensée, du goût et des mœurs. Aussi, dans les crises politiques, elle s’altère, elle sort des limites de la logique et du goût, comme les pensées sortent des limites de la justice et de la vérité. Il est donc plus important que l’on ne pense de constater les progrès et l’état du langage. Et il ajoutait : Je ne participerai plus à la littérature qu’en me reportant à son berceau : quand le fleuve est agité par l’orage, il faut se réfugier à sa source. »

Dès lors M. Raynouard se livra tout entier à son travail sur la langue des troubadours, qu’il arracha, vous l’avez dit, vivante de la poussière des siècles, comme d’habiles naturalistes ont ressaisi dans les entrailles du globe des races anéanties qu’ils ont replacées dans la chaîne des êtres.

Ainsi qu’il l’avait annoncé, il ne reparut plus sur la scène littéraire ; il ne fit plus même entendre sa voix dans nos solennités. Ce silence laborieux plaisait à sa simplicité philosophique ; d’ailleurs il ne se laissa jamais surprendre aux amorces de la célébrité ; sans chercher les applaudissements, sans craindre la critique, il souriait stoïquement à l’aspect de cette foule qui, disait-il, est une idole capricieuse à qui la peur offre tant de sacrifices ; cette foule crédule qu’il faut bercer de mensonges et d’espérances, qui approuve bien moins ce qui est juste que ce qui la flatte, qui élevait hier un homme jusqu’aux cieux, et maintenant demande ce qu’il a fait.

Le calme dont M. Raynouard s’enveloppait n’affaiblissait point l’intérêt qu’il portait à la littérature. Il applaudissait aux entreprises hardies, il aimait les conquêtes dans les arts. Bien différent de ces hommes dont l’immobile esprit ne veut pas qu’il soit permis de naviguer au delà du point où ils ont jeté l’ancre, M. Raynouard leur disait : « Laissez prendre l’essor aux jeunes talents ; il est beau d’oser et de s’élancer sur l’océan ouvert à l’esprit humain, en restant fidèles aux règles du goût et de la morale : leur naufrage même ne serait pas sans gloire. Moi je les applaudis du bord ; si j’étais plus jeune, je m’embarquerais avec eux. »

Doué d’un rare talent d’observation, prompt à saisir les travers de la société, M. Raynouard, par la forme originale et mordante de son expression, se trouvait enclin à la satire ; mais il la retenait en lui et ne la laissait entrevoir qu’à travers son sourire malin. Voici d’où lui venait cette prudente réserve. À peine sorti du collège, il fit quelques vers malicieux qui attirèrent à sa famille de vifs désagréments. Un bon ecclésiastique, touché du repentir du rimeur étourdi qu’il aimait beaucoup, fit cesser tout le mal et lui inspira l’aversion de l’épigramme. Après plus de vingt ans, M. Raynouard retrouva ce vieil ami de son enfance, pauvre et souffrant ; il lui fit une pension, conservée pendant toute sa vie. Peut-on, disait-il trop payer une sage leçon ?

Je me livre avec abandon au récit des actions que sa modestie prenait soin de cacher ; car notre douleur se fait illusion en parlant de la bonté d’un ami, on croit faire revivre la plus belle portion de lui-même. Hélas ! sa perte, quoique annoncée par l’âge et la souffrance, nous fut bien amère. L’ancien ami, le vieillard qui conserve la puissance de la pensée, qui s’environne de l’éclat du talent et de l’honneur, inspire avec l’amitié une vénération religieuse. Cet homme au front courbé par l’âge et la gloire, acteur ou témoin de tant de scènes fameuses, échappé de tons les piéges de la vie, riche d’expérience et de savoir, lui, que tant de liens attachaient au monde, qui nous rendait présent un temps que nous n’avons pas connu, ce guide, devenu indispensable à notre affection comme à nos travaux, tout à coup n’est plus pour nous qu’un souvenir.

Voilà, Monsieur, les douleurs qui se renouvellent trop souvent dans la famille qui, en vous accueillant, a trouvé le moyen d’adoucir ses regrets. Cependant, je l’avouerai, il est des pertes si déchirantes pour nous, et si vivement ressenties par le public, qu’elles semblent d’abord irréparables. Mais à côté des talents qui s’éteignent, s’élèvent des talents nouveaux avec une direction différente, ils concourent aux progrès des connaissances humaines, et dans ce cercle perpétuel, les plus vastes lacunes insensiblement se remplissent. L’Académie a choisi comme l’aurait fait M. Raynouard lui-même, s’il lui avait été possible de nous indiquer son successeur. Je crois pouvoir vous rapporter ici ce que j’ai recueilli de sa propre bouche. En louant avec toute la force de sa conscience votre savant travail sur la féodalité et les institutions de Louis IX, il ajoutait en parlant de vous, Monsieur : « Il a le coup d’œil et le burin de l’historien ; il ne dit pas, il peint. » Il appréciait aussi l’emploi de vos talents. Instruire est votre but. Vous ne faites pas de l’histoire une galerie de scènes, où tous les personnages, entassés sur le même plan, se confondent et s’effacent. Vous avez l’art de mettre en relief tout ce qui doit fixer l’attention et de résumer avec ordre et rapidité les événements les plus compliqués. Ce mérite brille à un haut degré dans votre précis de la succession d’Espagne. L’introduction seule de cet ouvrage est un ouvrage remarquable. L’esprit d’analyse n’a peut-être jamais développé avec plus de justesse les causes de l’élévation et de la décadence des empires. Vous avez prouvé tout ce que les événements peuvent sur les esprits, et ce que les esprits supérieurs peuvent sur les événements. Vous avez profondément étudié les hommes, peuples et rois. Tous les ressorts qui font remuer la grande machine politique ont été savamment interrogés par votre main. Après Voltaire lui-même, vous avez trouvé des traits nouveaux dans les personnages de cette époque fameuse, où la royauté, montant au dernier degré de l’absolutisme, s’éleva si haut que le siècle, lui vouant une espèce d’idolâtrie, la regardait comme une œuvre des cieux. Un esprit noble se rencontra dans un prince, et vous faites connaître, Monsieur, comment son action puissante fut préparée par deux immortels ministres, Richelieu, Mazarin, monarques eux-mêmes. Ils ont inspiré l’âme de leur royal continuateur : en eux brille le véritable type du génie, que l’on confond trop facilement avec l’indomptable essor du pouvoir, qui, à son insu, relève ses ennemis, ne grandit que sur des ruines, pour s’engloutir dans le gouffre qu’il a creusé lui-même. Mais le propre du génie est de ne point laisser revivre ce qu’il a détruit, et de rendre impérissable ce qu’il a fondé. Dans votre consciencieux ouvrage sur la réforme religieuse de Genève, vous avez signalé les désastres de l’intolérance, et, dans son mélange inévitable avec l’enthousiasme de secte, vous avez cherché sous quelle forme elle est le moins funeste à l’ordre social : là, en effet, doivent s’arrêter les efforts de la philosophie, car l’esprit humain a des plaies incurables.

Dans votre fragment historique, précurseur d’un grand ouvrage, vous avez peint avec une énergique vérité Luther à la diète de Worms, cet apôtre de la réforme qui, né pauvre, s’éleva en rival de la tiare : levier puissant qui remua le monde, rigoureux interprète de la loi divine, il tenait au ciel par son enthousiasme évangélique, en restant attaché à la terre par la violence des passions. Novateur incomplet que j’oserais comparer à ce lion, ébauche de la nature, qui, aux jours de la création, dégage du sol ses membres encore empreints du limon originel.

Il est doux de vous le dire, Monsieur : vous ne vous êtes jamais écarté de la mission de l’écrivain ; vos ouvrages ont constamment servi la raison publique. Il en est un qui, signalant vos éclatants débuts, fit applaudir en vous le talent de l’écrivain et le courage du citoyen.

La France alors, encore toute froissée d’une infortune égale à son ancienne splendeur, osait à peine jeter ses regards vers son passé glorieux. Ceux dont l’opiniâtre aveuglement avait attisé le foyer des révolutions, ceux qui avaient profité de ses revers, hérité de ses triomphes, lui reprochaient des erreurs qu’ils avaient partagées, des fautes dont ils étaient complices. La France, reine détrônée, ne trouvait plus que des ennemis et des détracteurs : dans son deuil, elle gémissait en silence : tout à coup du milieu de la littérature, du haut de la tribune nationale, des accents énergiques retentissent ; ils raniment dans le peuple entier le sentiment de sa dignité, la conscience de sa juste cause. À ses accents patriotiques s’unit votre voix courageuse ; elle dit à la France : On t’a calomniée ; tes malheurs sont l’œuvre de tes adversaires ; ta gloire est à toi seule ; voilà le tableau de ta grande époque : regarde, et sois fière ! Ainsi apparut votre Histoire de la révolution.

Il fallait une pensée élevée à la hauteur des événements pour comprendre cette lutte, cette effervescence d’une nation sortant rajeunie des ruines du passé, et déployant une prodigieuse énergie pour défendre contre l’Europe entière sa nouvelle existence, et la légitimer par la victoire. Vous l’avez reconnu, Monsieur ; de semblables événements ne sont prémédités par personne : ils éclatent comme le volcan au jour marqué pour l’éruption.

Le génie du dix-huitième siècle avait fécondé la pensée des peuples, et, comme un germe déposé dans un sol vivifiant, la liberté sortit de nos tourmentes, la France l’allaita de son sang, et la fit grandir au bruit de nos victoires.

Vous avez prouvé, Monsieur, que c’est une grave et coupable erreur d’imputer les excès de quelques hommes égarés à un peuple tout entier. Les crimes sont des faits isolés commis au détriment de l’intérêt public ; la gloire seule est nationale, puisqu’elle résulte du concours de tous. Dans ces entraînements terribles, dans ces grandes convulsions des peuples, les efforts pour ralentir ou précipiter les mouvements sont également vains. Non ce ne sont plus les volontés humaines qui renversent l’ordre antique, ce sont les fondements qui d’eux-mêmes abandonnent l’édifice.

Loin de moi, Monsieur, de supposer une marche prévue, une irrévocable prédestination dans les événements, et dans les hommes, en un mot, une tyrannique fatalité, fantôme à qui notre faiblesse impute les faits dont elle ne comprend pas les causes ; fatalité qui accablerait aveuglément sous son niveau d’airain la stupidité et le génie, la sagesse et le vice, l’ordre et l’anarchie, ferait de l’homme un vil instrument indigne d’éloge, de blâme ou de pitié. Mais vous, Monsieur, en reproduisant les terribles secousses d’une civilisation progressive, vous avez savamment expliqué les phases diverses de ces accidents enveloppés dans l’ordre universel, et vous avez fait la part des hommes et des choses : là, se trouvent des regrets pour toutes les infortunes, des enseignements pour toutes les erreurs, l’anathème pour tous les forfaits, le respect pour toutes les gloires.

Heureux l’historien qui justifie un peuple calomnié. L’époque de vos succès, Monsieur, en ouvrant une ère nouvelle pour l’histoire, a vu briller des écrivains dont la renommée est devenue européenne.

L’un a créé l’immortel tableau où le plus prodigieux triomphe et le plus horrible désastre proclament également la gloire de la France.

L’autre, apportant dans ses investigations savantes la pureté de sa conscience, la vigueur de sa raison, a dévoilé la secrète origine de la civilisation moderne.

Celui-ci, peintre ingénieux et hardi, a surpris les secrets du passé, et versant la lumière de la science sur les ténèbres du moyen âge, a montré l’aurore de nos libertés dans l’affranchissement des communes.

Combien d’autres talents d’un ordre élevé pourrais-je vous nommer, s’ils ne m’entendaient pas ! Opposés dans leurs systèmes, ils marchent au même but, la vérité. Chacun d’eux l’étudie sous des aspects divers, et contribue à la faire connaître tout entière. Ainsi, l’un de vos célèbres émules s’avançant à vos côtés, uni à vous par une pensée fraternelle, a reproduit cependant, a développé avec des nuances différentes les scènes resserrées par la puissance de votre burin sévère. Comme lui, vous êtes sorti des rangs d’une patriotique opposition comme lui, vous êtes né sous ce beau ciel qui inspira M. Raynouard, votre illustre compatriote, dont vous serez fier d’occuper la place, et que vous regretterez avec nous.