Rapport sur les concours de l’année 1840

Le 11 juin 1840

Abel-François VILLEMAIN

RAPPORT DE M. VILLEMAIN,

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

SUR LES CONCOURS DE L’ANNÉE 1840,

11 juin 1840

 

 

MESSIEURS

Le deuil tout récent, le deuil d’hier qui, pour l’Académie et l’Institut tout entier, attriste cette séance, n’a pas été pour nous un motif de la différer. Le nom de celui que nous avons perdu était trop populaire par l’estime, pour que nous n’ayons pas eu l’assurance que la sympathie publique punirait à notre douleur, et que, dans l’émotion de cette assemblée, M. Lemercier recevrait ce grave et dernier témoignage qu’emporte avec lui l’homme de talent universellement respecté pour la dignité de sa vie et la noble fierté de son âme. Une telle impression dans un tel auditoire est un exemple dont nous n’avons pas dû priver la jeunesse littéraire. C’est de beaucoup la plus belle couronne qu’on puisse décerner dans cette enceinte.

Un intérêt nouveau devait aujourd’hui s’attacher à la séance annuelle de l’Académie. Pour la première fois, nous avons à décerner la plus grande récompense qui, de nos jours, ait été consacrée à l’encouragement du talent et des sérieux travaux. Ce que faisait Louis XIV, quand par des bienfaits publics, il assurait indépendance et loisir aux hommes dont l’esprit pouvait honorer son règne, un simple citoyen un jeune homme sans pouvoir et sans expérience l’a noblement essayé.

Mourant isolé, loin de sa patrie, obscur, sous un nom qui s’était distingué dans les guerres de la République et de l’Empire, il n’a songé qu’à la gloire de la France et à ceux qui pourraient la servir et la célébrer ; il leur a légué sa fortune, pour prix des savantes recherches et des éloquents travaux qu’ils entreprendraient sur notre histoire.

Gardienne d’une moitié de cette dotation, l’Académie française a voulu n’en disposer qu’après une longue attente et un scrupuleux examen. Trente-trois ouvrages historiques, quelques-uns portant des noms célèbres et respectés, ont occupé ses commissions et ses séances. Je n’ai point à nommer ici les auteurs des livres écartés après cette épreuve ; l’Académie ne doit compter que de son choix ; et si son choix est en l’éclat et la pureté du talent, il fera deviner assez les critiques littéraires que nous n’exprimerons pas sur d’autres ouvrages. Il a paru à l’Académie que, pour répondre à la pensée du prix dont elle était dispensatrice, elle avait dû prononcer plus d’une exclusion qui n’était pas un blâme, et refuser la couronne à des écrits remarquables d’ailleurs. Ce qu’on lui demandait de désigner, en effet, ce n’était pas quelque travail trop vaste dans l’ensemble pour être soigné dans toutes les parties, quelque monument immense et incomplet, précieux pour les recherches, insuffisant pour l’art ; ce n’était pas non plus quelque ouvrage brillant, mais inégal, marqué plutôt par la hardiesse des vues et les vives fantaisies du langage, que par l’irréprochable maturité du talent historique. Sans méconnaître en rien l’imagination et la science, l’Académie devait surtout se montrer fidèle aux principes de ce goût simple et sévère qui partout désirable, est doublement nécessaire dans l’histoire, où il semble faire partie de la vérité même.

On a dit que l’histoire sans cesse renouvelée par le temps, changeante et inépuisable comme lui, était le genre de littérature qui convient le mieux aux civilisations avancées, et peut le plus échapper à la décadence des langues et du goût. Mais les qualités essentielles au récit, cette clarté parfaite, cet ordre judicieux, cette imagination sobre et tempérée, cette sensibilité contenue que la forme historique commande, elle ne vous les donne pas ; et ce n’est qu’à force de réflexions, de comparaisons et d’études, que vous pouvez lentement les acquérir, ou plutôt les développer en vous. Indiquer cette route au talent, lui rappeler que la nouveauté et l’étendue des recherches ne sont pas tout dans l’histoire, qu’elle veut, en outre, un grand ordre de composition et de style ; art d’autant plus élevé qu’il n’a pas de forme précise, et qu’il doit être, en quelque sorte, inventé pour chaque sujet et à chaque époque, c’est là, sans doute, un conseil utile ; et c’est ainsi que l’Académie a conçu l’objet et le caractère du prix mémorable qu’elle décerne.

Le nouveau travail d’un homme justement célèbre à d’autres titres nous a paru, sous deux formes différentes offrir dans un haut degré ce mérite de la composition et du style que l’Académie avait à reconnaître et à couronner. Quelques considérations sur notre histoire, quelques récits empruntés à nos vieux temps, voilà tout cet ouvrage. Une heureuse diversité de sujets et de matières en augmente l’effet par le contraste. Vous ouvrez un livre de Légendes Mérovingiennes, dont la naïve et pure expression vous charmera; et ce que vous rencontrez d’abord, c’est une histoire tout intellectuelle de systèmes et d’idées, c’est la discussion des origines françaises telles que chaque siècle les a supposées, et telles que le nouvel historien les démontre, avant de les décrire. Le savant et le publiciste peuvent s’attacher à ces premières pages dans lesquelles sont résolus, avec une profondeur toujours méthodique et sensée, quelques problèmes où s’est parfois trompé Montesquieu, et qui ont fait travailler tant d’esprits élevés, depuis notre ancien secrétaire l’abbé Debos jusqu’au paradoxal et éloquent Montlosier.

M. Thierry, dans cette œuvre de haute critique, donne une double leçon : il dissipe l’erreur, et il montre comment elle s’est formée, il rétablit la vérité des temps anciens ; et il explique le faux point de vue des temps intermédiaires, nous avertissant ainsi que chaque siècle met beaucoup du sien dans le passé qu’il étudie, et qu’en redressant tout le monde, il faut nous défier un peu de nous-mêmes. Il y a cependant une perspective qui est la vraie, et si quelqu’un peut s’y placer par le constant effort de la science et de l’imagination réunies, si comme nous le croyons, il n’est rien en histoire d’impénétrable à cette seconde vue que la méditation porte en soi, il appartenait à M. Thierry d’éclaircir l’obscurité de nos origines nationales, d’en fixer les éléments certains, d’arriver à la conviction sans être partial, et d’avoir raison avec nouveauté.

La rectification systématique de quelques noms propres est ici secondaire : si parfois elle a pu sembler contestable l’intérêt et la lumière que l’auteur a jetés sur les premiers temps de notre histoire n’en subsistent pas moins. Les nouvelles Considérations de M. Thierry ont fait, pour les origines de la nation, ce que ses Lettres sur l’histoire de France avaient fait pour les origines des Communes. Que si vous ajoutez au mérite de la méthode et de la sagacité ce choix heureux d’idées accessoires qui développe et confirme une première vue, cette expression juste et forte qui met la vérité en relief et laisse un long souvenir, vous ne serez pas étonnés que cette partie de l’ouvrage de M. Thierry ait paru, dans l’opinion de juges sévères, mériter à elle seule la plus haute distinction.

Mais l’art savant de l’auteur s’était ménagé un autre succès, plus populaire par les beaux et touchants récits qui forment une moitié de son livre. Là, ce n’est plus la pénétrante analyse du passé ; c’est le passé même qui revit par une admirable intelligence des mœurs barbares et cette connaissance du cœur humain qui retrouve sous tous les costumes le pathétique et le naturel. On dira que ces récits étaient dans les chroniqueurs du temps. Ils y étaient, sans doute, informes, épars, inaperçus ; mais le talent qui les remet au jour, la préoccupation érudite et naïve qui nous les rend comme d’anciens épisodes inséparables de notre histoire l’émotion et la simplicité du langage, tout cela est l’œuvre de l’écrivain moderne, la création de son savoir et de son art.

L’Académie, en se séparant de tout souvenir, de toute séduction, même la plus légitime, celle d’une juste célébrité, a donc pensé, Messieurs, que le prix fondé par le baron Gobert était dû au dernier ouvrage de M. Augustin Thierry.

Et maintenant que ce prix est proclamé, si la France littéraire se reporte aux premiers temps de la vocation historique dont il est la couronne; si elle regarde cette carrière laborieuse, éclatante, dévouée si elle compte les monuments qui l’ont déjà marquée, et surtout cette Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, titre immortel pour l’historien et pour notre pays, n’approuvera-t-on pas l’Académie d’avoir, en se montrant équitable pour un récent et bel ouvrage, honoré tous les travaux d’une vie entière et d’un rare talent ? Et n’est-il pas de bon exemple aussi, Messieurs, que, dans notre époque de prétentions si actives, une récompense si éclatante s’adresse au mérite seul, sans faveur, sans appui, et qu’elle aille le chercher dans la retraite, où il est incessamment retenu par la souffrance, la privation de la vue, et cette grande consolation de l’étude, dont le suffrage public peut seul doubler le prix, en y ajoutant la gloire?

Une seconde récompense était réservée à l’ouvrage qui aurait le plus approché du premier rang; l’Académie la décerne à l’Histoire de Louis XIII, par M. Bazin. Ce sujet, qui embrasse le gouvernement et la vie du cardinal de Richelieu, avait été déjà de nos jours habilement traité. Mais l’histoire est toujours à faire ; et tout esprit distingué, en s’aidant lui-même du progrès d’idées qu’il adopte ou qu’il combat, découvre dans les événements racontés par d’autres des leçons et des vues nouvelles. Sans avoir épuisé la double tâche qu’il s’était proposée, la peinture d’une époque historique et d’un grand homme, M. Bazin a fait un ouvrage instructif et piquant. Si quelques événements n’offrent pas dans ses récits le pathétique terrible auquel s’attendait l’imagination du lecteur, on n’en doit pas moins apprécier la finesse impartiale de son esprit. Il explique plus qu’il ne peint ; mais une pénétration ingénieuse éclaire tous ses récits: et dans l’art si difficile de l’histoire l’étendue et la précision des recherches l’intelligence exacte des grandes choses, et le talent d’écrire soutenu dans un long ouvrage, sont des qualités rares, dignes d’un succès durable.

Ce vif intérêt accordé de nos jours aux études historiques paraîtra sans doute, avoir influé sur le choix de l’Académie dans le jugement d’un autre prix dont la générosité d’un autre fondateur nous a faits dépositaires. Chargée de couronner un ouvrage utile aux mœurs, l’Académie a unanimement désigné le beau travail de M. de Beaumont, L’Irlande sociale, politique et religieuse. Il lui a paru, en effet, que jamais démonstration plus convaincante et plus utile n’avait été donnée à la plus haute morale, à celle qui commande aux nations l’humanité, la justice, le respect de la conscience et du droit. Il lui a paru également que jamais plus bel exemple n’avait été offert de la dignité humaine et de la puissance irrésistible que la conviction peut exercer contre la force. La première de ces leçons est dans la longue série d’embarras et de périls qu’une puissante et habile nation s’était suscités à elle-même, par cela seul qu’elle avait été injuste et voulait continuer de l’être. La seconde leçon morale, ou plutôt le grand spectacle dignement tracé par M. de Beaumont, c’est la persévérance, qui faisant grandir le peuple irlandais au milieu d’une oppression inouïe, a enfin amené pour lui la paix religieuse et l’égalité civile et législative, en le rendant le libre et affectionné sujet de cet empire, dont il était depuis tant d’années l’indomptable et malheureux esclave.

Le publiciste qui, de bonne heure, épris de cette noble cause, est allé sur les lieux mêmes l’étudier, s’unir à elle, est en même temps celui qui donne à l’Irlande des conseils de modération pour que la victoire exclusive d’un culte ne se substitue pas à celle d’un autre, et que le mouvement démocratique qui précédait l’émancipation, et qui la suit encore, se modère et s’arrête à propos.

Quelles que soient les objections qu’on peut opposer parfois aux vues présentées par l’auteur, il est impossible de ne pas honorer son amour du bien, sa politique constamment généreuse, son intérêt si attentif et si tendre à la destinée du peuple dont il a peint la délivrance, et dont il poursuit le bonheur, comme la solution du problème qu’il s’était posé. Nobles études d’un esprit actif et pénétrant, spéculations élevées, sans cesser d’être éclairées par les faits et soumises à l’expérience ! En Irlande on ne voulait pas croire, tout récemment, que ce livre, où l’Irlande est peinte d’une manière si touchante et si vraie, fût l’ouvrage d’un étranger; M. de Beaumont avait prouvé, par un exemple de plus, que le génie communicatif de la France sait tout comprendre et tout exprimer, et que, par l’étude et la sympathie populaire, il n’est étranger nulle part. Nous devons lui en savoir gré ; et l’Académie lui décerne le grand prix Montyon.

Après les ouvrages où le talent sert à recommander avec éclat, et à renouveler avec cette autorité quelque grande vérité morale, il n’est rien de plus digne de ces prix que les recherches judicieuses, les études approfondies et pratiques sur quelques-unes des misères humaines, et sur quelques-uns des remèdes qu’y peuvent apporter la religion, les mœurs et le travail. Là, comme ailleurs, sans doute, les livres ne font pas tout ; et il y a parfois un luxe de paroles bien stérile auprès des œuvres. Cependant de nos jours, et dans notre civilisation complexe, le bien même ne se fait pas sans la science. Deux ouvrages, sur ce rapport, ont particulièrement fixé l’attention de l’Académie. L’un, dont l’auteur est M. de la Farelle, ancien magistrat, indique, par le titre seul, une pensée utile et nouvelle, Du progrès social au profit des classes populaires non indigentes. C’est une réponse à beaucoup de déclamations et de systèmes ; c’est le travail d’un esprit vraiment spéculatif, qui hait la violence, et qui voudrait voir le bien-être et la lumière s’étendre paisiblement à tous les rangs d’une société libre et gouvernée. De studieux voyages, des connaissances précises en statistique et en économie, l’enthousiasme du bien sans illusion, la conviction sans esprit sectaire, donnent du prix à cet ouvrage. L’auteur y combat parfois une opinion qui s’annonçait de nos jours comme une religion, et qui l’était si peu, qu’elle a disparu en moins de dix années. Mais il ne méconnaît pas les circonstances sociales auxquelles cette opinion avait dû naissance : les analysant avec justesse, il en trouve le correctif en elles-mêmes; et, de l’esprit d’égalité, de l’émulation pour le bien-être, de cette amélioration matérielle qui accroît et multiplie le travail, de cette amélioration morale qui seule donne du prix et de la dignité au bienêtre, il fait sortir avec le progrès des individus, la stabilité du pouvoir.

Dans cette utopie, souvent appuyée sur des chiffres, il reste beaucoup à faire, sans doute; et tout n’est pas également démontré ; mais on ne peut qu’honorer ce sage et généreux publiciste des classes populaires qui, parcourant sans cesse les lieux où elles s’instruisent, où elles souffrent, où elles travaillent, recherche tout ce qui peut les éclairer sans exalter leur orgueil et veut améliorer à la fois leurs sentiments et leur état social. Rien de plus essentiel à cet égard que l’instruction primaire partout répandue et sagement graduée, telle que la conçoivent les pouvoirs de l’État, et telle que récemment un vote législatif vient de l’encourager avec une prodigalité judicieuse. Les bons ouvrages sur ce sujet, ceux qui sont le fruit du dévouement et de l’expérience, ne sauraient obtenir trop de faveur. C’est en ce sens que l’Académie a placé près du savant traité de M. de la Farelle un simple manuel de l’instruction primaire, le livre de mademoiselle Sauvan, ce livre écrit avec simplicité par une personne d’un esprit distingué, après trente ans de travaux et de vertus.

L’Académie décerne à chacun de ces deux ouvrages une médaille de trois mille francs.

Un ouvrage également lié à l’instruction primaire, et qui la suit dans la famille pour la mettre toujours en rapport avec l’intérêt de l’État, le Cours de morale sociale, par M. Dinocourt, reçoit de l’Académie une médaille de 2,000 fr., comme premier encouragement à d’utiles travaux. D’autres médailles semblables sont partagées entre des ouvrages où l’Académie a reconnu, sous des formes très-diverses, la même empreinte d’utilité morale.

Dans la Philosophie sociale de M. Hello, le sentiment et la tradition des vertus de l’ancienne magistrature se produisant avec force et gravité ; dans les Mélanges littéraires de M. Gérusez, l’érudition choisie, l’élégance du style, la pureté des sentiments et du goût, ont obtenu les suffrages de l’Académie ; et elle a cru devoir signaler ce mérite indépendamment des autres éloges que peuvent attirer à ces deux ouvrages la science du jurisconsulte et le talent du critique.

L’histoire de France élégamment abrégée par M. Mennechet, et contenue dans les limites d’un récit intéressant et moral, a paru digne de la même distinction. Enfin l’Académie, pour être juste, a voulu récompenser le talent qu’une jeune personne, travaillant par un pieux devoir, a trouvé dans la pureté du sentiment filial qui la force d’écrire. Elle décerne à mademoiselle Crombach une médaille de 1,500 francs.

Sans prétendre être plus sévère sur le goût que sur la morale, l’Académie ne décernera pas, cette année, le prix qu’elle avait proposé depuis trois ans pour une question de littérature et d’érudition moderne, l’Influence du génie espagnol sur les lettres françaises au commencement du dix-septième siècle. Un seul ouvrage remarquable lui était parvenu sur ce sujet ; et cet ouvrage, très-ingénieux dans quelques parties, était d’ailleurs incomplet et n’appréciait pas la part d’originalité personnelle et nationale qui s’est maintenue sous cette imitation.

L’Académie attend de nouveaux candidats à ce savant concours.

Elle décerne aujourd’hui le prix qu’elle avait proposé pour un sujet tout français, l’éloge de madame de Sévigné ; et elle s’est félicitée que ce nom ait appelé un talent digne de le célébrer. La femme qui fut un grand écrivain dans le siècle de Bossuet, sans écrire autre chose que des lettres à sa fille, méritait d’être louée de nos jours par une autre femme, par celle qui, dans des poésies célèbres, échappées de sa pure et modeste retraite, a donné tant de charmes à l’expression des sentiments de famille, et n’a jamais séparé l’imagination et la vertu. L’Académie couronne l’éloge de madame de Sévigné par madame Tastu.

La cour de Louis XIV et la terre des Rochers, la vie de madame de Sévigné, son esprit éblouissant, ses conversations, ses lectures, sa tendresse, son génie qui s’est formé de tout cela, revivent dans cet éloge, quelquefois avec ses propres paroles et toujours avec une aimable vivacité, d’heureuses et simples paroles, un esprit qui ne coûte rien au naturel, une grâce digne du sujet et qui lui ressemble. Le discours même qu’on va lire me dispense d’en parler davantage, et fera paraître ce que j’ai dit bien faible. Ajoutons seulement un mot c’est que le discours qui vient après, l’accessit auquel l’Académie a voulu décerner une médaille, est un travail très-distingué, parfois trop savant, mais toujours spirituel, et même éloquent lorsque l’orateur peut se montrer sérieux à son aise comme, par exemple dans une belle description de Port-Royal, dont madame de Sévigné aurait su gré à son jeune et austère panégyriste : l’auteur de cet ouvrage est M. Caboche, professeur de l’Université, dont le nom sera bientôt honorablement connu dans les lettres. Enfin, après ce discours vient encore l’ouvrage élégant d’une autre femme, à laquelle le siècle et le génie de madame de Sévigné ont inspiré de fines réflexions et d’ingénieuses peintures.

Un si heureux retour vers les modèles du XVIIe siècle invite l’Académie à chercher encore dans cette grande époque les sujets de ses concours ; elle propose aujourd’hui l’éloge de Pascal, de ce grand et multiple génie qui, disant lui-même, avec un modeste orgueil, que la géométrie devait être l’essai et non l’emploi de notre force, indiquait assez que, pour analyser les puissances de sa pensée, il faudra surtout faire ressortir son caractère de profond moraliste et d’écrivain sublime.

Pour sujet de prix de poésie, l’Académie propose un des grands spectacles qui frappent aujourd’hui nos yeux, l’Influence de la civilisation chrétienne en Orient ; et elle se plaît à penser qu’en célébrant cette influence, on rencontrera partout, depuis les bords du Nil et les plaines de la Morée jusqu’aux gorges de l’Atlas, les souvenirs anciens et récents de la valeur et de l’humanité française.