Funérailles de M. le duc de Lévis

Le 18 février 1830

Charles-Guillaume ÉTIENNE

 

FUNÉRAILLES DE M. LE DUC DE LÉVIS

DISCOURS DE M. ÉTIENNE,
CHANCELIER DE LACADÉMIE FRANÇAISE.

JEUDI 18 FÉVRIER 1830

 

MESSIEURS.

« Organe de l’Académie Française, je viens payer un triste et dernier hommage au littérateur qui partagea ses travaux, et ne les négligea point même au milieu des prestiges du pouvoir et des fatigues de la vie politique. Chargé de toutes les dignités que donne la naissance, ou que confèrent les hauts emplois de l’État, M. le duc de Lévis jouissait avec le plus de bonheur des titres qui sont le prix du mérite ou la conquête de l’esprit, et aimait à faire briller la simplicité de la palme académique sous le faste des éclatantes décorations de la faveur.

« Dans l’éloignement si cruel de la patrie, les lettres l’avaient consolé ; il ne se montra point ingrat, quand vinrent à luire des jours plus heureux ; et si elles avaient tempéré pour lui les douceurs de l’exil, elles charmèrent plus d’une fois les ennuis de la grandeur. C’est au sein de nos pacifiques études qu’il venait s’en délasser et goûter ce plaisir si doux de la fraternité littéraire, véritable jouissance pour les âmes élevées et pour les nobles esprits.

« Le cœur de M. le duc de Lévis était fermé à toute haine, à tout ressentiment ; il n’avait rapporté de la terre étrangère que le fruit de ses savantes observations : il revint pauvre dans le sein de sa patrie, pour l’enrichir du tribut de connaissances qu’il avait levé sur un peuple industrieux

« Au milieu d’une émotion si vive, d’une douleur si profonde, n’attendez pas que je retrace cet esprit si divers qui embrassait la science de l’économiste et du législateur, la délicatesse de l’homme de goût et la sagacité du peintre de mœurs. Je dois seulement parler sur la tombe de l’homme de bien, de l’excellent confrère qui ne fut jamais qu’homme de lettres à l’Académie, et fut toujours moraliste à la cour. C’est aux heureuses qualités de son cœur, à la générosité de son caractère, à l’aménité de son esprit conciliant, à son amour éclairé pour tout ce qui pouvait ajouter aux améliorations sociales et à la splendeur des lettres et des arts, que je me plais à offrir le témoignage de l’estime d’une Compagnie affligée de perdre eu lui un collaborateur assidu, et au sein de laquelle, il y a peu de jours encore, il apportait le trésor de connaissances si utiles et si variées

« En présence de ses restes mortels, qu’un panégyrique serait froid pour la douleur qui les entoure ! C’est le jour des regrets ; celui des éloges viendra, et une bouche plus éloquente décernera à la mémoire de l’écrivain et de l’homme politique un hommage digne d’un noble talent et d’une belle renommée. Aujourd’hui, ma faible voix ne saurait que se mêler aux gémissemens des objets les plus chers de ses affections ; les lettres le pleurent comme l’amitié : leur deuil est aussi un deuil de famille. »