Le sonnet et l'épée

En 1935

Henri de RÉGNIER

LE SONNET ET L’ÉPÉE

PAR M. HENRI DE RÉGNIER

 

À la mémoire de
José-Maria de Heredia.

 

Le Sonnet fait penser à quelque belle Épée
Dont s’offre la poignée à la main pour appui,
Et dont la lame sans défaut s’effile et luit,
Flexible, étincelante et finement trempée.

Comme elle, qui naquit de l’enclume frappée,
Le Sonnet, héroïque ou courtois, mêle en lui,
Dans le métal sonore où le mot chante et bruit,
Aux soupirs de l’amour un écho d’épopée.

Il est arme ou joyau. D’entre ses deux quatrains
Où l’idée est enclose aux huit alexandrins
Son tercet redoublé sur trois rimes s’élance,

Tel que, hors du fourreau, la lame resplendit,
Et, de son dernier vers où le sens se condense,
Enfonce, en l’y laissant, la pointe dans l’esprit.

 

(Extrait de 1635-1935 Trois siècles de l'Académie française par les quarante, Éditions Firmin-Didot et Cie).