Sur la découverte de l’ingénieux peintre du Diorama

Le 2 mai 1839

Népomucène LEMERCIER

SUR LA DÉCOUVERTE DE L’INGÉNIEUX PEINTRE DU DIORAMA.

LU DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DU 2 MAI 1839,

PAR M. LEMEBCIER.

 

EXPOSÉ PRÉLIMINAIRE.

 

 

Il est nécessaire qu’un court préambule introduise clairement mes auditeurs dans l’artifice de composition du poème dont le sujet est l’éloge de la découverte du célèbre artiste, M. Daguerre ; cette découverte intéresse également l’Académie des sciences et l’Académie des beaux-arts : car elle tient à la fois aux études du dessin et de la physique ; et ses conséquences amèneront de fructueuses recherches et des progrès encore incalculables, mais déjà pressentis.

J’ai voulu qu’à l’occasion de l’hommage ici rendu, l’emploi d’une nouvelle invention poétique s’appliquât à cette découverte extraordinaire.

On sait que l’ancienne mythologie, désormais épuisée par une succession de chefs-d’oeuvre, expliquait les phénomènes naturels par des êtres symboliques, représentations agissantes de chaque principe des choses, de leurs éléments et de leurs effets, tels qu’on croyait les connaître avant nous. Ses dieux, son Olympe, ses emblèmes ne sont plus les nôtres ; et nos systèmes diffèrent des siens. D’autre part, le soleil hébraïque cheminait dans le ciel de l’Asie, puisque Jéhovah, du haut du paradis, l’arrêtait parfois miraculeusement. Selon les traditions des Hellènes et les idées des peuples idolâtres, voués au panthéisme, leur soleil voyageait de l’orient à l’occident autour de la terre. Leurs fables nommaient Apollon ou Phœbus le dieu du jour, frère de la fille de Latone, et lui attribuaient des coursiers qui parcouraient l’étendue.

Notre soleil, celui que nous révélèrent Galilée et Copernic, est fixe ; et notre globe tourne actuellement sur ce centre, pivot planétaire dont le mouvement dans l’espace n’a pas encore été bien défini.

Or, du mot grec Ηλίος, je le nomme HÉLION. Le fluide lumineux et le calorique en sont les émissions continues je nomme la lumière solaire LAMPÉLIE, d’après l’étymologie grecque ; et de même la chaleur, PYROPHYSE, signification radicale du feu de la nature l’une et l’autre sont sœurs, et filles de l’astre qui nous échauffe et nous éclaire à la fois.

Ces dénominations harmonieuses suppléent aux termes techniques et secs, toujours réprouvés par la poésie, qui ne les admet pas, qui doit les traduire en son idiome sonore, et qui ne caractérise son origine supérieure et sa sublimité qu’en nous élevant par son langage, par ses divinations et par les hautes vues des objets qu’elle consacre, qu’en nous transportant, si je puis le dire, au-dessus de notre habituelle atmosphère, à l’exemple d’Orphée et d’Hésiode.

Les imitations modernes n’ont emprunté jusqu’ici que les formes de la poésie antique : je me suis efforcé de nous en approprier le principe et le fond.

Le penchant des versificateurs de notre siècle est de rabaisser l’art des muses aux réalités pratiques et triviales, aisément compréhensibles au vulgaire. Ce n’est pas un progrès ; c’est une décadence. L’enthousiasme originel des anciens tendait, au contraire, à rehausser l’intelligence humaine en l’initiant aux secrets de la nature, révélés par des fables élégamment idéales, et par une diction métrique et choisie qu’ils appelaient langue des dieux. Les vieilles chroniques m’ont appris qu’un jeune astronome s’appliquait durant ses veilles à suivre, à étudier les phases du cours de la lune et à les expliquer. L’antiquité mythologique nous le présenta sous l’image retracée par le pinceau de Girodet, qui l’éclairé d’un regard de la chaste divinité nocturne qu’a séduite son amour. Cette fable, modèle de la mienne, peut-être autorisera mon invention allégorique.

Ce n’est pas sans encouragement que je vous expose le fondement de ma théorie, dont je fis déjà l’application plus générale à la philosophie newtonienne, dans mon Atlantiade. Le savant géomètre Lagrange daigna m’approuver d’avoir tenté de créer pour les muses de notre age merveilleux d’une théosophie, non contradictoire des vérités positives, et conforme à nos connaissances acquises.