Rapport sur le concours de poésie de l’année 1811

Le 25 août 1811

Jean-Baptiste-Antoine SUARD

RAPPORT

DE M. SUARD,

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE,

SUR LE CONCOURS DE POÉSIE DE L’ANNÉE 1811,

 

 

La classe de la langue et de la littérature françaises avait à décerner, cette année, deux prix de poésie. Le sujet du premier était les Embellissements de Paris, et c’est pour la troisième fois qu’il est mis au concours. La nature et l’importance de son objet imposaient à la classe quelque sévérité : dans les jugements qu’elle devait porter sur les pièces qui lui étaient adressées. Dans les deux premiers concours, elle n’en a trouvé aucune où le sujet lui ait paru traité avec un degré d’intérêt et de talent digne d’une couronne. Ses espérances ont été remplies dans le concours dont nous allons rendre compte. De vingt-trois pièces qui ont été admises, trois ont mérité une distinction particulière. La pièce enregistrée n  22 ayant pour épigraphe : Stetit mirans et dixit : En gloria patriae, a été jugée digne du prix. L’auteur est M. Victorin Fabre, déjà couronné cinq années consécutives dans cette même enceinte, et dont les triomphes multipliés, soit en vers, soit en prose, semblent promettre un écrivain fait pour soutenir l’honneur des lettres françaises, dans ce moment où un gouvernement éclairé fait de si généreux efforts pour en prévenir la triste décadence.

Un premier accessit a été adjugé à la pièce n° 21, ayant pour épigraphe : Imperium est Jovis... cuncta supercilio moventis. L’auteur est M. Millevoye, qui a été couronné quatre fois dans nos derniers concours.

Le n° 20 ayant pour épigraphe :

« Tu triomphes, Lutèce, et la ville éternelle
Descend enfin du trône où ton héros t’appelle, »

a obtenu un second accessit. Quoiqu’il ait été jugé inférieur en mérite au n° 21, on y a reconnu cependant un talent pour la poésie très-décidé, et dont l’auteur, M. Soumet, a donné déjà des preuves dans un poème intitulé l’Incrédulité, qu’il a publié il y a dix-huit mois, n’ayant encore que vingt-deux ans.

Le sujet du second prix était la Mort de Rotrou. Le noble et touchant dévouement de l’auteur de Venceslas était bien digne d’exciter la verve de nos jeunes poëtes. La lutte a été aussi heureuse que brillante : de vingt et une pièces admises au concours, cinq ont été distinguées, non par un égal degré de talent, mais par divers genres de mérite dignes d’estime et d’encouragement. La pièce enregistrée n° 21, ayant pour épigraphe un vers grec de Tyrtée, a paru supérieure à toutes les autres, et on lui a adjugé le prix. L’auteur est M. Millevoye, qui, n’ayant eu que le second rang pour le premier sujet qu’il a traité, reprend ici la première place, qu’il a précédemment occupée plus d’une fois.

La pièce n° 15, ayant pour épigraphe : Il était digne d’avoir des talents, car il eut des vertus, a obtenu l’accessit, et la classe a témoigné le regret de n’avoir pas un second prix à donner à cet ouvrage. L’auteur est M. de Latouche parent de Guimond de Latouche, â qui nous devons la tragédie d’Iphigénie en Tauride. Son nom n’avait paru encore dans aucun de nos concours ; mais le talent qu’il annonce, excité par ce premier succès, et perfectionné par de nouvelles études, semble lui promettre s’il rentre dans la lice, des triomphes plus complets.

Le n° 6, ayant pour épigraphe : Cui mens divinior, et le n° 9 :

« Non ille pro caris amicis
Aut patria timidus perire, »

ont été jugés dignes d’être mentionnés, comme offrant des détails heureux et des tirades bien écrites.

Une circonstance que nous ne devons pas omettre, parce qu’elle est intéressante par elle-même et d’un heureux présage pour l’avenir, c’est que des quatre poètes qui ont obtenu les prix ou les accessits, le plus âgé n’a pas encore vingt-huit ans.

La classe a annoncé, dès l’année dernière, l’Éloge de Montaigne pour le sujet du prix d’éloquence dans le concours de 1812 : elle croit devoir aussi ‘annoncer d’avance le sujet du prix de poésie qui sera décerné en 1813. Le sujet proposé est un Épisode du genre épique, soit d’invention, soit tiré de l’histoire, mais non traduit ni imité d’aucun poëme ancien ni moderne.

Les ouvrages envoyés au concours doivent être remis au secrétariat de l’Institut, le 15 janvier 1812, pour l’Éloge de Montaigne, et le 15 janvier 1813, pour l’Épisode épique. Le terme est de rigueur.

Les autres conditions du concours sont les mêmes que pour les concours précédents.